N'embrassant pas l'agitation de nos pensées et de nos sentiments, notre soi ou être essentiel est intrinsèquement paisible. Tout comme l'espace d'une pièce ne peut être agité par les gens ou les objets qui l'occupent, rien de ce qui se produit dans l'expérience ne peut perturber notre être. Dénué de tout sentiment de manque qui lui soit propre, notre être est, par nature, plénitude. Il n'a pas besoin d'être complété par l'expérience, de même que rien de ce qui compose un film ne peut ajouter ou enlever quelque chose à l'écran.
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Ainsi, l'illumination ne constitue pas en soi une expérience nouvelle ou extraordinaire à atteindre ou à obtenir. Elle consiste tout simplement en la révélation de la nature originelle de notre soi ou notre être. Rien ne pourrait être plus familier ou plus intime que notre être, raison pour laquelle nous avons le sentiment de rentrer à la maison. Dans la tradition zen, on parle de la reconnaissance de notre visage originel.
Il n'y a rien d'exotique ni de mystique dans l'éveil. Il s'agit simplement de la reconnaissance de
ce que l'on a toujours connu — de ce qui est en fait toujours connu jusqu'à ce que l'expérience
vienne le brouiller.
Personne ne devient illuminé. Notre être est tout simplement délivré d'une limitation imaginaire,
à la suite de quoi, sa condition naturelle de paix et de bonheur rayonne.
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Toutes les pensées, tous les sentiments surgissent et s'évanouissent, quel que soit leur contenu - plaisant, déplaisant, ou neutre. Même nos sentiments les plus intimes et les plus précieux ne sont pas toujours présents, et une chose qui n'est pas toujours avec nous ne peut nous être essentielle.
C'est la raison pour laquelle il n'est jamais nécessaire de manipuler ou de se débarrasser d'une pensée ou d'un sentiment. Il suffit tout simplement de voir avec clarté que notre soi ou être essentiel précède tous sentiments et toutes pensées, et qu'il en est indépendant. Nul besoin donc de rendre à notre soi essentiel son indépendance par le biais d'un effort ou d'une quelconque pratique. Il est toujours et déjà intrinsèquement libre. Il nous suffit de reconnaître cela.
On pourrait comparer cela au moment où nous nous déshabillons le soir pour aller nous
coucher. Nous ôtons tous nos habits jusqu'au dernier et nous nous retrouvons le corps nu. La
nudité de notre corps n'est pas créée à chaque fois que nous quittons nos vêtements, elle est
simplement révélée.
Pas plus que nous ne devenons un corps nu à chaque fois que nous ôtons nos vêtements. Notre
corps nu est présent tout au long de la journée même si nous n'y pensons pas puisqu'il est
recouvert par des couches de vêtements.
Nous retournons à la nudité de notre être de la même façon. En fait, nous ne retournons pas à
notre être car nous ne l'avons jamais vraiment quitté. Notre être ne se quitte jamais lui-même.
Nous emportons notre être où que nous allions. Il est présent dans toutes nos pensées, nos
sentiments ou nos activités.
Simplement, nous "quittons nos vêtements". Autrement dit, nous voyons clairement que notre
être sous-tend ou se cache derrière toute expérience.