vendredi 18 janvier 2008

• Savoir tirer profit de ses émotions - Tarab Tulku

Savoir tirer profit de ses émotions

Tarab Tulku

Le rire et la bonne humeur sont les signes évidents d'une bonne santé mentale et spirituelle. Pourtant chaque vie possède son propre lot d'ennuis et d'expériences douloureuses nombreuses. Comment les surmonter et les transformer ? Tarab Tulku Rinpotché, expert en psychologie tibétaine explique que nos émotions gouvernent notre existence. Autant les transformer en éclats de rire...

Si le rire est l'expression d'une émotion, elle est de toute évidence bonne pour le corps et pour l'esprit. Mais bien peu, en fait, n'ont cette spontanéité du rire que possèdent beaucoup de moines bouddhistes. Selon les enseignements du Bouddha, les émotions s'élèvent respectivement à partir du phénomène d'attirance et de rejet. Les êtres humains sont attirés par ce qui est nécessaire à leur survie, et ils rejettent ce qu'ils considèrent comme une atteinte à la continuité de leur identité. Que ce soit à partir de nos expériences quotidiennes ordinaires ou des expériences spirituelles des grands yogis, il est juste de dire que l'énergie fondamentale des émotions, que celles-ci soient qualifiées de positives ou négatives, peut être utilisée de manière la plus efficace afin de nous mener à la réussite. Selon le maître tibétain Tarab Tulku (1), les émotions positives peuvent être utilisées comme ressource intérieure qui permet de transformer nos points de vulnérabilité. Les soi-disant émotions négatives peuvent être utilisées comme d'importantes voies d'accès aux structures problématiques sous-jacentes, afin de les transformer.

«Du point de vue bouddhiste, précise Tarab Tulku, ce qui déclenche les émotions au début, c'est que notre identité se sent attaquée, ou que l'on ne peut obtenir le soutien nécessaire au maintient de l'identité en question. Souvent, l'être humain a une identité à multiples facettes ; certaines sont authentiques, et pas facilement ébranlées, tandis que d'autres sont superficielles, et nécessitent un important soutien pour maintenir leur complexité. L'image de soi vulnérable remonte souvent à l'enfance où le soutien vital et la protection ont manqué. Mais, en accord avec le bouddhisme, nous naissons déjà avec les empreintes fondamentales de nos identifications, qui se sont créées au cours des vies précédentes. » Lorsque l'on s'identifie à un de ces aspects vulnérables de notre identité, on devient sensible, nerveux, et facilement émotif ; Mais, étant donné que l'on ne comprend pas que notre expérience découle partiellement de cette identité spécifique, on réagit comme si la négativité venait entièrement des autres personnes, et on projette l'ensemble du problème sur la réalité extérieure.

Les façons les plus positives de gérer les émotions consistent aussi bien dans le fait de demeurer avec la sensation émotionnelle du sujet, que dans la transformation des images de soi vulnérables sous-jacentes qui, sans quoi, teinteraient nos expériences. La première étape invite à demeurer avec l'expérience de la sensation physique d'origine qui est liée au fait de se sentir sur la défensive, attaqué. Ceci n'est possible que si l'on évite de porter attention à l'idée conceptuelle de la situation extérieure, car celle-ci ne ferait que réprimer l'émotion d'origine, au lieu de la relâcher. Lorsqu'il est accablé par les émotions, l'esprit conceptuel se focalise uniquement sur les mauvais aspects de la situation, ce qui a comme conséquence de ne voir les choses que dans cette perspective négative et étroite. Le fait de demeurer avec la sensation physique nous donne la possibilité de rentrer en contact avec les sens, ce qui rend l'expérience plus complète, compensant ainsi le fâcheux changement de réalité qui nous fait réagir de façon peu appropriée. La deuxième étape est celle qui consiste à tourner l'attention de l'esprit vers les sensations corporelles en relation avec la défensive et l'attaque. L'astuce consiste à se re-glisser dans la sensation mentale liée à l'identification vulnérable sous-jacente, et ce faisant, de transformer cette identité faible en utilisant des méthodes duelles ou non duelles.

