- I -
Je me souviens des sessions du milieu de l'après-midi lorsque tout le monde était fatigué, assoupi, luttant contre le sommeil. Moi, j'étais tellement heureux. Nous pouvions aller voir le maitre zen pour qu'il nous pose ses impossibles questions. Je souriais à moi-même. « Oh ! J'en connais la réponse. » Et je me contentais de rester simplement assis. L'énergie s'élevait, s'élevait. Pour finir, j'allai voir le maitre et il me posa l'un des plus vieux koans, ponctué d'un petit geste de la main. Avec ce geste, la chambre entière s'effaça. Tout avait disparu - le vent, les étoiles, les chiens au dehors. Nous disparûmes tous dans la même immensité. Il n'y avait rien, il y avait tout. Je me mis à rire et à rire, émerveillé. Je connus l'esprit de mon maître et l'âge du monde. Mon corps était transparent, le souffle du vent devint ma respiration et mes pas la terre en mouvement. Après cela, ma vie fut très joyeuse, vivante ; mes peurs les plus anciennes furent balayées, elles disparurent tout simplement. J'étais enfin vraiment vivant. Même si pendant des semaines et des mois j'ai souri, ce fut une période bizarre. Dans la communauté, je ne parlai à personne de ce qui m'arrivait car je savais que les gens, d'une manière ou d'une autre, se sentiraient exclus. C'est ainsi que je devins très vite conscient de toutes les limites douloureuses du monde et compris comment, même à l'intérieur de cette grande ouverture, les limites doivent absolument être respectées.
C'était au début de ma vie spirituelle. J'étais allé à quelques cours de méditation et maintenant j'étais tranquillement allongé, seul, me reposant après tant de temps passé à penser et à m'interroger. Mon esprit était dans un état des plus clairs et des plus ouverts. Il se sentait rechargé, vivant et dans le même temps totalement calme. Je n'avais jamais su qu'un tel équilibre de vivacité et de détente était possible. Je pris un vieux texte bouddhiste et en lus quelques lignes :
« Bien que l'Esprit soit, il n'a pas d'existence. Dans son état véritable, l'Esprit est nu, immaculé, par nature Vacuité, transparent, éternel, non composé ; on ne peut le réaliser comme une entité séparée mais comme l'unité de toutes choses, sans pour autant être composé par elles. S'élevant d'elles-mêmes et naturellement libres, comme les nuages dans le ciel, toutes les choses qui apparaissent s'évanouissent à nouveau... La totalité du monde et du nirvana, unité inséparable, est notre propre esprit. »
Tout ce que je savais du monde éclata en morceaux. Je n'aurais pu dire ce qu'il en restait car rien de moi n'avait subsisté. Seul demeurait ce qui est présent avant que l'idée de soi n'existe jamais. Je compris une bonne fois pour toutes qu'il n'y a pas de soi, que toute idée de soi est une illusion. Nous sommes vides, comme un rêve, un jeu de l'esprit. Peu à peu une partie du monde revint, bien que, sous de nombreux aspects, ma manière de le percevoir ait totalement changé. Comment étais-je supposé vivre désormais ?Je n'en avais aucune idée. Pendant des semaines je tournai en rond dans une sorte de légèreté et d'état de choc.
Un jour de printemps, durant une période de pratique intensive, j'étais en train de manger. Pendant bon nombre de jours, j'étais resté assis à me débattre et à faire beaucoup d'efforts, déterminé à abattre toutes les barrières et à faire jaillir toute la vérité - qui j'étais, quelle pratique j'étais en train de faire. J'élevai mon bol et soudain tout devint clair. Les choses sont bien telles qu'elles sont ! Le monde entier est complètement, profondément entier. Je n'avais pas besoin de faire quoi que ce soit. Je n'avais pas besoin d'essayer avec tant d'acharnement. En disant cela maintenant avec des mots, cela peut sembler très terre à terre, mais ce fut une révélation gigantesque, stupéfiante, qui instantanément coupa court à toutes mes questions et me libéra des centaines de manières par lesquelles j'avais toujours essayé de changer ou de figer le monde et moi-même. Une dimension physique surprenante était également présente. Tout mon corps disparaissait, la coquille ou le réceptacle de moi-même s'évanouissait, le fond du monde se dérobait. Je n'avais pas une forme distincte de celle du monde. Tout mon mode d'être se libéra et changea au fil des mois qui suivirent, à tel point que les gens commencèrent à me demander ce qu'il s'était passé.
