jeudi 11 février 2010

• Satsang avec Ramesh Balsekar (seconde partie)


 REUNION CHEZ RAMESH BALSEKAR

23 JANVIER 2008

Jean-Pierre : Tout d’abord, je voulais rendre hommage à cette recherche.

Ramesh : Rendre hommage à qui ?

Jean-Pierre : A cette rencontre, à vous, en tant que « personnage impersonnel ». C’est ce que j’ai ressenti il y a cinq ans, en venant ici avec mon fils. Depuis, quelque chose en moi s’est calmé, dans mon esprit. C’est tout ce que je voulais dire. Je voudrais ensuite poser une question pour tout le monde : Qu’est-ce que la recherche spirituelle ? Pourriez-vous développer ce concept ?

Ramesh : Vous voulez vraiment savoir ? (rires). Pour moi, la recherche spirituelle, c’est être heureux. Dès la naissance, le petit enfant cherche le sein de sa mère, et ce qu’il cherche, c’est le bonheur. C’est cela, mon concept de base, quoiqu’en disent les philosophes et les autres interprètes.
Pour l’enfant nouveau-né, le bonheur c’est le lait maternel. Ensuite, l’enfant grandit, devient un écolier, et pour lui le bonheur consiste à être aimé à la maison, avoir en classe le succès qu’il souhaite, et pouvoir jouer le reste du temps. Ce sont ces trois points qui constituent le bonheur pour cet écolier.
Ensuite, lorsque cet écolier devient adulte,  il se met à rechercher le plaisir, avec l’idée qu’en poursuivant le plaisir, il poursuit le bonheur.
La plupart des gens continuent dans cette optique, poursuivant le plaisir en pensant poursuivre le bonheur. Ils vivent ainsi dans la frustration, et ils meurent dans la frustration. Il existe quelques personnes – et nous ne choisissons pas d’être ces personnes -  qui échappent par la volonté divine à ce jeu. Ce sont des personnes comme nous, raisonnablement à l’aise dans la vie, ne vivant pas sous la ligne de pauvreté, confortables avec la vie, qui savent ce qu’est le plaisir.
Pourtant, elles se sentent frustrées, parce qu’elles savent  qu’elles n’ont pas obtenu le véritable bonheur. Pour prendre un exemple, je suis en train de jouir d’un plaisir dans l’instant, je le sais, j’en suis conscient. Mais quelque chose survient, et le plaisir que je prenais s’évanouit. Si j’ai suffisamment de bon sens pour savoir que la vie signifie également la douleur, j’accepte aussi la douleur. Je suis prêt pour la douleur, je ressens cette douleur. Puis, de nouveau quelque chose survient, de la même façon que tout à l’heure, lorsque j’étais en train de jouir d’un moment de plaisir, un événement de la vie fait s’évanouir la douleur. Une autre fois, ressentant cette douleur, un autre événement survient,  l’augmentant considérablement. En considérant tout cela, je suis parvenu à la conclusion que je ne suis pas heureux à cause de cette souffrance.

Qu’est-ce que cette souffrance ? C’est l’impossibilité de jouir paisiblement du plaisir. De la même façon qu’il ne m’est pas possible de jouir du plaisir de façon continue, je ne peux pas garder  la douleur au même niveau. Quelque chose survient  qui entraîne son augmentation. C’est là le point central.

Le bon sens nous dit que nous devons vivre notre vie là où les circonstances nous ont placés. On reconnaît que la vie, cela veut dire quelquefois du plaisir et quelquefois de la douleur. Je suis donc bien obligé d’accepter que de temps en temps il y ait du plaisir et de temps en temps de la douleur.  Le problème, c’est qu’on ne me laisse pas jouir de mon plaisir en paix, et je ne peux pas éprouver une douleur, sans que quelque chose survienne pour l’accroître.

Quelle est donc cette puissance qui parfois fait évanouir mon plaisir et parfois fait que  la douleur que j’étais en train de supporter s’accentue ? Si je pouvais m’en débarrasser, je connaîtrais le bonheur. Je suis parvenu à la conclusion que je ne savais pas de quoi il s’agissait, pourquoi cela se produisait comme cela. Puis, continuant à y penser, j’en ai conclu que ce qui avait le pouvoir de faire évanouir mon plaisir ou d’intensifier ma douleur était le souvenir de quelque chose que j’avais fait à quelqu’un pour le blesser.

