Question : Bonjour Francis,
Certains enseignants affirment que l'illumination est une transition énergétique et que l'enquête sur le soi ou la méditation n’ont pas le pouvoir de libérer cette tension qui accompagne la croyance d’être une personne séparée. Ils disent que ce sont des voies qui vont jusqu’à renforcer le sentiment de séparation.
Qu’en pensez-vous ?
Francis Lucille : Il y a en fait plusieurs voies.
L'une d'entre elles est l’Advaïta, c’est la voie classique des Rishis, d’Ashtavakra, Janaka, Gaudapada, Shankara, Ramana Maharshi, Atmananda Krishna Menon, Ramakrishna, Jean Klein, Robert Adams, Robert Linssen, Wolter Keers, parmi tant d’autres : elle consiste en l’écoute de la Vérité dans la présence physique du gourou, en l’enquête du Soi, utilisant la raison haute et la discrimination entre le réel et l’irréel, entre le Percevant et le perçu, et débouche ensuite sur la méditation qui culmine dans l’expérience du Soi.
C'est durant et à l’issue de cette étape que les résidus d'ignorance accumulés dans le corps sous la forme d'attitudes et de schémas dynamiques sont libérés. L'investigation conduit à des aperçus de la Vérité ; nous sommes laissés à chaque instant dans un état d'ouverture qui permet le relâchement des tensions chroniques et semi-conscientes qui perpétuent l'illusion d'être une entité séparée.
Une autre voie est celle du Bouddha, la voie directe, celle de l'Ecole de l'Eveil Soudain, la voie de Bodhidhama, Hui Neng, Huang Po, Hui Hai, Lin Tsi, Wei Wu Wei parmi d’autres : écoute du Dharma de la bouche même du maître, méditation en sa présence jusqu'au premier éveil à « notre visage originel », samadhi qui est suivi de beaucoup d'autres, en nombre aussi grand « qu'il y a de grains de sable sur les rives du Gange » (Huei Neng).
Chacune de ces reconnaissances instantanées de notre nature de Bouddha laisse le disciple dans un état d'ouverture qui permet le relâchement des tensions physiques liées à l'ignorance, jusqu'à ce que toute distinction entre le soi et le non-soi soit abolie.
Une autre voie encore est la voie christique : « je suis » est la voie, la Vérité et la Vie. Personne n’accède au Père (l'Absolu) sauf si ce n’est par le « je suis ». C'est la version chrétienne de la quête du soi qui mène à la « paix qui dépasse l’entendement », une paix dans laquelle on est « tranquille et l'on connaît celui qui " est " ». Dans cette paix, toutes les tensions du corps sont relâchées, le corps devient un « corps glorieux », un corps baptisé ou « christique » (c'est-à-dire oint, en grec ancien) par la lumière de la Présence.
Une autre voie est la voie du Soufi, la voie d'Hallaj, de Rûmî, Hafiz, Ibn Arabi, Sheikh Abd el Kader et beaucoup d'autres : il n’est rien si ce n’est Dieu.
Permettant au corps de se dissoudre dans Sa Présence, l’amant de l’Absolu s'abandonne au parfum de sa propre absence.
Il y a encore bien d'autres voies.
La clé qui les ouvre est l'Amour.
Francis
Traduit de l'anglais par Stéphane Badach et Francis Lucille.