mercredi 22 août 2007

• Il suffit de demeurer sans artificialité - Patrul Rinpoche

Vu sur : http://mahasiddhas.blogg.org/date-2007-01-21-billet-519723.html



"A nouveau, Rimpoché parla :


Vous, grands méditants, hommes ou femmes qui demeurez dans des retraites de montagne durant un nombre fixe d'années, écoutez un moment ce qu'un méditant vous dit.

Jusqu'à présent, nous avons tous tourné dans le grand océan de souffrance qu'est le samsara. Longtemps, nous avons expérimentés une souffrance très intense et nous avons erré à travers les six royaumes l'un après l'autre. Ainsi, nous avons dû endurer des souffrances inimaginables pour naître et mourir. Et la raison de tout cela est qu'à cause de notre ignorance, nous n'avons pas compris la nature de notre propre conscience éveillée. (...)

Certains grands méditants disent que la nature de l'esprit est difficile à saisir. Ce n'est pas difficile du tout. L'erreur, c'est de ne pas comprendre la méditation. Il n'est pas besoin de chercher la méditation et il n'est pas besoin de l'acheter. Il n'est pas besoin de la faire et il n'est pas besoin d'aller la chercher. Il n'est pas besoin de travailler à la méditation. Il suffit de demeurer dans l'état qui autorise la libre émergence de tout ce qui peut apparaître dans l'esprit. (...) Quoi qu'il survienne dans l'esprit, il suffit de demeurer sans artificialité, calmement et sans vaciller sur tout ce qui se produit. Joie et félicité viendront sans effort. Lorsque la pratique du Dharma semble difficile, c'est simplement le signe de nos propres fautes et souillures.

Certains grands méditants ne demeurent pas, comme cela est nécessaire, sur l'esprit lui-même mais recherchent inutilement l'esprit ici ou là. En regardant et cherchant de la sorte ici ou là, l'esprit n'est pas compris. C'est l'erreur de ne pas comprendre le sens réel. On n'a pas besoin de regarder et de chercher ici ou là. Demeurez simplement sur l'esprit qui regarde et qui cherche ici ou là. (...)

Toutes les pensées qui apparaissent en vous, bonnes ou mauvaises, subtiles ou grossières, quelle que soitla manière dont elles surgissent, sont l'énergie naturelle sans entrave de la conscience éveillée. Aussi ne cherchez pas de fautes. N'acceptez pas, ne rejetez pas. Maintenez sans saisie ce qui directement survient et se libère spontanément. Maintenez la simultanéité de l'émergence et de la libération.

Peu importe quelle sorte d'activité vous faites, agissez sans penser, avec aise et spontanéité. Sans saisir, demeurez détachés et libres. Sans fixer aucun objet, conserez la fluidité. Inné, s'écoulant, s'écoulant. S'écoulant, s'écoulant sans cesse. Restez détendus, dans la compréhension de l'absence de nature propre inhérente à toute chose.

Les yogis qui pratiquent cette conscience éveillée instantanée ont peu de besoins. Bien qu'il y ait de nombreux Dharmas à étudier, il n'est rien qui ne se ramène à la conscience éveillée. Aussi arrêtez les activités du Dharma et alors, la conscience éveillée instantanée devient très facile. Cela est très dangereux pour le Samsara. C'est le plus grand destructeur de la confusion. Cela mène rapidement à la bouddhéité et cela accomplit promptement notre propre bien et celui d'autrui. (...)

Connaissant ce point essentiel, vous devez être diligents dans la pratique de la conscience éveillée. La vie est facilement gaspillée en distraction, aussi est-il vital de se prémunir contre la distraction. Voilà tout ce que j'avais à dire"

(Extrait d'un texte de Patrul Rimpoché, in La simplicité de la Grande Perfection, trad. James Low, Editions du Rocher (1994) 1998, pp. 125-129).

6 commentaires:

vincent a dit…

Que dire d'autre?
simplicité et évidence de la conscience éveillé! Pas d'effort, pour "être cela" cesser d'agiter l'esprit pour le chercher quelque part ailleurs que dans ce qui se manifeste.
Comme disait Ramana "la question qui suis-je" n'est pas une invitation à analyser l'esprit pour en arriver à un certain nombre de conclusion quant à sa nature. Pas plus qu'elle n'est un mantra. Elle est simplement un outil facilitant le déplacement de l'attention, des objets de pensée et de perception vers celui qui perçoit, qui pense.
la solution à la question "qui suis-je?" ne doit pas être trouvée dans ou par l'esprit puisque la seule réponse est la constatation expérimentale de la non-existence de l'esprit".......

