jeudi 27 décembre 2007

• Conversation avec l'Immensité - Suzanne Segal

Conversation avec l'Immensité

Suzanne Segal

Auditeur - Selon vous, vous ne pouvez pas conseiller de pratique spirituelle car il n'y a pas une personne pour la pratiquer. Que pouvez-vous dire à ceux d'entre nous qui n'ont pas connu la même expérience d'éveil que vous ? Que faisons-nous en attendant?

Suzanne Segal - Tant qu'il y a une action, il reste toujours quelqu'un qui agit. Mais ce n'est pas un "moi" qui décide ce qui doit être mis en oeuvre pour produire ladite action. Ainsi, je ne dis pas qu'il n'existe pas de pratiques spirituelles : il n'y a simplement personne pour les pratiquer. Tant qu'une pratique spirituelle repose sur une cristallisation de la notion de pratiquant, le résultat atteint sera un maintien voire une amplification de la croyance en un moi individuel séparé.

L'auteur non-localisable à l'arrière-plan de chaque action se montre de manière évidente. S'il vous apparaît comme une évidence de méditer, alors vous méditerez. S'il vous est évident de faire de la politique, alors vous ferez de la politique. Personne ne peut améliorer votre vie à votre place. Les pensées, les sensations, les actions ou les évènements ne se rattachent pas à une personne. C'est simplement ce qui est et a toujours été.

Extrait paru dans le numéro 53 (automne 1999) de la revue Troisième Millénaire

• La perception pure - Dilgo Khyentsé Rinpoché

La perception pure

Dilgo Khyentsé Rinpoché

La perception pure est le point de vue extraordinaire du Véhicule de Diamant. Elle consiste à reconnaitre la nature de bouddha qui réside dans tous les êtres et à percevoir la perfection et la pureté originelle dans tous les phénomènes. Chaque être possède l'essence de bouddha, un peu à la façon dont chaque grain de sésame contient de l'huile. L'ignorance est simplement la méconnaissance de cet état de fait. C'est la condition du mendiant qui ne sait pas qu'il y a un pot plein d'or enterré sous sa hutte. Le voyage vers l'Éveil, c'est la redécouverte de cette nature oubliée. C'est comme revoir le soleil qui n’a jamais cessé de briller, à mesure que les nuages qui le cachaient sont chassés par le vent.

Les qualités de l'état de bouddha inprégnent tous les êtres, à l'image de l'huile et du sésame. Expressions naturelles de la nature absolue, elles sont là depuis toujours, immuables et au complet. On peut donc dire que toutes les qualités du nirvana sont omniprésentes dans le samsara -monde de la souffrance et de l'illusion. Quel est le rapport entre les phénomènes de l’illusion et ceux de l’éveil ? Considérons les nuages dans le ciel. Ils se forment, en quelque sorte, grâce au ciel. Mais le ciel, lui, reste immuable : les nuages y surgissent puis, une fois que le vent les a dispersés, il réapparait exactement tel que depuis toujours. De même, les phénomènes, même ceux du samsara, ne sont jamais séparés de la nature éveillée du nirvana. Ils se manifestent tous au sein de cette nature, mais en ne la modifiant en rien. Est-ce que, par conséquent, les phénomènes de l'Éveil sont à leur tour imprégnés par ceux de l'illusion ? Non, car la nature absolue est immuable. Aucune illusion, aussi profonde soit-elle, ne peut l'affecter. On peut donc dire que les phénomènes illusoires ne sont jamais distincts de la nature absolue, mais que la nature absolue ne les "contient" pas. En d'autres termes, la nature de bouddha est présente dans l’illusion, mais l’illusion n’est pas présente dans la nature de boudha.

L'esprit n'a ni forme, ni couleur ni substance ; voilà pour son aspect vide. Mais il peut connaitre les choses et percevoir une variété infinie de phénomènes ; c'est son aspect lumineux, c'est à dire connaissant. L’union inséparable de ces deux aspects - vacuité et luminosité - constitue ce que l'on appelle l'esprit originel immuable. Pour le moment, la clarté naturelle de votre esprit est voilée par vos égarements. Mais au fur et à mesure que ces voiles se dissiperont, vous commencerez à découvrir la radiance de la conscience éveillée, jusqu'au moment où vos pensées se libéreront à l'instant même où elles apparaitront, comme un trait sur l'eau disparait dés qu'on le trace. Quand on reconnait directement la nature de l'esprit, c'est ce qu'on appelle nirvana. Quand elle est voilée par la méprise, c'est ce qu'on appelle samsara. Mais le samsara comme le nirvana n'ont jamais été distincts du continum de la nature absolue. Quand la conscience éveillée atteint son degré de plénitude, les remparts de la confusion mentale s'écroulent et la citadelle de l'absolu, au-delà de la méditation, peut être conquise une fois pour toutes.
Dilgo Khyentsé Rinpoché


L’esprit du Tibet
Mathieu Ricard
Éditions du Seuil

dimanche 23 décembre 2007

• La Conscience non duelle - Lalla


Je me suis épuisée à la recherche du Soi.
Qui aurait pu avoir accès à la connaissance

Silencieusement lovée au creux de mon être intime ?

Je m'y suis coulée,

Et là, j'ai découvert les coupes

Débordantes de nectar

Auxquelles peu d'êtres portent leurs lèvres.

≈≈≈≈≈≈

Celui qui ne voit plus de différence
Entre lui-même et l'absolu,
Celui qui ne sépare plus
Lumière intérieure et obscurcissement
Peut développer, dans l'égalité du coeur,
La Conscience non duelle.

≈≈≈≈≈≈

Certains ont renoncé aux attachements du coeur et à leurs biens.
D'autres sont partis vivre dans des ermitages.
Tout cela est vain aussi longtemps que l'esprit
n'a pas atteint sa propre demeure.
Sois présent à la respiration nuit et jour
Et reste simplement où tu es !

≈≈≈≈≈≈

Si cessent les vaines imaginations
Et les désirs qui forment la trame du temps,
Si tu réalises Shiva omniprésent, impalpable et pur,
Tu peux vivre dans le monde ou vivre en ermite
Habité par la vérité que tu as touchée.

≈≈≈≈≈≈

A jamais, nous arrivons.
A jamais, nous partons.
Pour toujours, nuit et jour,
Nous sommes dans un mouvement,
Qui toujours nous ramène
A notre lieu d'origine.
Il y a là un mystère,
Une vérité à saisir.

Lalla

Chants mystiques du tantrisme cachemirien
Editions du Seuil


Découvrez d'autres extraits ici.

mercredi 19 décembre 2007

• Il n'existe rien de tel que l'éveil - U. G. Krishnamurti

Sources

Il n'existe rien de tel que l'éveil

Entretien avec U. G. Krishnamurti

Question: Quand vous dites " je ", quel concept avez-vous de vous-même ? A quoi ce " je " fait-il référence ?

U. G. Krishnamurti: Pour moi, le " je " est un pronom singulier à la première personne. J'ai découvert cela étant très jeune. Ceci dit, je ne pense pas qu'il existe quelque " je ", ou Soi, ou n'importe quel autre terme pour désigner ça.
Vous ne pouvez en aucune façon vous séparer de cet organisme vivant, sauf au travers des concepts ou des idées qui vous ont été inculquées. Le seul moyen que vous avez de vous séparer de quel que soit ce que vous l'appelez : le " je " ou le Soi ou l'Atman, c'est d'utiliser la connaissance. Sinon, vous n'avez aucun moyen pour vous séparer de ce que vous appelez " vous ", " je ". Bien sur, j'utilise " je ", j'utilise aussi " mon " parfois ; " ma " fille quand je la présente à quelqu'un, ou " ma " sœur. Ma femme est décédée il y a trente-cinq ans, donc il ne m'est plus d'aucune utilité d'en parler comme étant "ma" femme. Mais en réalité, je n'ai aucune relation que ce soit avec " ma " fille ou avec une personne que je présenterais comme " mon " ami. Je ne peux me séparer et me considérer que quand j'utilise la connaissance que j'ai du Soi, du " je ", ou de l'Atman, ou quel que soit ce qu'il est. Donc, cette connaissance a été rentrée là-dedans, dans l'ordinateur, la base de données ou base de mémoire, par la culture ou la société. Ceci dit, je ne pense pas, jamais avoir la moindre idée quant à ce que je pourrais bien être.

Il n'y a ni intérieur, ni extérieur. Je ne peux me distinguer de vous qu'à travers la connaissance que j'ai de vous. Je ne me dis jamais que vous portez des blue-jeans. Je sais que ce sont des blue-jeans. Dès que je dis : " Ce sont des blue-jeans ", la connaissance que j'ai des blue-jeans disparaît. Donc, je ne peux pas dire que je ne sais rien. Quand je dis que : " Je sais que ceci est bleu, et que le ciel est clair ", alors je me retrouve à nouveau dans la même situation qui est celle de ne vraiment pas savoir ce qu'est ce que je regarde. Je ne me dis jamais : " Le temps dehors est clair ". Jamais. Et, si vous me le demandiez, je répondrais : "Le temps est clair et ensoleillé, il fait très bon ". Votre question fait jaillir toutes les informations présentes là, à l'intérieur. Jamais je ne me dis : " Il fait beau " ou je ne me dis jamais : " Il fait nuit " non plus. Mais je ne suis pas du tout en train de dire que : " Je ne sais pas ". Je sais.

