vendredi 27 juin 2014

• Le chant du singulier - Stephen Jourdain

Stephen Jourdain commence sa production littéraire à partir d'une expérience d'éveil spirituel qu'il dit avoir eue à l'âge de 16 ans. Jean Paulhan lui propose de publier ses textes au début des années 1960 à La Nouvelle Revue française. Bien que son orientation littéraire le classe parmi les auteurs de spiritualité contemporaine (proche de la non-dualité occidentale), il a toujours affiché une distance par rapport à cette catégorie.

UN FILS DU MOMENT par Jean Paulhan
Stephen Jourdain appartient à une famille renommée, qui a donné à notre pays (la France) de bons artistes et de hardis écrivains. Je suppose donc qu'il a été bien élevé – qu'il a fait ses classes – qu'il a lu quelques Anciens et Modernes, choisis de préférence parmi les auteurs anarchistes ou révolutionnaires : ce sont les plus libres, et ceux qui ont su le mieux secouer les préjugés et les partis pris de leur entourage. Ils n'offrent, à vrai dire, qu'un danger : c'est qu'ils conduisent assez vite un jeune homme à l'esprit logique à douter de son doute et se révolter contre sa révolte. Voilà qui peut mener très loin.
Voilà qui mène le plus souvent à supposer que tous les gens, en un certain sens ont raison. Qu'il suffirait, pour s'en apercevoir de distinguer le signe que nous fait chaque objet du monde : de démêler les fils qui relient très bien Marx à Jésus-Christ, Narcisse à Prométhée, ou si l'on aime mieux, les petites bêtes du fond des mares aux planètes et aux nuages. C'est en si bonne voie qu'avançait notre héros lorsqu'est arrivée la catastrophe.

© Extrait de l'ouvrage publié avec l'aimable accord des Éditions Charles Antoni - L'Originel :

Personne n'en saurait imaginer de plus grave ; de plus décisive. Jourdain n'est pas du tout parvenu, comme il l'espérait, à démêler les fils en question. Non, il a été l'un de ces fils, il a même été tous les fils à la fois. Il n'a pas vu la grande Loi du Monde. Plutôt il l'a vue de si près qu'il ne pouvait plus la distinguer. Il s'est fondu en elle. Il est devenu lui-même ce qu'il cherchait. Bref, il a été victime de ce que les Musulmans nomment un instant ; et nous, tantôt un moment, ou bien une nuit, ou encore (de façon beaucoup plus littéraire et prétentieuse) : l'éternité dans l'instant.
 Il n'y a là rien que de banal. Simplement, les instants se sont trouvés dans son cas bien plus nombreux qu'il n'est commun ; se succédant à la fin sans une seule (ou peu s'en faut) solution de continuité ; formant au lieu d'instants, une durée : une sorte de perpétuité. Et nous, naturellement nous nous disions que voilà Stephen Jourdain perdu pour notre monde : incapable désormais de former la moindre pensée qui ne fût aussi la pensée contraire.

Cependant je n'ai pas perdu tout espoir. C'est que Jourdain montre dans sa conduite du bon sens. Il ne s'est livré jusqu'ici à aucune activité extravagante. C'est au contraire : il est allègre et naturel. Il sait inspirer confiance à ceux de ses voisins, auxquels il propose, suivant les principes éprouvés du porte-à-porte, l'achat de bons romans policiers ou de mauvais romans romanesques.
 Mieux encore : il s'est marié. Il a divers enfants, auxquels il a soin de refuser toute éducation ; toute instruction, à plus forte raison. Il vient même d'acheter à bon prix un wagon de première classe où se loger avec femme et enfants.
Tout cela serait peu. Il sait parler de ses instants avec détail et précision. Il n'est jamais fatigué d'en parler, ni moi de l'entendre.
Ce qui m’est arrivé quand j’avais seize ans...

