vendredi 18 janvier 2019

• Quand le réel se met à chanter - Alain Galatis

Notre esprit et nos sens nous abusent. En croyant que l’image que nous nous faisons du monde est la réalité de ce dernier, nous nous méprenons et nous passons à côté d’une compréhension de nous-mêmes élémentaire.
Il s’agit de découvrir comment notre esprit crée des images et comment notre esprit s'identifie à ces images. Et pour se faire, il est nécessaire de se pencher sur la banalité de notre quotidien. C’est là où tout se joue : qu’est-ce qui se produit réellement dans l’instant où vous êtes, à l’endroit où vous êtes ?
Au terme de notre enquête, c'est ce labeur d'éclaircissement qui nous permettra de reconnaître ce qui n'est pas images : le réel. Et de découvrir ce que nous sommes.
Le ton légèrement caustique et décalé, inhabituel dans ce genre de littérature, oscille avec force entre révolte et humour, entre poésie et philosophie.
Un chant d’amour, un chant de rébellion, un chant de partage, un chant de l’unité : le chant du réel.

Né en 1961 d’un père grec et d’une mère suisse, Alain Galatis vit à Lausanne. Durant de nombreuses années, il écrit de la poésie. Son cheminement ainsi qu’un questionnement incessant sur la nature de la réalité, l’amène à la rédaction d’un premier livre L’indicible publié en 1997. Cette même année, il ouvre la Librairie Ex Nihilo. Depuis il a publié six ouvrages tous consacrés à la non-dualité et enregistré deux CD de chansons.

© Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias L'Originel : 

La forme de l'informe

Le réel se déploie sous d'innombrables formes. Dans certaines formes, des consciences émergent. Ces consciences qui apparaissent dans le réel sont en premier conscience de l'évènement. La très grande étrangeté réside dans le dérapage qui survient où la conscience se déconnecte de son origine et se croit conscience de telle forme particulière. Cela devient presque risible : "Comment ça, tu te croit conscience d'un individu, alors que tu es conscience du tout ! Qu'est-ce qui te prend ? À quoi joues-tu ?"

Sidération

Nous nous trouvons face à un comportement sidérant où l’être humain se révèle capable d’accomplir des prouesses technologiques d’une difficulté folle, des constructions intellectuelles d’une complexité rare, des créations artistiques d’une beauté profonde. Mais ce créateur de génie refuse obstinément d’accomplir une tâche toute simple : celle de distinguer les illusions dont nous sommes à la fois responsables et victimes. Ceci donne un portrait de l’homme effrayant et déconcertant : un être d’une suprême intelligence mais par ailleurs complètement halluciné. Et plus que tout, il tient à ce compromis impossible. Aucune intention de lâcher le morceau. Cela semble lui plaire, ne le dérange en aucune manière. Il a bel et bien l’intention de vivre dans cet écartèlement douloureux et malsain.

Fatalité

Il n’est plus question d’expliquer, de démontrer, d’analyser, d’inciter, cela ne sert à rien. L'être humain ne veut pas faire ce travail, c’est tout. S’il montrait la moindre velléité de s’y intéresser, vu les capacités qui sont les siennes, il résoudrait ce problème en un tour de main : « Attends un peu que je te démonte cette illusion, tu vas voir, c’est très simple ! » Mais non, l'être humain s’arc-boute dans cette posture d’une intelligence délirante qui ne parvient pas à déceler les travers de son fonctionnement. Pourquoi, alors, ne pas accepter cela comme une fatalité ? Pourquoi ne pas se dire : l'être humain est ainsi, sa nature est celle du délire ? Pourquoi refuser ce fait ? Justement parce qu’il a les moyens de traverser cet état, les moyens de trouver une cohérence qui devrait lui être naturelle. Il le peut mais ne le veut : toute la tragédie humaine.

Le travail

Le seul travail à accomplir serait de se pencher sur les aspects les plus simples de notre compréhension du monde. Ne jamais rien considérer comme acquis, mais toujours tout remettre en question, systématiquement, patiemment. Il serait nécessaire de s’interroger sur les évidences les plus élémentaires. Il faudrait se pencher sur la banalité de notre quotidien. C’est là où tout se joue : qu’est-ce qui se produit réellement dans l’instant où vous êtes, à l’endroit où vous êtes ? C’est un travail de décapage, de nettoyage. Nous devrions dissoudre ce qui obscurcit notre vision. Autrement, autant prétendre nous repérer et nous orienter, les yeux bandés, au milieu d’une forêt vierge.

Le chemin

Il y a un long chemin à parcourir. Et la seule possibilité que nous ayons est de nous mettre en mouvement. Accomplir un premier pas, puis un second. Ce n’est pas trop compliqué. Nous devons initier un mouvement. Après, cela se fait plus ou moins tout seul. C’est une démarche rationnelle, la recherche d’une cohérence, le désir de mettre fin à une confusion, la curiosité de comprendre notre fonctionnement. Et c’est un questionnement passionnant, fascinant. Il s’agit de découvrir comment notre esprit crée des images, comment notre esprit définit que ces images expriment la réalité du monde et comment notre esprit s’identifie à ces images. Au terme de notre enquête, c’est ce labeur d’éclaircissement qui nous permettra de reconnaître ce qui n’est pas images : le réel. C’est ce labeur qui nous permettra de comprendre ce que nous sommes. Puisque nous ne sommes pas des images. Puisque nous ne pouvons être ce que nous pensons être. 

Nouvelle parution des Éditions Accarias-l'Originel :

http://www.originel-accarias.com/Edition/marciszewer.html

mercredi 2 janvier 2019

• Quand s'ouvre l'oeil de Vajra - Han Shan



En 1586 j'entrai dans ma 41e année. Après une longue période de voyage et d'études, je pus enfin vivre tranquillement dans ma nouvelle demeure de méditation qui venait d'être construite. Mon esprit et mon corps subirent alors une détente bienfaisante et je me sentis merveilleusement heureux. Un soir, pendant la méditation, je vis clairement la Grande Totalité, illuminatrice, transparente, vide et claire, telle l'océan limpide, et rien n'exista plus. Cette vision m'inspira les stances suivantes : 

L'Océan limpide luit
clair et vide, 
aussi éclatant que le reflet de la lune
sur la neige blanche.
Aucune trace d'homme ou de dieu ne subsiste.
Oh ! quand s'ouvre l'oeil de Vajra, 
le mirage disparait. 
La grande terre disparait dans la royaume de la tranquillité.