Après avoir rencontré en Inde de nombreux Maîtres dont Sri Nisargadatta Maharaj, Paula Mango transmet l'enseignement de la non-dualité : travail spirituel qui met l'accent sur l'importance de l'instant comme vecteur de toute connaissance et de toute transformation, dans une découverte de la joie d'exister.
La présence éternelle
Voici quelques conseils et suggestions à pratiquer en humilité. Aussi modestes soient-ils, ils peuvent rendre un grand service à ceux qui cherchent à remonter vers la Source ou retourner à l'Un, ce recul vers la naissance de l'être humain, antérieur même à celle-ci.
Le mot "vivre" ne nécessite pas d'effort. Simplement, de reconnaître le lieu où l'effort et la volonté prennent naissance.
Dans le logion 4 de l'Evangile selon Thomas, les conseils amènent à "interroger un tout petit enfant de sept jours au sujet du lieu de la vie, et il vivra", à se mettre dans la peau de ce nouveau-né, à observer ce qui se ne passe pas en cet état d'innocence. Mettre en pratique l'ordre formel de Jésus devient alors une tâche passionnante.
Imaginons-nous dehors : il fait grand vent. L'enfant de sept jours que je suis écoute constamment. En me tenant à l'écoute par l'ouïe de ce petit, ma perception reste pure, qu'il y ait du vent ou pas. Ma perception reste intègre parce qu'elle n'est point encore addition d'idée, d'émotion, d'appréhension. Les mots éventuels, les étiquettes de sensations enregistrées sont loin. Le fil de l'événement, selon l'éclat du son ou mon état de confort, va s'inscrire dans ma mémoire pour peu que se reproduise un événement similaire. L'esprit du petit le reconnaît. Il assemblera les mots appropriés deux ans plus tard.
Remontons au septième jour. Ecoutons la voix des arbres dans le vent, la voix du vent dans les arbres. Grande ouverte est l'ouïe sans que la volonté s'en mêle, sans résistance, sans idée ou image, attentive donc. L'enfant que nous sommes ne reconnaît ni les arbres ni le vent. Il laisse envahir sa conscience. Arrêter l'impression de son est impossible, sauf par une intervention de notre volonté ou par volonté extérieure.
Notre nature de base est "l'ouverture". On est présent simplement pour suivre ce que le vent apporte, étant un avec l'instant infini sans effort, sans pensée.
Tout jugement sur la qualité de ce que l'on reçoit est arbitraire. S'il y a affaiblissement du son, l'écoute continue, bon gré, mal gré. Le silence ne la modifie aucunement. Nous sommes ce "ruban" impersonnel. Plus tard seulement la mémoire et l'intellect pourront la classer et lui donner un certain sens.
Dès que l'on s'en remet aux données, aux classifications, l'attention n'est plus actuelle. Captée par le filet de la mémoire, elle reste à l'arrière, non pas morte, mais oubliée. Ainsi, rediffusée par la mémoire en idée, image et concept, en terme métaphysique, le ruban vierge, l'état originel, ne peut plus être vivant. Pour se libérer du joug que Maya impose, il est donc impératif de bien le comprendre.
Mais revenons à l'état du tout petit, notre but. Il en est de même pour tout son, que ce soit l'avion qui vrombit, le gargouillement du ruisseau, la voix qui parle, le chant des oiseaux, ou n'importe. On suit nécessairement, même inconsciemment. L'ouïe ne peut aller et venir en arrière, en avant. L'ouïe est l'instant présent.
Prenons le cas d'une chanson connue qui passe, chantée à faux ; rien n'y peut être changé. L'écoute reste intacte, totale, même si la chanson va à l'encontre du sens, de la mémoire.
Notre vraie nature semblable au "petit" reste pure, immaculée ; elle ne se trompe pas ; elle perçoit. Seule la pensée juge. L'ouïe ouverte, vide, propre, obéit à l'instant. Eternellement fraîche, elle ne dicte pas. C'est l'évidence pure. Est-ce bien clair, aussi, qu'un mental appuyé de sa mémoire fait créer à chacun son monde, nous propose des idées, avertit des dangers, protège, harasse, bourre l'esprit ? Lorsqu'on entend une sirène, un marteau piqueur, une tamponneuse, une fraise de dentiste, un klaxon, un téléphone, une souris, ces impressions agissent en leurs multiples vibrations ; le mental les interprète comme des avertissements, des communications. N'est il pas évident que le mental, se basant sur la mémoire, donne un sens à ces signaux ?
Par la mémoire, nous éprouvons désir, appétit, dégoût, fierté, ambition, peur, bonheur. La mémoire approvisionne, l'intellect interprète. Chacun crée ainsi son propre monde. Le mental construit notre existence, ce que l'on croit être notre existence, ce que l'on croit être nôtre, l'individu si étrangement limité et coupé de sa source. Mais il est en notre pouvoir, néanmoins, de maîtriser le mécanisme vécu entièrement dans le passé.
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