Par exemple, j’ai fait quelque chose sans avoir l’intention de blesser mes parents, mais le résultat de mes actions n’a jamais été réellement sous mon contrôle. J’ai fait quelque chose pour apporter du plaisir à mes parents, mais il en a résulté qu’ils ont souffert. Si bien qu’ils ont pensé que j’avais agi intentionnellement pour les blesser, et ils ne me l’ont jamais pardonné. D’une façon similaire, j’ai découvert ce que quelqu’un de très proche m’avait fait, qui m’avait blessé. Cette personne a essayé de m’expliquer qu’elle ne cherchait pas à me faire du mal. Mais je n’ai pas été capable d’accepter ses explications, et je ne lui ai jamais pardonné son acte. Ainsi, ce qui avait le pouvoir d’effacer mon plaisir ou d’augmenter ma douleur était un souvenir, la mémoire de quelque chose que j’avais fait à quelqu’un ou quelque chose que quelqu’un m’avait fait.
J’avais donc cerné le problème. La question était maintenant : Comment s’en débarrasser ? Pour faire court, si je ne voulais pas que mon plaisir soit constamment menacé par cette puissance, ou que ma douleur puisse être augmentée de façon considérable, il n’y a qu’une seule chose à faire.

C’est le concept de base. Tout dans la vie, survient par la volonté divine et la loi cosmique. Tout ce qui survient, survient au travers d’un corps mental. Ce qui survient à travers ce corps mental, la société va le considérer comme étant mon action, ou l’action de quelqu’un.  Pas plus que l’être humain n’a de contrôle sur l’action qui provient de lui, il n’y a de contrôle sur le fait que la société considère cela comme étant son action. Cela aussi provient de la volonté divine ou de la loi cosmique. La façon dont chaque survenue va affecter les uns ou les autres, cela aussi échappe à tout contrôle. Cela aussi dépend de loi divine, de la loi d’équilibre cosmique. La base de ce que nous appelons la vie, la manifestation, c’est la dualité. Cela commence par le mâle et la femelle, et de cette dualité toutes les dualités possibles et imaginables  se déploient. Tout ce qui arrive survient au travers de la loi divine ou l’équilibre cosmique. Une action survient à travers moi, et la société va la considérer comme étant ma propre action. Quelque soit l’action qui survienne, à travers quelqu’un ou d’une façon naturelle, elle sera soumise à cette dualité. Elle sera bénéfique pour certains et mauvaise pour d’autres. Par exemple une maladie survient, il y a beaucoup de gens qui en souffrent et d’autres s’enrichiront grâce à elle.

Lorsque les tours jumelles se sont effondrées, lors de cet évènement infâme du 11 septembre, mon épouse et moi-même l’avons vu en direct à la télévision, et notre réaction a été l’horreur et la colère. Mais ce qui m’a frappé, c’est que pour ceux qui avaient planifié et fait cela, et qui le voyaient également la télévision, c’était une joie. Ils devaient tomber à genoux en remerciant Allah. Même un évènement aussi terrible en horrifiera certains, alors que d’autres y trouveront une grande joie. On peut observer cette dualité à l’œuvre.

Par conséquent, mon concept fondamental est que tout est une survenue dictée par la loi divine ou la loi cosmique. Le fait que cette action survienne à travers mon corps où le corps de quelqu’un d’autre, ou que la société considère cette action comme ma propre action, correspond également à la loi divine. Le fait  que cette action en aidera certains, et ira à l’encontre des intérêts d’autres, cela aussi est dicté par loi divine ou la loi cosmique.

La conclusion finale est que l’être humain est totalement incapable d’être l’auteur de quelque action que ce soit. L’individu par lequel survient une action n’a aucun contrôle sur celle-ci. La mécanique de la vie ordinaire, de la vie quotidienne, cette mécanique qui signifie la source ou Dieu, à chaque instant, engage une action à travers un instrument qui est ce corps mental.

En conclusion, chaque être humain est une sorte de robot, à travers lequel Dieu fait survenir des évènements, qui en aident certains et en blessent d’autres. Mais il faut bien voir que ceux qui sont aidés où ceux qui sont blessés sont également des robots. Si ce robot particulier à la capacité d’accepter ce fait, cela signifie pour moi le bonheur. Voir que je ne suis responsable en rien, pour rien, c’est cela le bonheur.

