mardi 21 mai 2019

• Des fenêtres donnant sur l'éternité et l'infinité - Rupert Spira

C'est une révolution que propose Rupert Spira dans "La Nature de la Conscience", en bousculant le paradigme matérialiste régissant notre culture mondiale – à savoir que la matière est l'élément fondamental de notre univers dont découle le mental ou la conscience – lui substituant le paradigme de la "conscience seule" – à savoir que la conscience constitue la réalité ultime et fondamentale de l'univers – abolissant la dualité matière-mental qui emprisonne notre vision de la réalité. Car il s'agit, dans ce livre, de libérer notre vision de l'univers et de nous-mêmes des barreaux de la dualité et de la croyance en la séparation.
C'est en empruntant la rigueur et l'honnêteté du scientifique que Rupert Spira explore ce qui constitue notre expérience, pour montrer clairement que son ultime réalité n'est jamais autre que la conscience qui la connaît, et cette conscience-là, c'est nous-mêmes. Connaître ou être conscient constitue notre être essentiel.
Oublier ou ignorer cette réalité est la cause profonde de toutes les souffrances psychologiques et de tous les conflits entre les communautés et les nations.
Rupert Spira a à cœur d'extraire la compréhension non-duelle du carcan des dogmes et la reformule d'une façon accessible pour tout ceux qui recherchent la compréhension, la paix, l'accomplissement et le bonheur car c'est bien de cela dont il s'agit avant tout. Les implications du modèle de la conscience-seule sont immenses en ce sens qu'il reconditionne progressivement notre manière de penser, de ressentir, de percevoir et d'être en relation avec les autres. Et ceci est le garant suprême de la paix et du bonheur qui "dépassent l'entendement".
Une exploration passionnante et palpitante.

© Extraits publiés avec l'aimable accord des Éditions Accarias-L'Originel :

Nous n'allons jamais nulle part. Un flot d'images, de sensations et de perceptions nous traverse; nous ne le traversons pas. Nous n'évoluons pas à travers le temps et l'espace. Le temps et l'espace, pour ainsi dire, se meuvent à travers nous.
Lorsque nous voyageons, nous faisons l'expérience d'une série de pensées, de sensations et de perceptions mais le champ de conscience au sein duquel évoluent ces pensées, ces sensations et ces perceptions — ou plus précisément, dont ils sont une auto-coloration — ne va jamais nulle part. Le nom courant que l'on attribue à ce champ est "ici et maintenant".
Lorsqu'il est filtré au travers de la pensée, le maintenant de ce champ semble être un instant dans le temps. Filtré à travers le prisme de la perception, l'ici de ce champ semble être un lieu dans l'espace. Or, le maintenant qui parait être un instant dans le temps et l'ici qui parait être un lieu dans l'espace sont des fenêtres donnant sur l'éternité et l'infinité. Le véritable maintenant, l'unique maintenant, c'est l'éternel maintenant. Et l'ici véritable, ce lieu où survient l'expérience, est la présence adimensionnelle de la conscience. Ils ne vont jamais nulle part.
L'une des raisons pour lesquelles nous aimons voyager, c'est que cet élément qui nous constitue et qui ne va jamais nulle part — à la différence du mouvement que suppose un voyage — est mis en relief. Les changements soulignent l'immuable. Le sentiment de paix profonde qui accompagne souvent un voyage correspond à la paix de notre présence immuable. Nous aimons aller d'un endroit à un autre pour goûter encore et encore à ce moment où l'on reconnaît que nous n'allons jamais nulle part, et ressentir la paix qui accompagne cette reconnaissance.
Je ne vais jamais nulle part. Je suis toujours dans ce même lieu du "Je suis", le lieu "hors de tout lieu" appelé ici, et le temps "hors de tout temps" appelé maintenant. De même que notre nature essentielle de conscience illimitée et à jamais présente luit dans le mental en tant que la connaissance "Je suis", cette connaissance apparaît dans le temps en tant que maintenant et dans l'espace en tant qu'ici. Et de même que la connaissance "Je suis" représente le portail que le mental fini ou le soi séparé doit sembler franchir sur son chemin de retour vers sa réalité essentielle et irréductible de pure conscience, ainsi, l'ici et maintenant est un flambeau qui brille au cœur de toute expérience, une porte secrète que franchit le mental quittant le temps pour entrer dans l'éternité, et quittant l'espace pour entrer dans l'infinité. L'écran n'effectue jamais le voyage entrepris par le personnage d'un film bien que le voyage ne soit constitué que de l'écran. L'apparition du temps et de l'espace n'est autre que la conscience éternelle et infinie mais celle-ci n'apparaît jamais dans l'espace et le temps. Ici et maintenant représentent l'intersection de la conscience éternelle et infinie et du mental fini.
C'est la raison pour laquelle, lorsque nous prenons de l'âge, nous avons de plus en plus le sentiment de ne pas vieillir. Croire que nous vieillissons semble contredire notre expérience d'être toujours la même personne. A l'approche de la mort, nous avons de plus en plus ce sentiment : "Comme c'est étrange, j'ai l'impression que je suis toujours la même personne. Je suis la même personne que la petite fille ou le petit garçon que j'étais lorsque j'avais cinq ans. Je ne vieillis pas vraiment. Ce que j'étais en ce temps-là, je le suis encore maintenant". Cette intuition constitue l'une des nombreuses façons qu'a la vérité de s'immiscer dans le mental, lui insufflant un soupçon de la réalité, la mémoire de notre éternité, bien qu'elle soit, dans la plupart des cas, rejetée presque immédiatement par la pensée.
Comme l'a dit Balyani : "Il est maintenant tel qu'Il était alors". Notre être essentiel et conscient de soi est toujours dans la même condition virginale. A un certain moment, cette intuition devient une expérience vécue et ressentie. Elle nous délivre alors de la peur de la mort et du sentiment de manque qui caractérisent le soi séparé ou le mental fini. Elle charrie avec elle la paix et la plénitude inhérentes à la connaissance de notre propre être tel qu'il est, sa connaissance de lui-même en nous, en tant que nous.
Ce que nous sommes essentiellement est éternellement présent. Je ne suis pas venu de quelque part. Je ne vais nulle part. Rien ne m'est ajouté ni retiré. Aucune expérience ne m'agrandit ni ne me diminue. Je suis complet, comblé, entier, parfait. Ce que je suis essentiellement reste toujours dans la même condition virginale. Je n'ai jamais été abimé, entaché ni vieilli par l'expérience. Je ne suis pas né et je ne meurs pas.
Le puits de paix qui s'élève de cette compréhension est une paix qui dépasse l'entendement. Elle ne provient pas du mental. Elle émane de l'arrière-plan du mental, et inonde progressivement le mental de sa présence, métamorphosant le mental en elle-même.

