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Échange avec Denis Marie
Vincent :
J’ai eu l’expérience en 82, par des pratiques soutenues avec les lamas tibétains de ce que le lama de l’époque, qui était mon lama racine, nommait comme étant une « expérience de la vacuité des phénomènes ». Cela a duré quelques mois où il était vu que les choses, les êtres, etc. étaient sans substance, une illusion vide de formes. Mais je ne l’expliquerai pas, car ce n’est pas explicable. La seule chose fût un grand rire et une certaine difficulté à prendre aux sérieux les soi-disant problèmes sérieux relationnels. Mais cette expérience fut pour moi plutôt la désintégration du sens du moi qui provoqua aussi une peur et un désir de retrouver ma vision normale afin de pouvoir fonctionner en famille, avec les autres, etc. (il me semble qu’à l’époque quelque chose n’était pas prêt à accepter cela ; le lama me dit de m’accrocher et d’aller au-delà. Voilà, j’abrège, tu comprendras.
La deuxième expérience, avec la rencontre avec Bernard, fut ce que j’appelle « intégratrice », car là tout baignait, il n’y avait pas « d’autres ». Même quand je parlais avec ma femme j’étais obligé de m’arrêter comme si je parlais avec moi-même et de même dans beaucoup de circonstances. Un sentiment d’amour était là, pour personne, mais de l’amour sentiment d’être total, entier, complet. Puis cela s’en est allé, mais ce fut sans importance, car cet écran blanc sur lequel venait s’inscrire toutes ces histoires demeurait. Voilà, je te raconte cela pour mieux poser cette question.
Quand je lis ton recueil, c’est une immense joie de reconnaissance toute simple. Il n’y a rien à rajouter, seulement la reconnaissance de moi-même ! (naturellement j’ai traversé l’ennui et le désoeuvrement quand toutes les pratiques sont tombées d’elles-mêmes et le fait même de chercher quelque chose. Puis cela aussi comme tous les états passent).
Maintenant, quand je te lis je me dis, pardonne le terme, mais « merde » qu'est-ce qui manque ? En voyant bien aussi « que cette question est le manque même » et qu’elle apparaît sans autres conséquences de disparaître... et là je reste un peu abasourdi que tout soit là et pourtant... cet aspect duel est là, constaté, mais demeure !
Peux-tu me dire quelque chose sur ce que j’exprime et qui me fait dire à chaque fois « c’est là » et pourtant, il y a cette division.
Merci pour ta présence qui est un réconfort dans ce cri intérieur qui parfois nous submerge et me laisse impuissant, car là aucun contrôle, aucune volonté propre, aucun faire, ni ne pas faire, ne rien savoir, et tout ce qu’on a pu faire, penser, compris ne sert à rien...
Denis Marie : “Il faut bien comprendre que l'absolu inclut le relatif. Pour le ramener à l'éveil, cela signifie que la vérité en laquelle nous nous retrouvons autorise l'illusion d'exister.
L'un ne remplace pas l'autre.”
Je me permets de reprendre ces trois phrases. Je pense qu'elles répondent en grande partie à ton questionnement.
L'État initial est comme le ciel et rien n'échappe, ou n'est exclu de celui-ci. Il n'y a rien d'autre en dehors de cette Ouverture infinie.
La dualité s'exprime en son sein et n'a aucun pouvoir, aucune conséquence à son égard. Aussi, on s'en fout ! Ce n'est pas vrai !
L'État initial règne et c'est ce Règne en nous qui peut nous donner la certitude.
C'est exactement pareil que pour le silence ou pour l'immobilité. Le silence n'a pas besoin du moindre son pour exister.
Ainsi, les expériences sont comme des sons. Elles sont des manifestations au sein de la Nature absolue.
Aucune d'elles ne peut confirmer la Nature puisqu'elles en sont des “sous-produits”.
En fait, généralement, nous retenons l'émergence des expériences, alors qu'au contraire, nous devrions “retenir” leurs dissolutions.
Il y a beaucoup à réaliser dans cette réabsorption !
Sur le coup nous nous retrouvons démunis, voire orphelins, mais une fois cette dernière résurgence passée, nous nous trouvons ou reconnaissons en la qualité immuable qui ne varie jamais.
Il faut accepter de tout perdre, absolument tout, pour se voir nus, tel que nous sommes, et tel que nous l'avons toujours été.
L'éveil n'est pas une expérience et ce n'est pas une expérience qui le confirme. C'est ce qui vient à la suite et qui était déjà présent avant.
Nous sommes dévastés, perdus, sans référence, semblables à l'enfant, au nouveau-né qui est juste là, simple, empli de vie et de la présence qui l'anime.
À présent, tous les cinémas de l'adulte que nous sommes peuvent prendre place. Notre “référentiel” demeure “l'enfant”, “chez-nous”, car nous avons fait le tour de la question.
Vincent : Très juste, j’allais dire malheureusement, car ça, je le vois bien « L'éveil n'est pas une expérience et ce n'est pas une expérience qui le confirme. C'est ce qui vient à la suite et qui était déjà présent avant. »
C’est très vrai et je n’ai aucun attachement ni attente de ce que ces expériences furent, car j’ai bien vu que « je suis avant. ».