patrice a dit…

je découvre toute la richesse de ce blog, vraiment bravo Patrice pour ce choix particulièrement éclairé de textes et vidéos.
J'avais traduit le texte anglais de James Low à la demande de Tchimé Rigdzin Rinpoché et par un incroyable concours de circonstances, j'avais réussi à la faire publier dans une maison d'édition respectable et ça me fait plaisir d'en trouver un extrait ici.
Juste une chose concernant ce texte dzogchen. Il s'adresse à des pratiquants déjà "initiés", c'est à dire qui ont été introduits à la conscience éveillée, qui l'ont reconnue et s'y sont au moins quelque peu familiarisés (ce qui correspond aux deux premiers des trois aphorismes de Garab Dordjé). Celui qui est dans le questionnement "qui suis-je" et n'a pas encore eu de révélation à ce sujet pourra difficilement utiliser les instructions de ce texte, et pourra même se fourvoyer quelque peu, s'il prend rigpa, ou la conscience éveillée, pour un état de calme, sans pensée, ou confortable et détendu, qui survient certes dans la méditation, mais qui peut être une forme dépouillée d'alaya vijnana, la base 'impure' plutot que rigpa. Méfiance donc, et dans le doute toujours essayer d'en référer à un maître, car la différence peut être subtile entre les formes les plus subtiles de samadhis samsariques et la simplicité naturelle de rigpa.

Patrice a dit…

Bonjour Pat,

Quelle étrange coïncidence ! Lorsque vous étiez encore en train de chercher un Éditeur pour "La simplicité de la grande perfection", mon amie Fanchon, des Éditions du Rocher, m'avait alors demandé ce que je pensais de cet ouvrage... Je lui ai dit alors de foncer, car peu de livres traitant du dzogchen étaient disponibles en langue Française. Je lui ai dit que même si cet ouvrage ne toucherait qu'une poignée d'intéressés, il devait absolument être publié ! Donc, oui, un "incroyable concours de circonstances" dont je fais peut-être indirectement partie !

Une demande perso pour ce blog : si vous avez un enseignement à proposer sur "ne jung rig sum", je suis partant ^-^
Bien à vous.

Pat06

patrice a dit…

hahaha! Alors merci mille fois à vous. Effectivement, Fanchon a joué un rôle clé d'intermédiaire auprès de JP Bertrand, (qu'elle en soit aussi et encore remerciée). Il est incroyable de voir comment interagissent les forces sous tendues par la loi de cause à effet.
"Nè joung Rig soum " ne me dit rien. Il existe bien une technique préliminaire dzogchen nommée "Joung Nè dro soum" où l'on "part à la recherche de l'esprit" (d'où viennent(joung) les pensées, où demeurent elles (nè) et où s'en vont elles (dro) mais je ne sais si c'est de cela que vous parlez...

Patrice a dit…

Non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. "ne gyü rig sum" n'est pas une pratique en soit, mais une façon de demeurer dans la contemplation, en gardant la conscience claire (rigpa) à la fois dans l'immobilité/tranquillité (né - népa, demeurer) et le mouvement (gyü - l'émergence). Ainsi, on unit les trois (sum), c-a-d la présence éveillée à la fois dans l'état calme, sans le saisir ni y sombrer, et dans le mouvement/émergence des pensées, sans être dérangé ni distrait. Et on arrive au point où il n'y a plus de distrinction dans sa pratique entre tranquilité et mouvement. Dudjom Rinpoché enseignait beaucoup, parait-il, sur cette façon de demeurer afin de reconnaître tout expérience comme le déploiement de rigpa...
Juste pour faire court !

patrice a dit…

ok, là je comprends. C'est une manière d'exposer l'attention naturelle et spontanée qui se développe de par la familiarisation ou la fréquentation de la claire lumière de rigpa.
Je ne pense pas que vous trouverez des textes explicitant cela car ça fait plutôt partie du Ngontri, les préceptes oraux qui sont transmis de bouche de maître à oreille d'élève, mais ne sont jamais couchés sur le papier. Les textes sont des aides mémoire, un mot, une phrase permettant de se relier instantanément à l'enseignement oral du maître, mais toute la richesse de l'enseignement tient dans ce ngontri, ce partage, ce don du maître, où non seulement le maître vous transmet la quintessence des instructions, mais également sa réalisation. C'est là vraiment que la notion de lignée prend tout son sens: des détails fondamentaux qui ont été expérimentés et ont permis à ce courant d'enseignants d'atteindre le but.
Je ne peux qu'encourager ceux qui sont intéressés par cette voie à rencontrer des maîtres dzogchen en chair et en os.