.../...

Ramana Maharshi, Atmananda Krishnamenon et Sri Nisargadatta Maharaj ont, au milieu du 20ème siècle, exhumé les moyens qui permettaient aux gens ordinaires, dénués de connaissance ou de préparation préalable et sans affiliation religieuse ou spirituelle particulière, de découvrir la nature de la conscience.
Ces trois sages n'ont pas inventé les moyens de reconnaître la nature essentielle de la réalité ; ils l'ont simplement dépê­trée et sauvée de l'amoncellement de croyances qui l'avait occultée des décennies durant, la dépouillant des condition­nements culturels exotiques qui ont contribué uniquement à la mystifier, et l'ont reformulée pour la nouvelle génération.
Cette approche est parfois appelée la Voie Directe, fai­sant allusion au fait d'aller directement à la reconnaissance de notre nature essentielle de pure conscience. Autrement dit, la conscience va directement à sa connaissance d'elle-­même sans devoir se tourner vers une pratique ou expérience objective quelconque. Ceci tranche avec nombre d'approches traditionnelles ou progressives qui préconisent une série de pratiques comme condition préalable à cette compréhension, lesquelles pratiques prescrivent de diriger ou de concentrer la conscience sur un objet, tel qu'un mantra, une flamme, la respiration, la pause entre deux respirations, le guru et ainsi de suite, afin de la purifier de ses conditionnements accumulés.
Des approches plus progressives de la réalité de l'expérience pouvaient certes se justifier dans les siècles précédents, mais je suis d'avis que notre époque est mûre pour la Voie Directe. Et la résistance qu'elle suscite auprès des gens qui ont suivi une voie progressive pendant des années ou même des décennies, n'est pas due à sa difficulté ou à son inadé­quation mais plutôt au fait que ces gens se soient investis, attachés et limités aux pratiques et formes mêmes auxquelles, paradoxalement, ils se livraient justement pour se libérer de toutes ces limites.
Dans la Voie Directe, il est établi que l'expérience d'être conscient ou la conscience elle-même constitue l'élément connaissant dans toute expérience, indépendamment du contenu de l'expérience. Ainsi, aucune expérience particu­lière n'est le support, le signe ou le sceau de la conscience elle-même. De même que l'écran est indifféremment visible dans tous les films, quel que soit leur contenu, la conscience rayonne intensément et indifféremment dans toute expé­rience, depuis notre dépression la plus profonde jusqu'à nos sentiments les plus joyeux.
La Voie Directe n'exige aucune affiliation ni antécédent spirituel ou religieux. Nulle pratique préparatoire n'est néces­saire pour reconnaître simplement qu'être conscient ou la conscience elle-même constitue l'élément essentiel, irréduc­tible et indivisible de toute expérience, que nous l'appelions « je » ou « moi-même ». Personne n'y a un accès privilégié. Elle est pareillement disponible pour tout le monde, en tous lieux, en toutes circonstances et en toutes situations. Il suffit d'avoir un profond intérêt pour la nature de la réalité, ou l'intuition que la paix, le bonheur ou l'amour auxquels tout le monde aspire ne peuvent être dispensés par l'expérience objective.