- II -
C'était au début de ma vie spirituelle. J'étais allé à quelques cours de méditation et maintenant j'étais tranquillement allongé, seul, me reposant après tant de temps passé à penser et à m'interroger. Mon esprit était dans un état des plus clairs et des plus ouverts. Il se sentait rechargé, vivant et dans le même temps totalement calme. Je n'avais jamais su qu'un tel équilibre de vivacité et de détente était possible. Je pris un vieux texte bouddhiste et en lus quelques lignes :
« Bien que l'Esprit soit, il n'a pas d'existence. Dans son état véritable, l'Esprit est nu, immaculé, par nature Vacuité, transparent, éternel, non composé ; on ne peut le réaliser comme une entité séparée mais comme l'unité de toutes choses, sans pour autant être composé par elles. S'élevant d'elles-mêmes et naturellement libres, comme les nuages dans le ciel, toutes les choses qui apparaissent s'évanouissent à nouveau... La totalité du monde et du nirvana, unité inséparable, est notre propre esprit. »
Tout ce que je savais du monde éclata en morceaux. Je n'aurais pu dire ce qu'il en restait car rien de moi n'avait subsisté. Seul demeurait ce qui est présent avant que l'idée de soi n'existe jamais. Je compris une bonne fois pour toutes qu'il n'y a pas de soi, que toute idée de soi est une illusion. Nous sommes vides, comme un rêve, un jeu de l'esprit. Peu à peu une partie du monde revint, bien que, sous de nombreux aspects, ma manière de le percevoir ait totalement changé. Comment étais-je supposé vivre désormais ?Je n'en avais aucune idée. Pendant des semaines je tournai en rond dans une sorte de légèreté et d'état de choc.
- III -
Un jour de printemps, durant une période de pratique intensive, j'étais en train de manger. Pendant bon nombre de jours, j'étais resté assis à me débattre et à faire beaucoup d'efforts, déterminé à abattre toutes les barrières et à faire jaillir toute la vérité - qui j'étais, quelle pratique j'étais en train de faire. J'élevai mon bol et soudain tout devint clair. Les choses sont bien telles qu'elles sont ! Le monde entier est complètement, profondément entier. Je n'avais pas besoin de faire quoi que ce soit. Je n'avais pas besoin d'essayer avec tant d'acharnement. En disant cela maintenant avec des mots, cela peut sembler très terre à terre, mais ce fut une révélation gigantesque, stupéfiante, qui instantanément coupa court à toutes mes questions et me libéra des centaines de manières par lesquelles j'avais toujours essayé de changer ou de figer le monde et moi-même. Une dimension physique surprenante était également présente. Tout mon corps disparaissait, la coquille ou le réceptacle de moi-même s'évanouissait, le fond du monde se dérobait. Je n'avais pas une forme distincte de celle du monde. Tout mon mode d'être se libéra et changea au fil des mois qui suivirent, à tel point que les gens commencèrent à me demander ce qu'il s'était passé.
Extraits choisis pour Éveil Impersonnel de l'ouvrage :
Après l'extase, la lessive
de Jack Kornfield - Éditions de La Table Ronde
Après l'extase, la lessive
de Jack Kornfield - Éditions de La Table Ronde
2 commentaires:
et Ônajor d'écrire :
Votre ego, votre moi, votre je est la porte qu mène à la lumière éternelle d'amour universel. Ouvrez cette porte et n'ayez pas peur vous allez vous dilater dans la beauté merveilleuse de cet amour
Malheureusement, cet ouvrage est actuellement indisponible... Existe-t-il un ouvrage similaire? Parce que c'est important, non ?... Si jamais l'Eveil frappe à la porte : faut-il lui ouvrir ? Que faire avec ? (Je sais la tournure est impropre ;-) Arrêter toute activité et rester assis ? Une vie humaine est-elle possible ? Ca ressemble à quoi ?
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