La seconde occasion fut plus formelle ; elle eut pour cadre une grotte située à Lhodrak Kharchu, où avait médité Padmasambhava, père du bouddhisme tibétain et saint vénéré dans le pays tout entier. Nous y avions fait halte lors de notre pèlerinage à travers le Tibet du sud. J'étais âgé d'environ neuf ans à l'époque. Mon maître me fit appeler et me dit de m'asseoir en face de lui. Nous étions seuls. Il déclara: « Maintenant, je vais te donner l'introduction à la "nature essentielle de l'esprit" » Prenant sa cloche et son damaru, il psalmodia l'invocation à tous les maîtres de la lignée, depuis le Bouddha Primordial jusqu'à son propre maître. Puis il me donna l'introduction. Soudain, à brûle-pourpoint, il me posa cette question sans réponse : «Qu'est-ce que l'esprit ?», tandis qu'il plongeait intensément son regard dans le mien. Je demeurai interdit. Mon esprit avait volé en éclats : il ne restait plus de mots, plus de noms, plus de pensées - en fait, il ne restait plus d'esprit du tout.
Que s'était-il passé en cet instant stupéfiant ? Les pensées du passé avaient disparu, celles à venir ne s'étaient pas encore élevées ; le courant de mes pensées avait été tranché net. Dans cet état d'intense saisissement, une brèche s'était ouverte et, dans cette brèche, se révélait une pure conscience claire immédiate de l'instant présent, une conscience libre de toute saisie, simple, nue et fondamentale. Et pourtant, en même temps, de sa simplicité dépouillée rayonnait la chaleur d'une compassion immense.
Il y aurait tant à dire sur cet instant-là ! Apparemment, mon maître m'avait posé une question, et cependant je savais qu'il n'en attendait pas de réponse. Avant même de partir en quête de celle-ci, je savais qu'elle n'existait pas. Je demeurai assis, comme foudroyé d'émerveillement, tandis que jaillissait en moi une certitude profonde et lumineuse, inconnue jusqu'alors.
Mon maître avait demandé : «Qu'est-ce que l'esprit ?». Il me sembla, en cet instant, que tout le monde savait déjà que l'esprit en tant que tel n'existait pas et que j'étais le dernier à l'apprendre. Se donner la peine de le chercher... cela semblait tellement ridicule !
L'introduction effectuée par mon maître fut comme une graine semée profondément en moi. Plus tard, j'en vins à réaliser que telle était la méthode d'introduction utilisée dans notre lignée. Toutefois, le fait que je l'ignorais alors rendit cet événement totalement inattendu, et d'autant plus puissant et déconcertant.
Sogyal Rinpoche
Extrait du Livre Tibétain de la vie et de la mort (Éditions de la Table Ronde)
Extrait du Livre Tibétain de la vie et de la mort (Éditions de la Table Ronde)
2 commentaires:
Merci pour votre message.
Toutefois, je ne pense pas que ce soit l'objectif de ce blog que de tenir des propos critiques ou de maintenir une quelconque polémique concernant un enseignant ou un autre.
Comme vous le dites, l'important est que les enseignements soient authentiques.
Je laisse ensuite chacun se forger sa propre opinion. Revenons à l'essentiel et laissons-nous inspirer par tous ces beaux textes mis en ligne.
Que tout vous soit favorable et puissiez-vous demeurer unis avec le "maître intérieur".
Patrice
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