lundi 20 mai 2019

• ll n'y a rien à chercher quand c'est trouvé - Wei Wu Wei


ll n'y a rien à chercher quand c'est trouvé,
Il n'y a nulle part ou aller quand c'est ici,
Il n'y a rein à faire quand c'est fait,
Il n'y a rien à regarder quand c'est vu,
Il n'y rien à être quand nous SOMMES.

Qu'y a-t-il à trouver quand "trouver" est le "cherchant" ?
Ou peut-on aller quand "aller" est "l'allant" ?
Qu'y-a-t-il à faire quand "faire" est l'"agissant", 
A voir quand "voir" est le "regardant", 
A être quand "être" est l'"étant" !

Quoi donc ? 
Quand il n'y a point d'acteur pour "agir",
Aucun "moi" pour jouer"je"
Le spectacle est terminé.

A qui puis-je être présent, 
De qui puis-je être absent ?


mardi 14 mai 2019

• Voir, sans faire, seulement voir - Franck Terreaux


Mon approche est d’une simplicité confondante, 
elle se résume simplement à ceci : 
là, en cet instant même, ne faites rien, aucun effort, pas même méditer.

Franck Terreaux a vécu un jour une expérience perceptive – comme il aime à l'appeler – qui a remis sa vie au sein de la vie. Après un parcours effréné de chercheur spirituel, cet événement majeur, qui fut en vérité un non-événement, mit un terme définitif à sa recherche. Depuis lors, après l'écriture de deux livres, Franck partage sa découverte avec les nombreuses personnes venues le rencontrer. Les entretiens retranscrits ici sont inspirés de rencontres avec des chercheurs sincères, aspirant à vivre ce " juste avant de toute chose " qu'il cite inlassablement dans ses livres. Ces dialogues rebondissent sur des sujets tels que la non-dualité, la méditation, l'effort, la pratique spirituelle, l'éveil, l'illumination, la conscience...

On retrouve ici Franck Terreaux avec son approche et son ton si particuliers. Tout au long de ces dialogues, il nous invite, non seulement à lire, mais à véritablement ressentir ce qu'il a partagé au travers d'expériences simples et directes. C'est toujours avec beaucoup d'humour et de dérision qu'il nous conte pas à pas l'intégralité de son parcours. L'essentiel étant de voir que ce que nous cherchons est déjà là, avant même l'idée de le chercher... 

Franck Terreaux est accordeur de pianos et vit à Paris. Ses rencontres avec Jean Klein et Marigal furent déterminantes. Il est l’auteur de deux livres : L’art de ne pas faire, Charles Antoni L’Originel, 2011, et L’éveil pour les paresseux, Charles Antoni L’Originel, 2010.

"Voir, sans faire, seulement voir… que si toi tu ne fais aucun effort c’est là et que si c’est là c’est parce que toi tu ne fais aucun effort."

© Extraits publiés avec l'aimable accord des Éditions Almora

– Franck, à l’heure où je vous parle, le mot d’ordre est méditation, conscience de soi ou encore pleine conscience, au milieu de tout ça où se situe votre art de ne rien faire et comment définiriez-vous votre approche ?

– Séverine, vous au moins, vous avez l’art de mettre directement les pieds dans le plat et je vous en remercie car votre question contient à elle seule le cœur même de mon approche. En effet, il semblerait aujourd’hui qu’au sein de la non-dualité, il y ait deux consciences, une qui serait pleine et une autre qui serait vide mais rassurez-vous, ce n’est pas bien grave. (Éclat de rire). Mon approche est d’une simplicité confondante, elle se résume simplement à ceci : là, en cet instant même ne faites rien, aucun effort pas même méditer … Voyez ce que c’est que de ne céder à aucune pratique quelle qu’elle soit, pas même celle qui consisterait à ne rien faire … Si ceci n’est pas seulement lu mais véritablement ressenti, alors il ne vous reste plus qu’à retourner chez vous car sans avoir rien fait tout est parfaitement compris.

– Mais qu’est-ce qui est compris ?

– Il est compris que ce que vous cherchez au travers de la méditation, la conscience de soi, la vigilance, etc., c’est tout simplement de vivre à l’état de veille sans rêves. Encore une fois, si ce n’est pas seulement lu mais véritablement ressenti, il est immédiatement compris que vous n’avez rien à faire pour ça, puisque c’est là quand vous, vous ne faites ni effort ni pratique, rien.

