Vous allez vous aimer les uns les autres, b*rd*l de m*r*e ?
Depuis bientôt vingt ans, j’explore le monde spirituel sous toutes ses formes : traditionnel, informel, non-duel, radical, libertaire. Et s’il y a bien une constante à travers toutes ces approches, c’est cette tendance, plus ou moins subtile, à pointer du doigt les insuffisances, les errances ou les soi-disant contradictions des autres courants. (Oh wait… ne suis-je pas en train de faire exactement la même chose ?)
C’est un réflexe bien ancré : comparer, juger, expliquer en quoi notre voie est plus pure, plus cohérente, plus efficace que celle du voisin. (Alors que tout le monde sait que la seule voie, c’est la pleine conscience du sommeil et du rêve…).
D’ailleurs, j’organise une retraite du 14 au 16 mars, et toutes les infos sont ici : https://my.weezevent.com/du-reve-a-leveil-2
Au lieu de célébrer la diversité des chemins, on érige des frontières, on protège jalousement notre territoire spirituel.
Prenons l’exemple du bouddhisme. Certains Theravādins considèrent le Mahāyāna et le Vajrayāna comme des dérives tardives du bouddhisme originel. Ils critiquent notamment la notion de nature de Bouddha, qui pourrait suggérer une essence immuable – une hérésie pour eux, car contraire à anattā (le non-soi). Quant aux rituels tantriques du Vajrayāna, ils sont parfois jugés ésotériques et trop éloignés des enseignements du Bouddha historique.
De leur côté, certains Mahāyānistes reprochent au Theravāda, qu’ils qualifient parfois de « petit véhicule » (une voiture sans permis ?), d’être trop austère et centré sur l’Éveil individuel. Ils estiment qu’en mettant en avant l’idéal de l’arhat, qui cherche principalement sa propre libération, le Theravāda néglige la compassion universelle. Mais cette critique est souvent réductrice : en réalité, le Theravāda accorde une grande importance à la bienveillance et à l’altruisme.
Dans les courants non-duels contemporains dits « radicaux », une autre opposition apparaît : la pratique spirituelle elle-même est souvent méprisée. Certains enseignants rejettent la méditation, les rituels et toute forme de discipline, affirmant que toute tentative d’atteindre un état particulier renforce l’illusion d’un chercheur et d’une quête. Pourtant, combien d’entre eux sont arrivés à cette posture après… des années de pratique ?
Et puis, bien sûr, les traditions contemplatives regardent parfois les approches psychologiques avec condescendance. La méditation, disent-elles, va bien au-delà du travail thérapeutique. Et c’est vrai. Mais en retour, certaines approches thérapeutiques accusent la spiritualité de favoriser l’évitement des blessures profondes (le fameux contournement spirituel), en cherchant à transcender ce qui mériterait d’être pleinement traversé.
Ce qui est frappant dans toutes ces querelles, c’est qu’elles reposent souvent sur des malentendus, des approximations ou des caricatures grossières. On ne critique pas l’essence d’une tradition, mais une version déformée de celle-ci. Par ignorance, souvent, car approfondir toutes les voies est impossible, mais aussi par une certaine dose de mauvaise foi.
C’est une forme d’argument de l’épouvantail : on caricature la position d’un autre pour la rendre plus facile à attaquer.
Avant de critiquer une tradition, avant de dégainer un argument bien rodé contre une école, pourquoi ne pas s’assurer qu’on a réellement compris ce qu’elle propose ? Lire ses textes fondamentaux, écouter (vraiment) ses enseignants, dialoguer avec ses pratiquants.
Au fond, toutes ces traditions partagent un même but : la libération de la souffrance, la reconnaissance de ce qui est, l’éveil (bien que chacune ait sa propre façon de définir ce que c'est).
Ce n’est pas un appel à dénaturer les traditions spirituelles dans une grande bouillie universelle, en en faisant une grande marmite où l’on mélange tout. Il s’agit plutôt de reconnaître que toutes ont pour objet de libérer de la souffrance et de voir les choses avec discernement, même si elles ne s’arrêtent pas toutes à la même étape et n’utilisent pas les mêmes véhicules.
Et dans le doute, pourquoi ne pas s’abstenir ? (ce que je ne fais pas là, mais bon) Observer en soi ce qui réagit, ce qui est heurté par telle ou telle approche, ce qui en nous a envie de dénigrer.
Cette posture permet de :
- S’orienter vers l’essentiel, au-delà des identifications superficielles.
- Ne pas s’attacher aux premières pensées et sensations qui émergent (ni aux autres)
- Cesser d’alimenter la division et l’hostilité.
- Abandonner la certitude de tout savoir.
- Cultiver l’esprit du débutant.
- Éviter de s’épuiser à répandre des stéréotypes infondés.
Finalement, peut-être pourrait-on considérer que la spiritualité n’est pas une arène où l’on doit prouver qui a raison (je pense qu'avec ce post j'ai suffisamment démontré pourquoi J'AI raison, et que je suis plus éveillé que vous bande de nazes). C’est un chemin d’exploration et de transformation intérieure. Plutôt que de renforcer nos propres biais et jugements, pourquoi ne pas écouter, comprendre et reconnaître ce que chaque tradition a de précieux à offrir ?
En cultivant cette ouverture, les enseignements révèlent leur véritable essence : celle qui transcende les étiquettes et unit les êtres dans une quête commune de vérité et de sagesse.