mercredi 27 avril 2022

• La neige s’amoncelle sur le plateau d’argent - Françoise Lesage

 

Ce livre répond à la question suivante : quand les temps sont durs, et que les ressources deviennent rares, comment rester concentré  sur la dimension spirituelle de notre vie ? Comment maintenir l’harmonie avec les autres ?

Se concentrer sur l’essentiel, partager avec les autres les précieux aliments, voici en peu de mots le cœur de l’enseignement de Fuyo Dokai. Ce moine zen de la Chine médiévale, pour avoir refusé les honneurs de l’Empereur, fut obligé de se cacher dans les montagnes arides. Bientôt entouré par une communauté grandissante de disciples, il résolut de garantir l’autonomie et l’harmonie au sein de cette microsociété. Ce maître charismatique écrivit alors le Gion Shogi, les règles authentiques de la transmission, traité où se lit l’évocation d’une sagesse sauvage.

Les propos de Françoise Lesage actualisent ce texte dans le contexte de notre société. Enseignante zen de longue date, elle fait émerger la profondeur du Gion Shogi, tout en ajoutant une note complémentaire. Face au moine sauvage de la Chine médiévale, se tient une nonne qui pratique le Zen depuis 43 ans.

Extrait publié avec l'aimable accord des Édtions L'Originel - Charles Antoni :

Obscurité et lumière

Je cache la clarté quand approche l’obscurité, et l’obscurité quand approche la clarté, et quand elle vient des quatre coins et des huit directions de l’espace je l’attaque comme un vent furieux, et quand elle quitte le ciel vide je la chasse avec un balai : ding, ding, ding...

Lumière et obscurité ! Une expression des plus commune de la dualité : lumière, on pense illumination, et obscurité, celle de notre ignorance. Oui mais voilà, assis en zazen nous sommes entrés dans la chambre du maître, dans la non-séparation. Et il existe d’autres compréhensions de cette dualité. La lumière, c’est aussi ce qui permet les discriminations, ce qui fait voir toutes les différences. Dans la lumière-vigilance, on voit tous les détails, et alors comment ne rien distinguer, opposer !

L’obscurité, elle, efface toutes les différences, efface nos certitudes, on ne reconnaît plus rien. Tout est unifié dans l’obscurité. Lumière, obscurité, les deux faces de l’unité, non opposées.

Un autre moine a écrit ce poème (Sekito dans le Sandokai) :

Dans l’obscurité existe la lumière,
Ne regardez pas avec une vision obscure. Dans la lumière existe l’obscur,
Ne regardez pas avec une vision lumineuse.

Obscurité et lumière se renvoient l’une à l’autre. Elles ne sont pas identiques mais se complètent. Dans l’obscurité, dans l’indifférenciation des choses, nous pouvons percevoir la lumière, l’unité. Finalement c’est discerner avec un autre sens que celui de la vue, développer une intuition profonde de ce qui nous entoure, là où il n’est pas utile de séparer, de juger, de classer. Dans la lumière ne regardons pas avec une vision lumineuse et là où les différences apparaissent ne créons pas de séparation. Dans l’obscurité, ne nous égarons pas dans une vision obscure et gardons le cap, celui qui nous a fait mettre en chemin, ne laissons pas la peur nous enfermer dans ses apparences. Osons frapper à la porte du maître.

La neige s’amoncelle sur le plateau d’argent, dans la lumière de la lune (Hokyozanmai de Tozan).

C’est un autre poème d’un grand maître : tous ces blancs paraissent semblables mais ils ne sont pas identiques. Toutes ces différences se marient harmonieusement. C’est cela ne pas regarder avec une vision lumineuse, voir ensemble et ne pas séparer, entrer dans le paysage, entrer dans le tableau !

Quand la clarté vient des quatre coins et des huit directions, je l’attaque comme un vent furieux, et quand elle quitte le ciel vide je la chasse avec un balai : ding, ding, ding.

Ce vent qui habite Fuyo Dokai dissipe toute classification, éparpille tous nos jugements, comme un grand coup de balai, dissipe toutes nos illusions, nos discriminations. Alors on peut entendre résonner le son clair de la connaissance dans cette apparente fureur.

Entrer dans la chambre du maître, c’est cela, renverser nos certitudes sans se déjuger, parce qu’il n’y a pas de jugement. Avancer dans l’inconnu obscur vers cette unité insaisissable, qui nous échappe comme le vent furieux. Perdre toute idée de maîtrise pour entrer simplement dans l’unité de soi et du monde. Là est la source de la Voie.

Chez le même Éditeur :

La réalité est un concept à géométrie variable, de Gilles Farcet :

Quand l’exercice de la rétrospective s’ancre dans le moment présent... Voici le témoignage du cheminement d’un être-heureux qui voit en quoi il ne sera jamais complet. Face à la vie, il ne reste que l’humilité devant l’inconnu.

Une question centrale de ce livre est la quête du bonheur. L’auteur se considère heureux, malgré les souffrances qu’il traverse en tant qu’être humain. Est-ce vraiment le bonheur ? Pas exactement, car le bonheur est un sentiment éphémère. Être heureux signifie se sentir vivre, respirer – sentir que la vie est plus grande que l’ego.

Le libre arbitre est une deuxième interrogation essentielle. Faut-il suivre les circonstances de la vie ou faut-il frayer son chemin à contre-courant ? L’auteur décide de suivre les circonstances et retrouve dans ce champ une capacité à orienter sa vie. «Une force le rappelle à l’intimité de son être – il habitait avec lui-même et en était positivement ravi. »

À l’issue de cette maturation spirituelle, l’auteur vit aujourd’hui à la campagne, entouré de gens qui l’écoutent et suivent ses conseils. Est-ce qu’il est éveillé ? Oui, au fait que l’être-heureux n’est pas un abri contre la morsure du monde. Quel conseil peut-il donner ? Se lever tous les matins, faire de son mieux, être soi-même, être naturel. 

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Sol vivant, parole vivante, vision d’un permaculteur zen, de Raimund Olbrich

Comment sortir des crises qui bouleversent le monde et renouer avec une vie authentiquement humaine ? Quel équilibre nouveau peut-être trouvé pour vivre en accord avec la nature ?

Permaculteur et moine zen, Raimund Olbrich répond dans ces entretiens aux grandes questions de notre temps.

Face aux périls environnementaux, il propose une voie de simplicité et d’action, pour retrouver la maîtrise de nos activités et les rendre enfin porteuses de sens. Il s’agit de vivre proche de la nature en assumant la responsabilité actuelle de l’homme : régénérer le vivant. Sa longue expérience de la méditation donne à ses réflexions une originalité et une profondeur d’une rare justesse. Parce que le monde extérieur est un reflet de notre monde intérieur, l’auteur propose un retour à la terre qui ne se limite pas à la seule dimension matérielle. Ces paroles expriment qu’en dépit des apparences, la crise n’est pas inéluctable mais l’occasion pour chacun de mettre en œuvre ici et maintenant des changements libérateurs.