Les ressources extérieures (mode duel) se réfèrent au premier niveau des pratiques de divinités, dans le bouddhisme tibétain, à partir duquel on reçoit l'amour compassion, la force, le soutien et la sagesse. Ceci inclut des méditations sur le Bouddha ou toute autre représentation ou symbole religieux détenant ces qualités d'amour compassion, de force et de sagesse. Mais on peut également puiser de l'énergie auprès d'un ami, d'une personne (imaginaire ou réelle), ou dans la nature. Il s'agit d'un contact (même s'il est subjectif) qui nous soutient. Il nous permet d'accéder à notre force intérieure profonde et à nos nobles qualités, telles que l'amour, la compassion, etc. La transformation duelle qui consiste à solliciter une ressource intérieure, implique de rentrer en contact avec une « bonne » sensation corporelle, particulièrement en relation avec le centre du corps ou l'épine dorsale ; ceci peut nous aider à établir une image de soi plus forte et plus authentique. Si on peut se relier aux énergies de notre centre, ou au sentiment d'amour en relation avec le chakra du coeur, cela peut nous remettre en contact avec une image de soi très stable et sans peur. C'est une des raisons pour laquelle une si grande importance est donnée au chakra du coeur, comme moyen spirituel.

Il est important de faire la distinction entre l'esprit sensoriel et l'esprit conceptuel ; bien que l'esprit conceptuel soit un outil utile pour nous indiquer quoi faire, pour réellement transformer l'image de soi vulnérable, il est nécessaire de demeurer dans l'expérience de l'esprit sensoriel, car l'esprit conceptuel crée une distance avec l'objet. Ce même principe s'applique à la méditation.
En pratiquant de la sorte, et en comprenant l'interrelation sujet/objet, particulièrement la relation entre l'image de soi vulnérable et la façon dont le « je » perçoit momentanément l'objet, nous trouvons la force de transformer la mauvaise expérience de la réalité. C'est là que l'on commence à reprendre les commandes intérieures de sa vie.

La méthode de transformation non-duelle est la pratique spirituelle essentielle du bouddhisme tibétain.
Selon la voie du Mahamoudra, toutes les sortes d'esprit, y compris l'esprit sensoriel émotionnel, ont une nature fondamentale pure. L'utilisation de méthodes non duelles mène à cette nature pure, la nature de l'esprit fondamental. Dans le Dzogchen également, la nature de l'existence, appelée Rigpa, est réalisée grâce à des méthodes non duelles. Rigpa est le plus haut niveau de réalisation, l'objectif le plus élevé. La nature "vide" de l'existence, indifférenciée de Rigpa et de la nature de l'esprit, est réalisée au moyen de méthodes non duelles, également. La méthode non duelle abordée dans le tantra ressemble au processus de mort ; elle est souvent utilisée dans les pratiques tantriques les plus élevées comme l'offrande du mandala et les six yogas ; généralement, dans le cadre du tantra, lors d'un changement d'état, que ce soit d'un état normal à des états méditatifs de plus en plus subtils, ou de l'état de veille aux états de rêve et de claire lumière, le pratiquant traverse un processus semblable à la mort concernant son identité, à partir de l'état qu'il veut quitter, afin de se manifester à un niveau plus subtil et plus pur.

La maîtrise de cette transformation non duelle est la clef de la pratique tantrique. Selon l'approche "Unité dans la Dualité"(l), il est possible d'utiliser des méthodes de transformation non duelles qui sont, comme les pratiques tantriques, en relation avec le processus de mort. Mais, dans la perspective du développement personnel, nous ne nous préoccupons pas de ce changement d'état, mais de la transformation de l'aspect vulnérable de notre identité. En demeurant avec l'émotion et l'identification vulnérable sous jacente, l'expérience menaçante et destructrice va naturellement s'intensifier jusqu'à ce que l'image de soi vulnérable se désintègre littéralement et meure. Les méthodes utilisées demandent un certain degré de connaissance et d'entraînement, car il faut un certain niveau de concentration en un point pour être capable de demeurer dans la sensation corporelle et l'émotion qui accompagne l'image de soi vulnérable.

En travaillant avec les émotions par des méthodes duelles ou non duelles, nous pouvons apprendre à transformer les émotions négatives ; d'agents destructeurs, elles deviennent les facteurs qui permettent l'accès aux structures problématiques sous-jacentes ; lesquelles, autrement, dominent nos vies. En traversant le processus de mort de l'image de soi vulnérable, les émotions négatives peuvent être libérées, donnant de l'espace pour une issue créative, constructive et une réelle transformation. L'humour naîtra alors dans sa nature simple et spontanée.

(1) Pour tout information concernant l'enseignement "Unité dans la Dualité", merci de nous contacter.


TARAB INSTITUTE FRANCE
6, rue Rochebrune - Bât A 1
93 100 MONTREUIL
Tél. : 08 71 04 76 70
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Programme du cycle d'enseignement Unité dans la dualité et dates : Télécharger le fichier

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