lundi 16 décembre 2024
samedi 14 décembre 2024
mercredi 11 décembre 2024
• La lumière qui revient à la lumière
Le dzogchen, tradition tibétaine la plus secrète, offre à voir de rares cas d’un phénomène extraordinaire. À la mort de pratiquants particulièrement accomplis, leur corps physique se dissout en lumière, ce qu’on appelle le corps arc-en-ciel. Étudiant un cas récent, Francis Tiso fait le rapprochement avec la résurrection de Jésus-Christ. Le dzogchen ancien devrait-il quelque chose aux enseignements contemplatifs du christianisme syriaque, diffusé le long des Routes de la soie jusqu’en Chine dès le VIIe siècle ?
Enquête ethnographique, découvertes archéologiques, anthropologie et théologie sont mobilisées pour explorer l’hypothèse vertigineuse de rencontres et d’échanges autour de pratiques visionnaires entre chrétiens et bouddhistes, manichéens, musulmans, taoïstes et hindous dans des oasis d’Asie centrale, d’où serait née la tradition dzogchen. Ce livre unique, foisonnant et érudit, bouleverse les cloisonnements traditionnels et ouvre de nouvelles perspectives, tant sur l’histoire des religions qu’à propos des pratiques spirituelles les plus élevées. La mort n’est peut-être pas la fin de toutes choses, mais la lumière qui revient à la lumière.
Comment khenpo A Chö atteignit le corps arc-en-ciel
Pour mener cette biographie à son apogée, voici un extrait que nous avons reçu de la part des moniales qui étaient ses disciples et dont le monastère se trouve de l’autre côté de la rivière de Kandzé, intitulé : « Le Char qui tire le soleil de la foi et de la dévotion. Supplément à la biographie de la glorieuse et vertueuse manifestation, le grand khenpo, Vajradhara Lobsang Ngawang Khyentsé », rédigé par Gueshé Sönam Puntsok.
« De ce qui précède, on a clairement vu [la vie de] ce seigneur, de sa naissance jusqu’à ce qu’il eût soixante-quinze ans. Pendant six ans, de ses soixante-seize ans jusqu’à ce qu’il eût atteint le corps arc-en-ciel, chaque jour et chaque nuit, il pratiqua continûment le yoga des différentes déités [en semant], sans partialité, des graines de bonheur pour le bien du Dharma et des êtres errants [dans le saṃsāra]. Il atteignit la fin de sa vie en pratiquant avec intensité, exclusivement dans des retraites sur les six syllabes du yidam Avalokiteśvara […]. Le dixième jour du sixième mois tibétain, une lettre de Sa Sainteté le Dalaï-lama arriva d’Inde grâce à la courtoisie du professeur Wangchouk Puntsok. La lettre disait :
À l’attention de khenpo Achoung [sic] de Nyarong.
Je suis heureux que vous demeuriez en bonne santé sans perdre courage, en dispensant bienfait à autrui. Ici, [je suis] aussi en bonne santé et continue d’agir pour le bien du Dharma et des êtres sensibles. Que dans le futur également, votre intention d’aider tous les êtres à pacifier les actes négatifs et à se réjouir des bienfaits de leurs actes positifs accumulés, reste inébranlable.
Du bhikṣu shakya Tènzin Gyatso, le 23ème jour du quatrième mois tibétain, 1998
Sa Sainteté joignait à cette lettre des images du Grand Compatissant Avalokiteśvara et de la Protectrice du royaume du désir [Śrīdēvī, Palden Lhamo] ainsi que des empreintes de Ses mains. [Khenpo] en fut particulièrement heureux et fit pendant un long moment de vastes et profondes prières.
À cette époque, il plut longtemps, [mais les gens] ne pensèrent pas que c’était un présage du décès du maître. […]
Peu après cela, un arc-en-ciel long et plat se dessina dans l’étendue du ciel au-dessus de la hutte [du khenpo]. Tout d’abord cinq témoins le remarquèrent, la mère Nordrön et ses enfants. Puis de nombreuses personnes le remarquèrent et s’inquiétèrent, y voyant un signe que le maître ne vivrait plus [longtemps]. […]
À cette période, tous les gens de son entourage, jeunes et vieux, vinrent en sa présence, confessèrent leurs fautes, jusqu’à avoir marché sur des vêtements [monastiques] [et promirent de] de se retenir à l’avenir. En vue de leur renaissance, ils firent les prières. Khenpo leur répondit avec grand plaisir et leur donna, sans se presser, des instructions sur ce qui devait être fait.
Le lendemain, le 7ème jour du septième mois tibétain, il mangea juste un peu, mais ne montra pas le moindre signe de maladie ou de fatigue physique. À midi, il se coucha sur le côté droit, tourna sa tête vers le nord faisant face à l’ouest, et ainsi, dans la posture du lion endormi, tenant son rosaire dans sa main et récitant de sa bouche le six syllabes, il laissa à ce moment se déployer la dissolution de son esprit dans la sphère du réel.
