vendredi 18 septembre 2009

• L'Illumination ne s'acquiert pas - Hsi Yun


QUESTION : « Quelle est la Voie, et que doit-on faire pour la suivre ?
RÉPONSE : « La Voie est-elle une chose objective pour que vous désiriez la suivre ? »

QUESTION : « Quels sont les enseignements transmis par les différents Maîtres pour pratiquer dhyâna et étudier la Voie ? »
RÉPONSE : « Il ne faut pas se fier aux paroles utilisées afin d'attirer les gens à l'intelligence obtuse. »

QUESTION : « Si ces enseignements sont destinés à attirer les gens d'intelligence obtuse, je n'ai pas entendu le Dharma destiné aux personnes de haute valeur. »
RÉPONSE : « Si ces personnes ont vraiment de hautes capacités, qui trouveraient-elles pour les diriger ? Si elles cherchaient à l'intérieur d'elles-mêmes, elles ne trouveraient rien de tangible ; elles trouveraient encore moins si elles cherchaient ailleurs. Vous ne devriez prêter aucune attention à ce qui est désigné comme Dharma dans les enseignements destinés à d'autres, car, quelle sorte de Dharma est-ce là ? »

QUESTION : « Ne devrions-nous donc rien chercher du tout ? »
RÉPONSE : « Voilà un point de vue qui, si vous l'adoptez, vous épargnera un gros effort mental. »

QUESTION : « Si toute chose se trouve ainsi éliminée, est-il possible qu'il n'y ait rien ? »
RÉPONSE : « Qui enseigne qu'il n'y a rien ? Quel est ce rien ? D'après votre question, vous voulez « chercher » quelque chose ? »

QUESTION : « Si la recherche est inutile, pourquoi dites-vous que nous ne devons rien éliminer ? »
RÉPONSE : « Ne cherchez pas, cela suffit. Qui vous dit d'éliminer quoi que ce soit ? Regardez la Vacuité, juste en face de vous. Comment feriez-vous pour l'éliminer ? »

QUESTION : « Ce Dharma se révèlera-t-il semblable à la Vacuité, si je l'obtiens ? »
RÉPONSE : « Quand vous ai-je dit que la Vacuité était semblable ou différente de quoi que ce soit ? Je vous ai parlé de « Vacuité » en manière s'expédient temporaire, mais vous, vous raisonnez en prenant cet expédient à la lettre. »

QUESTION : « Estimez-vous qu'il ne faut pas raisonner ainsi ? »
RÉPONSE : « Je ne vous en empêche pas, mais le raisonnement est lié à l'attachement. Lorsque apparaît l'attachement, la sagesse disparaît. »

QUESTION : « N'est-il donc pas permis à l'attachement d'apparaître à propos de notre recherche du Dharma ? »
RÉPONSE : « Si aucun attachement n'apparaît, qui pourra distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux ? »

QUESTION : « Où était l'erreur dans les questions que je viens de poser à votre Révérence ? »
RÉPONSE : « Vous êtes l'un de ceux qui ne comprennent pas ce qu'on leur dit. A propos de quoi parlez-vous d'erreur ? »

QUESTION : « Tout ce que vous avez dit jusqu'ici n'était que réfutation, aucune de vos paroles n'était une indication sur la nature du vrai Dharma. »
RÉPONSE : « Il n'y a pas trace de confusion dans le vrai Dharma, mais, par votre question, vous créez la contusion en vous-même. Quel « vrai Dharma » cherchez-vous donc ? »

QUES'T'ION : « Puisque ma question a fait naitre la confusion, quelle réponse votre Révérence donnera-t-elle à mon problème ? »
RÉPONSE : « Observez les choses telles qu'elles sont et ne vous préoccupez pas d'autrui. Considérez l'exemple d'un chien furieux qui aboie après tout ce qui bouge ; il aboie de même après les feuilles et les herbes agitées par le vent. »

QUESTION : « De tout ce que vous venez de dire, il ressort que le mental et le Bouddha sont un, mais il ne m'apparaît pas clairement quel mental est le Bouddha ? »
RÉPONSE : « Combien de mentals avez-vous ? »

QUESTION : « Est-ce le mental ordinaire ou le mental spirituel qui est le Bouddha ? »
RÉPONSE : « Comment pouvez-vous avoir un mental ordinaire et un mental spirituel ? »

