jeudi 27 mai 2021

• La connaissance de soi est la seule véritable connaissance - Nisargadatta Maharaj

 


Connu comme un Sage hindou réalisé, Nisargadatta est maintenant généralement reconnu pour être classé parmi les plus grands maîtres exposant les enseignements de l'Advaïta.

Dans ce dernier ouvrage, la profondeur et la subtilité du traitement du sujet combinée avec l'approche étroitement raisonnée, font de ces dialogues des oeuvres pratiquement inégalées dans la littérature spirituelle.

Tel un miroir, Nisargadatta Maharaj nous amène ici face à l'image que nous nous faisons de nous-même et qui n'est absolument pas celle de la Réalité, de l'Un, immuable et ultime. Au fil de ces entretiens, il enjoint de voir clairement et lucidement ce qui n'est qu'une illusion, un mirage.

Il dit et redit avec force à tous ceux qui le visitent : « Ce qui vous lie, c'est de vous prendre pour ce que vous n'êtes pas ».

Dans ces paroles qui datent de la dernière année de sa vie, Maharaj va plus loin qu'il n'a jamais été ; ainsi, il déclare : « Cette connaissance de « je suis » ou d'« être » est un manteau d'illusion sur l'Absolu ». Maharaj revient encore et encore au concept/ vérité du « rien », nothingness, lequel, tel un mantra, traduit la non-dualité la plus absolue qui soit. Ce rien n'est ni néant, ni plénitude, car il les transcende tous deux.

Nous sommes ici, très certainement, au coeur même du Coeur de la non-dualité, dans sa forme la plus pure et la plus authentique qui soit.


© Extrait publié avec l'aimable autorisation des Éditions Accarias-L'Originel


M. : Cet état se réfère à l’enfant non né, j’ai essayé de le décrire comme brillant, glorieux, etc., mais c’est vrai- ment ahurissant ; vous ne pouvez pas essayer d’utiliser votre esprit ou votre intelligence pour le comprendre. Abandonnez ! Ne communiquez pas tout cela aux autres, mais recherchez-le, poursuivez-le et soyez-le ! Ne soyez pas paresseux ! Comment peut-on poser des questions sur cette chose, qui est en cours de discussion ? Il est agréable d’entendre ces paroles et ces déclarations particulières, qui « claquent » à ce moment, donnant une satisfaction momentanée, mais c’est là quelque chose de différent ; cela va vous changer. Toute expérience ou toute satisfaction que vous éprouvez est momentanée, et n’est destinée qu’à ce moment. Une fois ce temps écoulé, la satisfaction a disparu et tout est fini.


V. : Alors qu’est-ce qui est permanent et comment réaliser le permanent ?

M. : Comprendre tout ce qui est limité dans le temps et éliminer toutes les étapes limitées dans le temps. Celui qui reconnaît toutes ces étapes temporelles, celui qui est au-delà du temps, est antérieur au temps. Ne bougez pas. Vous ne pouvez comprendre toutes ces étapes limitées dans le temps qu’à partir d’un socle qui, lui, n’est pas limité dans le temps. Soyez là !

V.: Comment l’atteindre?

M. : Suivez le processus ; il n’y a pas d’autres mots qui peuvent être utilisés pour l’expliquer davantage.


V. : Par quels moyens, rituels, ou procédés peut-on y parvenir ?

M. : Mais n’est-ce pas au-delà de l’effort, au-delà de la compréhension ? Lorsque vous êtes l’instrument de l’entendement, toutes les sources de l’intellect sont mises de côté. Tout ce qui demeure est cet état. Actuellement, nous sommes pleinement en possession de cette volonté ou conscience. La conscience est le produit de l’essence de ce corps alimentaire. Tout ce qui arrive à cet être est de la "connaissance", peut-être même de la connaissance profonde, et nous nous y accrochons. Mais ce n’est pas la véritable connaissance. L’être est le produit de l’essence alimentaire ; il ne peut être la connaissance éternelle car il est limité dans le temps. Comprenez-vous cela ? N’essayez pas de réfléchir après avoir compris un peu de tout cela. Essayez de l’absorber et de vous en imprégner pleinement jusqu’à ce que vous vous stabilisiez dans votre véritable Soi.

V.: Je n’ai pas bien compris... Donc la question de l’abandon ne peut tout simplement pas se poser.


M.: Ce «je suis» est à nouveau le produit de ce corps de l’essence de la nourriture. Où est la question de connaître cela aussi ?

Ce que vous appelez « vous-même », ou « vous », est le produit de ce corps. Comment cet être peut-il comprendre « vous » la Vérité, vous l’Absolu ? Pour les ignorants, on peut faire un exposé qui dépende fortement du jargon spirituel sur le Brahman, sur ceci et cela – toutes les histoires... Cependant, quand il s’agit de se comprendre soi-même, il faut vraiment comprendre le vrai Soi.

« Vous êtes en vie » est un concept et il est faux. Dans ce corps, il y a le principe que nous connaissons sous le nom de « soi-même ». Ce principe n’a pas de forme, mais vous le comprenez comme la connaissance de « je suis ». Nous l’appelons aussi la conscience, la conscience-« je » ou l’être. Maintenant, les différents noms sont uniquement ceux de cette conscience. La conscience donne naissance au monde. Le monde est dans cette conscience. Essayez de comprendre cela.