Mais la plupart des robots sont incapables d’accepter leur nature de robots. Ils considèrent les actions comme étant le propre de ces robots, et donc en aiment certains et en détestent d’autres, oubliant que chacun d’entre nous n’est en fait qu’un robot. Ceux d’entre ces robots qui sont capables, par la volonté divine, d’accepter qu’ils soient des robots, deviennent illuminés, deviennent heureux.

Et qu’est-ce qu’être illuminé ? C’est être heureux. C’est là encore un point que je développe. Qu’est-ce que l’illumination ? Si quelqu’un est illuminé, qu’est-ce que cela lui apporte ? Cela lui apporte le bonheur. Qu’est-ce que le bonheur ? C’est la paix de l’esprit. Qu’est-ce que la paix de l’esprit ? C’est ne jamais être inconfortable avec soi-même ni  avec les autres. C’est être à l’aise avec soi et avec les autres. Je ne peux absolument pas contrôler le plaisir ou la douleur qui vont survenir dans l’instant. Ce plaisir et cette douleur que je dois accepter sont le résultat d’une série de survenues créées par Dieu à travers ce corps mental, que la société considère comme étant ses actions propres, et juge bonnes et mauvaises. Elle me récompensera ou me punira pour ces actions. La récompense pour ce robot signifie plaisir, et la punition pour celui –ci signifie douleur.

Un robot est un robot. Qu’est-ce qui fonctionne à travers le robot ? Qu’est-ce qui fonctionne à travers tous les robots au monde ? Dieu fonctionne à travers tous les robots à la surface la planète. Il fait survenir ce qui est censé survenir à travers tel ou tel robot particulier. Le robot ne peut faire l’expérience de quoi que ce soit, c’est Dieu ou la source qui fait l’expérience. Cette source ou Dieu qui induit une action à travers un robot particulier, une action qui entraînera  plaisir ou douleur. Quelqu’un qui voit ce mécanisme pour ce qu’il est n’est pas particulièrement joyeux du plaisir et n’est pas particulièrement malheureux de la douleur. Mais il y a très peu de robots à qui a  été donné ce privilège. La plupart des robots estiment qu’ils leur est infligé une douleur pour quelque chose qu’ils n’ont jamais fait, ou qu’ils n’ont pas eu l’intention de faire. Et ils s’en plaignent, ils considèrent cela comme une sorte d’injustice. C’est cela la souffrance dans la vie de cet homme robot. La vérité est que Dieu ou la source induit l’action qui entraînera plaisir ou douleur. Dieu ou la source va faire l’expérience à travers ce corps robotique. Par conséquent, la conclusion la plus importante est qu’il est totalement stupide qu’un quelconque robot en blâme un autre, pour quelque chose qu’il ressent. Pas quelque chose qu’il a fait advenir, mais quelque chose qui arrive à travers lui. C’est là tout le mécanisme de la vie ordinaire.

L’illumination équivaut donc à la paix de l’esprit. Cette paix de l’esprit dépend totalement de mon acceptation du fait que je suis un robot à travers lequel Dieu ou la source induit des actions ou ressent des actions, et que les autres sont également des robots. Toute la souffrance humaine est fondée sur la haine que quelqu’un éprouve pour un autre, pour des choses qu’il imagine que l’autre lui a fait, ou pour lui-même, ou pour des choses qu’il s’imagine avoir fait. L’acceptation profonde, totale que l’être humain n’est qu’un robot à travers lequel des actions se produisent, le fait de voir que personne n’a le pouvoir de blesser quelqu’un d’autre, ni celui de vous blesser vous-même, équivaut à la paix de l’esprit.

Nous devons vraiment accepter ce qui arrive instant après instant, comme étant notre destinée et la volonté divine ou la loi cosmique ; sans porter le blâme sur quelqu’un d’autre ou sur nous-mêmes.  Malheureusement, le fait d’être à l’aise avec moi-même et avec les autres a été décrit comme une chose extraordinairement difficile à obtenir. Cette illumination est censée être une félicité, une béatitude particulière. De ma propre expérience, cette béatitude que je suis supposé attendre revient tout simplement à être dans la paix de l’esprit, c’est-à-dire à l’aise avec moi-même et avec les autres. Ma suggestion c’est oublier tout cela, oublier l’illumination et laisser la vie être.

Jean-Pierre : Merci (rires).

