Après Luis Ansa, la voie du sentir et Le bonheur quoi qu'il arrive, Propos fulgurants d'Armelle Six, voici le nouveau livre de Robert Eymeri.
Et s'il était possible d'être réellement en paix, de ne plus entrer en conflit ou en résistance avec les situations que l'on vit ? Et si chacun d'entre nous pouvait être une "porteuse" ou un "porteur" d'amour ?
Une spiritualité authentique se réactualise toujours en fonction des spécificités de son époque. Aujourd'hui, les approches masculines sont obsolètes, il n'est plus besoin de se mortifier ou de se faire la guerre car il n'existe aucun ennemi en nous. Le corps, l'émotion, la pensée sont en réalité nos alliés sur le chemin de la liberté si l'on sait se mettre à leur écoute. Il s'agit désormais de se réconcilier avec soi-même car c'est à partir d'une attention libre de toute tension que l'on peut s'ouvrir à ce qui, en nous, est plus grand que nous.
À travers ce livre, l'auteur présente les caractéristiques d'un travail intérieur actuel, tout en faisant quelques liens avec notre héritage chrétien et plus particulièrement avec sa dimension féminine incarnée par Marie, parce qu'elle vient nous enseigner qu'un processus de conscience est aussi un processus de gestation et d'enfantement.
Ce livre sensible, témoignage d'un authentique chemin spirituel, est un appel intérieur vers l'Être et l'énergie puissante de l'amour.
Robert Eymeri, psychologue clinicien et écrivain, a été le premier directeur des éditions du Relié. Il a déjà publié Luis Ansa, la voie du sentir aux Éditions du Relié en 2015 et Le bonheur quoi qu'il arrive, Propos fulgurants d'Armelle Six aux Éditions Almora en 2016 (Prix Alef 2017). Après avoir suivi l'enseignement de Jean Klein et de Luis Ansa, il transmet aujourd'hui les éléments d'une spiritualité à la fois sensitive et profondément respectueuse de notre humanité.
© Extraits publiés avec l'aimable accord des Éditions Almora :
© Extraits publiés avec l'aimable accord des Éditions Almora :
INTRODUCTION
C’est avec des livres, vers l’âge de quinze ans, que j’ai commencé à faire mes premiers pas sur le chemin. J’ai rencontré l’enseignement de Gurdjieff, celui de Jésus, celui aussi extraordinairement riche de l’Orient. Puis il m’a fallu un guide et je me suis engagé durant une dizaine d’années auprès de Jean Klein qui fut mon premier maître dans les pratiques de la voie directe.
Lorsque Jean Klein partit vivre aux États-Unis, j’ai rencontré et suivi différents enseignants de différentes traditions puis je suis tombé amoureux de cet « art du sentir » que proposait Luis Ansa et qui était pour moi si sensible, si libre et si féminin. Je suis resté une vingtaine d’années auprès de cet homme jusqu’à ce moment où, sa main dans ma main, il rendit son dernier souffle et quitta ce monde.
Sur ce chemin, il y eut également des chocs comme ceux que je reçus en face de Ma Ananda Mayi, de Krishnamurti ou du maître soufi Hassan Dédé de la lignée de Rûmî. Il y eut encore des rencontres et des amitiés avec des enseignantes et des enseignants contemporains qui me marquèrent chacun à leur manière. Puis un jour, une évidence s’imposa, l’attention se tourna vers elle-même et la liberté intérieure fut reconnue. Commença alors l’approfondissement et l’agrandissement de cette liberté à toutes les situations, à toutes les relations. En réalité, commença l’acceptation et la célébration de la vie ordinaire.
Jean Klein et Luis Ansa m’ont montré l’essentiel. J’ai ensuite cheminé par moi-même, réinventé ce qui avait été reçu afin de trouver mes propres mots et ma propre forme pour énoncer la joie qu’il y a à être là, à vivre dans la présence. Cette école du féminin par laquelle Luis Ansa m’a fait passer, cette écoute de l’écoute que j’ai apprise auprès de Jean Klein, m’ont naturellement préparé à vivre dans l’ouverture et dans cette ouverture un regard nouveau s’est posé sur mon héritage culturel et religieux.
Un soir d’hiver, je suis entré en résonance avec cette grande figure féminine que l’on appelle Marie. Dans la mystique chrétienne, Marie n’est pas seulement la mère de Jésus, elle est celle qui enfante la conscience christique, celle qui engendre l’amour en chacun de nous, celle qui génère la grâce. Elle est cette matrice infinie qui nous met au monde dans notre humanité profonde. Plus je côtoyais cette dimension d’amour absolu, plus j’avais envie de faire des ponts entre notre héritage chrétien et les pratiques contemporaines de spiritualité.
Durant ces deux dernières années, j’ai eu l’impression que sa présence me guidait, m’inspirait, me conseillait et c’est dans cette proximité avec elle qu’un désir d’écriture est né.