Donc, je ne peux absolument pas me séparer de ce qui se passe là dehors, ni de ce qui se passe dedans. S'il n'y a pas de séparation de ce que vous êtes en train de regarder, vous ne pouvez distinguer ce qui se déroule dehors de ce qui se déroule dedans. Il n'y a ni intérieur, ni extérieur ici. L'œil physique ne regarde pas cela comme étant " blanc ", ni jamais il dit " c'est foncé ". Les perceptions sensorielles ne traduisent absolument rien au sujet de ce qui se déroule là dehors ou ici en moi. Donc, je ne peux en aucune façon me séparer de ce que j'observe là dehors ou là dedans, en moi. Je peux dire : " Ceci est moi ", " Cela n'est pas moi " ; " Je suis heureux ", " Je suis malheureux " ; " Je suis avare ", " Je ne suis pas avare " ; " Je suis jaloux ", " Je ne suis pas jaloux ". Ils ne représentent rien pour moi.

Q : Alors, n'avez-vous aucune identification avec ce qui se passe dans votre vie de tous les jours ?

U.G. : Non, je n'aime pas utiliser le mot identification. Je ne traduis jamais ce qui se passe afin de cadrer avec ce que je sais. Le besoin ne se présente que lorsqu'une demande survient du dehors. Les actions ne surviennent jamais d'elles-mêmes. C'est quelque chose d'automatique. Pour une raison ou une autre, dans la relation de cause à effet, l'espace entre les deux n'opère pas tout le temps. Ainsi, lorsqu'une demande se présente, je peux ensuite dire que cela est vraisemblablement la cause de ceci, et que ceci est le résultat de cela, mais en réalité, il n'y a aucun espace entre cause et effet. Donc, l'instrument que nous utilisons, qui est la pensée, ou même différentes pensées, naît de la relation de cause à effet, et il vous est impossible de comprendre quoi que ce soit sans créer l'espace entre la cause et l'effet.

Par exemple, la mort n'est qu'en soi un concept. Le corps ne sait pas qu'il est en vie en ce moment et vous ne serez pas là pour présider votre propre mort. Donc, concrètement parlant, je ne peux en aucune façon me dire que je suis en vie, ni savoir que je suis vivant. Si vous me demandez : " Êtes-vous vivant ou mort ? " Je répondrai certainement par : " Je suis vivant. " Pourquoi dirais-je cela ? Je dis que je suis vivant en raison de ce que les physiologues m'ont appris et de ce que les docteurs nous disent. Comme je suis capable de parler et de réagir, ils en concluent que je suis un être vivant. Cela constitue le savoir commun transmis à chacun de nous, mais en aucune façon je peux faire l'expérience du fait que ceci est un organisme vivant. Impossible. Ainsi, lorsqu'il sera mort, il en sera fini de notre connaissance accumulée.

Nous ne nous intéressons qu'à une seule chose : " Comment ? " Tout le monde demande : " Comment ? ". " Comment " devrait être supprimé de toutes les langues ! " Comment ? " signifie que vous voulez savoir. En sachant de plus en plus de choses, vous maintenez la continuité de ce savoir. Par conséquent, vous refusez qu'il prenne fin, voyez-vous. Nous en savons beaucoup, pourtant nous posons tous constamment cette question " Comment ? ".

Q : Saviez-vous ce que vous recherchiez quand vous étiez jeune ?

U.G. : J'étais en réalité et dans les faits à la recherche d'un homme comme moi, qui est ici maintenant. Quand je dis : " Comme un homme comme moi ", vous allez me lancer la question : " Savez-vous ce que vous êtes ? " Quelque chose vaguement de ce genre. Donc, il m'a fallu rejeter tout le monde, vous voyez. Ce n'est pas que je me sois dis que j'étais à la recherche d'un homme comme ce type assis ici, mais lorsque je me suis dit sincèrement : " C'est celui que tu cherches ", il a alors disparu, complètement et entièrement.

Un jour, je me suis dit : " Pourquoi ai-je gaspillé quarante neuf foutues années de ma vie à vouloir être éveillé ? " Je me suis ensuite dit : " Maintenant tu es un éveillé. Tu es dans le même état que tous ces maîtres spirituels : Bouddha, Jésus, tous. " Ceci m'a frappé si fort : " Jusqu'à hier, tu te disais vouloir être un éveillé comme tous ces gens. Maintenant, tu es en train de te dire que tu es éveillé et que tu es au même niveau que tous ces maîtres spirituels. " J'en ai été littéralement sonné. Je me suis alors dit : " Ce sont eux, les maîtres qui te disent que toi, tu n'es pas éveillé puisqu'ils m'ont transmis le savoir au sujet de la façon dont fonctionne un éveillé. En fait, c'est ce même savoir qui m'informe aujourd'hui que je suis un éveillé. Donc, cette expérience n'a rien de spécial. " Je me suis demandé : " Alors, comment peux-tu jamais savoir que tu es un éveillé ? " Ensuite, ce questionnement a déclenché un genre de tourbillon. Il s'est poursuivi : " Comment pourras-tu savoir si tu es dans le même état que tous ces gens ? " Ça s'est poursuivi sans discontinuer pendant quinze minutes, jusqu'à ce que ça s'arrête net. Ce qui me restait, en fait, je n'en sais rien du tout. Que me reste-t-il maintenant ? Je ne dis pas cela par modestie. Je ne peux tout simplement pas me demander : " Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu es ? Qu'y-a-t-il ici ? ".

Q : Pourriez-vous dire qu'il ne manquait plus quelque chose, que l'impression de devoir découvrir quelque chose avait disparu ?

U.G. : Rien, voyez-vous.

Q : Ainsi, c'était complet ?

U.G. : C'était fini. Ensuite, la chose la plus étrange se produisit à partir de ce moment : Les sens prirent le dessus. J'ai ainsi découvert la façon dont les sens opèrent véritablement. Il n'y avait aucun transmetteur intermédiaire que ce soit, qui puisse dire : " Ce soleil est beau " ou " Il fait sombre " ou " Ceci est dur, ceci est mou ". Je regardais une vache dans le champs, et demandai à Valentine, alors assise sur le banc à côté de moi : " Qu'est-ce que c'est ? ". Elle répondait : " Une vache ". Puis, cinq minutes plus tard, tel un enfant, je lui demandais à nouveau : " Valentine, qu'est-ce que c'est ? " Elle en était dégoûtée : " Combien de fois dois-je te dire que c'est une vache ? Ne le sais-tu pas ? " Voyez-vous, au début j'étais intrigué. Je ne savais même pas ce que c'était. Aujourd'hui je suis dans la même situation et je ne sais jamais ce qu'est ce que je regarde. Si vous me demandez : " Qu'est-ce ? " Je répondrais : " C'est une vache ".

Q : Mais quand les pensées vous venaient à l'esprit, est-ce que tout ...

U.G. : Une différence, c'est que je ne peux absolument pas tirer un trait et me dire, ou dire à d'autres, que je fonctionnais d'une certaine façon avant et que je fonctionne d'une autre maintenant. Je ne peux pas fixer de frontière. J'utilise toujours cette comparaison rudimentaire : après le lavage et avant le lavage. Je n'ai aucun moyen de savoir comment je fonctionnais. Mais en fait, je vous le dis, il ne s'opère en moi aucune modification ; sauf le désir, voyez-vous, je voulais être quelque chose de différent de ce que je pensais être. C'est la seule chose qui ne soit plus là. Et, autre chose, il m'est impossible de créer une image en moi de ce à quoi vous ressemblez. Si je me tourne vers le mur, m'éloignant ainsi de vous, cette caméra (il pointe son doigt vers ses yeux) se focalise sur le mur, et je ne peux absolument pas créer une image de ce à quoi vous ressemblez. Impossible. Et si je me tourne à nouveau de ce côté et que je vous regarde, je n'ai pas besoin d'interpréter et deme dire que : " Ceci est vous et vous portez des blue-jeans ". Je ne me dis jamais tout ceci, car ça ne m'est pas nécessaire en ce moment.

Je ne peux absolument pas créer ne serait-ce qu'une seule image. Bien que je connaisse Paul depuis trente ans, je ne me souviens pas de ce à quoi il ressemble, mais lorsqu'il se trouve ici devant moi, l'ordinateur projette l'image et le reconnaît, mais jamais il ne se dit que ceci est Paul. Ce n'est pas parce que je ne le sais pas. La base de données, la base de mémoire n'est pas du tout influencée par l'interprète, ou par celui qui fait ressortir ce qu'il est nécessaire de savoir. Dans ce sens, je ne peux pas créer d'image de quoi que ce soit, de ce à quoi ceci ressemble. Ça m'est impossible.

L'attention totale n'existe pas du tout. Ce n'est tout simplement pas possible. Par exemple : Quand vous observez ce rideau s'agiter dans le vent, c'est là la seule chose qui requiert votre attention. Je ne m'explique jamais à moi-même ce que les yeux observent et je ne peux en aucune façon me séparer de ce qui est là. Je ne peux me distinguer de ce qu'observent mes yeux que si le besoin s'en présente. Ce besoin ne proviendra que si quelqu'un me demande quelque chose. Comprenez-vous ? Donc mes actions ne s'initient jamais d'elles-mêmes. Jamais. Ainsi, au moment où la pensée surgit, l'action est terminée. La séparation ne se produit que lorsque la connaissance survient et me dit : " Ceci est un rideau blanc. " Voyez-vous, autrement, quel besoin aurais-je de me dire cela ? Mais, la raison pour laquelle nous le faisons est très simple. C'est parce qu'il nous faut maintenir la continuité de notre savoir. C'est la seule raison. Par exemple, vous direz : " Ceci est blanc et cela est bleu, vous êtes ceci et cela..." et vous continuez ainsi à n'en plus finir. Ce besoin est la seule chose qui agit ; ce n'est pas le " je ", ni le Soi, ni l'Atman. Il n'y a rien ici, en dehors du besoin de maintenir la continuité du savoir que vous avez des choses alentour et des choses ici (se désignant).