Ramesh : Ce que je veux dire par là, c’est que ce concept d’illumination, qui a été tellement chargé, est vraiment quelque chose de simple. C’est la bonne blague à ce propos, mais elle est tragique parce que des gens en souffrent. Dans l’état d’éveil, la situation n’est pas différente que dans le rêve. C’est le même esprit qui projette le même rêve. Le rêve ou la vie éveillée sont la même chose. C’est le même esprit qui rêve ou qui projette le rêve de la vie éveillée. La seule différence est que dans le rêve, il n’y a pas de conscience de cela ; alors que dans le rêve de la vie éveillée l’esprit a conscience de ce rêve. Mais c’est le même rêve, la même qualité de rêve, que ce soit la vie éveillée ou le rêve dans le sommeil. J’ai lu cela, et cette simplicité m’a fait venir des larmes aux yeux. La blague tragi-comique, c’est que chacun d’entre nous sait cela, parce que dans le sommeil profond, il n’y a ni rêve rêvé, ni rêve éveillé. Le matin quand nous nous éveillons, nous nous éveillons au rêve éveillé, nous nous endormons au rêve de la nuit. Lorsque  nous sommes dans le sommeil profond aucun rêve n’existe. Donc, réellement, nous n’existons que dans le sommeil profond.

Je précise que ce qui vient d’être dit ce matin est totalement spontané, n’a pas du tout été pensé ou répété à l’avance. Qui parle ? Est-ce Ramesh qui parle ? Ou bien est quelque chose qui survient à travers le robot Ramesh ?

Marie-Thérèse : J’ai une question qui me préoccupe à propos de la simplicité. Je peux la traduire en prenant un exemple parce que j’ai été élevée dans la religion catholique. Cela concerne la parabole des talents.
Lorsque je viens au monde, je suis un robot mais je viens avec une certaine somme de capacités. La parabole des talents évoque ce que je fais de ce qui m’est donné.

Ramesh : Quoique fasse un robot, ce qu’il fait est fonction du script divin. Aucun acteur ne peut dire quelque chose sur scène qui ne figurait auparavant dans le script. Chacun d’entre nous joue un rôle fait par Dieu. Tout ce qu’ils disent et tout ce qu’ils font est fait en accord avec le script divin.

Marie-Thérèse : J’ai du mal à accepter cela.

Ramesh : Je vais vous dire pourquoi il n’est pas difficile d’accepter cela. La difficulté, c’est que vous pensez que c’est vous qui faites l’action. Mais c’est Dieu qui joue tous les rôles.

Une fois j’ai vu un acteur vraiment brillant, il jouait cinq rôles dans la pièce. Il faisait quelque chose, puis s’éloignait, se changeait un peu et reprenait un autre rôle, et il parlait. Il y avait cinq endroits sur scène où il allait alternativement en prenant cinq rôles différents. C’était formidable. Avec un tout petit changement, il est arrivé à jouer le rôle d’un homme ou le rôle une femme. Croyez-moi, en 10 minutes, j’avais complètement oublié qu’il n’y avait qu’un seul acteur. Un seul acteur brillant qui joue cinq rôles en même temps. Il jouait de façon si parfaite qu’il tirait les larmes du public. Il était capable de déclencher les pleurs ou les rires. Dans ces cinq rôles différents, il était tellement réel ! J’ai réalisé que si un seul acteur était capable de jouer cinq rôles différents, Dieu était bien capable de jouer six milliards de rôles.

Marie-Thérèse
: Combien de rôle j’ai à jouer ?

Ramesh : Si vous êtes Dieu vous allez jouer six milliards de rôles. (rires). Le point c’est que vous n’existez pas. Vous existez en tant qu’objet tridimensionnel, à travers lequel Dieu fonctionne. Vous êtes l’acteur d’un rôle.

Marie-Thérèse
: En parlant je comprends mes contradictions, dans le moment.

