mercredi 11 juin 2008

• Seule est réelle cette conscience non née

TÉMOIGNAGES

- I -

J'étais dans l'ashram, en train de pratiquer avec un petit nombre d'étudiants avancés. J'avais éprouvé beaucoup de douleurs physiques au cours des dernières semaines mais je continuai malgré cela à m'asseoir, encore et toujours, sans bouger. Mon esprit était posé, tout à fait centré. Mes pensées diminuèrent jusqu'à pratiquement disparaître et ma conscience émergea au centre de mon coeur. Lorsqu'un son, une sensation ou une pensée s'élevait, je la ressentais immédiatement comme une subtile vibration ondulant à travers l'espace de mon coeur. C'est tout ce que je ressentais. C'était comme si le calme de mon coeur s'étendait au monde entier. Toutes les expériences devinrent comme de petites vibrations, des vagues évoluant subtilement à travers ce coeur vaste et paisible.

Puis je m'abandonnai davantage et pénétrai la sérénité la plus profonde qu'on puisse imaginer, sans même un son ni une sensation si subtile soit-elle. C'était totalement silencieux et vide. Je ne ressentais plus du tout mon corps ou mon esprit, j'étais pure conscience. Toute mon identité s'effaça. C'était à couper le souffle, fantastique, au-delà de la félicité Je sus qu'après cela je ne pourrais plus jamais avoir peur de la mort car seule est réelle cette conscience non née, cette conscience éternelle.

- II -

J'étais en montagne et je me réveillais tôt, lorsqu'il faisait encore sombre. Je m'asseyais ainsi, très calme, jour après jour et l'expérience la plus merveilleuse et la plus terrible arriva. Je disparus. Tout ce que j'étais fut balayé. Au début je fus incapable de nommer ce qui m'arrivait. Vous ne pouvez lui donner un nom, pas même celui de nirvana, car c'est bien au-delà des mots. Une telle feiicité ! Je sus que ce n'était plus mon propre coeur ni mon propre corps, c'était le coeur et le corps du monde.

- III -

À cette période, après plusieurs mois, j'avais seulement besoin de trois ou quatre heures de sommeil. Ma seule instruction était de rester absolument présent et attentif et, quoi qu'il arrive, de ne pas réagir. Tant de pensées et d'émotions étaient venues puis reparties. Il y eut des jours d'intense solitude, de larmes et de chagrin, et des moments de ravissement. Certains jours, j'avais l'impression de mourir, mon corps tombait en morceaux. J'étais entouré d'un monde de mort et de destruction. Puis tout redevenait normal. J'avais l'impression de flotter au fil des heures de méditation, parmi des vagues de lumière et d'extase, mon corps se dissolvant, ouvert comme le ciel, sans limites.

Plus je devenais calme, plus les expériences s'élevaient rapidement. C'était maintenant comme si je pouvais remarquer chaque pensée malgré leur flot constant. Chaque forme-pensée créait un monde d'idées, de souvenirs ou un monde imaginaire qui s'évanouissait dès qu'il était repéré. Dans le silence profond de l'esprit, je commençai à sentir les subtiles pré-pensées, comme si l'esprit, telle une femme enceinte, était prêt à donner vie à la pensée suivante. Les sons, les odeurs, les émotions, chaque perception, si petite soit-elle, était reconnue, libérée ou plutôt laissée libre de faire surface, perçue comme une luciole dans la nuit. Je conservais cette attention en m'asseyant, en marchant, me sentant souvent comme sij'étaii sous l'eau, dans un monde calme et transparent.

Un après-midi, je m'étendis pour méditer dans la chaleur de la journée. Mes yeux étaient clos et, sans effort, j'eus conscience de toutes les sensations de cette nouvelle posture. Toutes mes perceptions flottaient, s'élevant et disparaissant comme des bulles d'eau gazeuse. Je sentis mon être s'abandonner à cela et les perceptions arrivèrent encore plus vite, comme si l'univers vibrait rapidement - pulsations de lumière, comme des lucioles. Un moment de crainte se fit jour puis disparut, mon esprit s'ouvrit et d'une certaine manière sombra ; tout était parfaitement silencieux, au-delà du silence. Il n'y avait plus de moi, plus d'expérience, plus rien : aucun mot à associer à cela, seulement une compréhension. Le monde demeurait dans un océan de paix d'où toutes les manifestations s'élevaient puis disparaissaient. C'était formidable. Je sus que l'essence de la conscience était cette paix immense. Une chose était sûre : tous les phénomènes et moi-même étions simplement une manifestation de l'esprit. Au-delà de ce monde où tout naît, se transforme et meurt, il y a la réalité omniprésente. Toutes ces apparences reparurent, bien sûr, mais elles étaient plus lumineuses, plus transparentes, plus éclatantes de joie.

Extraits et témoignages choisis pour ÉVEIL IMPERSONNEL
Tirés du livre "Après l'extase, la lessive" - Jack Kornfield
Éditions de La Table Ronde

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