vendredi 21 septembre 2007

• Rigpa : l'immaculé contemplant sa propre nature - Sogyal Rinpoché

Rigpa : l'immaculé contemplant sa propre nature
Sogyal Rinpoché


Profonde et tranquille, libre de toute complexité,

Clarté lumineuse non composée,

Par-delà l'esprit conceptuel ;

Telle est la profondeur de l'esprit des Victorieux.


En elle, rien à enlever,

Nul besoin de rien ajouter.

C'est simplement l'immaculé

Contemplant sa propre nature.


Nyoshul Khen Rinpoche



Lors de l'instant intense de l'introduction, le maître peut ainsi directement communiquer sa réalisation de la nature de l'esprit - ce que nous appelons « son esprit de sagesse » - à l'esprit de l'étudiant, désormais authentiquement réceptif.
Le maître ne fait rien de moins qu'introduire l'étudiant à ce qu'est réellement le Bouddha ; il ouvre son esprit à la Présence intérieure vivante de l’éveil. Au cours de cette expérience, le Bouddha, la nature de l'esprit et l'esprit de sagesse du maître fusionnent et se révèlent un. L'étudiant reconnaît alors, dans une explosion de gratitude et sans aucun doute possible, qu’il n’y a pas, qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais de séparation entre lui-même et le maître, entre l'esprit de sagesse du maître et la nature de son propre esprit.

Comment est-il possible que l'étudiant soit introduit à l'esprit de sagesse des bouddhas ? Imaginez la nature de l’esprit semblable à votre propre visage ; il ne vous quitte jamais, mais sans aide extérieure vous ne pouvez le voir. Supposez maintenant que vous n'ayez jamais vu de miroir. Soudain, on vous en tend un dans lequel vous voyez, pour la première fois, le reflet de votre visage : telle est l'introduction accomplie par le maître.
De même que votre visage, la pure conscience de Rigpa, n'est pas quelque chose de « nouveau » que vous ne possédiez pas auparavant et que le maître vous donne. Ce n'est pas non plus quelque chose que vous puissiez trouver en dehors de vous. Cette conscience a toujours été vôtre, elle a toujours été présente en vous mais, jusqu'à cet instant saisissant, vous ne l'aviez jamais vue directement.

Imaginez que vous viviez dans une maison construite au sommet d'une montagne, elle-même située au sommet du monde. Soudain, toute la structure de la maison, qui limitait votre vision, disparaît, et vous voyez tout autour de vous, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Seulement, il n'y a aucun « objet » à voir ; ce qui se produit est dénué de toute référence ordinaire. C'est une vision totale, intégrale, sans précédent, parfaite. C'est ce que vous ressentez au moment où Rigpa est directement révélé.

En tibétain, nous appelons Rigpa la nature essentielle de l'esprit, conscience claire primordiale, pure, originelle, à la fois intelligence, discernement, rayonnement et éveil constant.
Cette nature de l'esprit, son essence la plus profonde, n'est absolument jamais affectée par le changement ou par la mort. Pour le moment, elle demeure cachée à l'intérieur de notre propre esprit, enveloppée et obscurcie par l'agitation mentale désordonnée de nos pensées et de nos émotions.
De même que les nuages, chassés par une forte bourrasque, révèlent l'éclat du soleil et l'étendue dégagée du ciel, ainsi une inspiration, dans certaines circonstances particulières, peut-elle nous dévoiler des aperçus de la nature de l'esprit. Ces aperçus peuvent être d'intensité et de profondeur très différentes, mais de chacun émane une certaine lumière de compréhension, de sens et de liberté. En effet, la nature de l'esprit est la source même de toute compréhension.

Quand la sagesse de Rigpa rayonne, s'élève un sentiment grandissant de certitude inébranlable et naît alors la conviction que « c'est cela ».
Il ne reste plus rien à chercher, plus rien à attendre.
C'est cette certitude de la Vue qu'il vous faudra approfondir par des aperçus successifs de la nature de l'esprit, et stabiliser par la discipline constante de la méditation.

La méditation a pour but d'éveiller en nous la nature semblable au ciel de notre esprit, de nous « introduire » à ce que nous sommes réellement : notre conscience pure et immuable, sous-jacente à la totalité de la vie et de la mort.
Dans l'immobilité et le silence de la méditation, nous entrevoyons, puis réintégrons cette nature profonde et secrète que nous avons perdue de vue depuis si longtemps, au milieu de l'effervescence et de la distraction de notre esprit.

De même que votre visage, la pure conscience de Rigpa n'est pas quelque chose de « nouveau » que vous ne possédiez pas auparavant... Ce n'est pas non plus quelque chose que vous puissiez trouver en dehors de vous. Cette conscience a toujours été vôtre, elle a toujours été présente en vous mais, jusqu'à cet instant saisissant, vous ne l'aviez jamais vue directement.

A quoi ressemble la nature de l'esprit ? Imaginez un ciel, vide, spacieux, et pur depuis l'origine : telle est son essence. Imaginez un soleil, lumineux, sans voile et spontanément présent : telle est sa nature. Imaginez que ce soleil brille impartialement sur tout être et toute chose, rayonnant dans toutes les directions : telle est son énergie, manifestation de la compassion. Rien ne peut l'entraver, et elle pénètre toute chose.

Où réside précisément notre nature de bouddha ? Elle demeure dans la nature semblable au ciel de notre esprit. Totalement ouverte, libre et sans limites, elle est fondamentalement si simple que rien ne peut la compliquer, si naturelle qu'elle ne peut être corrompue ni souillée, si pure qu'elle est au-delà du concept même de pureté et d'impureté.
Comparer cette nature de l'esprit au ciel n'est, bien entendu, qu'une métaphore pour nous aider à imaginer son caractère illimité et universel ; la nature de bouddha possède en effet une qualité que n'a pas le ciel, celle de la clarté radieuse de la conscience pure.
Il est dit : « Elle est simplement notre conscience claire, parfaite, de l'instant présent, cognitive et vide, nue et éveillée. »

Qu'est-ce que la Vue ? Ce n'est ni plus ni moins que voir les choses telles qu'elles sont ; savoir que la nature véritable de l'esprit est la nature véritable de toute chose et réaliser que la nature véritable de notre esprit est la vérité absolue.
Dudjom Rinpoché disait : « La Vue est l'intelligence de la conscience claire nue au sein de laquelle tout est contenu : perceptions sensorielles et existence phénoménale, samsara et nirvana. Cette conscience claire a deux aspects : la vacuité en est l'aspect absolu, et les apparences ou les perceptions, l'aspect relatif. »

Les enseignements bouddhistes dans leur ensemble sont décrits en termes de « Base, Chemin et Fruit ».
La Base du Dzogchen est cet état fondamental, primordial - notre nature absolue, qui est déjà parfaite et toujours présente.
« Ne la cherchez pas à l'extérieur de vous, dit Patrul Rinpoché ; ne croyez pas, non plus, que vous ne la possédiez pas déjà et qu'elle doive naître maintenant dans votre esprit. »
Du point de vue de la Base, de l'absolu, notre nature est donc identique à celle des bouddhas. Il n’est pas question à ce niveau - « pas même l'épaisseur d'un cheveu », disent les maîtres - d'enseignement à suivre ou de pratique à faire.

Extraits tirés du Livre tibétain de la vie et de la mort - Éditions Livre de Poche

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tous les points essentiels sont rassemblés ici. Merci.