Immédiatement après, toutes les apparences de la vieillesse du corps telles que les rides ou l’aspect ratatiné, disparurent instantanément. Son visage reprit l’apparence de la jeunesse, douce et rosée. [Toutes les personnes du] cercle privé [du khenpo] exprimèrent unanimement [leur regret d’avoir été] tristes et affolées, sans quoi elles auraient pris une photo et cela aurait été incroyable.
Même avant cela, le seigneur avait l’odeur agréable et parfumée de la discipline, et je l’ai remarqué moi-même lors de ma première rencontre avec lui. [Après sa mort], elle devint plus forte, si bien qu’[elle se diffusait] non seulement à l’intérieur de la chambre, mais aussi à l’extérieur de la maison. Toutes les personnes qui faisaient des prosternations et des circumambulations la remarquaient sans effort.
Au-dessus de la maison cinq arcs-en-ciel apparurent durant plusieurs jours. Parfois ils s’étendaient dans tout l’espace du ciel, comme en furent directement témoins les moines et les laïcs de Lourab. De nombreuses personnes des parties hautes et basses de Horkhok les virent également. Ma nièce Tsering Chötso, son père et ses fils, [mon propre] père Tsega et les autres, virent le ciel entier, à l’Est, envahi par les arcs-en-ciel. Pendant que je demeurais en retraite solitaire, je vis de cette façon pendant deux jours, durant les intervalles des sessions de méditation, des arcs-en-ciel apparaissant par deux fois dans le ciel au-dessus du lieu saint de Tsanda. Le lendemain, j’appris la mauvaise nouvelle [de la mort de khenpo] par son neveu Sönam Gyaltsen qui m’avait été envoyé à ce sujet. Le jour suivant, je vis également [les arcs-en-ciel].
Par ailleurs, dans l’après-midi de ce même [jour], quand [le khenpo] fut libéré dans le corps de lumière, juste avant la tombée du jour, une lumière similaire aux rayons du soleil brilla depuis l’est pendant un long moment, et nous la vîmes tous.
Puis ses assistants, jeunes et âgés, prirent la responsabilité [du service funéraire], et avec la famille, les serviteurs et les disciples proches du Seigneur, ils effectuèrent tous ensemble, avec tristesse, les grandes cérémonies funéraires et les prières. Pendant ce temps, chaque jour, le corps se fit de plus en plus petit jusqu’à ce que, finalement, le jour qui suivit la semaine écoulée, sans même qu’il ne reste cheveux ni ongles, se fut manifesté le corps arc-en-ciel sans souillure, le corps vajra. Cela correspond à la prophétie de Séra Yangtrul Rinpoché, maître de ce seigneur, qui déclara que cela arriverait à quelques-uns de ses disciples les plus importants.
Selon son Inventaire essentiel : « Leur corps illusoire souillé s’effacera et ils seront libérés dans le corps de lumière sans souillure. Ils atteindront le corps arc-en-ciel, le corps du grand transfert. » Le corps arc-en-ciel du grand transfert est considéré comme étant la libération dans le corps de lumière sans même laisser les cheveux et les ongles. […]
[Ainsi s’achèvent la sélection d'extraits des sources biographiques.]
mardi 10 décembre 2024
vendredi 6 décembre 2024
• L'Un est la Source suprême, la Conscience Pure et Totale - Künjé Gyalpo (Tantra fondamental du Dzogchen)
Écoute, grand être ! Moi, la Source, je suis Pure et Totale Conscience, et comme tout est Pure et Totale Conscience, en dehors d'Elle rien n'existe.
À partir de la Pure et Totale Conscience se manifestent les divers enseignements fondés sur les caractéristiques physiques et les croyances des êtres, liés à la perception spécifique des formes et des couleurs. Tout ceci est une émanation de l'énergie compatissante de la sagesse et non quelque chose d'autre que la condition naturelle.
Tous les phénomènes ni ne cessent ni ne disparaissent jamais ; leur nature est la clarté qui jamais ne s'éloigne de l'Essence. Ceux qui, conditionnés par le désir et se basant sur le principe de la cause et de l'effet recherchent à réaliser la Réalité qui n'a jamais « bougé » ne transmettent pas mon enseignement.
Étant sans désirs, je réalise tout : sans le désirer, la Nature est déjà réalisée. Le terme de « réaliser » ne fait pas partie de mon langage mais du langage de ceux qui se basent sur la cause et l'effet.
Écoute grand être ! Ma nature ne quitte jamais sa dimension de vacuité. Ma sagesse est immuable comme le ciel. Mon être est naturellement immuable. Mon Esprit est l'essence immuable de tout ce qui existe.
Écoute grand être ! Puisque la base universelle ne varie pas dans sa dimension de vacuité, cette dimension ne peut pas du tout être transformée. Les maîtres des trois dimensions qui cherchent à transformer cette vacuité enseignent à leurs disciples à méditer pour trouver l'état calme : c'est ce qui est appelé « l'enseignement provisoire ».
De même, le ciel ne change pas : si le ciel cherchait à devenir « le ciel » il n'arriverait à rien. La nature de l'être ne change pas : si l'être cherchait à devenir sa propre nature il n'arriverait à rien. La nature de l'Esprit ne change pas : si la nature de l'Esprit cherchait à se réaliser elle-même, elle n'arriverait à rien.