Ces temps-ci, je ne fais que parler de la façon dont les sens fonctionnent. Ce corps est né avec une intelligence extraordinaire, une intelligence qui n'a pas son pareil. Toutes les connaissances que vous possédez ne pourront jamais égaler cette intelligence. Vous ne le pouvez pas. Donc tout ce que vous pensez être bon pour ce corps ; quelles que soient les idées que vous lui imposez, il rejette tout. C'est pour cela qu'il n'a pas besoin de savoir quoi que ce soit, et il n'a pas besoin d'avoir quoi que ce soit de plus. Et ceci, est valable pour toutes les régions de notre existence. C'est donc pour cette raison que je me détourne de toute la technologie médicale. Je n'ai jamais consulté de docteur. Je ne mange rien de ce que tout le monde recommande. Et je dis, de façon catégorique, que les docteur des temps modernes sont les sorcières d'aujourd'hui ; et qu'en ce qui me concerne, la technologie médicale contemporaine est la sorcellerie des temps modernes. Tout ce qu'ils préconisent comme étant bon pour le corps, je n'y touche pas. Désignant la table : je consomme ces flocons d'avoine là. C'est ma dernière trouvaille ; cela s'appelle " super rapide ". Vous ne le trouverez qu'à Londres. J'en mange un petit bol auquel j'ajoute de la crème " double-riche ", " triple-riche ", " quadruple-riche " avec un tout petit peu de jus d'ananas congelé que je ne trouve qu'en Chine. C'est pour cela que je me rends dans ce pays où il y a des supermarchés internationaux. Sinon, je ne consomme ni jus de fruits, ni légumes, rien. Ce corps, voyez-vous, a besoin d'énergie, d'unités thermiques de base. C'est comme ça que je l'expliquerais (en riant). Ainsi, ce bol de flocons avec beaucoup de crème fournit au corps l'énergie dont il a besoin. Je n'effectue aucune promenade à pieds ni aucun autre exercice physique ne m'est nécessaire. Je suis en vie depuis 80 ans. Donc, rien de ce que nous considérons être bon pour le corps ne lui est concrètement bénéfique.

En fait, ce que je souligne sans cesse, c'est la façon dont le corps fonctionne une fois libéré de l'étranglement de la culture. Je ne fais que décrire cela. Vous ne pouvez aucunement contrôler le fonctionnement de ce corps. Vous n'y pouvez strictement rien. Le corps n'a en réalité pas besoin de tout ce que nous lui faisons absorber. Ce n'est qu'un mouvement vers le plaisir. Nous mangeons pour le plaisir. C'est un fait.

Q : Existe-t-il une telle chose que la Réalité ?

U.G. : Non, cela même si les scientifiques essayent d'affirmer qu'ils connaissent mieux la Réalité que tous les maîtres spirituels et tous les mathématiciens du monde. Vous ne pouvez aucunement faire l'expérience de la Réalité de quoi que ce soit. Je maintiens et j'affirme avec toute la force que je peux rassembler que ce que vous ne connaissez pas ne peut être expérimenté. Ce que vous ne connaissez pas est un concept, vous voyez ?

Q : Des gens utilisent le terme " pure subjectivité " afin de décrire la Réalité.

U.G. : Les philosophes ont parlé de " perception pure ". Il ne peut y avoir de perception, sans parler de perception pure, dénuée de celui qui perçoit. Tout ceux-ci sont des jeux que nous jouons avec nous-même et avec les autres. Il ne peut pas y avoir de perception sans celui qui perçoit. Et, pourquoi parler de perception pure ? Je ne comprends pas. Les Hindous ont également traité le problème de cette façon. Un disciple dit à un autre : " Mon gourou a atteint l'état de Turiya ; l'état le plus élevé. " D'après-moi, l'état de Turiya correspond à la maladie d'Alzheimer. Voyez-vous, dans cet état ils n'ont aucun problème ; ils ne reconnaissent rien et ne font aucune expérience de quoi que ce soit. Valentine avait cette maladie. Elle touchait tout afin d'établir une relation avec les objets qui l'entouraient. Le sens du toucher est l'activité sensorielle la plus importante. Les enfants commencent par lui et les quatre autres viennent ensuite.

C'est aussi pour cette raison que les gens qui pensent sans cesse sont quasiment aveugles ; ils n'ont jamais regardé quoi que ce soit de toute leur vie. Par exemple, ce jeune homme ici, ne l'a jamais regardée, ni elle lui (désignant le couple assis en face de lui dans la pièce), parce qu'il ne la regarde qu'à travers ce qu'il sait d'elle, et elle de lui. Vous projetez votre savoir sur l'autre personne, mais en réalité l'œil physique ne peut en aucun cas regarder quoi que ce soit. Il vous faut avoir une connaissance de ce que vous observez. Nous projetons cette connaissance sur ce que nous regardons. Il en va de même pour la Réalité dont ils parlent ; c'est quelque chose dont il est impossible de faire l'expérience et qui ne peut pas plus être connue, à moins d'utiliser la connaissance que l'on a de la Réalité des choses ; même si c'est un scientifique ou un religieux qui parle de Réalité ou de perception pure. D'abord, il ne peut y avoir de perception, encore moins de perception pure. Donc tout cela ne sont que théories, voyez-vous ?

Prenez les gens qui parlent de Dieu. Toutes les théologies qui nous accablent : l'ontologie, le théologique, les preuves cosmogoniques de l'existence de Dieu. Oh ! Mon Dieu, pourquoi nous cassons-nous la tête avec tout ce savoir ? C'est pour avoir plus de connaissances que vous et afin de me sentir supérieur. J'aurai de cette façon une supériorité verbale. Shakespeare n'avait à sa disposition que quatre mille mots de vocabulaire en mémoire (en riant). Et, aujourd'hui combien de millions en avons-nous ?

Q : Qu'est-ce que l'éveil exactement ?

U.G. : Il n'existe rien de tel que l'éveil, parce que je ne peux jamais me dire que : "Je suis éveillé".

Q : Alors que vous est-il arrivé quand vous aviez 49 ans ?

U.G. : Il n'y a pas de différence entre les états de veille, de rêve et de sommeil. Il n'y a aucune différence. Je ne suis jamais en train de me dire : " Je suis réveillé " &endash; jamais &endash; parce que je ne me dis pas plus : " Il fait jour dehors " ou " Il fait nuit noire ". Si vous me posez la question de savoir si je suis réveillé, alors j'utilise le savoir que j'ai reçu au sujet de la façon dont un homme réveillé fonctionne. Je ne fais jamais de rêves. Il ne m'est pas nécessaire de rêver et je ne dors jamais huit heures d'affilée. Je suis comme un chat, je fais des petits sommes. Je m'endors à dix heures, et me réveille dix minutes plus tard. Et, à nouveau, vers onze heures je peux me rendormir un peu. Je ne peux donc absolument pas dire : " Je suis endormi ou réveillé, ou en train de rêver ". Aucun rêve ne m'apparaît. S'il vous est impossible de créer une image quand vous êtes réveillé, il ne vous est pas plus possible d'en créer pendant que vous dormez. C'est impossible. Quelqu'un pourra remarquer que je suis endormi et même que je suis en train de ronfler, mais je ne peux en aucune façon dire cela de moi-même.

On ne peut se faire remarquer à soi-même que l'on est endormi. Ce n'est qu'au moment du réveil que vous faites la relation entre le soi-disant état de veille et l'état qui le précédait : votre sommeil, et vous ajoutez que vous vous sentez bien parce que vous avez bien dormi. Vous attribuez cela au fait de bien dormir. Vous avez mal dormi, votre nuit a été agitée - d'après ce que vous m'avez dit au sujet de la nuit dernière. Vous avez mal dormi. Cela en référence à l'état dans lequel vous pensez être en ce moment présent, sinon vous ne pourriez rien dire au sujet de votre sommeil : s'il a été léger, profond, agité ou rempli de rêves. En ce qui me concerne, le problème ne se pose pas, puisque je ne sais pas que je suis réveillé. Les sens fonctionnent de façon immédiate et à leur capacité maximum en permanence ; puis, il ralentissent très progressivement, car il doit se régénérer souvent. Vos yeux s'ouvrent peut-être, mais vous ne voyez rien de ce qui vous entoure pendant une fraction de seconde. Vous ne voyez rien, vous n'écoutez rien. Ainsi, il doit ralentir, et une fois qu'il s'arrête (U.G. claque du doigt), si vous regardez des objets, il vous est impossible de voir, car vous ne regardez rien du tout. Si vous dites : " C'est lumineux ", alors vous n'êtes pas en train de regarder, mais vous ne faites que projeter votre connaissance, et de me dire : " Il fait jour et soleil ". Sans elle, l'œil physique ne traduit jamais ce qu'il voit en tant que : " soleil vif " ou " nuit noire ". Si vous me consultiez, je confirmerais. Quand la lumière est trop vive, vous pouvez fermer les yeux et vous tourner dans une autre direction. Vous n'êtes pas cela. C'est automatique, il possède une intelligence formidable quant à sa propre protection. Il sait comment se protéger et comment survivre. Donc, concernant le fonctionnement de ce corps, vous n'avez aucun rôle à jouer. Alors, voyez-vous, l'intelligence présente ici prend le dessus et prend soin d'elle-même.