Ramesh : La difficulté que vous mentionnez, il ne faut pas oublier que c’est celle voulue et éprouvée par Dieu à cet instant même. N’oubliez pas que ce n’est pas vous qui éprouvez les difficultés. C’est Dieu qui éprouve une difficulté à travers vous. C’est le rôle que vous jouez en ce moment. D’après le script, cet acteur  n’est pas censé avoir une compréhension tellement rapide. C’est la raison pour laquelle chaque fois qu’une illumination spontanée est arrivée, la personne est humble parce qu’elle sait cela. Si vous voulez savoir si l’illumination a réellement eu lieu chez quelqu’un,  si il est un sage authentique,  c’est très simple, la moindre once d’absence d’humilité, la moindre once d’orgueil,  vous indiquera que l’illumination n’est pas là. Qui est illuminé, je ne peux pas le savoir, mais qui n’est pas illuminé, je peux le savoir très facilement. La moindre touche d’orgueil, et ce n’est pas cela.

Marie-Thérèse
: On n’a pas de devoir. C’est cela par rapport à la religion catholique où il y a la question de devoir.

Ramesh : Il y a un petit livre qui est sorti à ce propos.  Ce petit livre dit : ayez votre propre religion. Il faut que vous ayez votre propre religion.

Que vous puissiez intégrer complètement le fait que vous êtes un robot n’est pas en votre pouvoir, pour la simple raison que vous êtes un robot et que vous n’avez aucun pouvoir. Le robot se plaint d’être un robot (rires).

Marie-Thérèse : Pour une fraction de seconde que je peux voir cela.

Ramesh : Une fois que c’est arrivé, j’ai vu ça ici, lorsque l’impact survient réellement. C’est arrivé à une femme qui ne pouvait plus s’arrêter de pleurer d’une façon totalement incontrôlée, alors qu’un autre éclatera de rire sans pouvoir s’arrêter. Le robot réalisant soudain qu’il est un robot. Le moment  où cela va survenir n’est pas en son contrôle.(rires). Dieu se fait souffrir lui-même (rires).

≈≈≈≈≈≈≈

 Texte sur le départ de Ramesh

« La séparation est l’absence de l’Amour.
L’Amour est l’absence de la séparation. »


C'est le 27 septembre 2009 à son domicile de Mumbai, à 9 heures du matin, que Ramesh Balsekar quitta son corps physique.

Après une vie professionnelle qui le mena à la Présidence de la Bank of India, il rencontre à 61 ans Sri Nisargadatta Maharaj. Il reconnut instantanément en lui son Guru. Quelques mois plus tard, l'ultime compréhension s'était fait jour en lui. Quelques temps avant sa disparition, son maître lui demande de commencer à enseigner. Depuis ce temps, il n'a cessé de le faire, avec des voyages à l'étranger jusqu'au début des années 2000, puis quotidiennement à son domicile jusqu'à ces dernières semaines.
La rencontre avec Ramesh a été un moment décisif de la vie de nombreux chercheurs et à eu un impact dévastateur pour certains d'entre eux. Son esprit généreux, ouvert, sa présence pleine d'amour, et sa Compréhension spirituelle ont fait de lui l'un des véritables grands Sages du 20ieme siècle.

Tout ce qui existe est la Conscience. La Conscience est tout ce qui Est. Cette expression revenait très souvent dans ces propos. Cette répétition n'avait rien de gratuit ou de fortuit. Ramesh racontait avoir été invité un jour dans un restaurant dont la spécialité était une pomme de terre dans une coque d'argile. Le serveur vint à la table et toc, toc, toc, frappa avec un maillet sur les gangues d'argile jusqu'à se qu'elles se craquellent et s'ouvrent. Ramesh disait que son enseignement était similaire; sans relâche, toc, toc, toc, il frappe avec le même maillet jusqu'à ce que la coquille s'ouvre (la disparition du sens d'un agir personnel), et il n'y a aucun moyen de prédire combien de coups seront nécessaires.

Pour lui rendre hommage, nous vous proposons deux textes d'auditeurs français écrits peu de temps après une rencontre.
Tout d’abord, un premier texte écrit il y a quelques années, suite à une première visite.

La grande palle du ventilateur brasse l’air chargé d’eau. Dehors les choucas croassent à qui mieux mieux. Je suis en pleine forme. Le taxi cherche et recherche l’adresse comme prévu. Il y a une quinzaine de personnes dans la rue et un Indien au nom de Murthy nous prie de monter. L’appartement est luxueux pour l’Inde, nous l’apprendrons plus tard ! Ramesh arrive à 9h précise, simplement habillé de blanc.
Il est aérien malgré son grand âge. Il dévisage l’assemblée, nous repère comme nouveaux arrivants et s’adresse à nous après les présentations. (Je suis avec mon fils de 21 ans). « Qui est le père, qui est le fils ? », éclats de rires.

