Toutes les écoles de la tradition bouddhique parlent de l’éveil comme ayant principalement trois aspects. Elles parlent tout d’abord de l’éveil comme d’un état de prise de conscience pure, claire, voire radieuse. Certaines écoles vont jusqu’à dire que dans cet état de prise de conscience on n’expérimente plus la dualité sujet-objet. Il n’y a pas de « là-bas », de « en dehors », pas de « ici », de « en dedans ». Cette distinction sujet-objet ainsi que nous l’appelons généralement, est entièrement transcendée. Il n’y a qu’une prise de conscience continue, pure, claire qui s’étend pour ainsi dire dans toutes les directions, pure et homogène. C’est de surcroît une prise de conscience des choses telles qu’elles sont véritablement, qui ne sont pas, bien entendu, les choses en tant qu’objets mais les choses en tant que transcendant pour ainsi dire la dualité entre sujet et objet. Par conséquent, on parle également de cette prise de conscience pure et claire comme d’une prise conscience de la réalité et donc, aussi, comme d’un état de connaissance. Cette connaissance n’est pas la connaissance au sens ordinaire - pas celle qui fonctionne dans le cadre de la dualité entre sujet et objet - mais plutôt un état de vision spirituelle directe et immédiate qui voit toutes choses directement, clairement, véritablement. C’est une vision spirituelle - voire une vision transcendantale qui est libre de toute illusion, de toute méprise, de toute pensée erronée ou déformée, de toute imprécision, de toute obscurité, de tout conditionnement mental, de tout préjugé. L’éveil est donc, tout d’abord, cet état de prise de conscience pure et claire, cet état de connaissance ou de vision. Deuxièmement, et cela n’est pas moins important, on parle de l’éveil comme d’un état d’amour et de compassion intenses, profonds et débordants. Cet amour est parfois comparé à celui d’une mère pour son enfant unique. Cette comparaison se trouve, par exemple, dans un texte bouddhique très célèbre, le Metta Sutta ou « Discours sur l’Amour Bienveillant ». Dans ce discours le Bouddha dit : « Tout comme une mère protège son fils unique même au prix de sa propre vie, ainsi devrait-on développer un esprit d’amour tout inclusif envers tous les êtres vivants ». Ceci est le genre de sentiment et d’attitude que nous devons cultiver. Remarquez que le Bouddha ne parle pas seulement de tous les êtres humains, mais de tous les êtres vivants : tout ce qui vit, tout ce qui respire, tout ce qui bouge, tout ce qui est sensible. C’est cela que ressent l’esprit éveillé. On nous dit de plus que cet amour et cette compassion consistent en un désir venant du fond du cœur - un désir profond et brûlant - pour leur bien-être, pour leur bonheur : un désir que tous les êtres soient libérés de la souffrance, de toutes les difficultés, qu’ils croissent et se développent, et que finalement ils atteignent l’éveil. L’amour et la compassion de ce genre - amour infini, débordant, sans limites, envers tous les êtres vivants - font aussi partie de l’éveil.
Troisièmement, l’éveil consiste en un état, ou une expérience, d’énergie mentale et spirituelle inépuisable. Un évènement de la vie du Bouddha en est un très bon exemple. Comme vous le savez peut-être, il atteignit l’éveil à l’âge de trente-cinq ans et il continua d’enseigner et de communiquer avec les autres jusqu’à l’âge avancé de quatre-vingt ans, bien que vers la fin son corps physique soit devenu très frêle. Un jour il dit : « Mon corps est comme une vieille charrette délabrée, qui a été souvent réparée. En quelque sorte, on l’a fait tenir avec des bouts de ficelle. Mais mon esprit est toujours aussi vigoureux. Même si je devais être conduit d’un endroit à l’autre sur une litière, si quelqu’un venait à moi, je serais toujours en mesure de répondre à ses questions, serais toujours en mesure de lui donner un enseignement. Ma vigueur intellectuelle et spirituelle n’est pas réduite, en dépit de l’affaiblissement de mon corps. » L’énergie est donc une caractéristique de l’état d’ éveil. Nous pourrions dire que l’ état d’éveil est un état d’énergie extrême, de spontanéité absolue, qui bouillonne continuellement : un état de créativité ininterrompue. En un mot, nous pouvons dire que l’état d’ Éveil est un état de libération parfaite et inconditionnée de toute limitation subjective.
Voilà donc ce que signifie l’éveil tel qu’il est compris dans la tradition bouddhique - dans la mesure tout au moins où l’ éveil peut être décrit et dans la mesure où ses différents aspects peuvent être ainsi. Ce qui se passe vraiment c’est que la connaissance se transforme en amour et en compassion, l’amour et la compassion se transforment en énergie, l’énergie en connaissance, et ainsi de suite. On ne peut pas vraiment séparer un aspect des autres. Néanmoins la tradition nous donne cette description catégorisée de l’éveil afin de simplement nous donner un aperçu de l’expérience, de simplement nous donner une petite idée ou une sensation de ce que c’est. Si nous voulons avoir une idée plus précise il nous faudra lire, peut-être un texte plus élaboré, plus poétique, de préférence extrait des écritures bouddhiques ; ou nous devrons pratiquer la méditation et tenter d’avoir par ce moyen au moins un aperçu de l’état d’ éveil. Donc quand le bouddhisme parle d’éveil, de bouddhéité ou de nirvana, c’est de cet état de suprême connaissance, d’amour, de compassion et d’amour, de compassion et d’énergie qu’il parle.
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