Stephen Jourdain commence sa production littéraire à partir d'une expérience d'éveil spirituel qu'il dit avoir eue à l'âge de 16 ans. Jean Paulhan lui propose de publier ses textes au début des années 1960 à La Nouvelle Revue française. Bien que son orientation littéraire le classe parmi les auteurs de spiritualité contemporaine (proche de la non-dualité occidentale), il a toujours affiché une distance par rapport à cette catégorie.
Stephen Jourdain appartient à une famille renommée, qui a donné à notre pays (la France) de bons artistes et de hardis écrivains. Je suppose donc qu'il a été bien élevé – qu'il a fait ses classes – qu'il a lu quelques Anciens et Modernes, choisis de préférence parmi les auteurs anarchistes ou révolutionnaires : ce sont les plus libres, et ceux qui ont su le mieux secouer les préjugés et les partis pris de leur entourage. Ils n'offrent, à vrai dire, qu'un danger : c'est qu'ils conduisent assez vite un jeune homme à l'esprit logique à douter de son doute et se révolter contre sa révolte. Voilà qui peut mener très loin. Voilà qui mène le plus souvent à supposer que tous les gens, en un certain sens ont raison. Qu'il suffirait, pour s'en apercevoir de distinguer le signe que nous fait chaque objet du monde : de démêler les fils qui relient très bien Marx à Jésus-Christ, Narcisse à Prométhée, ou si l'on aime mieux, les petites bêtes du fond des mares aux planètes et aux nuages. C'est en si bonne voie qu'avançait notre héros lorsqu'est arrivée la catastrophe.
Personne n'en saurait imaginer de plus grave ; de plus décisive. Jourdain n'est pas du tout parvenu, comme il l'espérait, à démêler les fils en question. Non, il a été l'un de ces fils, il a même été tous les fils à la fois. Il n'a pas vu la grande Loi du Monde. Plutôt il l'a vue de si près qu'il ne pouvait plus la distinguer. Il s'est fondu en elle. Il est devenu lui-même ce qu'il cherchait. Bref, il a été victime de ce que les Musulmans nomment un instant ; et nous, tantôt un moment, ou bien une nuit, ou encore (de façon beaucoup plus littéraire et prétentieuse) : l'éternité dans l'instant.
Il n'y a là rien que de banal. Simplement, les instants se sont trouvés dans son cas bien plus nombreux qu'il n'est commun ; se succédant à la fin sans une seule (ou peu s'en faut) solution de continuité ; formant au lieu d'instants, une durée : une sorte de perpétuité. Et nous, naturellement nous nous disions que voilà Stephen Jourdain perdu pour notre monde : incapable désormais de former la moindre pensée qui ne fût aussi la pensée contraire.
Cependant je n'ai pas perdu tout espoir. C'est que Jourdain montre dans sa conduite du bon sens. Il ne s'est livré jusqu'ici à aucune activité extravagante. C'est au contraire : il est allègre et naturel. Il sait inspirer confiance à ceux de ses voisins, auxquels il propose, suivant les principes éprouvés du porte-à-porte, l'achat de bons romans policiers ou de mauvais romans romanesques.
Mieux encore : il s'est marié. Il a divers enfants, auxquels il a soin de refuser toute éducation ; toute instruction, à plus forte raison. Il vient même d'acheter à bon prix un wagon de première classe où se loger avec femme et enfants.
Tout cela serait peu. Il sait parler de ses instants avec détail et précision. Il n'est jamais fatigué d'en parler, ni moi de l'entendre.
Ce
qui m’est arrivé quand j’avais seize ans...
Ce
qui m’est arrivé quand j’avais seize ans. En fait il ne m’est
rien arrivé du tout. C’est vrai que c’est l’événement le
plus colossal que l’on puisse imaginer, on ne peut pas trouver
d’adjectif qui soit à la hauteur de la dimension de l’événement
mais soyons francs, il ne s’est strictement rien passé, “ce qui
a été, a été”, “le rouge, devient rouge”, c’est vrai que
c’est un événement inoubliable, “moi, devient moi, suis,
devient suis”, inoubliable, mais en fait rien, un non-événement,
rien, absolument rien. Celui qui vit cet événement énorme,
s’attendrait à ce qu’il y ait des retombées, qui nous
permettent de gérer notre vie le moins mal possible :
-
que Dieu (dieu, c’est moi) que Dieu-moi nous prodigue ses conseils,
infléchisse le cours de nos vies, nous fasse changer d’opinions.