A cet instant précis, je comprends que ma recherche est à son terme. Ramesh développe « ses concepts » comme il dit. Sobre mais parlant tout le temps. La conversation est enregistrée. Un flûtiste s’installe et joue un merveilleux morceau puis une chanteuse entame des bhajans. Ramesh bat la mesure. Il est présent et absent. Intemporel et impersonnel, mais tellement humain. Tout semble irréel et réel à la fois. La Conscience parle à la Conscience. La magie opère. Quelques uns des habitués s’agenouillent à ses pieds pour le saluer. Tout s’accomplit normalement. Ramesh se lève, nous salue et s’en va. Nous discutons, nous désaltérons et repartons. Nous marchons dans les rues ; la foule est dense et colorée. Nous sautons dans un autobus.

La vie continue tranquille, il n’y a aucune question en moi.

Le sage prend ce qui est dans la vie et comme la vie c’est la dualité, il doit accepter les bons et les mauvais moments  à l’extérieur et à l’intérieur de lui-même. Tout le dépasse, il doit accepter cela sans combattre quoi que ce soit.

L’homme a la possibilité si celle-ci lui est donnée, de sublimer cette dualité et de rester en paix devant n’importe quelle situation. Il transcende ainsi la dualité, acceptant l’instant présent et tout ce qui s’y présente. Et cet homme à un rôle à jouer qui lui est dévoilé d’instant en instant.
J’écris une lettre à ma fille de 8 ans :

« Ma chérie,

Dieu est la totalité de tout l’univers qui t’entoure. Il t’a créée telle que.
Tu es à travers tes parents qu’il a aussi créé tels qu’ils sont.
Il n’y a rien à changer de tout cela et c’est très bien ainsi.
Il nous a donné aussi les joies et les chagrins qu’il nous faut accepter comme la vie et la mort à chaque instant.
Dieu t’aime et à travers toi il s’aime aussi.
Tu n’as rien à lui demander car il te donne la vie à chaque instant.
Tu n’as même pas à le remercier car il ne demande rien en retour.
Il n’y a rien à changer, il se charge de tout. »

Cette rencontre, je l’ai appelée de toutes mes forces et je sais intimement que le jour est venu. Je l’ai appelée celle du dernier rempart.
La seule différence entre l’homme ordinaire et le sage ce n’est pas dans la montée du désir (les désirs arrivent chez l’un comme chez l’autre), mais c’est dans l’identification et la poursuite du désir.
Le sage voit monter le désir, il ne s’y accroche pas, c’est une pensée parmi tant d’autres, c’est la conscience en mouvement. Il répond aux désirs nécessaires ; il a faim il mange, il a envie de fumer il fume, de dormir il dort. Tout va dépendre de son individualité restante.
L’homme ordinaire est emporté par le moindre désir et asservi par lui.

Je mesure combien nous avons de la chance d’être ici et je remercie Dieu de ce qu’il me donne simplement chaque jour, chaque instant.
Je m’en remets à lui, je m’abandonne.
Que sa volonté soit faite.
C’est la vie. C’est  « ma vie ».
Elle n’est pareille à aucune autre et pourtant ce n’est pas ma volonté.
Je l’accepte, je ne suis coupable de rien, ni moi ni les autres.
Ne rien combattre de tout cela.
Garder ce savoir précieux bien au fond de mon cœur.
Ne plus rien demander ni pour moi ni pour les autres.

Un Ami me parlait un jour du plus grand défi qu’il soit. Serait-il la base de rien ?

Neti Neti. Je ne suis ni ceci ni cela disait Nisargadatta

Que suis-je ?
Qui pose la question ?

≈≈≈≈≈≈≈
                             
Voici un deuxième texte écrit par une autre personne à l’issue de la visite en janvier 2008.

Un poids énorme s’est envolé.

Après plus de vingt ans de recherche spirituelle de quelqu’un (moi) voulant obtenir quelque chose (l’éveil, l’illumination), une soudaine (a)perception au contact d’évènements forts de la vie et de certains Maîtres (dont Ramesh) est survenue. Cette libération n’est pas quelque chose à acquérir, mais la disparition du sens d’un agir personnel.