Concernant tout cela, il y a quelque chose d'étrange. La chose qui s'est passée, si je peux dire que cela s'est passé (je ne sais même pas si quoi que ce soit s'est passé) c'est que l'on n'interprète absolument pas ce qui est là, jamais. Le traducteur est absent, complètement absent. Et en même temps que le traducteur, la sélectivité a également disparu. On ne fait plus de division : bien et mal, bon et mauvais. Ce n'est pas que je sois supérieur ou inférieur. On n'est plus aux prises avec le bien et le mal, le juste et l'injuste. Si par exemple, pour une raison ou une autre, vous trouvez que ma conduite est antisociale, quelle que soit la punition que vous me fassiez subir, je la prends - sans question aucune. Je n'ai aucun droit. Et comme je n'ai aucun droit, je n'ai pas de devoir non plus. Ainsi, la censure est également absente.

Une chose que je dois souligner, c'est que vous ne serez jamais libre de votre conditionnement. Jamais. Peu importe qui dit quoi, il n'existe pas de mental libre de conditionnement. Il n'existe rien de tel que l'expérience d'un mental non conditionné. Pourquoi en parlent-ils ? Vous voyez, quand je vais au supermarché, ce que j'aime le plus c'est le " yaourt à la crème de café ". Je ne le trouve qu'en Suisse. Quand je commence à manger, il n'y a aucun contrôle. Un autre exemple, Valentine a dû me cacher un kilo d'amandes, comme on l'aurait fait pour un enfant, car quand j'avais commencé à les grignoter, il y en avait encore deux kilos. Elle m'avait dit : " Mais que se passe-t-il ? Il n'a aucun contrôle de lui-même ! " (U.G. rit) Je ne blague pas, je n'ai aucun contrôle. Je ne peux m'arrêter de les manger, et, une fois retirées de ma vue, je ne me souviens plus du goût des amandes. Donc, il n'existe pas de mental qui ne soit pas conditionné. Le mental est lui-même conditionnement. Le mental lui-même est ce qui reconditionne, et il se conditionne de façons diverses dans le but de survivre, voyez-vous ?

Q : Vous dites ne pas avoir d'images dans l'esprit.

U.G. : Non.

Q : Maintenant avez-vous quelque pensée ou concept ?

U.G. Non.

Q : Cela pour dire : Pensez-vous à ce que vous allez faire le mois prochain : acheter un billet d'avion, obtenir un visa?

U.G. : Uniquement pour des raisons pratiques. Si je n'obtiens pas de réservation dans un avion, je dois bien avertir quelqu'un de mon arrivée à une date ultérieure, mais je ne suis jamais déçu ni quoi que ce soit.

Q : Donc, quand vous n'avez aucun projet à l'esprit dans le but d'une planification pratique, vous n'avez rien en tête ?

U.G. : Non, rien. Ma façon de fonctionner c'est que je suis toujours occupé avec ce qui se passe en ce moment et il n'y a aucune place pour quelque préoccupation que ce soit. Vous vous préoccupez des choses qui ne sont pas en train de se dérouler ici. S'il y a une différence, c'est peut-être la seule. Les gens s'imaginent que je vis dans un vide où il ne se passe rien. Comment y-aurait-il quelqu'un dans un tel état ? Il est rempli de ce qui se passe en ce moment. Vous savez, il est impossible d'y ajouter quoi que ce soit ou de s'en éloigner. Donc, je suis entièrement occupé par ce qui se déroule et je pourrais sortir d'ici, m'asseoir dans la rue devant l'hôtel et y demeurer pendant vingt-quatre heures à observer comment les gens déambulent. Vous serez surpris de voir que pas même deux personnes marchent exactement de la même façon. C'est assez extraordinaire, toutes marchent différemment. Il n'y a pas deux visages semblables. Lorsque j'étais élève en botanique, j'étudiais les feuilles sous un microscope. Pas une feuille ne ressemble à une autre. Peut-être diriez-vous que les jumeaux se ressemblent ; leurs mouvements, la façon dont ils marchent. C'est assez extraordinaire de voir comment ils marchent. Essayez cela vous-même la prochaine fois : dans la rue, pas deux personnes marchent exactement de la même manière. Les mouvements sont différents, tout est différent. Donc, ça m'occupe entièrement, vous voyez. Ainsi, mon attention est toute captivée, elle est remplie de ce qui se passe. Alors n'allez pas imaginer que cette personne vit dans un état sans pensée. Je connais beaucoup de gens qui sont venus me voir et m'ont dit : " J'ai fait telle expérience dans mon état sans pensée. " Mais, nom-de-Dieu, comment faites-vous pour savoir que vous êtes dans un état sans penser ? La pensée était bel et bien présente.

Q : Donc, peut-on dire qu'en fait, nous vivons en fonction de la connaissance que nous avons des choses ?

U.G. : Nous sommes la connaissance.

Q : Mais vous ne vivez pas d'après ce que vous savez des choses ?

U.G. : Non, il n'y a aucune continuité de la connaissance, car cette continuité de connaissance n'est pas nécessaire. Ce qui est ici est tout ce qu'il y a. C'est simple, c'est la conscience. Je ne deviens conscient du fait que vous êtes un homme et non une femme que lorsque j'utilise la connaissance que je possède ; sinon, de quelle conscience sont-ils en train de parler ? Rien. De nos jours, même les scientifiques se mettent à parler de la conscience. Mais ils sont en train d'atteindre ce qui est le plus indésirable pour la science, ils arrivent à leur limite. Il leur faut trouver les réponses dans le cadre de la science. Ils ne peuvent pas se permettre de se tourner vers le Vedanta ou vers la religion, car cela détruirait tout, complètement, vous voyez ? C'est pour ça que je dis que la pensée scientifique est tout autant une aberration que la pensée religieuse de l'homme. Nous sommes admiratifs devant la science en raison de ce qu'elle nous a donné, la haute technologie et tout le reste. Donc, la pensée est un fasciste de naissance, dans son contenu et dans son expression. Elle ne s'intéresse qu'à sa propre survie. Elle ne fait rien d'autre.

Lire :
Rencontre avec éveillé contestataire
U. G. Krishnamurti
Éditions Les Deux Océans

• Unité-Dualité

Vu sur : www.eboga.fr

Unité-Dualité :
L’une est là où vous êtes et l’autre est là où vous voulez aller.

lundi 17 décembre 2007

• Toute la création ne devint plus qu'une seule Conscience - Richard Moss

Toute la création ne devint plus qu'une seule Conscience

Richard Moss

C'est dans cet état qu'un beau matin je me reposais, assis au soleil. J'étais en train d'observer deux papillons qui voltigeaient auprès de moi. L'un était noir, l'autre blanc. Ils se posèrent sur une branche et, étonné et ravi, je les vis s'unir. Je regardais leurs ailes qui s'ouvraient et se refermaient à l'unisson. Quelques minutes plus tard, ils avaient repris leur danse aérienne. Soudain, le papillon noir se dirigea vers moi et se posa juste entre mes deux sourcils.

A cet instant, la vie prit à jamais un autre sens. Tous les mots qui me vinrent les jours suivants pour décrire ce que je ressentis avaient trait au Mariage et à l'Union. Je suis tout à la fois l'amant et l'aimé, je me sens confirmé par tout ce qui existe, et rien n'est autre que moi-même. Ce moi personnel, physique et existentiel n'est que la manifestation de la Grâce de Dieu. Ce n'est que par elle que "je" (le moi individuel) existe. Chacune de mes pensées, de mes sensations, de mes perceptions me lie au Divin, est le Divin.

Toute la création ne devint plus alors qu'une seule Conscience, état de gloire indescriptible, un espace indicible. Cette même peur qui m'habitait lorsque j'étais encore ancré au seul niveau égoïque était maintenant le plus exquis de tous les nectars.

Un courant de vie m'avait investi, si transcendant que la bénédiction qu'il me dispensait ne pouvait être comparé à aucune expérience de la vie ordinaire, même la plus ressemblante. C'était à la fois un bonheur vivant et la plus profonde des intelligences. J'étais submergé par un flot de savoir, de compréhension, comme si toute l'existence s'était offerte à moi dans la totalité de ses secrets découverts et révélés.

.../...

A l'instant où le papillon noir se posa sur mon front, toutes ces questions s'évanouirent. La vie m'apparut alors avoir une signification et une valeur fondamentales et immuables, dont l'accès ne demandait aucun cheminement. De tout temps cette valeur avait existé, et à jamais elle demeurait. Je percevais et connaissais notre complétude, non pas à partir d'une quelconque conviction idéologique, mais parce que mon identité était complète. Toutes mes questions sur le sens de la vie trouvèrent leur réponse dans ce sentiment de totalité.

.../...