QUESTION : « Suivant l'enseignement des Trois Véhicules, nous avons ces deux mentals. Pourquoi votre Révérence a-t-elle une autre opinion ? »
RÉPONSE : « Si, selon vous, les Trois Véhicules distinguent nettement deux mentals, ils sont en désaccord avec la vérité. Vous n'avez pas encore compris. Toute conception de caractère objectif telle que : « la vacuité existe réellement », est forcément une altération de la vérité. L'ignorance a son origine dans ce genre d'erreur. Si vous parveniez seulement à surmonter les conceptions d' « ordinaire » et de « spirituel » vous vous apercevriez qu'en dehors du mental il n'y a pas de Bouddha. Bodhidharma, à son arrivée des Indes, enseigna uniquement que la substance de tous les hommes est le Bouddha, mais vous ne comprenez pas encore, et vous persévérez à penser en termes d' « ordinaire » et de « spirituel », vous permettez à vos pensées d'obscurcir votre mental en bondissant dans le monde des formes. Dès que vous commencez à réfléchir sur ce que je viens de vous dire, « le mental est le Bouddha », l'attachement commence, et vous retombez aussitôt dans différentes formes de réincarnation. Le passé sans commencement et le présent sont identiques. Les choses ne diffèrent pas entre elles. La compréhension de cette non-différenciation est l'Illumination complète et parfaite. »

QUESTION : « Quels sont les principes qui servent de base aux affirmations de votre Révérence ? »
RÉPONSE : « Quels principes cherchez-vous ? On se détourne du Mental cosmique dès qu'un principe est établi. »

QUESTION : « A quels principes faisiez-vous allusion à l'instant, à propos du passé qui se distend dans l'éternité sans se différencier du présent ? »
RÉPONSE : « Par votre recherche de principes, vous créez vous-même cette différenciation entre le passé et le présent. Si vous cessiez de chercher, comment pourrait-il y avoir une différence quelle qu'elle soit ? »

QUESTION : « Si l'un et l'autre sont identiques, pourquoi en parle-t-on séparément ? »
RÉPONSE : « Si vous n'aviez pas fait cette différence illusoire entre « ordinaire » et « spirituel », personne n'en aurait parlé. En réalité, de telles choses n'existent pas. Même le mental n'est pas vraiment le mental. Si vous constatez que tout cela n'est qu'illusion, où donc espérez-vous trouver quelque chose ? »

QUESTION : « Peut-être l'ignorance obstrue-t-elle la compréhension du mental, mais vous ne m’avez pas encore expliqué de quelle manière on peut s'en débarrasser. »
RÉPONSE : « Tout d'abord : permettre à l'ignorance de naitre et ensuite chercher à s'en défaire sont deux actes qui appartiennent à l'ignorance. L’ignorance n’a pas de fondement, en fait elle s’élève de vos distinctions. Si vous vouliez mettre fin à des concepts opposés tels que « ordinaire » et « spirituel », l'ignorance cesserait d’elle-même. Lorsque vous lui permettez de s’élever ou lorsque vous cherchez à la détruire, il n’y a rien, pas la moindre chose que l'on puisse saisir. C'est le sens de cette maxime : « En abandonnant tout, je trouverai certainement le Bouddha. »

QUESTION : « Puisqu'il n'y a rien de tangible, comment le Dharma peut-il être transmis ? »
RÉPONSE : « Il est transmis de mental à mental. »

QUESTION : « Si l'on utilise le mental dans ce but, comment peut-on dire que le mental n’existe pas ? »
RÉPONSE : « N'obtenir absolument rien, c'est ainsi que l’on évoque la réception de la transmission de mental à mental. La compréhension du mental suppose la réalisation qu'il n'y a ni mental ni Dharma. »

QUESTION : « S’il n’y a ni mental ni Dharma, qu’entendez-vous par « transmission » ? »
RÉPONSE : « En entendant parler de transmission de mental à mental, tout le monde s'imagine qu'il y a là quelque chose à obtenir. C'est pourquoi Bodhidharma a dit : « Lorsque l'on comprend la nature du mental aucune parole humaine ne peut circonscrire ni révéler cette Nature. L'Illumination ne s'acquiert pas, Celui qui l'atteint ne dit pas qu'il sait. Si je pouvais faire en sorte que le sens réel de cette parole vous apparaisse clairement, je doute que vous puissiez supporter la révélation d'une telle connaissance. »