-
non, rien, aucune retombée, rien, le fleuve de toutes les choses
continue à couler majestueusement, simplement avant il y avait des
bouchons, il ne coulait pas très bien, là le torrent dévale
majestueusement, mais strictement rien n’ est changé.
Lorsque
j’entends (non pas dans les salons, il n’y a plus de salons
maintenant, il n’y a pas de salons mais il y a des cénacles)
lorsque j’entends dans un de ces cénacles dire : “celui-là
il est tout près d’avoir l’éveil” et “celui-là s’en
éloigne”, je suis ahuri, parce qu’il ne se passe rien. Si on se
représente Ça comme quelque chose, on se trompe gravement dans la
conception que l’on a des choses. Si par hasard la chose se
produit, cette conception va voler en éclats, comme toutes les
autres (ce que je viens d’exprimer, aussi), la place est nette, il
ne reste plus rien, même pas ça. Aborder l’Éveil ou la
Réalisation suprême comme quelque chose, c’est une erreur très
très grave. Il s’agit de s’enfoncer dans l’être - nous sommes
dans l’être, mais on est comme à la surface - il s’agit de
s’enfoncer dedans, d’être plus. Il faut savoir comment
s’enfoncer : C’EST ÊTRE CONSCIENT D’ÊTRE, c’est ça le
levier. Si je veux être plus, il faut que je sois plus conscient
d’être, c’est la même chose. Être et être conscient d’être,
c’est une même chose. Et s’enfoncer dans l’être, ça ne
change rien, il faut bien comprendre ça.
Ce
dieu-là est, par essence, muet, il ne prodigue aucun conseil, il ne
fonctionne pas du tout comme un père bienveillant (il ne fonctionne
pas du tout comme un père d’ailleurs), il y a donc un très grand
mystère dans tout cela. C’est très difficile d’en parler, c’est
très difficile de mettre le doigt sur l’erreur de conception de
cette chose. Tout langage est forcément celui de l’erreur. Je
parle de “l’autre rivage”, déjà on est arrivé quelque part.
Mais ça ne se passe pas comme cela. Pourquoi est-ce que cet
événement incommensurable est un non- événement ? Pourquoi est-ce
que ça ne change rien ?
Parce
que ce n’est pas un objet, ce n’est pas un objet parmi les
objets, ce n’est pas une chose parmi les choses, c’est un
non-objet, une non-chose. Moi, c’est Dieu, (je veux bien le
vocable), au moins la grandeur qui est présente dans cette chose,
mais “si Dieu est un objet et si cette Chose est dieu”, cet objet
est immédiatement désavoué comme une imposture, c’est un
non-objet, c’est un sujet pur, c’est moi.
Concrètement
on peut comprendre pourquoi cette chose-là ne peut pas peser.
Imaginons que cela pèse (je parle d’expérience, on ne peut pas
vivre une chose pareille sans la penser), elle-même n’a aucun
poids, mais “la pensée de la chose”, a un poids énorme, “l’écho
de cette chose” dans une intelligence humaine, a un poids énorme,
c’est le poids de Dieu (ce n’est pas négligeable) le poids de
l’Être, le poids de Dieu, ce n’est pas rien ! Pourquoi cette
chose ne peut pas nous contraindre ?
Si
quelque chose nous contraint, c’est un autre forcément, (c’est
un objet, c’est “là”, pas ici), cette Chose-là, en tant que
me contraignant, m’astreignant à quelque chose, m’astreignant
éventuellement à la retrouver si je suis dans l’illusion de
l’avoir perdue, ce qui est une illusion assez insensée ! Si je
regarde mon lointain passé et si je me reporte à l’instant où
cette chose a jailli :
Est-ce
que, après cinquante ans, je suis encore à la hauteur ? quelquefois
j’ai des complexes, tout de même, c’était plus aigu avant,
c’était en tout cas très différent, alors j’ai des complexes
(“l’évocation de cette chose”, va avoir un effet contraignant
sur moi). L’illusion où est-elle ? Si ça me contraint, si peu que
ce soit, c’est que j’ai oublié que c’était moi, cet oubli est
fatal, c’est la mort de la Chose. C’est moi (et ce n’est pas
moi en général) c’est moi MAINTENANT, à l’intérieur, nous
n’existons que maintenant-tout-de-suite, c’est ça le secret.
