Son enseignement est celui de la Voie directe, lequel prend sa source dans la non-dualité, dans l’Absolu, la pure Conscience. Un Absolu qu’il définit comme « Principe-Je ». Il utilise aussi les mots de Joie et de Conscience pour parler de l’Ultime.
Srî Âtmânanda soutenait catégoriquement que l’erreur fondamentale de l’homme était sa mauvaise identification avec le corps, les sens et l’esprit.
« Je » est pour lui le maître-mot qui résume son enseignement. C’est là le but de chacun et de chaque effort, centré sur le Sujet, à « Cela qui connaît ». Cette Vérité, il la nomme aussi Expérience, anubhâva, ou encore Sensation, rasa. Ces trois noms sont le Principe – « Je » : la vraie Nature de chacun et de chacune.
Son approche face à chaque problème était directe et logique, en utilisant uniquement une discrimination profonde et la raison supérieure.
Le champ de recherche est la totalité de l’expérience humaine, composée des trois états : veille, sommeil, rêve et de la conscience encore au-delà.
Srî Âtmânanda ne considère pas l’ego comme un ennemi, mais comme une aide pour la réalisation de la Vérité. Il donne à ses disciples toutes les clés qui leur permettront d’ouvrir les portes et d’y accéder. Aussi son enseignement est-il des plus précieux.
Srî Krishna Menon (1883-1959) naquit dans une famille de brahmanes védiques. En 1919, il rencontre Swâmî Yogânanda. Il dit de cette rencontre « qu’elle paralysa mon ego ! ». Il entreprend alors une rigoureuse pratique, suivant la voie de la connaissance. Krishna Menon réalise l’éveil en 1923, et prend le nom monastique de Srî Âtmânanda, « Béatitude dans le Soi ».
© Extraits choisis et publiés avec l'aimable accord des éditions Accarias-L'Originel :
ABSOLU ET RELATIF
4. (220) Qu’entend-on par existence relative ?
Toutes les questions relatives à l’Absolu ne peuvent être expliquées que par les illustrations du monde, où les deux parties sont objectives. L’exemple du pot et de la terre est repris ici à titre d’illustration, pour répondre à cette question.
Le pot n’a pas d’existence indépendante de la terre dont il est fait, ou en d’autres termes, l’existence du pot est dérivée de la terre, qui a une existence relativement plus permanente. De même, les objets n’ont pas d’existence indépendante du soi ou du Principe « Je ». C’est-à-dire que l’existence du monde n’est que relative au sujet « je ».
Ici, le « je » n’est pas grossier comme dans l’illustration de la terre. Pourtant, le « je » est bien mieux connu que tout ce qui est objectif ou grossier. L’existence de ce « je », bien qu’elle ne soit pas apparente aux sens, est acceptée par toutes les personnes de la même manière.
Tout le reste n’a d’existence que par rapport à ce « je ». Les choses dépendent de preuves diverses pour établir leur existence. Mais le « je » seul n’a pas besoin d’une telle preuve. C’est évident (svayam-prakâsha) – lumineux en soi.
5. (248) Comment penser à l’Absolu ?
À proprement parler, il est impossible de le faire. On demande souvent aux aspirants spirituels de penser à l’Absolu. Celui-ci est clairement au-delà de toute pensée, aussi est-il impossible d’y penser directement. Il n’y a pas non plus besoin de cette sorte de pensée, parce que vous êtes toujours Cela. Pour penser à l’Absolu de quelque manière que ce soit, il faut l’objectiver.
Vous n’avez qu’à seulement vous désengager de tout ce qui n’est pas le Soi. Lorsque cela est fait, votre vraie nature brillera toute seule, dans sa propre gloire. C’est l‘Âtmâ [le vrai soi], lequel est autolumineux.
Par conséquent, ce que le chercheur spirituel [sâdhaka] doit réellement faire est simplement cela. Sous le couvert de penser à l’Âtmâ, pensez à tout ce qui est le non-Soi – tout ce qui constitue l’esprit, les sens et le corps – et éliminez-les de vous-même. Lorsqu’il est laissé seul, alors vous vous tenez en tant que Soi.
Ce qui est inerte ne peut jamais penser au principe lumineux du « je ». Donc vous ne devriez jamais essayer de parler ou de penser à ce « je ». Mais s’il se trouve que vous pensiez à lui, alors éliminez simplement la part pensante seule, qui est inerte, et demeurez tel que vous êtes.