Ce qui m’est arrivé quand j’avais seize ans. En fait il ne m’est rien arrivé du tout. C’est vrai que c’est l’événement le plus colossal que l’on puisse imaginer, on ne peut pas trouver d’adjectif qui soit à la hauteur de la dimension de l’événement mais soyons francs, il ne s’est strictement rien passé, “ce qui a été, a été”, “le rouge, devient rouge”, c’est vrai que c’est un événement inoubliable, “moi, devient moi, suis, devient suis”, inoubliable, mais en fait rien, un non-événement, rien, absolument rien. Celui qui vit cet événement énorme, s’attendrait à ce qu’il y ait des retombées, qui nous permettent de gérer notre vie le moins mal possible :

- que Dieu (dieu, c’est moi) que Dieu-moi nous prodigue ses conseils, infléchisse le cours de nos vies, nous fasse changer d’opinions.

- non, rien, aucune retombée, rien, le fleuve de toutes les choses continue à couler majestueusement, simplement avant il y avait des bouchons, il ne coulait pas très bien, là le torrent dévale majestueusement, mais strictement rien n’ est changé.

Lorsque j’entends (non pas dans les salons, il n’y a plus de salons maintenant, il n’y a pas de salons mais il y a des cénacles) lorsque j’entends dans un de ces cénacles dire : “celui-là il est tout près d’avoir l’éveil” et “celui-là s’en éloigne”, je suis ahuri, parce qu’il ne se passe rien. Si on se représente Ça comme quelque chose, on se trompe gravement dans la conception que l’on a des choses. Si par hasard la chose se produit, cette conception va voler en éclats, comme toutes les autres (ce que je viens d’exprimer, aussi), la place est nette, il ne reste plus rien, même pas ça. Aborder l’Éveil ou la Réalisation suprême comme quelque chose, c’est une erreur très très grave. Il s’agit de s’enfoncer dans l’être - nous sommes dans l’être, mais on est comme à la surface - il s’agit de s’enfoncer dedans, d’être plus. Il faut savoir comment s’enfoncer : C’EST ÊTRE CONSCIENT D’ÊTRE, c’est ça le levier. Si je veux être plus, il faut que je sois plus conscient d’être, c’est la même chose. Être et être conscient d’être, c’est une même chose. Et s’enfoncer dans l’être, ça ne change rien, il faut bien comprendre ça.

Ce dieu-là est, par essence, muet, il ne prodigue aucun conseil, il ne fonctionne pas du tout comme un père bienveillant (il ne fonctionne pas du tout comme un père d’ailleurs), il y a donc un très grand mystère dans tout cela. C’est très difficile d’en parler, c’est très difficile de mettre le doigt sur l’erreur de conception de cette chose. Tout langage est forcément celui de l’erreur. Je parle de “l’autre rivage”, déjà on est arrivé quelque part. Mais ça ne se passe pas comme cela. Pourquoi est-ce que cet événement incommensurable est un non- événement ? Pourquoi est-ce que ça ne change rien ?

Parce que ce n’est pas un objet, ce n’est pas un objet parmi les objets, ce n’est pas une chose parmi les choses, c’est un non-objet, une non-chose. Moi, c’est Dieu, (je veux bien le vocable), au moins la grandeur qui est présente dans cette chose, mais “si Dieu est un objet et si cette Chose est dieu”, cet objet est immédiatement désavoué comme une imposture, c’est un non-objet, c’est un sujet pur, c’est moi.

Concrètement on peut comprendre pourquoi cette chose-là ne peut pas peser. Imaginons que cela pèse (je parle d’expérience, on ne peut pas vivre une chose pareille sans la penser), elle-même n’a aucun poids, mais “la pensée de la chose”, a un poids énorme, “l’écho de cette chose” dans une intelligence humaine, a un poids énorme, c’est le poids de Dieu (ce n’est pas négligeable) le poids de l’Être, le poids de Dieu, ce n’est pas rien ! Pourquoi cette chose ne peut pas nous contraindre ?

Si quelque chose nous contraint, c’est un autre forcément, (c’est un objet, c’est “là”, pas ici), cette Chose-là, en tant que me contraignant, m’astreignant à quelque chose, m’astreignant éventuellement à la retrouver si je suis dans l’illusion de l’avoir perdue, ce qui est une illusion assez insensée ! Si je regarde mon lointain passé et si je me reporte à l’instant où cette chose a jailli :

Est-ce que, après cinquante ans, je suis encore à la hauteur ? quelquefois j’ai des complexes, tout de même, c’était plus aigu avant, c’était en tout cas très différent, alors j’ai des complexes (“l’évocation de cette chose”, va avoir un effet contraignant sur moi). L’illusion où est-elle ? Si ça me contraint, si peu que ce soit, c’est que j’ai oublié que c’était moi, cet oubli est fatal, c’est la mort de la Chose. C’est moi (et ce n’est pas moi en général) c’est moi MAINTENANT, à l’intérieur, nous n’existons que maintenant-tout-de-suite, c’est ça le secret.