Écoute grand être ! Je suis la Source suprême, Conscience Pure et Totale. Tous les phénomènes sont moi-même, et depuis le début (de la dualité) tout réside dans la condition authentique de ma nature.
Écoute ! Comme je suis dans la condition authentique, tous les phénomènes se libèrent spontanément dans la nature fondamentale. Sans avoir besoin d'altérer quoi que ce soit, le maître se libère de lui-même dans la nature fondamentale.
Écoute grand être ! Ce que je t'explique ! Depuis l'origine (de la dualité) la Conscience Pure et Totale, la Source suprême, réside dans la condition authentique transcendant tout ; cependant les diverses traditions avec leurs vues (concepts) ne sont pas capables de se détendre en Elle.
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La nature fondamentale est Pure et Totale Conscience, et moi, la Source Suprême, maître des maîtres, n'enseigne pas aux maîtres des trois dimensions à méditer pour altérer l'Esprit, car la vraie nature de l'Esprit a toujours été l'auto-libération. S'efforcer de méditer revient à abandonner la véritable nature de l'Esprit.
Écoute grand être ! Si tu veux réaliser la nature de « ton » Esprit, ce qui n'est possible qu'en n'ayant pas de désir, tu ne dois pas rechercher intentionnellement à « trouver » l'état non-discursif d'équanimité.
Demeure naturellement, sans accepter ni rejeter. Demeure spontanément dans l'état libre de perturbation. L'Esprit est précisément la condition naturelle, et tous les phénomènes existent seulement dans cette même condition : n'essaie pas de l'altérer !
Puisque tout est déjà parfait, il n'y a nul besoin de faire quoi que ce soit maintenant. Puisque tout est déjà réalisé, il n'y a nul besoin d'agir maintenant. Demeure dans l'équanimité , sans juger ni penser !
La béatitude totale de l'Atiyoga (Dzogchen) est la Pure et Totale Conscience, au delà du jugement et de l'analyse.
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Le Un est mon essence. Deux est ma manifestation, la multiplicité des phénomènes « créés ». L'ineffable est la nature ultime de l'existence, cette essence ineffable est l'Un. L'Un est la Source suprême, la Conscience Pure et Totale. Les phénomènes de la « création » sont la dualité.
Il n'est rien dans cette nature qui ne soit parfait. L'Un est parfait, le deux est parfait, tout est parfait.
L'Un est parfait signifie la Perfection au sein de la Conscience Pure et Totale.
Deux est parfait signifie la Perfection dans la manifestation de la Conscience.
Tout est parfait signifie la Perfection accomplie.
Grâce à cet enseignement sur la Perfection de l'Un, tu peux entrer dans l'état d'Illumination. Grâce à la signification de la Perfection dans la dualité, tu peux comprendre que tout ce qui apparaît est la Manifestation Parfaite de la Conscience. Grâce à la signification de la Perfection de la Totalité, tout peur devenir Perfection.
Ceux qui demeurent dans cette condition au-delà de l'action, qu'ils soient dans un corps humain ou divin, demeurent dans l'état d'Illumination, au sein de la nature ultime de la Réalité.
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Écoute ! Je suis sans limites comme le ciel. Tout comme essayer d'atteindre les limites de l'espace signifie s'inquiéter inutilement, il n'y a pas de maladie pire que celle de ceux qui cherchent à réaliser ma nature en suivant une voie graduelle !
Puisque tous les phénomènes de l'existence sont une seule et même chose dans la dimension ultime du non-né, il n'y a aucune distinction entre les divers niveaux de réalisation. Comprends qu'il n'y a qu'un seul niveau !
Si on n'est pas à mon niveau, les divers niveaux de compréhension qui peuvent être atteints sont seulement des projections de concepts personnels et ne permettent pas de ma rencontrer, moi la Source.
Écoute ! La nature de la Source suprême est la perfection spontanée de la Pure Présence, jamais altérée ou améliorée par une progression. Même en s'entraînant à progresser on ne rencontrerait pas la véritable signification, alors que comprendre la véritable nature apporte l'autoperfection.
Écoute ! Puisque, bien que dépourvu d'origine, le niveau de l'unique véhicule de la Conscience Pure et Totale, la Source, est présent en Tout, chercher à atteindre la compréhension en suivant une voie graduelle est comme essayer d'atteindre les limites de l'espace. Si on laisse plutôt la condition naturelle telle qu'elle EST, sans suivre une voie graduelle, on s'autolibère.
Lorsque tu reconnaîtras que la véritable nature de réalisation ne dépend pas d'une progression, tu résideras finalement au niveau de la Conscience Pure et Totale, la Source !
jeudi 5 décembre 2024
lundi 2 décembre 2024
• Son essence est vacuité, mais son expression naturelle est incessante - Longchenpa
Bien qu'il n'y ait pas de substance dans l'esprit, de multiples apparences s'y élèvent en vertu des conditions objectives, comme des formes reflétées dans un immense miroir.