mardi 15 octobre 2019

• Je suis revenu à cet état où je n'avais pas de fils - Marc Avérous

Contes de la sagesse universelle

Dès notre enfance, on nous lisait des contes pour nous tenir sages ou pour nous endormir. À l'âge adulte, nous aimons toujours lire les contes et les fables. En quelques lignes, ils nous renvoient à nos premiers émois et nous nous amusent en soulignant notre folie ou notre sagesse ! Réunir des contes de sagesse du monde entier, venant de toute pensée, de toute philosophie, de toute religion ; les assembler pour qu'en sept chapitres, du bon sens jusqu'au sublime, ils nous fassent sentir le but suprême de la vie humaine, tel a été le but de ce recueil. Car dans toutes les traditions on retrouve, avec amour toujours, avec humour souvent, un enseignement qui nous conduit vers l'abandon à la Source, vers la Réalisation de ce que nous sommes. L'introduction nous avertit : « Retrouvez la Vérité immuable sous les paroles pas toujours très sérieuses de ces leçons cachées. Et ouvrez grande la porte de votre coeur ».

Biographie de l'auteur :

Marc Avérous est licencié ès-Sciences et Ingénieur chimiste de lÉcole Nationale Supérieure de Chimie de Bordeaux. Retraité après une carrière dans l'industrie et la diététique, il a étudié tout au long de sa vie professionnelle la philosophie de la médecine et appliqué avec succès pour lui et sa famille les principes dune vie naturelle.

© Extraits publiés avec 'aimable accord des Éditions Aluna :


LE RAT ET LE CANDIDAT DISCIPLE
Il était une fois un Gourou qui enseignait son disciple sur les mystères de la Vérité Infinie. Mais le disciple n'était pas préparé à recevoir ces instructions, non plus qu'à écouter et à comprendre son maître.
Le Gourou était assis, appuyé contre un mur, et le disciple, également assis, lui faisait face. Dans le mur, il y avait un trou de rat. 
Pendant que le maître parlait, un rat montait lentement vers le trou, et le disciple, distrait par le spectacle, concentrait son attention sur le mouvement de ce rat, fortement intéressé par ce que l'animal allait faire.
Il était presque rentré dans le trou, sa queue seule était maintenant visible. Alors le Gourou, s'apercevant que le disciple ne prêtait aucune attention à son enseignement, lui demanda :
- Est-ce que vous avez suivi ce que je vous ai dit ? Est-ce que c'est bien rentré dans votre tête ?
Une réponse vint spontanément aux lèvres du disciple :
- Oui, il n'y a que la queue qui n'est pas encore rentrée.
  Origine indienne    

        TOUT  PAREIL
Un homme dont le nom était Wou, et qui habitait Wei, avait perdu son fils. Il n'en concevait apparemment aucune douleur.
L'intendant de sa maison lui dit :
- Personne au monde n'aima jamais son fils plus que vous ; maintenant qu'il est mort, vous  ne montrez aucune tristesse. Comment cela est-il possible ?
Wou répondit :
- Avant sa naissance, je n'avais pas de fils, et je vivais heureux. Aujourd'hui, mon fils est mort ; je suis revenu à cet état où je n'avais pas de fils. Pourquoi donc voudrais-tu que je sois malheureux ?

Lie-Tseu VI 14.q
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  L'argument de Lie-Tseu est d'une intelligence absolue. Un peu froide ? Peut-être. Il faut lire alors, dans le même esprit, mais avec tellement plus de tendresse, les paroles de Tchouang-Tseu écrites après la mort de sa femme :

La femme de Tchouang-Tseu étant morte, Houei vint lui présenter ses condoléances selon l'usage, mais il trouva Tchouang accroupi, chantant, et battant la mesure sur une écuelle. Choqué, Houei lui dit :
- Que vous ne pleuriez pas la mort de celle qui fut la compagne de votre vie et qui vous donna des enfants, c'est déjà singulier, mais que vous chantiez en battant l'écuelle, c'est trop fort !
- Pas du tout, répondit Tchouang-Tseu. Au moment de sa mort, je fus très affecté, et je pleurais. Mais réfléchissant, je compris mon erreur. Car il fut un temps où elle n'était pas née ; et non seulement elle n'avait pas la vie, mais elle n'avait pas de corps ; n'ayant pas de corps, elle n'était pas même un souffle.
Ainsi quelque chose d'insaisissable se transforme en souffle, le souffle en forme, et la forme en vie. Et la vie se transforme en mort. Ces phases s'enchaînent comme la succession des quatre saisons de l'année. En ce moment, ma femme repose dans le grand dortoir, attendant une autre transformation. Si je me lamentais en sanglotant, cela signifierait que je ne comprends pas le jeu du Destin. Mais puisque je l'ai compris, je chante.

Tchouang-Tseu, XVIII