Le cadre qui était le mien précédemment se fissure, se fragmente, pour laisser place à une vie simple dans le présent, où ce qui se présente est perçu, dans l’instant, pour ce que c’est, avec moins d’emprise; est ressentie l’absence d’une projection et d’une classification immédiate. Mon conditionnement, ma personnalité sont toujours là. Mais, c’est comme si prisonnier, j’étais toujours assis dans la cellule et que les barreaux et les murs se soient dissous. La vie est vécue dans l’instant, sans commentaire mécanique coupant la perception de ce moment. La vie s’écoule. Ce qui doit être fait se fait avec moins d’efforts, de résistance, de pression, de contradictions. Les situations difficiles, douloureuses, sont pleinement perçues, mais rien ne s’accroche à elles.

Tout a changé. Disparus ces moments à ressasser de façon incessante ce qui était là et n’y est plus, où à anticiper, projeter, s’angoisser pour ce qui n’est pas là mais qui pourrait survenir. Ou encore dans l’instant, cette funeste propension de l’ego à vouloir autre chose que ce qui est là.

Cette aperception momentanée, progressivement ou foudroyante d’une vie UNE et non séparée, émanation et reflets indissociée et indissociable de la Source, est libération.

La rencontre avec Ramesh et son enseignement, qui est une voie parmi toutes celles créées par la Source, a été fracassante. Ceci est une survenue, le retour à quelque chose de simple et de naturel. Et je n’y suis pour rien. 

La vérité est indicible et indescriptible. Toute parole, toute représentation de ce qui est, est purement conceptuel.
L’appréhension, la compréhension de ce qui est, est grâce absolue.

Ramesh : embrasement intérieur et fenêtre sur l'Un sans second.


Textes préparés par Jean-Pierre Guiraud et Jean-Pierre Chometon

Livres de Ramesh disponibles en français :

Editions Accarias l'Originel : Tout est Conscience ; Conscience à Conscience
Le Relié : Les Orients de l'Etre; L'Appel de l'Etre ; Laisser la vie Etre
Le Lotus d'or : Quand survient l'Illumination; Entretiens sur l'Illumination avec Ramesh Balsekar
Edition Advaita : Dans la gueule du tigre

Dvd et CD traduits en français disponibles à jp.chometon@neuf.fr

2 commentaires:

Jérôme a dit…

Le contrôle est un mythe:si nous ne contrôlons pas les pensées,qu'y a t'il d'autre à contrôler? tout n'est il pas finalement que survenue spontanée? en revanche,ce qui me gêne chez Balsekar,c'est ce concept dualiste de loi cosmique ou de volonté de Dieu...diable,il n'y a aucune volonté nulle part ni de loi fixant l'ordre du monde!il n'y a que ce qui se passe dans l'instant et rien d'autre...pas de prédestination,pas de script,juste une survenue spontanée...en apparence!:-)

vincent a dit…

« Pour moi, la recherche spirituelle, c’est être heureux……. C’est cela, mon concept de base, quoiqu’en disent les philosophes et les autres interprètes. » R.
Bien souvent « ce bonheur d’être tout simplement » qui est ce que nous pressentons au plus profond de nous est malheureusement occulté…dans une poursuite mentale où la recherche de soi-même se perd dans les mots pour trouver encore et encore d’autres mots qui nous éloignent de nous-mêmes !

« Voir que je ne suis responsable en rien, pour rien, c’est cela le bonheur. »
- c’est une phrase simple mais tellement, libératrice de ce sens « très fort » d’être l’agissant, alors que tout nous montre par expérience directe que la vie se vit comme elle est, et que nous sommes en tant que personnage totalement vécu, comme dans le rêve qui est en tout point semblable à l’état de veille !
Ramesh à martelé sans arrêt « son concept » comme il dit, en faisant toc toc toc pour crever la coquille et voir le robot pour le robot…ou la marionnette pour la marionnette.
Ces mots qui ont été mis aux oubliettes disaient pourtant tout: Ainsi soit-il! Inch Allah!Que Ta volontè soit faite et non la mienne". Mais le contenu qu'il véhicule est malheureusement associé à une vision dualiste d'un dieu créateur, alors qu'en fait ils ne disent rien d'autre que ce que Ramesh énonce.
Car en dernier lieu ce qu'on appelle la vie demeure un profond "mystère". Les mots, les idées, les définitions se casseront le nez "face au vivant" qui n'est en aucun cas "une explication-définition"
Merci Ramesh