Pendant
plusieurs années, c’est l’aspect purement positif, édificateur
de cette chose sur lequel je me suis focalisé (comme autrefois
quelqu’un, qui avait la foi se focalisait sur Dieu, c’est du même
genre - tout l’individu, dans toutes ses dimensions, se mobilise
autour de cette chose-là - on peut imaginer que cette mobilisation
n’est pas étrangère à la nature-même de cette chose (la foi en
Dieu, crée Dieu) ce sont des relations très subtiles. Cette chose
est dès le départ un acte de foi, la mobilisation entière de
l’être humain, par cette valeur infinie, crée cette valeur
infinie (tout ceci a été très bien décrit par les chrétiens,
mais pas dans ces termes).
Au
début c’était l’aspect purement positif : Je suis, conscience,
conscience infinie, infiniment consciente d’elle-même, je suis,
moi (je ne suis jamais tombé dans l’erreur de commettre cet oubli
effroyable que je suis ce moi ultime), ce moi ultime, c’est moi, ce
n’est pas un autre, c’est moi personnellement. Moi impersonnel,
(le qualificatif “universel” serait plus acceptable),
“impersonnel”, c’est une aberration, ça ne veut rien dire, si
on retire au mot “moi”, sa signification personnelle (et
qu’est-ce qui est plus personnel que moi) on l’a tué, on a tué
le sens. Moi impersonnel, c’est un contresens. Cette chose, c’est
moi, tant que ça prétend être un objet, (un non-moi, un autre),
c’est un néant.
Pendant
quelques années c’est l’aspect purement positif de cette
chose-là qui a induit cette mobilisation absolue de l’être
humain, qui se traduisait par un cri muet : “c’est la seule chose
qui soit, c’est la seule chose qui vaille”, c’est la toute
existence, l’existence absolue de cette chose sur laquelle je me
suis focalisé humainement qui a dominé. Après ça, c’est
l’inexistence absolue.
Ce
que j’appelle Éveil, en tant qu’objet, en tant que “là”, en
tant que principe étranger à l’omni-présence de moi, de moi et
de ma vie (moi et ma vie terrestre c’est une même chose) c’est
une hallucination pure.
Chaque
fois que me référant à ce passé glorieux (c’est impressionnant
le jaillissement de cette chose-là) je suis un peu sur la défensive,
je serais au bord d’avoir des remords : “je ne suis pas
aussi aigu, aussi pugnace”, “ça a pris une autre forme”, je
suis dans l’hallucination, parce que cette chose, c’est moi. Si
ça me contraint, je commerce forcément avec un imposteur. C’est
très très important de comprendre ça. Si on change le langage, si
on emploie le mot JE, (il faut insister sur JE, très bien) mais JE,
c’est moi. Cette chose-là, c’est la culmination de l’existence
(c’est l’existence absolue) l’existence absolue fonctionne
exactement comme si elle n’existait pas et laisse l’homme qu’elle
a investi, absolument libre.
S’il
n’était pas libre, ce ne serait pas moi, ce serait un autre, ce
serait un objet (l’Éveil-objet, c’est une hallucination, l’Éveil
qu’on peut désigner, c’est une hallucination, donc en vérité
je ne parle pas de l’Éveil), je désigne quelque chose, par la
force des choses je désigne quelque chose, impossible de parler sans
désigner, sans mettre “là-bas”, je désigne donc un imposteur.
Il
est impossible de parler de cette chose, nul n’en a jamais parlé
(même le maître le plus fin, le plus authentique) nul n’a jamais
parlé de cette chose, nul n’a jamais pensé cette chose et nul ne
l’a jamais aimée non plus (c’est ni un objet de parole, ni un
objet d’amour, ni un objet de pensée, ce n’est pas un objet du
tout) c’est moi. Ce que je suis en train de dire là, fait la
différence entre l’approche de cette Chose (à mon avis il n’y a
pas d’approche de cette Chose) entre ce qui peut apparaître comme
étant l’approche de cette Chose et cette chose elle-même. Il faut
que la pleine réalisation de ce que cette chose, est moi, (de ce
qu’autrefois on aurait appelé “dieu” est moi) au sens le plus
personnel et le plus simple du terme, il faut mettre dans le mot moi
ce qu’on y mettait quand on avait quatre ans et qu’on se battait
avec un petit copain ou qu’on jouait à la marelle, c’est très
simple moi : il y a quelqu’un qui prononce mon prénom derrière
moi, je me retourne, c’est moi. La raison profonde de ce geste (des
esprits qui compliquent tout, verraient dans ce geste un tropisme, la
mécanicité, ce sont des conneries) on prononce mon prénom
derrière, je me retourne, quelle est la chose en moi qui est à
l’origine de ce mouvement ?