C’est la seule façon de connaître le Soi ; à travers cette connaissance, vous pouvez vous connaître, savoir ce que vous êtes. Toutes les autres sortes de connaissance dans le monde sont des moyens pour vous permettre de gagner votre vie, d’obtenir de l’argent et de vivre dans le monde. Sinon, ce n’est pas du tout de la connaissance. La connaissance de soi est la seule véritable connaissance.

Dans la conscience universelle, il n’y a pas d’individus. Nous examinons différentes formes, nous leur donnons des noms comme « Dieu », « homme », « âne », etc. Mais en fin de compte, il n’y a que cette conscience, la conscience universelle. Et nous ne devrions pas nous identifier comme une entité séparée, un corps séparé. Nous sommes cette connaissance ; elle n’a ni nom ni forme. C’est là l’essence même de mon enseignement.

Deux étudiants étaient venus ici. Je leur ai dit : « Oubliez la spiritualité, suivez vos penchants habituels, faites vos devoirs habituels, abandonnez simplement la spiritualité. » Pourquoi leur ai-je parlé ainsi ? Je me suis impliqué dans la spiritualité, dans les affaires de la spiritualité, et finalement j’ai perdu cet amour du soi aussi. Je n’ai plus d’amour pour le soi [qui a un nom et une forme]. C’est la raison.

Le point d’ancrage pour chacun est l’amour pour le soi, la conscience, l’état du [moi] « j’aime » : c’est là le lien principal. Je commence la spiritualité au nom de la seule connaissance de soi, parce que je m’aime, j’aime « être ». Et je voulais savoir ce qu’est Dieu. Et savoir cela signifie la spiritualité. Dans ce marché, j’ai donc perdu Cela ; je ne suis plus fasciné par cet amour d’« être ». Parce que c’est la principale servitude, la principale condition, le « j’aime-je ». Tant que la respiration vitale fonctionne, tant que le pouls bat, jusque-là il y a cet amour d’« être », alors il y a la conscience. Lorsque le souffle vitale quitte le corps, le pouls s’arrête et le « je suis » n’est plus. Comme mon amour d’« être » est complètement terminé, épuisé, je n’ai plus aucune fascination pour cet état de « j’aime-je ». Par conséquent je n’ai plus d’amour pour personne [ne suis plus lié par personne]. Nous nous engageons normalement à aimer quelqu’un d’autre du point de vue principal que j’aime toujours à « être ».

J’appelle cela, notre « crâne », un pot en terre. Tant que ce pot en terre n’est pas proprement cuit, il faut aller chercher la connaissance ailleurs. Quand il sera correctement cuit et qu’il sonnera bien, vous serez alors en mesure de comprendre ce dont je parle. Mais que se passera-t-il après que vous avez accepté d’écouter mes discussions ? Le pot va éclater, il va se fissurer.

Rituellement, pendant l’incinération du corps, le fils doit allumer le feu ; puis, nous prendrons un pot en terre, rempli d’eau, et nous le mettrons dans un petit trou que nous aurons fait ; puis le fils se déplacera autour de ce bûcher funéraire mais dans une « mauvaise » direction. Normalement, la rotation consiste à maintenir à droite la chose, en se déplaçant dans le sens des aiguilles d’une montre [et de la marche cosmique], mais ici, l’objet est maintenu à gauche, donc le fils se déplace dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Après quelques trois circumambulations, il jettera le pot de terre à l’arrière [du bûcher funéraire], et non à l’avant, et il continuera à chanter. 

Ainsi, lorsque vous viendrez ici, vous serez vous- même « brûlé ». Quelle que soit votre identité, quelle que soit l’idée que vous vous faites de vous-même, vous serez brûlé [par le feu de la connaissance]. Aimeriez- vous ce type de connaissance, celle que j’expose ici ? Cet amour d’« être », cette conscience, non sollicitée, spontanée, elle est venue – sans raison. Et depuis lors, elle s’occupe de toutes les activités. Toutes ces activités mon- daines ne sont dues qu’à cela, l’amour de soi, l’amour d’« être ». Mais l’amour de soi n’est pas réel. Il ne peut pas être éternel, c’est une phase passagère. Toute cette connaissance, en dernière analyse, n’est d’aucune utilité. Puisque vous allez abandonner cette même conscience, finalement ce que vous avez entendu ici n’est d’aucune utilité. Parce que la connaissance n’est innocente que dans le domaine de la conscience.

Mais après avoir entendu ce que j’ai dit, si vous le gardez en mémoire et en raison de votre association avec cette connaissance, une nouvelle connaissance va égale- ment germer en vous. Tout cela n’est pas vraiment utile. Mais il n’y a qu’une seule utilité : vous pouvez faire étalage de votre savoir devant les masses ignorantes, et vous aurez une chance de devenir un guru.

Avec la connaissance que vous aviez au départ – celle que vous avez entendue au départ et celle qui a germé en vous –, lorsque vous comprendrez et réaliserez enfin tout cela, vous arriverez certainement à la conclusion que tout ceci est irréel, inutile. Néanmoins, ayant réalisé cela, vous aurez une certaine stature dans le domaine de la spiritualité et les gens afflueront vers vous, écouteront ce que vous dites. À ce stade, quoi qu’il vous arrive, vous pouvez tout simplement l’effacer. Car pour les masses ignorantes, ce sera une connaissance profonde. Mais dans ce « marché », ce qui se passera, c’est que vous serez élevé à une très haute stature : celle de guru. Alors, attention !

L’acquis principal, le seul capital primaire que toute chose possède, n’est que cela : le sommeil profond, l’état de veille et cette petite touche de « je suis » – rien d’autre.