Je partis faire une promenade lorsque cet état d'union ou d'unité où je me trouvais s'apaisa. J'étais pieds-nus mais ressentais la rugosité du sol comme une caresse. La vie irradiait de chacune des habitations que je rencontrais. Comme si leurs occupants me les avaient confiées, je savais leurs joies et leurs peines, leurs espoirs et leurs craintes. Je n'avais aucune préférence, tout était naturellement parfait, sans haut ni bas. Je me sentais en dévotion, sans cependant m'adresser à une déité abstraite. Dieu était immanent, totalement uni à tout ce qu'il pénétrait, et était ma conscience. Je célébrais Dieu dans la chaussée, dans le caniveau, dans l'herbe, dans les arbres.

Richard Moss - Le papillon noir - Éditions J'ai Lu

vendredi 14 décembre 2007

• Lakshmi - Ramana Maharshi

Lakshmi

Ramana Maharshi

Une vache s’était particulièrement attachée à Ramana. Elle se nommait Lakshmi et vécut près de 19 ans avec lui. À heure régulière, elle venait chercher sa nourriture, une banane, une caresse. Devenue vieille, Lakshmi tomba malade et un matin de juin 1948, la fin étant proche. Ramana alla la voir et lui dit : « Amma - mère - veux-tu que je sois près de toi ? » Il prit sa tête sur ses genoux et de sa joue, effleura doucement la sienne. Plongeant ses yeux dans les siens, Ramana posa sa main droite sur le cœur de Lakshmi puis l’autre sur la tête de l’animal. Ils restèrent ainsi un très long moment, en silence. Lakshmi quitta paisiblement son corps.

La vache fut enterrée près de l’ashram tout près d’autres tombes d’animaux chers à Ramana, un chevreuil, une corneille et un chien. Sur une pierre, Ramana Maharshi écrivit que Lakshmi avait atteint Mukti - la libération.

Raconté par Marjolaine Jolicoeur




Histoire de vache bodhisattva

Ajahn Brahm est une personnalité du bouddhisme occidental. The cow that cried est l’une des histoires racontées dans son livre Who Ordered This Truckload of Dung ? (Wisdom Publications, 2005). La Rédaction
[Cet article est publié dans Les cahiers antispécistes]

J’étais arrivé tôt à mon cours de méditation dans une prison à sécurité minimale. Un criminel que je n’avais encore jamais vu attendait pour me parler. C’était un géant, avec des cheveux en bataille, barbu, et les bras tatoués. Les cicatrices sur son visage montraient qu’il avait dû se trouver à maintes reprises dans de violentes bagarres. Il avait l’air si redoutable que je me demandai pourquoi il venait apprendre à méditer. Ce n’était pas le genre. Bien sûr, je me trompais.

Il me raconta que quelque chose s’était passé quelques jours auparavant qui lui avait fait dresser les cheveux sur la tête. Lorsqu’il commença à parler, je notai son accent prononcé d’Ulster [une des quatre provinces d’Irlande]. En guise d’historique, il me raconta qu’il avait grandi dans les rues violentes de Belfast. Il n’avait que sept ans à son premier coup de couteau. Une brute de l’école lui avait demandé l’argent qu’il avait pour déjeuner. Il avait dit non. L’autre avait alors sorti un grand couteau et lui avait demandé son argent une deuxième fois. Il avait pensé que cette brute bluffait et il avait de nouveau refusé de le lui donner. Il n’y eut pas de troisième fois : la brute planta simplement son couteau dans le bras de cet enfant de sept ans, le ressortit et partit.
Il me raconta avoir couru jusqu’à la maison de son père, en état de choc et le sang ruisselant le long du bras. Son père, au chômage, regarda la plaie et l’emmena dans la cuisine, mais pas pour panser la blessure. Il ouvrit un tiroir, prit un grand couteau de cuisine, le donna à son fils et lui ordonna de retourner à l’école et de poignarder son agresseur à son tour. C’est ainsi qu’il fut élevé. S’il n’était pas devenu si grand et fort, il y a longtemps qu’il serait mort.

La prison était une prison agricole où les condamnés à de courtes peines et les prisonniers qui approchaient de leur libération pouvaient se préparer à la vie extérieure en apprenant un métier dans l’industrie agricole. La production de la ferme de la prison approvisionnait en outre toutes les prisons autour de Perth avec de la nourriture bon marché, ce qui maintenait des prix bas.
Les fermes australiennes ne cultivent pas seulement du blé et des légumes, elles élèvent aussi des vaches, des moutons et des cochons ; et la ferme de la prison faisait de même. Mais au contraire des autres fermes, celle de la prison possédait son propre abattoir sur place.
Tous les détenus devaient avoir un travail à la ferme de la prison. Je savais par plusieurs prisonniers que les emplois les plus recherchés étaient à l’abattoir. Ces postes étaient particulièrement populaires auprès des délinquants violents. Et le poste le plus recherché de tous, celui pour lequel il fallait se battre, était le poste de tueur lui-même. Ce gigantesque et redoutable Irlandais était le tueur. Il me décrivit l’abattoir : des grilles en acier inoxydable très résistant, dont la large ouverture se rétrécissait en un simple couloir à l’intérieur du bâtiment, juste assez large pour laisser passer un seul animal à la fois. À côté de ce couloir étroit, sur une plateforme, il se tenait avec le pistolet électrique.

Avec l’aide de chiens et d’aiguillons électriques, les vaches, les moutons et les cochons étaient forcés d’entrer dans cet entonnoir en acier inoxydable. Il me raconta que tous les animaux hurlaient, chacun à leur façon, et qu’ils cherchaient à s’échapper. Ils pouvaient sentir la mort, entendre la mort et ressentir la mort. Quand un animal débouchait sur sa plateforme, il se contorsionnait, se tortillait et gémissait à pleine voix. Son pistolet pouvait tuer un gros taureau avec une seule décharge haute tension, mais l’animal ne se tenait jamais assez tranquille pour qu’il puisse l’atteindre correctement. Donc le premier coup servait à l’étourdir, le second à le tuer. Animal après animal. Jour après jour.
L’Irlandais commença à s’agiter tandis qu’il en venait au fait, survenu seulement quelques jours auparavant, et qui l’avait tellement bouleversé. Il commença à jurer. Par la suite, il ne cessa de répéter : « C’est la p**** de Dieu de vérité ! », comme s’il craignait que je ne le croie pas.

Ce jour-là, ils avaient besoin de bœuf pour les prisons autour de Perth, donc ils abattaient des vaches. Un coup pour étourdir, un coup pour tuer. C’était un jour tout à fait normal, lorsqu’une vache se présenta [d’une façon] qu’il n’avait jamais vue auparavant. Cette vache était silencieuse. Elle n’émettait même pas un gémissement. Sa tête était inclinée vers le bas tandis qu’elle marchait délibérément, volontairement, lentement jusqu’à l’emplacement jouxtant la plateforme. Elle ne se contorsionnait pas, ne se tortillait pas et n’essayait pas de se sauver. Une fois dans l’emplacement, la vache leva la tête et fixa son bourreau, absolument immobile. L’Irlandais n’avait jamais rien vu de semblable auparavant. Son esprit s’embrouilla. Il ne pouvait pas lever son pistolet, ni détacher ses yeux de ceux de la vache. La vache était en train de regarder droit en lui.

Il glissa hors du temps. Il ne put me dire combien de temps cela dura, mais pendant ce contact visuel avec la vache, il remarqua quelque chose qui le bouleversa encore plus. Les vaches ont de très grands yeux. Il vit dans l’œil gauche de la vache, au-dessus de la paupière inférieure gauche, de l’eau qui s’accumulait. Il y en eut de plus en plus jusqu’à ce qu’il y en ait trop pour que la paupière puisse la contenir. Elle commença à couler lentement le long de sa joue, formant une ligne scintillante de larmes. Des portes fermées depuis bien longtemps s’ouvrirent lentement dans son cœur. Alors qu’il regardait, incrédule, il vit dans l’œil droit de la vache, au-dessus de la paupière du bas, à nouveau de l’eau s’accumuler, gonfler, jusqu’à ce qu’il y en ait trop pour que la paupière puisse la contenir. Une seconde traînée d’eau coula sur son visage. Et l’homme s’effondra.
La vache pleurait.
Il me dit avoir jeté son pistolet, et avoir juré aux responsables de la prison, aussi fort qu'il en était capable, qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient de lui, que « CETTE VACHE NE VA PAS MOURIR ! »
Il termina en me disant qu’il était maintenant végétarien.
Cette histoire est vraie. D’autres détenus de la prison me l’ont confirmée. Cette vache qui pleura enseigna à l’un des hommes les plus violents ce qu’est la bienveillance.

Vu sur le blog La Vache Cosmique

jeudi 13 décembre 2007

• Mon corps et mon esprit devinrent lumineux - Morihei Ueshiba

Mon corps et mon esprit devinrent lumineux

Morihei Ueshiba

Soudain une cascade lumineuse et d'or est descendue du ciel enveloppant mon corps. Alors immédiatement mon corps est devenu plus grand, atteignant la taille de l'Univers entier.

Je faisais seul une promenade dans le jardin, lorsque j'eus tout à coup la sensation que l'univers tremblait soudainement et qu'une énergie couleur or s'élevait de la terre et entourait mon corps d'un voile, le transformant en un corps d'or. A ce même instant mon corps et mon esprit devinrent lumineux. Je pouvais comprendre le chant des oiseaux et j'eus conscience de la pensée de Dieu.