C’est moi, c’est cette intuition fondamentale, la plus fondamentale de toutes, de laquelle nous ne sommes d’ailleurs jamais sortis (on ne peut pas sortir de moi) c’est moi. Nous sommes tous porteurs de cette évidence himalayenne, moi, et on ne la rencontre pas, c’est extraordinaire ! Quand on est petit, on est sensible à cette évidence (on n’a pas encore appris “que le moi était impersonnel”, “qu’il fallait chercher la neutralité, l’impersonnalité”, toutes ces conneries qui proviennent des déviances élitistes de Gurdjieff, (je ne parle pas de Gurdjieff lui-même) quand on est petit c’est simple, c’est moi (ce n’est pas reconnu humainement, intellectuellement) c’est là à l’état naturel, ça passe, ça filtre, ça nous emplit, mais en même temps, l’être humain que nous sommes, ne l’a pas réitéré - il ne s’est pas tourné vers cette évidence elle-même - et c’est au moment où l’être humain terrestre que nous sommes, (le connard de base), pour lequel j’ai une tendresse sans fin, il est sain et sacré, (le plouc) ça ne devrait pas surprendre, parce que toutes les histoires que je suis en train de raconter sont une apologie du plouc. Le type, il a tout compris, il est transformé, c’est visible, il est devenu une masse d’or, scintillante et à la fin de sa vie qu’est-ce qu’il fait ? Il traie ses vaches comme si rien ne s’était passé, il est redevenu, “plouc”, donc le destin de cet or spirituel, c’est de revenir à l’état de simplicité, il a enfin compris qu’il n’y avait pas de retombée, “parfait, je suis libre de traire mes vaches.
Le
désert croît et la langue se meurt, en même temps qu’il nous est
demandé de survivre. De crise, il s’agit bien, mais comme le
souligne René Guénon rappelant l’étymologie latine et grecque du
terme, elle n’est pas seulement ce moment paroxystique de
l’histoire d’une société ou d’une civilisation, comparable à
la manifestation violente d’une maladie, c’est le moment où l’on
doit décider, parce qu’il nous faut juger, c’est le moment où
jamais, en quelque sorte. D’où cette nécessité de devoir
envisager quelques solutions, comparables à des thérapeutiques.
Ainsi s’avère l’opportunité d’un passage au crible. Charles
Antoni propose de chapitre en chapitre, un retour à la Grande
Tradition contre, ce qu’il appelle « l’horizontalité
culturelle ».
Alors
il s’agira d’entrevoir en soi « l’homme véritable » qui fait
la différence d’avec « l’homme ordinaire » englué dans les
méandres d’une vie faite de préoccupations subalternes, sous
peine de croire qu’une civilisation ne pourrait pas mourir comme
pourtant ce fut déjà le cas dans l’Histoire de l’humanité.
D’où la possibilité de distinguer ce qu’il appelle la «
véritable culture » contre la somme si quantitative de ce qui est
proposé. Halte donc à l’hyper-consommation culturelle ,qui n’a
rien à voir avec l’élévation aux grandes oeuvres. Et au-delà
d’elles, est rendue possible un véritable accès à soi.
S’il
s’agit de sauver le monde, ce ne sera sans doute que ce monde
intérieur par une « âme instruite et cultivée » selon la
proposition des Anciens… Si un combat s’impose encore, ce sera
seulement celui de l’Être, assorti d’un retranchement avéré
dans sa tour d’ivoire. Cette tour imprenable, qui, contre vents et
marées, demeure dans sa solidité solitaire.