Et que le vide est forme et la forme est vide, cela aussi s’impose à mon regard ! Le film n’a aucune incidence sur l’écran blanc que « je suis » avant tout , il se déroule c’est tout !
Merci pour « La dualité s'exprime en son sein et n'a aucun pouvoir, aucune conséquence à son égard. Aussi, on s'en fout ! Ce n'est pas vrai ! » là ça palpite… de même « Notre “référentiel” demeure “l'enfant”, “chez-nous”. »
« À présent, tous les cinémas de l'adulte que nous sommes peuvent prendre place »
Ça aussi je vois, le jeu peut continuer comme il est , il ne créait aucune interférence sur notre Référentiel, on peut jouer et tout peut advenir cela n’a aucune importance, comme tu dis : on s’en fout !
Et oui nous avons fait le tour de la question...
J’ajouterai, avec un sourire d’humour qui exprimerait assez ma déconvenue (dans cet espace ouvert et souriant), et pourtant il y a Denis et son lit d’hôpital et boum ! (même si c’est une non-expérience, un non-état qui demeure après cette dernière expérience, état... et il y a Vincent… pas boum !
Ce que je veux dire c’est que Denis avant et après, même si rien a changé... tout n’est plus pareil et de là où il parle, Denis, même si c’est faux de le dire comme ça, Vincent n’y est pas ! Enfin, c’est ce qu’il s’imagine peut être, mais Denis avant ce qui s’est passé à l’hôpital et Denis après ça donne « l’éveil ordinaire ».
Donc, je suis mon seul refuge, ma seule autorité certes… mais ce refuge qui est moi-même peut prendre le visage de Denis après ce « déclic », appelons-le comme on veut ça ne change rien, mais « Cela » s’exprime en Denis, c’est bien qu’il se passe quelque chose.. peu importe le nom qu’on lui donne ou pas ! non ?
Excuse-moi d’insister, mais une chose pour moi est incontournable de là où je suis, c’est que même si c’est une reconnaissance de ce que l’on est et avons toujours été il y a là « quelque chose qui se dévoile, se révèle » et qui n’est pas actualisée en tout un chacun… car il y a bien ici, là où je suis, une constatation qui s’est actualisée en Denis et pas en Vincent, même si c’est « seulement une pensée qui m’en sépare » !
Là, voilà, j’y suis arrivé (sourire), j’essaye de dire qu’on a beau mettre des mots plus des mots… Denis « voit », il y a actualisation, et Vincent « voit lui aussi… mais comme un borgne » (sourire), la grâce ne s’est pas penchée encore sur lui. Alors il se dit oui, je comprends, oui j’ai vu certaines choses, oui j’ai eu certaines expériences, etc., etc., et que reste-t-il ? Rien.. Bon, il reste l’écran blanc et tu dis « Il faut accepter de tout perdre, absolument tout, pour se voir nus, tel que nous sommes, et tel que nous l'avons toujours été. » Alors là oui, je dis merveille... entre Denis et Vincent, Vincent c’est peut-être un malin et il ne veut pas tout perdre... mais ce cœur, lui, il n’aime que ça, il ne vibre que pour ça... et redit « merde » (dans la joie)... le marchand de sable il jette sa grâce comme bon lui semble ? Qu’est-ce que j’aimerais tout lâcher, tout perdre... mais même cela ne dépend même pas de moi… car cela apparaît et « je suis » avant. Parfois quand même il y en a ras le bol (ha ha ha) !
Merci infiniment de ta réponse très claire. J’ai voulu pousser le bouchon un peu plus loin, car parfois il y a dans ce que l’on vit un vent de folie, un paroxysme, un insaisissable, un quelque chose où s’il était en ce pouvoir de cet individu non-existant de s’y jeter les pieds joints pour boire la tasse, il le ferait. De toute façon, je n’ai aucun choix, là-dedans ça pousse, ça pousse, ça veut y aller, je ne sais pas où, mais ça y va...
Merci de m’avoir lu, de ta merveilleuse réponse et ma foi comme tu le dis « la Source à soif d’être bue » et bien qu’elle se boive jusqu’à ce que j’en sois ivre ! Merci de tout cœur.
PS : Bien que je n’ai posé aucune question, si ce que je dis t’inspire une réponse, n’hésite pas, car sache que d’ici l’écoute est totale, car cela fait un grand bien de le dire, de le partager et d’entendre des paroles de vie qui éclairent... ce chemin fort lumineux.
Denis Marie : Je vois que nous en sommes au “dernier bastion”, mais qui pourrait aussi bien porter le nom de “premier”.
Tout lâcher, à un certain stade, c'est lâcher le “dernier espoir” ou la “dernière crainte” (ou le premier espoir, la première crainte).
Je voudrais te dire : « Réveille-toi Vincent. Oublie tout. Ceci n'est qu'un jeu !
Il n'y a pas d'illusion, pas d'éveil. Il n'y a rien à gagner, rien à perdre.
Il y a juste “toi”, “Soi”, C'EST TOUT ! »