Ce livre parle de la relation que l’on peut avoir avec ce qui, en nous, est plus grand que nous. Il nous invite à ne pas rester dans notre inertie, dans notre solitude, dans le monde étroit de notre mental et de notre égocentrisme. Il nous propose de sortir de la peur et de nous ouvrir à l’abondance de l’amour, un amour qui ici n’a pas de contraire et n’est pas l’opposé de la haine ; un amour qui nous apprend une autre façon d’être au monde, sans compétition, sans ennemi, sans bouc émissaire, sans victime et sans bourreau.
Nous vivons aujourd’hui une époque charnière. D’un côté, se joue une fin de civilisation avec ses violences quotidiennes, ses barbaries et ses catastrophes annoncées ; et d’un autre côté, émerge le désir d’une nouvelle humanité, plus sensible, plus respectueuse du vivant et de notre environnement. Face à cette situation, nous pouvons refuser de voir ce qui se passe et essayer coûte que coûte de continuer à vivre comme on a toujours vécu ; nous pouvons également opter pour la peur et les discours de fin du monde ; ou croire que nous sommes fondamentalement impuissants et qu’il en a toujours été ainsi. Mais nous avons aussi une autre possibilité : suivre cet appel intérieur qui nous invite à grandir, à changer de niveau de conscience pour entrer dans l’expérience de la présence.
Quand on décide de s’aventurer sur ce chemin, de devenir un « porteur d’amour » comme disait Luis Ansa, on sait que plus rien ne sera comme avant. Une nouvelle vie commence. On s’embarque dans un voyage qui n’aura pas de fin ni de frontières. En fait, ce sont les portes du Royaume qui s’ouvrent.
Mais quelles que soient nos convictions ou notre foi, le chemin implique toujours, à un moment ou un autre, un travail sur soi. On quitte alors le plan de l’érudition, de l’interprétation, de l’adoration pour se confronter à la mise en pratique de l’enseignement et à son expérimentation. C’est à cette concrétisation, à cette incarnation de l’amour, que ce livre vous invite.
Alors, par quoi commencer ? Où est le point de départ ? C’est simple. Le point de départ, c’est moi. Tel que je suis, là, en cet instant.
Robert Eymeri
Je vis à l’extérieur de moi-même
En croyant que mon bonheur dépend d’un objet que je peux acquérir ou perdre, qu’il est tributaire d’une cause extérieure, cette croyance me rend instantanément incomplet.
Il faudrait donc que je me demande si ce qui me manque peut être vraiment comblé par quelque chose de tangible, par quelque chose que je pourrais acquérir ? Tant que je n’ai pas interrogé ce sentiment d’incomplétude, tant que je ne l’ai pas investigué, je vais désirer toutes sortes de choses, faire toutes sortes de projets sans savoir, en réalité, après quoi je cours.
Lorsque je prends le temps d’examiner cette question, je me rends compte que ce n’est pas après une possession que je cours, ni après du temps libre, ni après de la considération, du pouvoir ou de l’argent ; je cours après ce qui est antérieur à tout cela, après ce qui est premier, je cours après de l’amour. Lorsque je regarde en profondeur ce qui me motive, je peux ramener tout ce que je fais à une recherche d’amour. Je veux être aimé, tout simplement. Je veux plaire pour être aimé. Je veux être riche pour être aimé. Je veux être en bonne santé pour être aimé. Même lorsque je cherche à me faire respecter, même lorsque je suis en colère, même lorsque je mens, même lorsque je me tais, c’est pour être aimé. Quant à cette voiture de marque, cette bague en or ou cette montre que je voudrais acheter, elles ne représentent finalement qu’un substitut de cet amour que je recherche.
Alors qu’est-ce qui est véritablement en jeu ? Qu’est-ce que l’amour représente pour moi ? Pourquoi en ai-je autant besoin ? Simplement parce qu’il me rend vivant.
C’est cela le grand secret : l’amour est l’essence même de la vie, il est l’arrière-plan sur lequel tout se déploie et il est en même temps ma véritable nature. Ce n’est pas un besoin émotionnel que je ressens, c’est un besoin existentiel. Je cherche de l’amour parce que je ne me sens pas pleinement vivant, parce que je vis à l’extérieur de moi-même. Par ce fait, cette recherche est en réalité un appel de moi-même à moi-même, c’est un appel à être ; j’ai la nostalgie de ce que je suis.
Si je regarde bien ce qui se passe, chaque fois que j’acquiers quelque chose, chaque fois qu’un désir est accompli, pour un très court instant, je me sens comblé, je me sens plein, je me sens libre. Parce que, dans ce très court instant, je suis libéré de l’objet et je peux me goûter. Dans ce très court instant, je me sens être. En fait, au travers des objets ou des actions, c’est ma propre nature que je cherche constamment à éprouver.
Mais tant que je vis dans cette extériorité de moi-même, tant que je cherche à m’éprouver à travers des objets, cette plénitude ne peut être que de très courte durée. Tant que je suis persuadé que l’amour est à l’extérieur, qu’il peut être obtenu, qu’il peut être acquis ou perdu, je ne peux qu’être insatisfait parce que je ne cherche pas au bon endroit. L’amour n’est pas un objet, ce que je suis n’est pas un objet.