mardi 10 juin 2014

• Du Soi au Soi - Leo Hartong



« Ce qui est communiqué ici est simple et immédiat. Il s’agit de qui - ou de ce que - vous êtes véritablement en cet instant même. » Paradoxalement il s’agit aussi d’un mystère subtil. Nous pouvons donner à cette subtilité des noms tels que Pure Conscience, Essence, Tao, Dieu ou simplement CELA.
CELA, Ce Sujet Ultime est l’Identité Vraie, « votre » Visage Originel ou Pure Conscience. CELA est ce que vous êtes, et non ce que vous pensez être.
Le problème à la racine de tous les problèmes est le sentiment d’être une entité séparée et l’identification en tant que corps-mental. Avec l’éveil survient la reconnaissance qu’il n’est pas de personnage séparé à éveiller. 
Nous sommes loin ici du « développement personnel » : Ce dont il est question est voir à travers la personne, de la démasquer en tant qu’illusion, et non de lui fournir des méthodes.
« Détendez-vous dans le voir » conseille l’auteur car « Il n’y a aucune chance que la pensée puisse vous emmener au-delà de la pensée. »
Tous ceux qui résonnent profondément au message de la non dualité se retrouveront dans ces pages qui répondent sans concession à nombres de leurs interrogations les plus intimes. Par sa simplicité et sa cohérence il passionnera aussi les nouveaux venus à cette aperception particulière de la nature des choses.
Avec une infinie patience il démonte de façon irréfutable les constructions mentales qui entravent l’advenue de la paix en ceux qui, habité par une recherche d’absolu, s’égarent encore parfois dans les méandres des mots.
La vision qui habite Leo Hartong entraîne doucement mais irrévocablement le lecteur vers un lâcher prise définitif. 

Extrait de l'ouvrage, publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias L'Originel

1. La migraine de Dieu


Question : Prétendez-vous que savoir que toute douleur et toute souffrance sont universelles nous en libère ? Douleur et souffrance n’en continuent-elles pas moins à exister, qu’elles soient considérées à partir du microcosme ou du macrocosme ? Est-ce une migraine de Dieu ?

Réponse : Au niveau relatif du jeu, l’expérience de la vie a lieu à travers des polarités opposées telles que plaisir/souffrance, bien/mal, haut/bas, allumé/éteint et ainsi de suite. Ces polarités contraires sont connues à partir de — et générées par — la perspective d’un apparent individu séparé. Tout l’apparent pouvoir de choix et d’action de ce personnage illusoire vise à s’éloigner du pôle négatif et à se rapprocher du pôle positif ou pôle de plaisir.
La fin de la souffrance ne se trouve pas dans l’éradication de l’un des pôles au profit de l’autre, mais la véritable nature de la souffrance pourrait devenir claire en se demandant : qui est ce qui souffre ?
La libération peut advenir à travers la réalisation qu’il n’est en fait aucune séparation nulle part et pas d’individu pour endurer la souffrance. Dans cette reconnaissance, le feu continue à brûler, le vent à souffler, la pluie à tomber et le soleil à briller, pour tous…et pour personne.
Ce n’est pas tant qu’il y a libération de la souffrance mais plutôt réalisation qu’il n’est personne pour être libéré. Cette perspective est mise en exergue dans la citation suivante attribuée au Bouddha :

Il y a agissement, mais sans pour autant entraîner l’existence d’un agissant individuel, autonome et séparé.
La souffrance existe, mais sans personne pour souffrir.

La souffrance est « contenu ». La Conscience est « contenant ».  La Conscience est ce en quoi tout se lève et se dissout. Elle demeure non affectée, exactement comme le miroir demeure vide, indépendamment de ce qui semble apparaître en lui. Reconnaissez que vous êtes la Conscience témoin non affectée pour laquelle la personne et ses expériences — bonnes et mauvaises — sont des objets constatés. ici le centre de gravité passe du contenu au contenant. Ce contenant  est vide et merveilleux et il ne souffre pas. C’est la paix antérieure aux divisions bon/mauvais, souffrance/plaisir, yin/yang générées par l’esprit. Vous êtes cette Paix.

Vous êtes la Conscience immuable en laquelle toute activité a lieu.
Demeurez toujours en paix. Vous êtes Être éternel, illimité et sans partage.
Restez simplement tranquille. Tout est bien. Tenez-vous coi, ici, en cet  instant.
Vous êtes Joie, vous êtes Paix, vous êtes Liberté.
N’entretenez pas la notion que vous êtes en difficulté.
Soyez bienveillant envers vous.
Ouvrez-vous à votre Cœur et simplement Soyez.
Papaji

2. Comment aborder les approches opposées ?


Question : Certains enseignants advaïtins affirment : « Reconnaissez qui vous êtes réellement, exercez-vous à cette reconnaissance et stabilisez-vous en elle ». D’autres disent qu’il n’y a rien à gagner, qu’il n’est point de vous ; qu’il y a simplement ceci !