Pendant plusieurs années, c’est l’aspect purement positif, édificateur de cette chose sur lequel je me suis focalisé (comme autrefois quelqu’un, qui avait la foi se focalisait sur Dieu, c’est du même genre - tout l’individu, dans toutes ses dimensions, se mobilise autour de cette chose-là - on peut imaginer que cette mobilisation n’est pas étrangère à la nature-même de cette chose (la foi en Dieu, crée Dieu) ce sont des relations très subtiles. Cette chose est dès le départ un acte de foi, la mobilisation entière de l’être humain, par cette valeur infinie, crée cette valeur infinie (tout ceci a été très bien décrit par les chrétiens, mais pas dans ces termes).

Au début c’était l’aspect purement positif : Je suis, conscience, conscience infinie, infiniment consciente d’elle-même, je suis, moi (je ne suis jamais tombé dans l’erreur de commettre cet oubli effroyable que je suis ce moi ultime), ce moi ultime, c’est moi, ce n’est pas un autre, c’est moi personnellement. Moi impersonnel, (le qualificatif “universel” serait plus acceptable), “impersonnel”, c’est une aberration, ça ne veut rien dire, si on retire au mot “moi”, sa signification personnelle (et qu’est-ce qui est plus personnel que moi) on l’a tué, on a tué le sens. Moi impersonnel, c’est un contresens. Cette chose, c’est moi, tant que ça prétend être un objet, (un non-moi, un autre), c’est un néant.

Pendant quelques années c’est l’aspect purement positif de cette chose-là qui a induit cette mobilisation absolue de l’être humain, qui se traduisait par un cri muet : “c’est la seule chose qui soit, c’est la seule chose qui vaille”, c’est la toute existence, l’existence absolue de cette chose sur laquelle je me suis focalisé humainement qui a dominé. Après ça, c’est l’inexistence absolue.

Ce que j’appelle Éveil, en tant qu’objet, en tant que “là”, en tant que principe étranger à l’omni-présence de moi, de moi et de ma vie (moi et ma vie terrestre c’est une même chose) c’est une hallucination pure.

Chaque fois que me référant à ce passé glorieux (c’est impressionnant le jaillissement de cette chose-là) je suis un peu sur la défensive, je serais au bord d’avoir des remords : “je ne suis pas aussi aigu, aussi pugnace”, “ça a pris une autre forme”, je suis dans l’hallucination, parce que cette chose, c’est moi. Si ça me contraint, je commerce forcément avec un imposteur. C’est très très important de comprendre ça. Si on change le langage, si on emploie le mot JE, (il faut insister sur JE, très bien) mais JE, c’est moi. Cette chose-là, c’est la culmination de l’existence (c’est l’existence absolue) l’existence absolue fonctionne exactement comme si elle n’existait pas et laisse l’homme qu’elle a investi, absolument libre.

S’il n’était pas libre, ce ne serait pas moi, ce serait un autre, ce serait un objet (l’Éveil-objet, c’est une hallucination, l’Éveil qu’on peut désigner, c’est une hallucination, donc en vérité je ne parle pas de l’Éveil), je désigne quelque chose, par la force des choses je désigne quelque chose, impossible de parler sans désigner, sans mettre “là-bas”, je désigne donc un imposteur.
Il est impossible de parler de cette chose, nul n’en a jamais parlé (même le maître le plus fin, le plus authentique) nul n’a jamais parlé de cette chose, nul n’a jamais pensé cette chose et nul ne l’a jamais aimée non plus (c’est ni un objet de parole, ni un objet d’amour, ni un objet de pensée, ce n’est pas un objet du tout) c’est moi. Ce que je suis en train de dire là, fait la différence entre l’approche de cette Chose (à mon avis il n’y a pas d’approche de cette Chose) entre ce qui peut apparaître comme étant l’approche de cette Chose et cette chose elle-même. Il faut que la pleine réalisation de ce que cette chose, est moi, (de ce qu’autrefois on aurait appelé “dieu” est moi) au sens le plus personnel et le plus simple du terme, il faut mettre dans le mot moi ce qu’on y mettait quand on avait quatre ans et qu’on se battait avec un petit copain ou qu’on jouait à la marelle, c’est très simple moi : il y a quelqu’un qui prononce mon prénom derrière moi, je me retourne, c’est moi. La raison profonde de ce geste (des esprits qui compliquent tout, verraient dans ce geste un tropisme, la mécanicité, ce sont des conneries) on prononce mon prénom derrière, je me retourne, quelle est la chose en moi qui est à l’origine de ce mouvement ?