– Franck je dois vous avouer que ce rien à faire me laisse quelque peu perplexe.

– Je vais tenter d’y apporter une réponse extrêmement claire et précise, mais avant d’entrer dans le vif du sujet, j’ai besoin d’en savoir un peu plus sur ce qui motive votre question.

– Si je réclame vos conseils c’est afin de m’aider à refréner cette activité mentale qui pollue ma vie. Pratiquant la méditation depuis plusieurs années, par moments, cette suractivité mentale est absente, c’est alors qu’un retour chez soi s’opère, mais ces moments si précieux sont rares. Ce qui fait votre particularité, c’est que contrairement à d’autres, vous ne proposez aucune méditation. Bien que votre approche semble très séduisante, je dois bien admettre que je ne me retrouve pas plus avancée.

– Je vous l’accorde à 100 %, mais avant toute chose ce qui m’intéresse c’est ce retour chez soi, pourriez-vous m’en dire un peu plus ?

– Comment dire … Si je m’interroge, je m’aperçois que je ne peux pas véritablement en parler mis à part dire qu’il n’y a rien à en dire … C’est simplement être là et c’est tout. C’est être, sans éprouver le besoin de rajouter quoi que ce soit. Aucune pensée, aucun mot n’est là pour le qualifier, pour en faire un quelque chose.

Ce retour peut se produire lors de séances de méditations ou survenir de façon totalement imprévisible et ceci sans raison particulière, car je vous avouerais que ce que l’on nomme généralement spiritualité n’a rien à voir là-dedans. Vous me demandez d’en parler ? Que pourrais-je vous répondre sinon de vous dire que c’est totalement simple, totalement immédiat et totalement évident.

– C’est absolument parfait ; dans ce cas qu’y aurait-il à rajouter?

– Je suis entièrement d’accord avec vous, seulement ces moments ne durent pas, j’ai l’impression de passer tout mon temps à rêvasser, de vivre en permanence dans l’imaginaire et de passer ainsi à côté du bonheur que la vie nous apporte. On vit avec l’impression d’être constamment dans l’expectative alors que ce qui est là dans l’instant nous tend irrésistiblement les bras.

– Avez-vous effectué certaines démarches afin de vous libérer de ce mental si envahissant ?

– J’ai beaucoup pratiqué les enseignements de Nisargadatta Maharaj et Ramana Maharshi et ceux d’Eckhart Tolle avec beaucoup d’application je dois dire … Ce qui est paradoxal c’est que même si l’un et l’autre préconisent une démarche méditative particulière, il semblerait que les deux premiers soient d’accord pour dire, eux aussi, qu’il n’y a rien à faire, sinon rester tranquille.

– Tout à fait, mais vous me parlez de pratiques, ces pratiques en quoi consistaient-elles ?

– Concernant l’enseignement de Maharaj, il consistait à rester vigilant en portant son attention sur le sentiment « je suis » et faire en sorte de s’en souvenir constamment. Concernant Maharshi, je m’exerçais à parvenir à un état sans pensées, quant à Tolle, c’était tenter de vivre dans le moment présent.

– Si je comprends bien, vous avez rassemblé trois approches en une : savoir que vous êtes, la suppression des pensées et le ici et maintenant. Et alors, y êtes-vous parvenue ?

– Évidemment non, sinon je ne serais pas ici.

– Cependant à vous écouter, il y avait chez vous, me semble-t-il, une très forte détermination.

– Tout porte à croire que cela ne suffise pas. Essayez de garder à l’esprit le sentiment « je suis » ; cela tient une minute ou deux, puis les pensées reviennent à la charge. Quant à les supprimer, c’est une sacrée autre paire de manches.

– Ce sentiment « je suis », Maharaj préconisait de le ressentir et non pas d’y penser. Si je ne fais que d’y penser, j’ouvre la porte au mental qui va aussitôt remplacer la pensée « je suis » par une autre pensée. Et bien entendu, tout ça étant évidemment perpétré par un moi, c’est pour cette unique raison que vous échouez dans chacune de vos tentatives.

– Si je vous ai bien comprise, tant que le moi chercheur s’en mêle, aucune issue n’est possible, surtout pas une issue visant l’annihilation de ce moi chercheur.

– En effet, votre pratique le renforce chaque jour d’avantage. C’est quelque chose que je remarque très souvent parmi les gens que je rencontre. Dès que j’entends dire : je l’oublie tout le temps, là je sais qu’ils ont pratiqué ce que j’appelle le « j’y pense donc j’y suis ». Autrement dit, c’est uniquement là quand ils y pensent.

Voir aussi ce lien sur le blog Éveil et Philosophie de José le Roy.