A cet instant, je compris que l'origine du budo est l'amour de Dieu (l'esprit de protection et d'amour des dix mille choses) et des larmes d'extase s'écoulèrent sans fin sur mes joues.

Depuis lors, je ressentis que la terre entière était ma demeure, que le soleil, la lune et les étoiles étaient tous miens. De plus, le statut, les honneurs, les trésors et le désir de devenir puissant, tout cela avait disparu.

• Semblable à un éclair - Shaykh Abd al-Azziz

Sources

Semblable à un éclair


L’illumination de Shaykh Abd al-Azziz Al-Dabbagh

J’étais sorti de notre maison et Dieu m’octroya, par le biais de quelques bienfaiteurs, parmi ses serviteurs, quatre pièces de monnaie. J’achetai du poisson et l’emportai dans notre maison. Ma femme me dis : “Va à Sidi Ali ibn Hirzihim et apportes nous de l’huile pour faire frire ce poisson”. Je partis, arrivé à « Bab al Futuh » , je ressentis un frémissement et un intense tremblement envahir mon corps. Alors ma chair se mit à fourmiller énormément, je marchai tout en étant dans cet état qui allait en s’intensifiant jusqu'à ce que je sois arrivé au tombeau de Sidi Yahya Ali ibn Hirzihim qui était sur le chemin de Sidi Ali ibn Hirzihim. Mon état s’aggrava, ma poitrine se mit à trembler violemment, au point que ma clavicule frappait ma barbe. Je me dis : « cela est la mort même sans aucun doute ». Alors quelque chose se dégagea de mon corps qui ressemblait à la vapeur qui sort du couscoussier. Mon corps se mit a grandir jusqu’à devenir plus grand que tout. Les choses se mirent à se dévoiler pour moi et à apparaître comme si elles se trouvaient entre mes mains. Je vis alors tous les villages, toutes les villes et les bourgades, et je vis tout ce qu’il y a sur cette terre, et je vis la chrétienne en train d’allaiter son petit dans son giron, et je vis tous les océans, et les sept terres et tous ce qu’elles contiennent comme bêtes de sommes et de créatures, et je vis le ciel comme si je me trouvais au dessus en train de regarder ce s’y trouve.

Alors une lumière intense, semblable à un éclair éblouissant provenant de toutes les directions, vint au-dessus de moi, au-dessous, à ma droite et à ma gauche, en face de moi et derrière moi, et j’en ressentis un froid intense au point que je me crus mort. Je me hâtai de me coucher sur mon visage pour éviter de voir cette lumière, mais quand je m’allongeai, je m’aperçus que tout mon corps n’était qu’yeux, l’œil voyant, la tête voyant, le pied voyant, et tous mes membres voyant, et je regardai mes vêtements et je trouvai qu’ils ne voilaient pas cette capacité de voir qui avait circulé dans mon corps, et je compris que le fait de me coucher sur mon visage et de rester debout ne changeait rien à la situation.

L’état dura une heure et s’arrêta, et je me retrouvai dans mon état normal. Je retournai en ville sans pouvoir arriver à Sidi Ali ibn Hirzihim, je craignis pour moi-même et je mis à pleurer. Cet état revint pendant une heure et me quitta, il se mit à venir pendant une heure et à s’arrêter pendant une autre heure jusqu’à ce que mon corps s’accommodât. Il se mit alors à disparaître une heure durant le jour et une heure durant la nuit, et puis vint à ne plus disparaître.

Dieu Très Haut fut Miséricordieux avec moi en me faisant rencontrer quelques connaissants parmi ses saints. Cela se produisit le jour qui a suivi la nuit après le jour de l’illumination. J’allais en visite pieuse au sanctuaire de Mawlâys Idris, et je rencontrai au quartier des notaires le docteur de la loi Sidi al-haj Ahmad al-Jurundi qui est le guide de la prière au sanctuaire de Mawlâys Idris. Je lui fis part de ce que j’avais vu et de ce qui m’était arrivé. Il me dit : « Viens avec moi dans notre maison.». J’allais avec lui à la maison, proche de l’arrosoir, à proximité du quartier des laveurs qui se trouve dans le quartier des marchands de cuivre. Il entra et j’entrai avec lui, il s’assit sur l’estrade qui se trouve à l’intérieur, et je m’assis avec lui. Il dit : « Raconte moi ce que tu as vu » Je lui en fis part, et je le vis en train de pleurer. Il dit : « Il n’y a de dieu que Dieu, cela faisait quatre cents ans que nous n’avions entendu quelqu’un mentionner de telles choses. »

lundi 10 décembre 2007

• Des moments d'unicité - Tony Parsons

Des moments d'unicité

Tony Parsons

Il fut un temps où, il n'y a pas si longtemps de cela, j'avais une quantité d'expériences d'unicité. Elles s'en sont allées à présent et il me vient parfois à l'esprit que j'en suis plus éloigné que jamais.

Je n'utilise pas le terme expérience car il implique l'existence de "quelqu'un" faisant l'expérience, mais des moments d'unicité peuvent se produire et ensuite apparemment ne plus être là pour un temps. Cela varie de personne à personne. Mais c'est totalement régulé - il n'est qu'une certaine quantité d'unicité que le corps puisse tolérer, et ensuite il lui faut retourner à la contraction, jusqu'à ce que vienne le temps où cela peut être entièrement accepté par le corps. C'est quelque chose de très énergétique.

Extraits de Tout ce qui est - Éditions Accarias L'originel

vendredi 7 décembre 2007

• Conseil au médecin Sherab Jorden - Dudjom Rinpoché

Conseil au médecin Sherab Jorden

Dudjom Rinpoché

Cette fraiche conscience de l'instant présent,
Ne la ligote pas par cet intellect qui s'empare de la méditation.
Dans cette nudité d'une transparence pénétrante de la non-méditation,
Laisse-toi porter dans la détente complète :
Ce recueillement naturel est l'essence même de la méditation bien comprise.
S'il jaillit une pensée discursive, laisse-la dans son jaillissement,
Et cette émanation se libèrera dès son émergence, sans trace aucune.
S'il ne surgit rien, et bien, rien ne surgit !
Tel est le Rigpa vide et nu, vacuité-clarté.
Ce yogi qui est au-delà de la négation et de l'affirmation
Possède le siddhi qui détruit l'espoir et la crainte.
Il n'est rien de plus que cela qu'on puisse obtenir.
Ce babillage de ce fou de Dudjom,
Garde-le tel quel dans ton esprit.
Ainsi l'a dit Jnana.

jeudi 6 décembre 2007

• La liberté naturelle de l'esprit

La liberté naturelle de l'esprit


La variété des phénomènes est non-duelle,
Et dans leur multiplicité même, les phénomènes indivisibles sont dénués d'élaborations conceptuelles
N'allez donc pas penser "c'est ceci ou cela" ;
Les apparences, dans leur totalité, sont toutes ultimement bonnes.
Abandonnez l'attitude maladive qui s'efforce de saisir
Et demeurez dans la spontanéité, laissant toutes choses dans leur état naturel.

Extrait de "Le coucou de rigpa"


Accumulations de mérites et de sagesse,
recueillement, purification des prosternations,
Ce ne sont là que des clous de fixation :
Dans l'espace où il n'y a rien à saisir, point d'artifices !

Se tenir le dos droit, les jambes croisées,
Les techniques corporelles, tout cela
Découle d'un attachement excessif au concept de corps.
Dans l'espace sans forme, point d'artifices !

La nature de l'esprit n'a ni base ni origine :
Pareille au ciel, elle ne peut être trouvée par une quelconque recherche.
L'éveil sans naissance
N'est en rien un éveil issu de causes et de circonstances !

Buddhaguhya


Dans la base originelle, grande pureté primordiale,
Il n'y a aucune pensée, aucune ignorance, pas d'esprit, pas d'intellect, pas de sujet.
Il en est bien ainsi et, cependant, la Sagesse impartiale,
La Bouddhéité spontanément accomplie, la réalité absolue sans élaboration,
Rigpa libéré des extrêmes, les apparences de la grande pureté et la vue sans opinions ni partialité y demeurent.
Ainsi est-elle vaste, claire, immuable.

Extraits tiré du Rangshar


Une telle vue est le "grand effort" ;
Quand vous vous détendez ainsi dans la reconnaissance du cours naturel,
Tout ce qui s'élève se libère naturellement, comme un océan de pureté.
Non médité, sans distraction, inconcevable, inexprimable et dénué du sujet-objet,
Voici rigpa spontané, sans correction ni altération
Qui est la méditation de la nature primordialement pure.

Dans la réalité absolue où s'égalisent réalisation et non-réalisation,
Sans vous corrompre en vous attelant à la concentration ou à la fixation de l'esprit,
Accédez à l'état primordiale où mouvement et immobilité sons indivis.

Sans projeter ni réabsorber (de pensées), ni même méditer, l'état ordinaire
Est rigpa où tout s'écoule naturellement, la perfection d'égalité non-composée.
Décidez-en sans méditer ni même non méditer,
Et dans un tel état, accédez à la détente de la nature primordiale.

Drimé Öser

Tous ces textes sont tirés de l'ouvrage de Philippe Cornu : La liberté naturelle de l'esprit (Éditions du Seuil)

mercredi 5 décembre 2007

• Seul le silence - Frère François

Seul le silence

(peinture)

Frère François


1
Présentation de Père François
Oui... Ermite je suis... Je ne demeure pas dans le désert de la Thébaide comme Antoine ou Barsanuphe... Je ne vis pas sur une colonne comme un "stylite" des Météores... ...ni même dans un couvent comme ceux du mont Athos... ...mais je suis quelque part en milieu urbain... à la périphérie d'une grande ville... ...je suis un "ermite urbain"...