C’est moi, c’est cette intuition fondamentale, la plus fondamentale de toutes, de laquelle nous ne sommes d’ailleurs jamais sortis (on ne peut pas sortir de moi) c’est moi. Nous sommes tous porteurs de cette évidence himalayenne, moi, et on ne la rencontre pas, c’est extraordinaire ! Quand on est petit, on est sensible à cette évidence (on n’a pas encore appris “que le moi était impersonnel”, “qu’il fallait chercher la neutralité, l’impersonnalité”, toutes ces conneries qui proviennent des déviances élitistes de Gurdjieff, (je ne parle pas de Gurdjieff lui-même) quand on est petit c’est simple, c’est moi (ce n’est pas reconnu humainement, intellectuellement) c’est là à l’état naturel, ça passe, ça filtre, ça nous emplit, mais en même temps, l’être humain que nous sommes, ne l’a pas réitéré - il ne s’est pas tourné vers cette évidence elle-même - et c’est au moment où l’être humain terrestre que nous sommes, (le connard de base), pour lequel j’ai une tendresse sans fin, il est sain et sacré, (le plouc) ça ne devrait pas surprendre, parce que toutes les histoires que je suis en train de raconter sont une apologie du plouc. Le type, il a tout compris, il est transformé, c’est visible, il est devenu une masse d’or, scintillante et à la fin de sa vie qu’est-ce qu’il fait ? Il traie ses vaches comme si rien ne s’était passé, il est redevenu, “plouc”, donc le destin de cet or spirituel, c’est de revenir à l’état de simplicité, il a enfin compris qu’il n’y avait pas de retombée, “parfait, je suis libre de traire mes vaches.

 Préface
Le désert croît et la langue se meurt, en même temps qu’il nous est demandé de survivre. De crise, il s’agit bien, mais comme le souligne René Guénon rappelant l’étymologie latine et grecque du terme, elle n’est pas seulement ce moment paroxystique de l’histoire d’une société ou d’une civilisation, comparable à la manifestation violente d’une maladie, c’est le moment où l’on doit décider, parce qu’il nous faut juger, c’est le moment où jamais, en quelque sorte. D’où cette nécessité de devoir envisager quelques solutions, comparables à des thérapeutiques. Ainsi s’avère l’opportunité d’un passage au crible. Charles Antoni propose de chapitre en chapitre, un retour à la Grande Tradition contre, ce qu’il appelle « l’horizontalité culturelle ».

Alors il s’agira d’entrevoir en soi « l’homme véritable » qui fait la différence d’avec « l’homme ordinaire » englué dans les méandres d’une vie faite de préoccupations subalternes, sous peine de croire qu’une civilisation ne pourrait pas mourir comme pourtant ce fut déjà le cas dans l’Histoire de l’humanité. D’où la possibilité de distinguer ce qu’il appelle la « véritable culture » contre la somme si quantitative de ce qui est proposé. Halte donc à l’hyper-consommation culturelle ,qui n’a rien à voir avec l’élévation aux grandes oeuvres. Et au-delà d’elles, est rendue possible un véritable accès à soi.

S’il s’agit de sauver le monde, ce ne sera sans doute que ce monde intérieur par une « âme instruite et cultivée » selon la proposition des Anciens… Si un combat s’impose encore, ce sera seulement celui de l’Être, assorti d’un retranchement avéré dans sa tour d’ivoire. Cette tour imprenable, qui, contre vents et marées, demeure dans sa solidité solitaire.

