Question : D’accord, mais comment percevoir cette irréalité fondamentale ?
Steve : La réponse à votre question, vous l’avez sous les yeux, ou plutôt, elle vibre encore dans vos tympans. Toute cette irréalité que vous cherchez à démasquer s’est condensée dans votre question elle-même.
…Cette « chose » qui nous réunit autour de cette table de jardin, on ne peut l’atteindre en raisonnant. On y accède uniquement par un acte de conscience.
Un acte d’attention consciente, de vigilance, refluant sur lui-même.
Hélas, celui qui va se mettre à « méditer » (ou selon le bon mot de mon ami Trojani, à «merditer»), celui-là, quelle que soit la finesse de ses intuitions, va écouter sans relâche les injonctions de sa raison – et elle n’en manque pas ! Il va prêter l’oreille à la voix de la sirène, jusqu’à ce que tout se désagrège… En fait, chaque fois qu’on accomplit un acte de conscience, un acte qui va vers nous-mêmes, la raison le fait dérailler. Notre fonctionnement ordinaire, c’est la raison. Et que se passe-t-il lorsqu’on raisonne sur « je suis » ? C’est comme compulsif… Cédant à la tentation du délire, on s’autorise à se situer à l’extérieur de cet axe, de ce « maintenant » pur, et c’est reparti, le grand balayage introspectif se remet en place – et tout s’écroule.
Naturellement, ce que je suis en train de dire a déjà – sauf miracle – été récupéré par le fou qui est en nous et intégré au balayage…
Question : J’aimerais savoir, pour vous la pensée doit être anéantie ?
Steve : Nuançons, une fois n’est pas coutume. Ce qui doit être anéanti, c’est moins le moi pensant et la pensée, dans sa rive subjective, et dans sa rive objective (que, si je ne m’abuse, nous lui avons reconnue voici un moment), que notre sentiment que ces choses possèdent une existence propre, indépendante de notre moi profond, premier. Ça, c’est une autre expression du délire, de la folie profonde. Et ce n’est sûrement pas en raisonnant qu’on va réussir à consumer le voile !
Question : Vous semblez avoir désormais l’action de raisonner dans votre colimateur…
Steve : Raisonner…, il y a façon et façon. Mieux vaut bien sûr en ce domaine, une approche subtile et rigoureuse qu’un traitement mou et approximatif. Là, au moins, on porte l’hallucination à incandescence… Alors, l’intuition peut se réveiller et tout faire exploser ! De sorte qu’on pourra – enfin ! – faire ce qu’on a envie de faire : boire un café, griller une Gitane, descendre le torrent à la nage ou sur un matelas pneumatique, ou ne rien faire du tout. Enfin débarrassés de l’Être et du Non-être, du Semblable et du Dissemblable, du Un et du Multiple, du Temps et de l’Éternité, du Particulier et du Général, de tous ces grands piliers sur lesquels nous reposons ! Plus de piliers, plus de temples – cela paraît inouï – et pourtant il y a encore quelque chose !
Quelque chose comme l’essentiel.
Steve : La réponse à votre question, vous l’avez sous les yeux, ou plutôt, elle vibre encore dans vos tympans. Toute cette irréalité que vous cherchez à démasquer s’est condensée dans votre question elle-même.
…Cette « chose » qui nous réunit autour de cette table de jardin, on ne peut l’atteindre en raisonnant. On y accède uniquement par un acte de conscience.
Un acte d’attention consciente, de vigilance, refluant sur lui-même.
Hélas, celui qui va se mettre à « méditer » (ou selon le bon mot de mon ami Trojani, à «merditer»), celui-là, quelle que soit la finesse de ses intuitions, va écouter sans relâche les injonctions de sa raison – et elle n’en manque pas ! Il va prêter l’oreille à la voix de la sirène, jusqu’à ce que tout se désagrège… En fait, chaque fois qu’on accomplit un acte de conscience, un acte qui va vers nous-mêmes, la raison le fait dérailler. Notre fonctionnement ordinaire, c’est la raison. Et que se passe-t-il lorsqu’on raisonne sur « je suis » ? C’est comme compulsif… Cédant à la tentation du délire, on s’autorise à se situer à l’extérieur de cet axe, de ce « maintenant » pur, et c’est reparti, le grand balayage introspectif se remet en place – et tout s’écroule.