Ma "Guha" (mon lieu de fixation) est une petite pièce (F1) qui me sert aussi d'oratoire et que je partage avec une colonie d'oiseaux....

Ma vie était "normale" jusqu'au jour où... tout alors s'est écroulé dans la fulgurance de l'Éveil... et de Son appel...

J'ai réalisé alors que je n'étais pas de "ce" monde tout en étant "du" monde...

"Le monde est mon navire et non pas ma demeure" (Thérèse de Lisieux)

...j'ai donc mis le monde à ma porte... et j'ai décidé de Lui faire confiance... et d'essayer de cheminer sur LE Chemin...

Depuis je vis en Paix... Heureux et Comblé dans la Joie simple d'Être et d'avoir reçu ce don merveilleux qu'est la Vie... et de l'Éveil à l'Être

Je consacre mon temps à LE louer, à LE vivre, à LE prier comme ça, pour rien... ou peut-être parce que malgré Sa logique "déroutante" , malgré le Mystère qu'IL est pour nous... celle d'un Tout Autre Il EST Celui qui répond à Sa manière... et qui parsème la vie d'une multitude de "signes"...

Peut-être aussi pour que les" autres" reçoivent et découvrent aussi ce que j'ai moi même reçu...

Ma vocation spirituelle suit celle de grands ancêtres Saint Benoît pour la liturgie et l'équilibre de vie (on trouvera dans ce site la Liturgie des Psaumes, ainsi que la Règle de Saint Benoit mais le mieux est d'aller faire un séjour de quelques jours dans une Abbaye Bénédictine pour prétendre goûter un peu de cet équilibre).

Elle suit Saint François pour l'humilité et le contact avec le créé, son amitié fraternelle avec la Nature et nos frères animaux.

Mais aussi l'expérience d'ermite de l'Absolu que sut si bien incarner et décrire le Père Le Saux eu parlant de son cheminement "vers l'autre Rive" et la rencontre "du Soi en soi" dans la prise de conscience de l'Advaïta (non dualité).

Ce cheminement après bien des détours m'a amené sur le Web...

Là... je me compare un peu à une petite lampe qui éclaire, bien faiblement la nuit d'une société matérialiste, sans Espérance... mon huile est ce que je vois, entends, ressent du dehors... LUI c'est l'oxygène... IL me permet peut-être de transmettre un peu de Sa Lumière... De moi-même je ne suis rien,... c'est Lui qui donne la Vie, la Vraie Lumière et l'Espoir au monde !...

"Personne après avoir allumé une lampe ne la recouvre d'un vase ou ne la met sous un lit : on la met au contraire sur un lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient La Lumière" (Luc 8,16)...

SEUL LE SILENCE. Dans l'inconnu du Réel, du Mystère il n'y a ni Dieu ni créature... dit le bouddhiste... seul le silence... Un silence qui n'est pas lié à la création et donc pas celui que nous connaissons... aussi aucun concept ne peut s'y appliquer... (notre vocabulaire occidental tout imprégné de positivité n'a pas de termes à sa disposition).

Cela explique sans doute pourquoi en Orient on favorise toujours l'absence... ce qui est en sans substance, relatif, dépourvu de consistance ontologique c'est à dire ce qui ne possède même pas pour essence cette absence de consistance... (l'essence étant l'esse, la nature "réelle" "véritable" d'un être indépendamment de son existence "matérielle" et concrète...).

Et dépourvus d'essence les êtres ne sont ils pas inexistants dans l'Absolu ? Car exister c'est toujours être ceci ou cela, être une chose ou une autre être... c'est être quelque chose... et toute chose a de l'être... toute chose existe par présence sensible une présence qui n'est rien d'autre que son essence "matérialisée" acte concret de sa présence au monde...

Ainsi l'existence se manifeste-t-elle grâce à l'essence et si l'essence vient à manquer l'existence disparaît il n'y a pas d'être abstrait l'être est toujours l'être de quelque chose...

Alors nier l'essence ne veut pas dire que les choses n'existent pas, mais qu'elles sont vide de nature propre, ce sont des apparences dénuées de toute consistance réelle et seul demeure ce qui ne demeure pas...

Curieux pressentiment de ce que la science découvrira plus de 20 siècles après ces formulations d'un penseur bouddhiste nommé Nagarjuna en scrutant la matière où chaque chose se montre formé de quelques particules navigant dans un vide omniprésent que ce soit dans l'infiniment petit... ou dans l'espace le plus grand...

Particules d'ailleurs impalpables puisque convertibles elles aussi en énergie ou en lumière... Forces, potentiels, puissances, énergies... plutôt que matérialité (sensu stricto)... ou plutôt autre façon de concevoir la matière... autre façon que notre cerveau a de l'appréhender... ou de classer... de conceptualiser...

2 Mais le Bouddhiste poursuit ainsi son raisonnement : Tout ce qui existe est le résultat d'une action qui lui donne naissance... C'est la loi de la dépendance de toute chose, mais à ce qui n'est que relatif, dépendant, causé. Et n'est-ce point le cas de tout ce qui existe ?...

Peut-il être encore permis de conférer une essence ? Une existence propre ?

Seul est important l'interaction de toute chose... et c'est elle qui Est... Du moins en une première approche... Et toute chose n'EST et ne doit son existence qu'à cette interaction, à cause de cette Dépendance.

Évidement qui naît d'une cause n'est pas réellement existant... Ce n'est pas naître vraiment...

Aussi peut-on dire que rien n'existe vraiment, rien n'a d'essence car tout relève d'une dépendance. Et de ce simple fait , il ne peut y avoir d'attribution d'essence à nulle chose... à nul être...

Dès lors même un dieu peut-il être "existant"... ? Et l'existence d'un Réel a-t-il encore un sens ?

Tout cela illustre bien la célèbre formule d'Eckhart : "toutes les créatures sont un pur néant, je ne dis pas qu'elle sont peu de chose, c'est à dire quelque chose, non je dis qu'elles sont un pur néant !"

Ce qui n'a pas d'être est néant et aucune créature n'a d'être en vérité !

3 Ainsi au sein d' un vide de nature propre, l'inconsistance de toute chose et de tout être, inconsistance sans production ni disparition est attributive de rien !

Voilà un fameux moyen de déblayer la voie à l'expérience mystique !

Par ailleurs on peut considérer en suivant le raisonnement des bouddhistes que l'Absolu tel que nous l'établissons n'est pas le vide, mais il est vide en tout cas de dualité (c'est-à-dire du dilemme est/n'est pas).

C'est à dire que l'Absolu est inexistant des constructions mentales que nous surimposons à la réalité. Et seul celui qui se libère de ces dichotomies et de ces limites conceptuelles peut espérer percevoir les choses telles qu'elles sont véritablement... par le dedans... et cela est le travail de la méditation... car c'est toujours notre "cervelle" qui crée ces catégories pour s'y retrouver... et il convient d'orienter son fonctionnement dans d'autres directions ou façon de percevoir et de comprendre... ce qu'elle sait faire...

Mais si les phénomènes sont vides de substance propre car eux aussi causés, ils sont par conséquent vides de toute essence eux aussi et leur essence n'est pas de ne pas posséder de soi... on ne substantialise pas le vide.

La vacuité n'est pas une base à partir de laquelle on peut faire subsister une nature et l'absence de nature propre est absence absolue de toute nature. Ainsi le vide ne peut posséder une nature. Le vide n'est rien, ne possède rien, ne se spécifie par rien, ne se réduit ni à l'absence ni à la présence, ni à l'être ni au non-être ; autant de concepts dualistes et modes limités de compréhension de l'ontologie substantialiste, cette ontologie qui réifie, qui chosifie à loisir ce qui nous entoure et nous même.

Et c'est ainsi que l'on peut estimer que pousse et semence n'ont pas de naissance réelles, elles ne sont que transformations d'états antérieurs. Elles ne connaissent pas de disparition non plus : car leur disparition concorde avec l'apparition d'autres semences pas d'éternité... : elles sont en perpétuel devenir pas de devenir réel... elles tournent dans le même cycle pas d'unité... : elles qui ne cessent de se subdiviser en graines et en pousses nouvelles pas de pluralité non plus... puisque la même espèce originelle les englobe... dont elles sont issues.

N'existe donc et ne subsiste dans l'être que la relation de dépendance (un phénomène qui n'a pas par ailleurs de substance propre et qui donc est vide lui aussi dans l'absolu ou la réalité ultime) permanente suite de productions, corruptions, disparitions, cycle sans origine ni fin de mouvements et de cessations ni vie, ni mort, ni essence, ni existence tout est depuis toujours et jusqu'à jamais une suite éternelle de transformations mais dans l'Absolu tout cela n'est que vide au sein de la vacuité.

Car comme tout cela est vide il n'y a "dans l'Absolu" ni productions, ni destructions... et les choses perdent toute consistance à quoi on eût pu encore se raccrocher... en fait d'être il n'y a que le vide en fait d'essence que l'absence ceux ci n'existant bien évidement pas..."réellement".

Un texte proposé au Net-Journal Essence par Luc Lalande et publié avec l'autorisation de l'auteur (1er mars 2004).