QUESTION : « La vacuité qui s'étend devant nos yeux n'est-elle pas objective ? C'est alors, sans aucun doute, désigner le monde extérieur comme le lieu où l'on peut voir le mental. »
RÉPONSE : « Quelle sorte de mental pourrais-je bien vous dire de chercher dans le domaine objectif ? Si même je pouvais vous le montrer, ce ne serait là que sa réflexion. Si l'on regarde son visage clairement réfléchi dans une glace, ce n'est jamais qu'une image réfléchie. De quelle valeur sont ces idées dans la discussion ? »

QUESTION : « Si rien ne nous est révélé au moyen d'images réfléchies, verrons-nous jamais quelque chose ? »
RÉPONSE : « Aussi longtemps que vous vous occuperez de « moyen », vous dépendrez toujours de faux instruments. Quand réussirez-vous ? N'avez-vous pas entendu répéter : « Abandonnez toutes choses comme si rien ne vous appartenait, vous gaspillez vos forces à faire le fanfaron. »

QUESTION : « Les images réfléchies sont-elles dénuées d'existence pour celui qui comprend ? »
RÉPONSE : « Si rien de matériel n'a d'existence, comment une image réfléchie pourrait-elle avoir quelque utilité ? Attendez-vous que vos yeux soient ouverts pour cesser de marmonner en dormant ? On ne peut comparer en excellence le simple abandon de la recherche avec la plus grande érudition. Le sage est celui qui se place lui-même à l'écart de tout ce qui appartient au monde objectif. Il n'y a pas différentes sortes de mental et aucune doctrine ne peut être enseignée. »

Chacun des assistants se retira alors car il n'y avait plus rien à dire.

QUESTION : « Que doit-on entendre par « vérités de ce monde ? »
RÉPONSE : « Qu'attendez-vous de telles futilités ? Toutes choses sont pures par essence ; pourquoi utiliser dans la discussion des figures de langage erronées ? Celui qui est au delà des imaginations, celui-là atteint le détachement dans la sagesse. Chaque jour, en marchant, debout, assis ou couché, dans chacune de vos paroles, soyez détaché des objets du monde phénoménal. En parlant, ou simplement en clignant la paupière, que chacun de vos actes soit accompli sans attachement. Nous entrons maintenant dans la dernière des Trois Périodes et la plupart de ceux qui étudient la doctrine dhyâniste s'attachent aux sons et aux formes. Pourquoi ne font-ils pas comme moi ? Laissez aller chacune de vos pensées comme si elle était vide, comme si elle n'était que pourriture, ou pierre, ou cendre d'un feu depuis longtemps éteint, ou bien alors accordez-lui juste l'attention superficielle appropriée aux circonstances. Si vous n'agissez pas ainsi alors que vos jours sont comptés, vous serez destiné aux tortures de Yama. Retirez-vous complètement de l'être et du non-être (c'est-à-dire du monde phénoménal) ; que votre mental soit semblable au soleil qui voyage éternellement à travers le vide de l'espace et brille sans intention déterminée. Ce n'est certes pas une chose à laquelle on parvienne sans effort. Quand vous atteindrez cet état où il ne reste absolument rien à quoi se raccrocher, vous agirez comme agissent les Bouddhas et en parfait accord avec cette maxime : « La pensée doit jaillir d'un état de détachement total », car c'est l'état de votre pur Dharmakâya, c'est-à-dire de l'Illumination suprême et parfaite. Si vous êtes incapable de comprendre cela, bien que, par vos études, vos efforts douloureux et une vie d'ascèse, vous ayez acquis des connaissances étendues, vous ne pourrez malgré tout réaliser la nature de votre mental. Tout ce que vous ferez sera, pour ainsi dire, nuisible, et vous rejoindrez inévitablement la famille de Mara. Quel profit tirerez-vous de ce genre de travail ? C'est ainsi que Chili Kung disait : « Le Bouddha fut, primitivement, créé par votre mental ; comment pouvezvous maintenant Le chercher dans les écrits ? » Vous étudiez la manière de parvenir aux Trois Degrés de l'état de Bodhisattva, aux Quatre Degrés de la Sainteté, aux Dix Etapes progressives au Bodhisattva vers l 'Illumination ; mais même lorsque votre mental sera saturé de ces études, vous continuerez à établir des distinctions entre « ordinaire » et « spirituel ». Rester aveugle à l'évanescence des degrés qui s'étagent le long de la Voie équivaut à demeurer dans le monde des phénomènes qui apparaissent et disparaissent ».
« Son élan épuisé, la flèche tombe à terre. Qui sait si la vie que vous élaborez comblera vos espoirs ? Comme elle est éloignée de la Voie transcendantale d'où l'on atteint d'un bond la rive du nirvâna ! »
« C'est parce que vous ne ressemblez pas à l'auteur de ces lignes que vous insistez pour étudier les méthodes établies par les hommes d'un lointain passé, afin d'obtenir d'eux des connaissances et des raisonnements explicatifs. Chih Kung a dit : « Si vous ne rencontrez pas un Maitre véritable, ayant dépassé toutes les œuvres de ce monde, c'est en vain que vous étudierez tout le Mahâyâna ».

