vendredi 18 novembre 2022

• Éveil froid et éveil chaud - Christine Morency


Ici sur terre, nous sommes une personne..., du moins le croyons-nous. Nous le croyons jusqu’à ce qu’un beau jour surgisse un événement hors du commun, parfois banal, souvent un réel tsunami intérieur.
L’événement appelé l’éveil ne provient pas de la personne, car cet événement est précisément la disparition de la personne.

Et quand la construction identitaire intime se brise, arrive une constatation vécue qui restera à jamais impossible à défaire, « je suis Conscience » !
Mais l'éveil, ce n'est pas QUE le recul impersonnel de ce regard non identifié. Cela ne peut pas être une coupure d'avec le monde parce que la conscience est le monde. Totalement et entièrement !

Une seconde expérience ultime peut donc survenir qui apporte la conviction inverse, totalement sidérante Je suis tout ! La conscience se reconnait alors en tant que TOUT et RIEN à la fois ! Bien avant l’éveil, Christine croyait qu’une sorte d’illumination qui la sortirait enfin de ce monde était possible. Quelle surprise de constater que c’est tout le contraire, l’éveil c’est le retour à la Conscience Soi et la Conscience Soi n’est pas différente du tout de la matière, de ce monde ! Elle en est le tissu. Vivre cela dans le chemin, c’est être replongé au cœur de la matière, être et exister par et avec. Et dans le vécu, cela se transpose par une intégration dans le monde même, c’est une fusion entre l’impersonnel et le personnel, le relatif tout simple !

Une contribution importante de Christine Morency à la spiritualité contemporaine est qu’il faut obligatoirement assumer pleinement son incarnation et son apparence relative corps/mental/conscience et non pas tenter de s’en évader !
Ces pages chamboulent toutes les idées préconçues sur ce qu’est l’éveil. 

© Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias-l'Originel

Je nomme l’éveil froid et l’éveil chaud ces deux facettes, ces deux façons différentes de vivre l’expérience de l’éveil. En réalité, il n’y a pas deux éveils, mais en apparence et dans les effets, il semblerait que oui.

Une première étape est souvent commune à tous ceux qui expérimentent cela. Le centre d’ego/moi possesseur de ma vie avec mes histoires propres, éclate. Cet éclatement, ce bris (plus ou moins important selon) de moi, laisse un bien- heureux vide pur, rempli de conscience pure, totalement détachée de ce centre d’ego/moi vu tout à coup comme n’ayant jamais réellement existé, n’étant qu’histoires aux- quelles moi/conscience pure, je m’identifiais. La majorité des expériences que les gens partagent avec moi sont de cet ordre. C’est le fameux « je ne suis pas le corps », « je suis rien », « il n’y a personne », et tous ces slogans spirituels rat- tachés à cette expérience première d’éveil. Elle est bienfaitrice, libre et apporte un bien-être indéniable. Détachée du monde, du corps, des expériences qui semblent passer loin de soi, reculée dans son propre espace pur inattaquable, la conscience pure EST... et c’est expérimenté comme une vastitude et une liberté sans limites.

J’appelle cette étape l’éveil froid. Non pas que ce soit péjoratif, mais froid, car il est vu que je ne suis rien. Je ne suis pas la personne, je ne suis pas le corps, je ne suis pas les expériences, je ne suis pas le matériel, je ne suis pas la souffrance, je ne suis pas les émotions, etc. Je ne sais pas ce que je suis, mais c’est génial ! Ce détachement conscient, pur regard impersonnel sur tout, absolument tout, y compris ce qu’il se passe là, dans ce corps... les différentes techniques qui suggèrent et apportent ce détachement du corps et ce regard impersonnel se situent à cette étape.

Froid je dis, parce que dans ce nouveau regard impersonnel, en tant que conscience pure, il n’est pas vu qu’il y a une séparation qui persiste, celle d’avec ce qu’il se passe en avant, dans le monde, dans le corps et parfois en soi. À la longue, un doute peut s’installer, notamment lorsque sur- git une situation particulièrement difficile qui tout à coup relance la conscience personnelle en avant et ainsi démontre qu’elle n’était pas si reculée que ça, que face à la force de la vie qui se joue l’impersonnel peut tout à coup se transformer en quelque chose de personnel et souffrant et qu’il va falloir user de droiture et de force, voire de violence envers soi pour se convaincre que non, il n’y a personne, je ne suis pas le corps, je ne souffre pas véritablement, y a un espace non attaqué, etc.

L’éveil froid est une séparation : conscience pure et monde/corps, de l’autre côté, qui est vu avec le regard impersonnel de la conscience sans attachement. Mais la conscience sans attachement n’est pas la réalisation ! Ce n’est pas le je suis tout, c’est le je suis rien. Le UN, ce sont les deux vivants en soi en même temps, telle une danse intime. L’éveil froid devient, pour la plupart des expériences qui m’ont été racontées et pour ce que j’ai vécu aussi en 2010, difficile à maintenir, car quelque chose n’est pas complet. C’est un éveil détaché de tout, distant de moi, du corps, des autres... c’est au point où souvent, il n’est même pas vu, ni même aperçu, qu’il y a nécessairement quelque chose de l’ordre d’un sujet, un sujet qui vit tout de même au cœur de ce regard impersonnel !

C’est parfait... une très belle étape essentielle, vitale pour la grande reconnaissance de l’éveil chaud qui suivra... ou pas.

L’éveil, ce n’est pas QUE le recul impersonnel de ce regard non identifié. Cela ne peut pas être une coupure d’avec le monde. Pourquoi? Parce que la conscience EST LE MONDE. Totalement et entièrement! Comment son propre éveil pourrait-il alors l’en sortir? Elle s’identifie à un corps qui n’a pas été placé là par quelque chose en dehors d’elle, mais par elle-même ! Une seconde expérience ultime peut donc survenir, à force d’être restée immobile au cœur, reculée d’elle- même, dans ce regard impersonnel-froid. Cette expérience ultime apporte la conviction inverse, totalement sidérante : Je suis tout ! Là où, dans la première expérience, le centre-ego a éclaté, quelque chose de fondamental prend la place, Soi-JE-Moi totalement intime, présent et personnel. Non pas historique, mais personnel ! La conscience se reconnait alors en tant que TOUT et RIEN à la fois! 

Comment vivre TOUT sans alors replonger au cœur du monde, du corps, des histoires qui passent, si besoin est, de la vie, des expériences sentimentales et émotives! Tout est inclus, rien n’est mis de côté, une incroyable réalisation intense de l’ordre de « Je ne peux plus rien mettre en dehors de moi » a lieu. 

Et ça, c’est chaud ! Incroyablement chaud, bienheureux, vivant, pétillant. La conscience-regard impersonnel se fond dans son propre monde et devient en même temps personnelle, totalement impliquée dans ce qui se déroule, car c’est elle-même en action ! 

Et la vie se déroule, sans choix volontaire – si ce sera froid ou chaud, personnel ou impersonnel – dans un mélange devenu impossible à définir, naturel, vivant et parfait.  

Paru également chez Accarias l'Originel, du même auteur :