La première approche m’offre une méthode pour gérer mes émotions, mes frustrations et ma croyance erronée d’être une personne ; bien que j’apprécie la deuxième proposition, elle ne m’offre aucune méthode pour atteindre une stabilisation en Ce que je suis réellement.

Avez-vous des suggestions sur la manière de traiter ces approches opposées ?

Réponse : Les méthodes ayant trait à la gestion des émotions sont une bonne chose mais relèvent du domaine de la psychologie et n’ont rien à voir, ou si peu, avec la vision claire. Elles tendent à réconforter et à ajuster la personne. Ce dont il est question ici est de voir à travers la personne, de la démasquer en tant qu’illusion, pas de lui fournir des méthodes. La personne travaillant sur elle-même a autant de chances de réussir à voir au travers d’elle-même qu’un piège réglé pour s’attraper lui-même.

Le problème avec la tentative d’y parvenir est que cela implique automatiquement de ne pas y être. Cela conforte la notion d’un « vous » séparé devant arriver quelque part plus tard. Et ce faisant, cela conserve en vie et bonne santé l’illusion de la séparation et du temps. En vérité, il n’est aucun personnage séparé pour atteindre un futur état intemporel.

Ce dont il s’agit ici, c’est la reconnaissance de ce qu’est véritablement ce qui vit, pense, voit et respire, à travers et en tant que la personne apparente. C’est la Substance Une, telle qu’en elle-même, simplement CECI… Présence Conscience. Le « petit vous » ne peut s’y stabiliser mais VOUS êtes Cela.

Réponse de l’intervenant : C’est tellement fascinant — tout est écran de fumée et jeu de miroirs ! Ashtavakra affirme : « Le monde est un spectacle de magie » — et c’est bien vrai. Pour en revenir au sujet : la réponse de l’auteur affirme que les émotions n’ont rien ou si peu à voir avec la vision claire — mais y a-t-il quoique ce soit qui ait à voir avec la vision claire ? Il est clair que non. Car qu’y a-t-il à voir ? Et qui est là pour « le » voir ??

Nos mots nous font trébucher à tous coups, neti, neti, neti. Des questions ? Peut-être, mais de réponses ? Point.

Dattatreya (Avadhut Gita) dit que tout cela n’est que bavardage. Mais comme nous aimons nos bavardages !

Réponse : Oui, toutes nos questions, réponses et commentaires sont faits de mots par nature. Personne ne tentera de boire le mot « eau », mais lorsqu’il s’agit d’évoquer CECI il est parfois oublié que les mots ne sont que de simples symboles. En tant que tels ils pointent EN DIRECTION DE, mais ne peuvent jamais contenir CELA qui contient les mots. Ceci dit, j’aime beaucoup les paroles d’Ashtavakra et de Dattatreya.

Alors des mots encore :

Ce que j’ai dit n’est pas tant que les émotions n’ont rien à voir avec ce vers quoi nous pointons ici, mais que des méthodes pour travailler sur les émotions ont très peu ou rien du tout à voir avec ; que ces méthodes reviennent à à travailler sur la personne au lieu de voir à travers la personne.

En fin de compte, il n’est que CECI qui ne peut être saisi en mots ; Cela simplement est/n’est pas — incluant personnages apparents et émotions. Si les mots n’ont aucun sens, on peut toujours remarquer l’espace entre eux, ou l’arrière-plan sur lequel ils s’inscrivent.

Réponse de l’intervenant : Eh bien, Il y a peut-être des réponses après tout — la vôtre était excellente et je vous en remercie. En fait, elles sont et ne sont pas — tout est au mieux dans le meilleur des mondes !

J’aime cette idée de voir « à travers » cette personne que généralement je pense que je suis — en fait que je pense « toujours » que je suis dès que je pense. Il semble que je ne puisse voir « au travers » que lorsque que je cesse de penser. CESSER DE PENSER ! C’est comme l’espace entre deux mots ou l’espace entre inhalation et expiration.

Je Suis
« Je suis le support de l’univers, le père, la mère et le grand-père. Je suis l’objet du savoir, la syllabe sacrée OM et les Védas. Je suis le but, le support, le Seigneur, le témoin, la demeure, le refuge, l’ami, l’origine, la dissolution, la fondation, le substrat et l’ immuable semence ».

La Bhagavad-Gita traduite par Dr. Ramanada Prasad.