Lorsque, il y a des années, j’avais entendu parler de l’expérience fulgurante de Suzanne Segal et avais lu son témoignage sur divers sites Internet Américain, j’avais suggéré à plusieurs Éditeurs d’ouvrages de non-dualité d’en proposer une traduction française. Tous furent intéressés, mais sans y avoir donné suite.
Je suis donc très heureux qu'aujourd’hui José Le Roy, et sa maison d’Édition Almora, nous proposent enfin la publication du livre de Suzanne Segal, qui relate son expérience d'éveil et la percée qui fut la sienne, non sans souffrance, au coeur de l’immensité.
Son témoignage sera, j'en suis persuadé, une source d’inspiration et de compréhension pour tous ceux qui vivent les mêmes étapes sur le chemin.
Bonne lecture à vous, de la part d'Éveil Impersonnel !
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Voici un livre extraordinaire.
Il s'agit du témoignage unique d'une femme, d'une Américaine qui a vécu sans s'y attendre une expérience spirituelle fulgurante. Alors qu'elle séjournait à Paris en 1982, elle a découvert soudainement en elle une dimension au-delà du moi personnel ; mais n'ayant pas les connaissances spirituelles pour l'intégrer dans son quotidien, seule et sans maître, sans lien avec une tradition particulière, elle devra traverser de difficiles épreuves psychologiques et un sentiment angoissant de dépersonnalisation.
Errant de thérapeute en thérapeute, essayant désespérément de se guérir du fait de n'être personne, il lui faudra de longues années pour qu'elle comprenne enfin ce qu'elle était en train de vivre – une expérience spirituelle d'éveil – et pour l'intégrer dans sa vie, grâce notamment à Jean Klein qu'elle rencontrera en Californie.
Dans cette autobiographie profonde, claire et précise, Suzanne fait la chronique de son voyage vers l'éveil et transmet la sagesse qui s'est révélée à elle durant son aventure hors du commun.
© Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Almora :
Il y a dix ans, assez brusquement, le sentiment d’être un individu s’est dissous, arrêté, éteint, ai-je commencé. Depuis lors, je n’ai plus jamais eu l’impression d’avoir un moi. Lorsque je conduis une voiture, que je prononce ces paroles ou que je marche dans la rue, il n’y a jamais l’expérience d’être une personne qui fait ces choses. Il n’y a plus personne.
– Vous voulez dire qu’il n’y a pas l’expérience d’un “moi”? demanda Jean Klein.
– C’est exact, ai-je répondu, il n’y a pas de “moi”. Il y en avait un auparavant, mais désormais, il n’y en a plus.
– Eh bien, c’est parfait, a répondu Jean, parfait.
– Mais Jean, pourquoi y a-t-il tant d’anxiété ? Et pourquoi il n’y a pas de joie ?
– Vous devez stopper la partie du mental qui essaie constamment de réexaminer l’expérience, a-t-il répondu, débarrassez-vous de cette partie, et la joie viendra. »
Personne d’autre dans la pièce n’aurait pu savoir à quel point ses paroles étaient justes. Il y avait une partie du mental, peut-être ce que nous appelons la fonction d’autoréflexion ou d’introspection, qui se tournait vers l’intérieur pour regarder et qui, trouvant le vide, envoyait un message disant que quelque chose n’allait pas. C’était un réflexe qui s’était développé durant toutes ces années dans l’illusion de l’individualité, un réflexe que nous considérons communément comme nécessaire pour nous connaître nous-mêmes. Nous ne cessons de "regarder en nous-mêmes" pour évaluer ce que nous pensons et ressentons, afin de procéder à une étude de nous-mêmes, et de repérer nos états d’esprit et nos états d’âme. Maintenant qu’il n’y avait plus de "dedans" où regarder, le réflexe d’autoréflexion était à la dérive, mais il subsistait. Il ne cessait de tourner en rond, incapable d’accepter le fait qu’il n’y avait plus de "dedans", mais uniquement du vide. Ce que Jean m’a appris ce soir-là était crucial, et je lui en serai éternellement reconnaissante.
Après la causerie, Jean m’a invitée, par l’intermédiaire d’un de ses étudiants, à le rencontrer en privé la semaine suivante. J’ai conduit jusqu’à Marin County, où je l’ai trouvé assis dans le jardin à côté de la maison où il logeait. Il m’a saluée lorsque je me suis approchée, et il m’a fait signe de m’asseoir à côté de lui. Il m’a demandé de lui raconter toute l’histoire de la transformation de conscience, et il m’a attentivement écoutée, en souriant gentiment et en hochant la tête pendant que je parlais. Il a ensuite émis quelques commentaires sur la façon dont je percevais avec pureté et fraîcheur l’immédiateté de ce qui est.
Nous avons parlé environ quarante-cinq minutes, puis il s’est enquis de ma santé. Je lui ai dit que ma santé était excellente, et il m’a répondu qu’il s’en trouvait ravi. Nous sommes restés assis côte à côte en silence pendant encore quinze minutes avant que je ne me lève pour partir. Il m’a serré la main et m’a dit combien il était heureux de savoir que je vivais dans la « connaissance ».
