vendredi 14 septembre 2007

• L'abîme de feu - Irina Tweedie

L'abîme de feu

Irina Tweedie

Une expérience dans laquelle l'observateur et le champ d'expérience ne font qu'un.

Née en Russie en 1907, Irina fut élevée à Vienne et à Paris, puis elle s'établit en Angleterre. Troublée par le décès prématuré de son mari en 1954, elle cherche à donner un sens à sa vie. Sa quête l'amène en Inde où, en octobre 1961 à Kanpur, dans la plaine du Gange, elle rencontre un maître soufi dont elle devient immédiatement disciple. Ce maître lui demande de tenir un journal de ses observations. C'est de ce journal que fut tiré ce livre dix ans plus tard. Cette rencontre fut un bouleversement. Alors commence une longue aventure : elle restera un an et demi auprès de son gourou, dont, selon la tradition, on tait le nom. Elle revient trois ans plus tard. Après le décès de son maître en juillet 1965, elle va s'installer dans une retraite de l'Himalaya.

Le maître réclame obéissance et soumission, et plus encore l'Amour absolu du disciple. Irina doute d'abord : "Comment peut-on commander l'Amour ?" Mais cela se produit. Sous la conduite quotidienne du gourou, sa personnalité se transforme, son Ego est attaqué de toute part. Son corps et son esprit sont constamment mis à l'épreuve. Elle subit les angoisses et les doutes, les revirements d'humeur et les remontrances de son maître, les aléas du climat indien. Pour casser son orgueil, celui-ci utilise tour à tour tous les moyens : l'indifférence, la compassion et la fermeté. "C'est une lente dissolution de la personnalité, processus douloureux car l'homme ne peut pas se refaire sans souffrir. Il s'agit d'une mise à nu de ses propres souffrances, d'une rencontre avec ses propres démons, d'un face à face avec ses conflits intérieurs pour arriver à s'accepter tel que l'on est et non tel que l'on pense être."

Et petit à petit, après les nuits blanches, les pleurs, les douleurs du corps, le désir brûlant, elle apprend la soumission du corps et de l'intellect à la force de l'esprit. Elle découvre la paix du coeur, le réveil des chakras, centres d'énergie psychique associés à des emplacements le long de la colonne vertébrale. "Ce qui fit avant tout le maître, c'est de me forcer à être confrontée à l'obscurité à l'intérieur de moi-même. "Processus douloureux qui passe par une mort à soi-même, par une destruction de nos "échelles de valeurs", et par l'extinction de l'Ego-Ursupateur car "le chemin d'amour est comme un pont de chevelure au-dessus d'un abîme de feu". Mort volontaire, appelée "fana" par les soufis, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cendres, afin que ces cendres renaissent une vie nouvelle et une liberté absolue.

Ce récit met en relief la profondeur de l'engagement spirituel et la force de l'expérience mystique. C'est une expérience d'émancipation dans laquelle l'observateur et le champ d'expérience ne font qu'un. C'est par la rencontre du maître et l'acceptation totale de sa voie que débute l'expérience qui mènera au bout du chemin. Démarche qui réclame de la part du disciple un engagement sans réserve, sans retour possible, qui l'oblige à rentrer dans l'arène et à s'élancer au combat. Que signifie "engagement" ? C'est une promesse faite à soi-même, qui ne doit pas être rompue.

Le lecteur trouvera peut-être ce récit quelque peu répétitif par moments. Mais c'est l'histoire d'un apprentissage, et l'apprentissage est une continuelle répétition. L'élève doit reprendre sa leçon encore et encore, pour être capable de la donner à son tour. Le maître doit répéter la leçon, la présenter sous différents angles pour que l'élève comprenne et se souvienne. Chaque situation est revécue à plusieurs reprises, déclenchant à une réaction psychologique légèrement différente qui mène à l'expérience suivante, et ainsi de suite.

Les soufis sont une branche mystique de l'islam, qui s'en différencie par de nombreux points de doctrine et de pratique. Ils sont originaires de la Perse en des temps très reculés, et ont adopté la référence au Prophète lors de la conquête musulmane. Ils ont de tous temps vécus en hommes ordinaires. Sobres et discrets, ils exercent des métiers de la vie courante et s'habillent comme tout un chacun. Leurs réunions peuvent avoir lieu dans une arrière boutique. Ils vivent dans le tumulte de la vie, sans en subir l'influence. Ils sont dans le monde, mais non pas du monde.

Présenté par Charles Antoni,
animateur des Éditions L'Originel.