Naturellement, ce que je suis en train de dire a déjà – sauf miracle – été récupéré par le fou qui est en nous et intégré au balayage…
Question : J’aimerais savoir, pour vous la pensée doit être anéantie ?
Steve : Nuançons, une fois n’est pas coutume. Ce qui doit être anéanti, c’est moins le moi pensant et la pensée, dans sa rive subjective, et dans sa rive objective (que, si je ne m’abuse, nous lui avons reconnue voici un moment), que notre sentiment que ces choses possèdent une existence propre, indépendante de notre moi profond, premier. Ça, c’est une autre expression du délire, de la folie profonde. Et ce n’est sûrement pas en raisonnant qu’on va réussir à consumer le voile !
Question : Vous semblez avoir désormais l’action de raisonner dans votre colimateur…
Steve : Raisonner…, il y a façon et façon. Mieux vaut bien sûr en ce domaine, une approche subtile et rigoureuse qu’un traitement mou et approximatif. Là, au moins, on porte l’hallucination à incandescence… Alors, l’intuition peut se réveiller et tout faire exploser ! De sorte qu’on pourra – enfin ! – faire ce qu’on a envie de faire : boire un café, griller une Gitane, descendre le torrent à la nage ou sur un matelas pneumatique, ou ne rien faire du tout. Enfin débarrassés de l’Être et du Non-être, du Semblable et du Dissemblable, du Un et du Multiple, du Temps et de l’Éternité, du Particulier et du Général, de tous ces grands piliers sur lesquels nous reposons ! Plus de piliers, plus de temples – cela paraît inouï – et pourtant il y a encore quelque chose !
Quelque chose comme l’essentiel.
Extrait d'une page du site des Éditions Accarias-L'originel
8 commentaires:
J’aime beaucoup Stéphane Jourdain, son langage est un anti-langage qui balaie systématiquement ce qu'il vient de dire juste avant. Pas moyen d'accrocher, de comprendre!
Il s'exprime d'ailleurs plus facilement dans la poésie et il vide le contenu des concepts pour ne laisser qu'une nouvelle interrogation salutaire.- « lors, l’intuition peut se réveiller et tout faire exploser ! De sorte qu’on pourra – enfin ! – faire ce qu’on a envie de faire : boire un café, griller une Gitane, descendre le torrent à la nage ou sur un matelas pneumatique, ou ne rien faire du tout. » c’est tellement simple et direct
Oui... "faire ce qu'on a envie de faire : boire un café" ; j'en connais un parmi nous qui va apprécier !
oui, enfin! il va pouvoir le siroter!
Jourdain, lui il boit plus d'une cafetière de café par jour, et cela fait 40 ans qu'il grille 2 paquets de gitane par jours......
"Là, au moins, on porte l'hallucination à incandescence… Alors, l'intuition peut se réveiller et tout faire exploser !" Penser les choses jusqu'au bout, avec toute l'intensité dont on est capable, sans rien se voiler, buter de front sur les paradoxes inhérents à la pensée, sans se laisser démonter, mais rester debout face à eux, sans comprendre mais en maintenant toute l'intensité de son questionnement, c'est comme entrer dans un koan. Et alors oui, si on le fait avec assez d'intensité, la pensée elle-même vole en éclat, et révèle ce qu'elle cachait: le sujet qu'elle opposait à l'objet se découvre présent dans l'objet lui-même. C'est sortir du délire, comme le dit Jourdain, "que ces choses possèdent une existence propre, indépendante de notre moi profond, premier". Le délire que crée la pensée. Alors oui, avec lui, pas moyen d'accrocher, de comprendre. Et pourtant, ce n'est pas parce qu'il manquerait de rigueur ou de cohérence. Mais parce que ce qu'il questionne ne se trouve pas dans la pensée, mais dans sa limite.
Je n'ai pas attendu Jourdain pour le siroter ce café!sans compter le carré de chocolat qui l'accompagne!:-)
J'ai rien compris.
David
c'est exactement ce qu'il fallait comprendre (sourire).......siroter un café et grillez en une........c'est tout!
Moi j'ai tout compris, ça y est je suis heureux !
;)
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