Et
la « recherche » pourra continuer au profit d’une sérénité
envers et contre tout, et notamment contre cette « peur »
entretenue par le contexte de crise sur tous les plans, y compris
celui du langage puisque l’on assiste à une fuite des mots qui ont
cessé d’enrichir l’esprit. Devant cet appauvrissement programmé
sous couvert de consommation d’objets inutiles une mutation
est-elle possible ? Oui, mais sous de belles conditions, celles qui
mettent en jeu ce travail interne, individuel, condition sine qua non
de tout changement remarquable et qui vaudrait révolution .
Quelle
solution encore ? « Devenir un maître en stratégie » lorsque la
Nature et ses sursauts provoquent cette explosion humaine à venir,
assortie d’angoisse. Ainsi cette survie qualitative se fera donc
dans l’Ici et Maintenant, dont le lieu privilégié est ce monde
intérieur inattaquable, dans une présence à soi. Être alors au
fait de la situation en étant au fait de soi-même.
D’où
le sens de la formule ultime de cet ouvrage :
«
L’instant présent est ce qui nous reste.»
Paule
ORSONI
/ Philosophe
Mutation
Je
crois qu’il faut faire avec son temps. Autant se servir des moyens
mis à notre disposition par ces temps d’obscurantisme. L’avion
m’a permis de faire des voyages lointains, que bien des gens comme
René Guénon ne pouvaient même pas imaginer. Se servir, sans être
asservi. Les événements vont à un rythme extrêmement accéléré
et c’est à nous de ne pas nous laisser dépasser.
Peut-on
savoir où ce monde fou nous conduit ? Dans tous les cas, c’est
à nous de chercher à l’appréhender et ne pas se laisser
engloutir. On n’est sans doute pas très loin d’une nouvelle
arche de Noé. Il faut s’y préparer et ne pas fermer les yeux.
Comme le dit la tradition Indoue, nous sommes à la fin d’un cycle,
celui du Kali-yuga.
Contrairement
à ce que peuvent penser les humains, il est fort possible que peu de
choses dépendent de nous. Nous ne sommes peut-être que des
marionnettes manipulées par des forces qui nous dépassent. Dans
tous les cas, que ce soit en dehors de nos compétences, ou tout
simplement par le jeu du pouvoir de certaines formes de pensées,
qu’elles soient politiques, économiques, sociales etc, il nous
faut nous préparer au combat et tel le samouraï, pratiquer un
entraînement qui nous donnera la lucidité nécessaire pour
affronter ces
temps de très grande dépression.
Comme
tout le monde le sait, nous ne sommes qu’au début de ce qui
inévitablement nous attend. Nous devons regarder cela comme un fait
et surtout ne pas se bander les yeux. Ce temps de récession est, non
seulement inévitable mais également, sans doute, la chance qui nous
est offerte pour tout balayer de ces vieux concepts surannés de
profit, de consommation, de toujours
plus.
Il
est à jamais question de cette éternelle lutte entre le paraître
et l’être. En tant qu’individu nous n’avons cessé de penser
que l’avoir nous conduirait à un plus grand état de bien être.
Il n’en est peut être pas ainsi : se
coucher de bonne heure, se lever de bonne heure, c’est aller de
bonheur en bonheur,
voilà où se situe la véritable apathéia
des anciens Grecs.
Pour
revenir à ce monde en pleine mutation où s’abolissent les
frontières, les nations n’étant plus que de vagues nébuleuses,
où seul survivra le principe économique, il nous faudra faire
preuve d’une grande mise à distance face à tous les événements
qui ne vont pas cesser de nous surprendre. Je propose donc en premier
lieu une grande lucidité face à l’événementiel et une plus
grande froideur devant toutes les manifestations qui ne vont cesser
de déferler à la vitesse grand V.
Cette
récession peut être la chance qui nous est offerte pour nous
réveiller du rêve
dans lequel nous nous étions depuis si longtemps assoupis. Sortir de
ce rêve qui n’est en réalité qu’un cauchemar, où chacun de
nous continue de se la jouer. Comme le disait Calderon : La
vie est un songe
et aussi reprendre le thème cher de la Baghavad-Gita,
de la tradition Hindoue, où il nous est montré que tout n’est
qu’illusion. Nous vivons, souffrons, mourons, et au final que
reste-il ?
Il
n’est que d’observer tous ces partis politiques qui
s’entredévorent où chacun nous fait croire au bien-fondé de sa
théorie pour parvenir à ses fins, et qui ne sont en réalité que
l’accès au podium du pouvoir. Pouvoir et profit sont les deux
faces de cette médaille politique.