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Cette vie se vit désormais dans une présence constante, toujours présente, de l’immensité infinie que je suis. Dans cet état, il n’y a absolument aucun point de référence, et pourtant toute une gamme d’émotions, de pensées, d’actions et de réponses est simultanément présente. L’infini – qui est à la fois la substance de toute chose et l’océan dans lequel tout surgit et disparaît, est conscient de lui-même en permanence, que le mental et le corps soient en train de dormir, de rêver ou qu’ils soient réveillés.
À chaque instant, cette circuiterie corps-mental participe consciemment à l’organe sensoriel par lequel l’infini se perçoit. Il n’y a jamais de « moi » localisable. En fait, la non-localisation de l’immensité est la saveur prédominante de l’expérience, et l’infinité de cette non-localisation se révèle à jamais, de plus en plus infinie.
À l’arrêt de bus à Paris, le « moi » a été annihilé, et il n’a jamais réapparu sous quelque forme que ce fût. Lors de cet anéantissement, est survenue la réalisation qu’un « moi », qui agirait derrière ce qui semblait être « ma » vie, n’a jamais existé. Ces dernières années, il est également devenu clair que non seulement il n’y a pas de « moi », mais qu’il n’y a pas non plus « d’autre ». Cette « absence d’autre » est désormais si prépondérante que rien d’autre n’est perçu. La vie se vit à partir de la substance infinie dont elle est faite, et cette substance, qui est ce que nous sommes et qui nous sommes tous, est constamment consciente d’elle-même à partir d’elle- même. Quelle extraordinaire façon de vivre !
L’immensité n’exige jamais que quelque chose disparaisse pour qu’elle soit l’immensité. Après tout, où pourrait aller quoi que ce soit dans cette immensité ? Cependant, toute une gamme d’émotions « autoréférentielles » telles que l’embarras, la conscience de soi, la honte, l’envie, l’apitoiement sur soi, l’autoréflexion et l’introspection ont tout simplement cessé de se manifester. Puisque le moi individuel auquel elles se référaient n’existe plus, elles n’ont rien autour de quoi se former.
Il en va de même pour l’aspect autoréférentiel de toutes les pensées, des sensations corporelles, des émotions et des actions. Bien que ces expériences continuent de se produire, elles ne se rapportent plus à une personne, à un moi. Elles ne surgissent plus non plus pour servir un but personnel ou pour atteindre un objectif. La pensée ne précède jamais l’action ou la parole. Tout a une instantanéité dépourvue d’intention personnelle orientée. La présence de pensées, de sentiments ou d’actions n’est jamais interprétée comme voulant dire autre chose que leur présence. L’immensité perçoit purement et simplement que les pensées sont des pensées, les sentiments des sentiments, les actions des actions. Il n’y a plus à se demander si une pensée particulière est bonne ou mauvaise. En fait, aucun jugement sur le bien ou le mal, le juste ou l’injuste, ne surgit jamais ; tout est simplement tel qu’il est.
Dans cet état, rien n’est jamais vécu comme un problème. Pour voir quelque chose comme un problème, il faudrait supposer que quelque chose devrait changer ou disparaître pour que le problème soit résolu. Mais je ne suis jamais reliée aux circonstances, aux expériences ou aux personnes comme si elles devaient être autre chose que ce qu’elles sont, parce que ce qu’elles sont, c’est l’immensité infinie. Rien ne doit changer, disparaître ou se transformer en quelque chose d’autre pour que l’immensité soit l’immensité. L’immensité est toujours la totalité de qui nous sommes et de tout ce qui est.
Prenons, par exemple, la relation aux émotions fortes comme la colère. La relation de l’immensité à la colère est semblable à la relation de l’océan aux algues qui y flottent. L’océan ne se plaindrait jamais de la présence d’algues et n’insisterait pas pour qu’elles soient enlevées afin que l’océan reste l’océan. De la même manière, l’immensité ne se plaindrait jamais de la présence de la colère ou de toute autre chose qui surgit en elle (et qui en est simultanément constituée), ou elle n’insisterait pas pour que cette émergence cesse. L’immensité n’est jamais altérée, quelle que soit la quantité ou l’intensité des surgissements. Rien de ce qui survient n’est jamais considéré comme un problème
Voir aussi ces liens, préalablement publiés sur Éveil Impersonnel :
https://eveilimpersonnel.blogspot.com/2019/10/quand-le-moi-personnel-disparait.html
https://eveilimpersonnel.blogspot.com/2007/12/conversation-avec-limmensit-suzanne.html
https://eveilimpersonnel.blogspot.com/2019/09/le-moi-personnel-avait-disparu-suzanne.html.
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En continuant mes recherches sur le net, j'ai découvert la page de sa fille Arielle Guisto, et notamment ce texte d'elle très touchant, adressé à sa mère Suzanne :