Réédition du livre d'Irina Tweedie (cliquer sur l'image) :













Parue sur le site de Radio France

"Tenez un journal", me dit le Maître Soufi, "un jour, ce sera un livre. Mais vous devez l'écrire de manière à ce qu'il puisse aider les autres."
J'ai conservé la forme du journal, pensant que cela traduirait mieux le caractère immédiat de l'expérience et c'est pour la même raison que j'ai utilisé la première personne du singulier tout au long de cet ouvrage.
Le premier jet est sorti en septembre 1971 à Sutherland en Ecosse, soit près de dix ans après ma première rencontre avec mon Maître. Avant, il m'aurait été impossible de commencer, je n'aurais même pas pu jeter un oeil sur les notes de mon journal. L'érosion de la personnalité est un processus lent et douloureux. Lorsque je partis pour l'Inde en 1961, j'espérais recevoir l'enseignement du yoga sous la forme de merveilleuses leçons, mais ce que fit avant tout le maître, c'est de me forcer à être confrontée à l'obscurité de l'intérieur de moi-même, jusqu'à ce que je parvienne à un accord avec cette chose en moi que j'ai rejetée toute ma vie.
Dans l'une des Upanishads il y a une phrase qui condense merveilleusement toute notre quête de spiritualité : "Si vous aspirez à la Vérité aussi fortement qu'un homme qui se noie cherche de l'air, alors vous la saisirez en un tiers de seconde."
Mais qui désire la vérité autant que cela ? C'est la tâche du maître d'enflammer le coeur d'un feu si ardent de désir. Il est de son devoir de le maintenir en flammes jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des cendres.
Car seul un coeur qui s'est brûlé à l'intérieur est capable d'amour.
Mon sincère et ardent désir serait que cet ouvrage soit un indicateur sur le chemin, au moins pour quelques-uns d'entre nous.


Revue Terre du Ciel
n° 42, Février-Mars 2003.

Entretien avec Irina Tweedie.

Question – Pouvez-vous en dire plus sur ce que la mort de votre guru signifia pour vous ?

Irina Tweedie – La vie spirituelle de chacun d’entre nous est le drame de l’âme. C’est la crucifixion et la résurrection. Ce qui est crucifié, bien sûr, c’est l’ego. La résurrection c’est – j’hésite à le dire – l’Eveil, peut-être. Mais l’Eveil de quoi ou de qui ? Une fois que vous êtes devenu Un, il n’existe pas de « je ». Donc qui est là pour être Eveillé ?

Nous, soufis, sommes des mystiques. Le mysticisme ne peut être expliqué. Nous parlons de Dieu comme du Grand Bien-Aimé. Nous sommes des amants, et Il est le Bien-Aimé, ou Cela est le Bien-Aimé. Quelqu’un m’a demandé l’autre jour : « Pourquoi disons-nous « Il » en parlant de Dieu ? » Pour moi c’est psychologiquement plus parlant de penser à Dieu en tant que « Il », en raison de l’union avec le Bien-Aimé en méditation profonde. Pour vous, ce sera peut-être « Elle ». Cela n’a pas d’importance.

A une époque, j’essayais beaucoup d’éviter d’utiliser le mot Dieu , parce que cela limite beaucoup. Dans l’une de mes conférences, je parlai ainsi de l’Absolu », et au moment des questions, une petite femme âgée s’est levée à l’arrière et a demandé : « Madame, qu’est ce que l’Absolu ? ». Depuis, j’hésite à dire ce que Dieu est. Il est préférable de ne pas le nommer…

Mais il y a des moments de méditation profonde dans lesquels vous et Cela êtes l’amour, Cela vous aime. Cela vous répond. Cela nous apporte une satisfaction absolue. Mais qu’est-ce qui vous apporte cette satisfaction ? Qu’est-ce qui vous répond ? Dieu est le Néant. Mais ce Néant vous aime. Vous êtes aimé et il y a une béatitude incroyable et absolue. Le mental ne peut le connaître. Ces choses ne peuvent être véritablement expliquées. On doit en faire l’expérience. C’est pour cela que nous essayons de méditer – pour atteindre ce moment, ce contact avec cette part éternelle en nous. Cela est la seule vérité. Mais en parler est impossible.

Question – Pouvez-vous parler de l’éthique spirituelle ?

Irina Tweedie – Selon l’éthique des soufis, ce que vous faites peut être vu par tout le monde. C’est comme si vous viviez dans une maison de verre. Il n’y a pas de secrets. Cela n’est pas facile, tout ce que vous faites, vous ne le faites pas pour vous-mêmes, mais pour les autres. Si j’aide un être humain, en ce sens que si je suis inquiet à propos de quelqu’un, je vais rester debout toute la nuit pour prier. Il se peut que je souffre d’inconfort si je dois visiter quelqu’un qui ne peut pas venir me voir. Il se peut que je ressente de l’inconfort et parfois du désarroi. Mais tout cela n’est pas que physique. Donc mon corps leur appartient.

C’est très simple. On n’est pas spécial. On n’est pas magnifique. On comprend mieux, c’est tout. Mais chacun d’entre nous est capable de cela. Et je vous souhaite tous de pouvoir au moins toucher avec des doigts délicats l’ourlet du vêtement de la vérité. J’espère que vous le ferez, parce que la vie devient alors une telle symphonie, une telle musique.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

depuis que j'expérimente avec la kundalini plusieurs symptômes sont apparus.Acouphène,la goutte,douleur dorsal.

Patrice a dit…

Le livre d'Irina Tweedie vient d'être réédité par les Éditions Charles Antoni-l'Originel.

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