L’exposition de Srî Vidyâranya sur cette Vérité ne vous emmène qu’au bout de la position de témoin, et vous laisse toujours en tant que témoin. Mais vous devriez aller même au-delà de cette position, jusqu’à l’ultime Réalité elle-même – prouvant qu’il n’y a rien d’autre à voir et que seul vous êtes : l’Absolu.
ADVAITA
16. (1166) Qu’est-ce que l’Advaïta (non-dualité) ?
L’Âtmâ, la Vérité ultime établie par l’Advaïta, est la seule chose qui est. Tout le reste n’est qu’une apparence posée sur elle.
La Vérité est imperceptible, et l’homme ordinaire ne connaît que ses perceptions. L’Advaïta est une méthode pour conduire l’homme ignorant de la perception de l’objet à la Vérité ultime. L’Advaïta fait référence à la dualité (ou deux). Ce « deux » est très souvent mal compris comme étant le nombre deux. Mais ce « deux » représente le deux de base, à savoir, le sujet et l’objet, ou le voyant et le vu – le père du multiple.
Votre reconnaissance de ces deux principes de base est d’ailleurs appelée « l’erreur de base ». L’élimination de cette « erreur » et le rétablissement de la Vérité ultime est le but de l’Advaïta (non-dualité).
Onnâyaninneyiha rantennu kantalavil
Untâyorintal bata mintâvatalla mamma
Pantêkkakkevaruvân nin kripâvalikam
Untâkayenkal iha nârâyanâya namah.
Quand ce qui a toujours été un
est considéré comme deux, il me vient
une frustration et un regret tristes,
dont on ne peut pas parler à juste titre.
Pour réaliser la véritable nature,
Seigneur, que Ton infinie bonté
veuille se déverser sur moi qui t’adore.
Eruttacchan, Harinâma-kîrtanam, 2
[Ce texte nous semble être du malayâlî]
19. (560) Les principaux aphorismes advaïtins
Les principaux aphorismes advaïtins, selon la voie traditionnelle, sont au nombre de quatre. Ils sont :
1. « Aham âtmâ brahma » [« Ce Soi est tout ce qui est »], lequel est une affirmation de la Vérité ultime.
2. « Tat tvam asi » [« Tu es Cela »], c’est l’instruction donnée par le guru au disciple, concernant l’identité du jîva [personne] et du monde.
3. « Aham brahmâ’smi » [« Je suis Brahman »]. C’est la forme sous laquelle le disciple contemple l’essence de l’instruction donnée par le deuxième aphorisme. En contemplant cet aphorisme pendant une période considérable, le disciple transcende la petitesse du jîva et établit son identité avec le Brahman tout-pénétrant, qui est l’arrière-plan de l’univers. Cette conception du Brahman se distingue par sa globalité ou sa grandeur. C’est autant une limitation que la petitesse du jîva, et celle-ci doit être transcendée pour atteindre l’Ultime. À cet effet, un autre aphorisme est donné.
4. « Prajnânam brahman » [« la Conscience est Brahman » ou « la Conscience est tout ce qui est »] Avec l’aide de ce dernier aphorisme, le disciple transcende aussi le sens de la grandeur et atteint la pure Conscience : l’Ultime.
« Je suis conscient de quelque chose », et « Je suis la Conscience » sont deux déclarations significatives.
La première déclaration est mentale, instable et personnelle. Mais elle rend le service inestimable de vous faire comprendre la nature de la Conscience.
La deuxième déclaration est impersonnelle. Là, la Conscience se tient dans sa propre évidence, comme le seul principe autolumineux.
Ayant compris la nature de la Conscience dès la première affirmation, il est possible d’attirer l’attention sur la nature impersonnelle de la Conscience, et ainsi de s’établir en elle.
ARRIÈRE PLAN
30. (291) Qu’est-ce qui se manifeste ?
Chaque perception, qualité ou attribut veut un arrière-plan permanent pour son existence. Ce fond est la Réalité elle-même. Pour désigner la Réalité, nous lui donnons un nom. Mais cet arrière-plan demeure comme ce qui transcende les sens et l’esprit.
Il ne peut pas être appelé « inconnu ». Je dis qu’il est encore plus que connu, non pas par les sens ou l’esprit, mais par la Conscience ou le principe du « Je ». Ainsi l’arrière-plan de toute chose est l’unique Réalité elle-même.