Visiter le site de Frère François.

lundi 3 décembre 2007

• L'obtention du "corps d'arc-en-ciel"

L'obtention du "corps d'arc-en-ciel"


Au cours d'un enseignement qu'il donnait à Bodhgaya, Kounou Lama raconta que, vers le milieu des années quarante, il se trouvait au Kham où il accomplissait une retraite. Son lieu de résidence était une maison à deux étages ; il habitait le premier et le second était occupé par un Occidental qui, chose très rare à cette époque, pratiquait lui aussi le bouddhisme. Tous deux recevaient alors des instructions d'un lama Nyingmapa, Khèmpo Shènga. Kounou Lama et les gens des environs avaient pris l'habitude d'appeler l'étranger le "Sahib", reprenant le terme respectueux utilisé par les Indiens à l'égard des Occidentaux.

Qui pouvait être ce Sahib ? D'où venait-il ? Je ne sais pas si Kounou Lama l'a précisé. Peut-être était-ce quelqu'un qui avait fui l'Inde pendant la Seconde Guerre Mondiale, peut-être était-ce un missionnaire - il y en avait quelques uns au Kham - qui était entré dans le bouddhisme tibétain...

Toujours est-il qu'il arriva que, pendant plusieurs jours, personne ne rencontra le Sahib. Finalement, quelqu'un fit remarquer que, depuis sa fenêtre, on apercevait des arc-en-ciel dans sa chambre. Intrigués, Kounou Lama et quelques autres montèrent à l'étage, ouvrirent la porte et, effectivement, à la place du Sahib, ne virent que des arcs-en-ciel ! Ils secouèrent ses vêtements, d'où s'échappèrent encore de petits arcs-en-ciel, tombant en pluie! Du Sahib, il ne restait que les ongles et les cheveux.


C'est ce qu'on appelle l'obtention du "corps d'arc-en-ciel", un résultat extraordinaire de la pratique qui aboutit, au moment de la mort, à la dissolution du corps en arcs-en-ciel.

Bokar Rinpoché - Tara, le divin au féminin - Éditions Claire-Lumière

vendredi 30 novembre 2007

• Le sujet connaissant n'est pas la personne - Tendzin Palmo

Le sujet connaissant n'est pas la personne

Tendzin Palmo

«Les gens ont l'idée préconçue que pour accéder à la spiritualité, il faut devenir une sorte d'illuminé indifférent au monde. Mais, encore une fois, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Devenir un être pleinement réalisé ne signifie pas que l'on ne ressent plus rien, que l'on n'éprouve plus d'émotions : on conserve son identité et sa personnalité, mais on cesse tout simplement d'y croire. Les grands lamas qu'on rencontre sont les gens les plus vivants du monde. Cela s'explique par le fait que les noeuds que l'on a forgés et qui nous inhibent se sont dénoués et que la nature de l'esprit, authentique et spontanée, resplendit. Cet état de bouddha n'est pas une sorte de néant vide, il est au contraire débordant de compassion, de joie et d'humour. Il est merveilleusement léger. Il est aussi extrêmement sensible et profondément intelligent.

Face à un public possédant une bonne connaissance de base du bouddhisme, des dialogues profonds et animés s'instauraient. « Il y a la pensée et le fait d'être conscient de cette pensée. Et la différence entre les deux est considérable. Énorme... En temps normal, nous nous identifions tellement à nos pensées et à nos émotions que nous nous confondons avec elles. Nous sommes le bonheur, nous sommes la colère, nous sommes la peur. Il faut que nous apprenions à prendre du recul et à reconnaître que nos pensées et nos émotions ne sont que des pensées et des émotions. Elles ne sont que des états mentaux. Elles n'ont pas de solidité, elles sont transparentes. Il faut en être conscient, le savoir véritablement afin de ne pas s'identifier avec le sujet connaissant. Il faut savoir que la conscience connaissante n'est pas une personne au sens d'une entité autonome et permanente.»

Un silence s'installa, pendant lequel cette affirmation essentielle pénétra lentement l'esprit de l'assistance. Puis une voix:

«Le sujet connaissant n'est pas la personne... C'est difficile!

- Oui! C'est la grande vue pénétrante du Bouddha, reprit Téndzin Palmo d'une voix pleine de respect.

- Quand on a reconnu qu'on n'est pas la pensée ni l'émotion, on croit qu'on a tout compris, mais aller plus loin et savoir qu'on n'est pas le sujet connaissant nous amène à poser la question suivante : qui suis-je?

- C'est en effet la grande sagesse du Bouddha: plus on approfondit l'analyse, plus la qualité de notre conscience est l'ouverture et la vacuité. Au lieu de trouver une petite parcelle d'entité éternelle qui serait le "moi", on revient à cet esprit vaste et spacieux qui est en interdépendance avec tous les êtres vivants. Dans l'état où nous sommes, on se demande où est le "moi" et où est l"autre". Tant que l'on reste dans le domaine de la dualité, il y a un "moi" et un "autre". C'est l'erreur fondamentale, la cause de tous nos problèmes. C'est aussi la raison pour laquelle on a l'impression d'être très isolé. Là réside l'ignorance foncière. »

Le ton de Téndzin Palmo n'admettait pas de réplique quand elle exposait la quintessence du bouddhisme : la vacuité, remède à tous les maux de l'humanité.

Le dialogue avec l'auditoire se poursuivit

«Alors, cette dualité, ce sentiment d'être séparé, est la cause de notre souffrance fondamentale, cette profonde solitude que l'être humain éprouve au tréfonds de lui-même?

- Bien sûr. C'est la cause de toutes nos souffrances. L'ignorance selon le bouddhisme ne se situe pas au niveau intellectuel où nous l'entendons, nous, mais c'est l'ignorance dans le sens de la méconnaissance. Nous créons ce sentiment d'un "moi", ainsi que tout le reste qui est le "non-moi". Et de là vient cette attirance pour les "autres" que "je" désire et cette répulsion envers tout ce que "je" ne veux pas. C'est la source de nos désirs, de nos aversions et de tous nos défauts. Tout vient de cette appréhension duelle qui est fondamentalement erronée.

«Une fois qu'on a compris que la nature de notre existence est au-delà des pensées et des émotions, qu'elle est incroyablement vaste et en rapport d'interdépendance avec tous les êtres, ces sentiments d'isolement et de séparation, de peur et d'espoir disparaissent d'eux-mêmes. C'est un immense soulagement! »

Une fois exposée cette vérité mystique qu'ont découverte les saints de toutes les religions, la joie de l'unité qui surgit quand l'ego a disparu, l'auditoire n'avait plus qu'à en faire l'expérience.

«La raison pour laquelle nous ne sommes pas des êtres éveillés est la paresse (Téndzin fit cette découverte dans sa grotte et elle y voit l'un de ses écueils principaux). Il n'y a pas d'autre raison. On ne se donne pas la peine de revenir au présent parce qu'on est trop fascinés par tous les jeux de l'esprit.

Extrait du livre "Un ermitage dans la neige" (NiL éditions).

Veuillez visiter la page en Français consacrée à Tendzin Palmo ainsi que son site.








jeudi 29 novembre 2007

• Le mental en silence est la clé - OM Cedric Parkin

Le mental en silence est la clé

OM Cedric Parkin

Tu ne souffres pas de la Réalité. Tu souffres de tes imaginations, de tes propres illusions. Tu souffres de la transe dans laquelle tu es tombé. Personne ne souffre de la Réalité. Au mieux, les êtres humains souffrent de leurs interprétations (arbitraires) de la Réalité.

Tu souffres d'une idée, cette idée s'appelle "Je". "Je" est une idée ! Qui es-tu quand il n'y a pas cette idée "Je" ? Qui es-tu dans le silence de toi-même? Tu n'as pas besoin de cette idée "Je". Tu en as seulement besoin pour souffrir. "Je suis le corps" - ceci est une idée. "Je suis ce sentiment" ou "Je suis Cédric" - c'est une idée. Toute l'humanité souffre d'une idée, rien de plus. Comment se fait-il que l'humanité souffre mais, pour des raisons inexplicables, n'a pas la passion de mettre fin à cette souffrance ? Quelle force peut avoir une idée !

Mais quelle est sa réalité ? Quelle substance a-t-elle? Laisse-toi tomber dans le silence de toi-même, dans ce qui est plus profond que toute idée qui resurgit. Ne te préoccupe de rien d'autre. Tu n'as pas à apprendre des techniques, tu ne dois rien apprendre du tout pour savoir qui tu es vraiment. Seul ton attachement à ces idées doit être abandonné.

Quand tu es en silence, quand tu te détends profondément en ton espace intérieur, tu reconnais que les idées n'ont pas de consistance. Quand les idées n'ont plus de substance, le monde n'a pas non plus de substance. Tout ce que tu connais, tout ce que tu sais, que tu crois, n'a aucune substance. Et puisque ça n'a aucune substance, ça n'a pas non plus d'importance. Le mental en silence est la clé.

Il ne s'agit pas d'arrêter de fumer. Il ne s'agit pas d'apprendre à corriger tes faiblesses, à abandonner tes vices supposés. Il ne s'agit pas de délaisser des relations, de te retirer dans la solitude. Il ne s'agit pas de jeter ton argent. Il s'agit de réaliser dans ce moment que tu es "Ce" que tu es de toute façon, au-delà de toute idée. Que tu as toujours été et que tu seras toujours. Au-delà de la naissance et au-delà de la mort.