Et la « recherche » pourra continuer au profit d’une sérénité envers et contre tout, et notamment contre cette « peur » entretenue par le contexte de crise sur tous les plans, y compris celui du langage puisque l’on assiste à une fuite des mots qui ont cessé d’enrichir l’esprit. Devant cet appauvrissement programmé sous couvert de consommation d’objets inutiles une mutation est-elle possible ? Oui, mais sous de belles conditions, celles qui mettent en jeu ce travail interne, individuel, condition sine qua non de tout changement remarquable et qui vaudrait révolution .
Quelle solution encore ? « Devenir un maître en stratégie » lorsque la Nature et ses sursauts provoquent cette explosion humaine à venir, assortie d’angoisse. Ainsi cette survie qualitative se fera donc dans l’Ici et Maintenant, dont le lieu privilégié est ce monde intérieur inattaquable, dans une présence à soi. Être alors au fait de la situation en étant au fait de soi-même.

D’où le sens de la formule ultime de cet ouvrage :

« L’instant présent est ce qui nous reste.»

Paule ORSONI / Philosophe

Mutation

Je crois qu’il faut faire avec son temps. Autant se servir des moyens mis à notre disposition par ces temps d’obscurantisme. L’avion m’a permis de faire des voyages lointains, que bien des gens comme René Guénon ne pouvaient même pas imaginer. Se servir, sans être asservi. Les événements vont à un rythme extrêmement accéléré et c’est à nous de ne pas nous laisser dépasser.

Peut-on savoir où ce monde fou nous conduit ? Dans tous les cas, c’est à nous de chercher à l’appréhender et ne pas se laisser engloutir. On n’est sans doute pas très loin d’une nouvelle arche de Noé. Il faut s’y préparer et ne pas fermer les yeux. Comme le dit la tradition Indoue, nous sommes à la fin d’un cycle, celui du Kali-yuga.

Contrairement à ce que peuvent penser les humains, il est fort possible que peu de choses dépendent de nous. Nous ne sommes peut-être que des marionnettes manipulées par des forces qui nous dépassent. Dans tous les cas, que ce soit en dehors de nos compétences, ou tout simplement par le jeu du pouvoir de certaines formes de pensées, qu’elles soient politiques, économiques, sociales etc, il nous faut nous préparer au combat et tel le samouraï, pratiquer un entraînement qui nous donnera la lucidité nécessaire pour affronter ces temps de très grande dépression.

Comme tout le monde le sait, nous ne sommes qu’au début de ce qui inévitablement nous attend. Nous devons regarder cela comme un fait et surtout ne pas se bander les yeux. Ce temps de récession est, non seulement inévitable mais également, sans doute, la chance qui nous est offerte pour tout balayer de ces vieux concepts surannés de profit, de consommation, de toujours plus.

Il est à jamais question de cette éternelle lutte entre le paraître et l’être. En tant qu’individu nous n’avons cessé de penser que l’avoir nous conduirait à un plus grand état de bien être. Il n’en est peut être pas ainsi : se coucher de bonne heure, se lever de bonne heure, c’est aller de bonheur en bonheur, voilà où se situe la véritable apathéia des anciens Grecs.

Pour revenir à ce monde en pleine mutation où s’abolissent les frontières, les nations n’étant plus que de vagues nébuleuses, où seul survivra le principe économique, il nous faudra faire preuve d’une grande mise à distance face à tous les événements qui ne vont pas cesser de nous surprendre. Je propose donc en premier lieu une grande lucidité face à l’événementiel et une plus grande froideur devant toutes les manifestations qui ne vont cesser de déferler à la vitesse grand V.

Cette récession peut être la chance qui nous est offerte pour nous réveiller du rêve dans lequel nous nous étions depuis si longtemps assoupis. Sortir de ce rêve qui n’est en réalité qu’un cauchemar, où chacun de nous continue de se la jouer. Comme le disait Calderon : La vie est un songe et aussi reprendre le thème cher de la Baghavad-Gita, de la tradition Hindoue, où il nous est montré que tout n’est qu’illusion. Nous vivons, souffrons, mourons, et au final que reste-il ?

Il n’est que d’observer tous ces partis politiques qui s’entredévorent où chacun nous fait croire au bien-fondé de sa théorie pour parvenir à ses fins, et qui ne sont en réalité que l’accès au podium du pouvoir. Pouvoir et profit sont les deux faces de cette médaille politique.