Quand vous dites que l’inconnu existe, cela signifie que vous l’avez connu.
Lorsque l’esprit dit que quelque chose le transcende, il transcende lui-même son royaume et, se tenant en tant que pure Conscience, connaît ce « quelque chose » comme le Réel.
LA CONSCIENCE
46. (1164) Quelle est la preuve de la Conscience ?
Cette question même en est la preuve. Cette question est éclairée par la Conscience.
La lumière extérieure (éclairant les objets extérieurs) et la lumière intérieure de la Conscience ont quelque chose en commun dans leurs caractéristiques. Les deux sont imperceptibles pour l’organe des sens ou l’esprit. L’existence de la lumière extérieure est affirmée par le fait que les objets se manifestent en sa présence. De même, la lumière de la Conscience est prouvée par le fait que les objets sont éclairés (ou connus) en sa présence.
LA MORT
53. (1427) La mort – quelle est sa signification ?
La mort est un terme impropre. La mort doit être examinée du point de vue de la vie. La vie, en tant que telle, ne connaît pas la mort. Par conséquent, du point de vue de la vie, la mort est un terme impropre.
Pour savoir qu’il n’y a pas de mort, il suffit de se référer à ce qu’on appelle l’état de rêve, dans lequel vous voyez votre propre mort ou celle d’un proche. Mais au réveil, vous savez que les personnes rêvées et leur mort étaient toutes deux des illusions. C’est de la même manière qu’il faut considérer la mort à l’état de veille.
1 janvier 1953
54. (793) Comment puis-je être immortel ?
La mort a lieu dans le temps. Le temps est composé du passé, du présent et du futur. Ceux-ci n’affectent en aucune manière le principe du « Je ». Par conséquent, d’un certain point de vue, on peut dire qu’il s’agit d’un éternel présent pour le principe du « moi ».
À proprement parler, même cela est faux. Parce que le temps n’existe qu’en relation avec le « je » apparent. Les activités du « je » apparent peuvent être divisées en cinq sortes : actions, perceptions, pensées, sentiments et connaissance. Laquelle de ces cinq fonctions préférez-vous être ?
Si vous choisissez l’une des quatre premières, vous mourrez automatiquement après chaque fonction. Mais l’expérience est que vous ne mourrez pas ainsi. Par conséquent, vous devez être le dernier – le connaisseur – qui seul demeure à travers toutes les activités et ne meurt jamais.
Vous connaissez même la mort. Par conséquent, vous la transcendez également.
LE PRINCIPE "JE"
78. (1128) Qui suis-je ?
Suis-je le corps, les sens ou l’esprit ? Non. Si je prétends être quelque chose, cela doit être avec moi partout où je vais. Faire, percevoir, penser et ressentir ne m’accompagnent pas partout où je vais.
La « Connaissance » seulement est toujours avec moi. Je suis donc la connaissance ou la Conscience. Je le suis toujours et je suis libre. Je ne peux qu’être cela, qui demeure dans sa totalité, lorsque l’objet ou la partie active est séparé du percepteur, de la perception ou de l’image mentale.
IDENTIFICATION
83. (284) Pourquoi la conscience pense-t-elle
qu’elle est autre chose qu’elle-même ?
La Conscience et tout autre chose que la Conscience existent sur deux plans différents. Lorsque nous regardons depuis le plan de la Conscience, nous trouvons qu’il n’y a rien d’autre que la Conscience, et là la question ne peut pas
se poser.
Quand on regarde du côté de l’esprit et que l’on admet l’existence à la fois du monde et de la Conscience, il a été prouvé aussi que la Conscience ne peut être là qu’en tant que témoin. Le témoin ne témoigne que de perceptions et non d’objets. Il a été prouvé aussi que la perception n’est autre que la Conscience elle-même. Pour cette raison aussi, le monde n’est qu’une illusion et la question ne peut se poser.
La question ne peut pas se poser dans la Conscience, puisque le monde n’est pas là. Ni dans le plan de l’esprit, puisque vous pouvez amener la Conscience au niveau de l’esprit et l’intégrer au monde apparent.
LIBÉRATION
104. (234) Quand suis-je libre ?
Quand la pensée que vous êtes « Cela » est la chair de votre chair, le sang de votre sang, et quand cette pensée coule dans vos veines tout naturellement et sans effort, vous pouvez dire que vous êtes libre.