QUESTION : « Hui Neng était incapable de lire les sûtras, pourquoi a-t-il reçu la robe et été consacré patriarche ? Shen Hsui, l'Ancien, était le chef et l'instructeur de cinq cents hommes, il pouvait discourir sur trente-deux sûtras. Pourquoi n'a-t-il pas reçu la robe ? »
RÉPONSE : « Parce que Shen Hsui n'avait pas éliminé les imaginations, il n'avait donc pas transcendé les phénomènes. Il a obtenu dans la mesure de ce qu'il a pratiqué, mais tout ce qu'il avait acquis appartenait au monde des phénomènes. Par conséquent, c'est à Hui Neng, le 6e Patriarche, que le 5e Patriarche transmit le Dharma ; à l'instant de la transmission, Hui Neng atteignit la compréhension intuitive. La plus profonde pensée du Tathâgata fut ainsi secrètement transmise et c'est pourquoi le Dharma lui fut confié. Ne voyez-vous pas que l'enseignement essentiel du Dharma est la négation de l'existence absolue des êtres et des choses, mais cela même qui est impersonnel (dans l'Absolu) est individualisé (dans le relatif). On peut dire de celui qui est apte à comprendre cet enseignement qu'il est un vrai moine, car il est capable de mettre la doctrine correctement en pratique. Si vous n'ajoutez pas foi à cela, expliquez l'histoire de Wei Ming lorsque celui-ci se rendit au sommet de Ta Yu pour y rencontrer le 6e Patriarche. Ce dernier demanda à Wei Ming: « Pourquoi êtes-vous venu, est-ce pour la robe ou pour le Dharma ? » Et comme Wei Ming répondait : « Non pour la robe, mais pour le Dharma », le 6e Patriarche continua : « Concentrez vos pensées un moment, ne pensez ni en termes de bien, ni en termes de mal (c'est-à-dire : pensez sans attachement). Ming fit ainsi. Alors le 6e Patriarche lui dit : « Au moment où vous ne pensez ni en termes de bien, ni en termes de mal, à cet instant même retournez à votre état originel avant la naissance de vos père et mère ». Et Wei Ming, le temps de prononcer une syllabe, atteignit soudain à la compréhension intuitive de la Réalité. Se prosternant, il dit : « Maintenant je suis comme un homme qui boit de l'eau et découvre spontanément sa fraîcheur ou sa tiédeur. J'ai vécu parmi les disciples du 5e Patriarche, luttant inutilement pendant trente ans, c'est aujourd'hui seulement que je perçois mes erreurs premières ». Le 6e Patriarche répondit : « C'est ainsi, maintenant vous savez pourquoi Bodhidharma, à son arrivée des Indes, s'adressa directement au mental des hommes, afin qu'ils puissent percevoir leur nature réelle et devenir des Bouddhas, car il ne se fiait pas aux paroles. Lorsque Ananda demanda à Mahâ-Kâshyapa ce que « Celui que le monde vénère » lui avait transmis, à part la robe d'or, n'avons-nous pas vu comment celui-ci s'écria : « Aranda ! » et, à la respectueuse réponse d'Ananda, il poursuivit : « Jette à terre le drapeau du monastère, ce sera un exemple de la façon dont on doit traiter les Patriarches ». Le sage Ananda avait servi le Bouddha pendant trente ans. Parce qu'il était trop instruit, le Bouddha le grondait, disant : « Rechercher la connaissance pendant mille jours ne se compare pas à l'étude de la voie correcte durant un seul jour. Si vous ne l'étudiez pas, même une goutte d'eau sera difficile à digérer ».

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