L'unité
Simon Macnab - Qu'est-ce que l'unité, et pourquoi est-ce une expérience si rare et occasionnelle ?
Jean-Marc Mantel - L'unité n'est pas une expérience. Elle est l'arrière-plan de toute expérience. C'est en elle que l'expérience apparaît et disparaît. Le mental sépare. De cette séparation naît le conflit. Le mental ne peut résoudre un conflit qu'il a lui-même créé. Le conflit meurt en même temps que la pensée qui l'a créé.
Le conflit
SM - A une époque où il y a tant de rivalités dans le monde, il serait utile de mieux comprendre cette fonction du conflit, ainsi que sa place dans le processus d'éveil.
JMM - Un conflit met en jeu deux opinions. Mais soyez conscient que vous n'êtes pas une opinion. Ne vous prenez pas pour une opinion. Dès que vous n'êtes plus identifié à votre propre opinion, vous pouvez l'exprimer sans autre intention que la joie de le faire, c'est-à-dire sans désir de convaincre, de persuader ou de dominer. Cela ne signifie pas que vous deviez abandonner votre opinion, mais simplement ne pas vous y identifier. De ce point de vue, il n'y a plus de conflit. Le conflit concerne les opinions, mais non vous.
SM - Oui, l'identification à une opinion est au cœur de la discussion. Ainsi, quand une opinion est opposée à une autre, c'est comme si la personne entière était soumise à une attaque, et nous voyons ainsi tous les mécanismes de défense qui entrent en jeu. Il semble que la tendance qu'a une personne à s'identifier à ses opinions dépend de son état de détente. Cela ne pourrait-il pas constituer un chemin vers le détachement ?
JMM - Exactement. La réaction est le signe que quelque chose en vous est réactif. C'est une opportunité de voir clairement les attachements et la peur de perdre. Cet état réactif dépend en fait de votre état intérieur. Lorsque vous êtes tendu, tous ces mécanismes sont stimulés. Lorsque vous êtes détendu, ces mécanismes sont en partie désactivés. Mais être libre de réaction signifie être libre de vous-même, c'est-à-dire libre de toutes les idées, croyances et pensées que vous avez sur vous-même. Au sein d'un esprit silencieux, il n'y a pas de 'je' qui choisit, préfère, agit ou réagit.
L'éveil
SM - J'aimerais vous interroger au sujet de l'éveil que vous avez expérimenté. Pourriez-vous parler un peu de ce processus que vous avez vécu, et nous dire en quoi votre formation de psychiatre et votre travail ont contribué à votre expérience du "silence de l'esprit" ?
JMM - La première fois que j'ai expérimenté consciemment la nature de l'esprit, c'était lors de la lecture d'un texte de Jean Klein. Il mentionnait l'arrière-plan silencieux qui gît derrière nos pensées. J'ai été immédiatement saisi par la vérité évoquée par ces mots, et sentais qu'ils exprimaient une réalité. À cette époque, j'étais animé d'un intense besoin de comprendre mon fonctionnement intérieur, et de quitter la confusion et la souffrance que je ressentais. Puis je rencontrai Jean Klein, et sa présence m'aida à approfondir cette expérience du silence intérieur. Quelles que soient les circonstances, cette présence silencieuse pouvait se manifester et devenir plus réelle que n'importe quoi d'autre. La signification de la conscience comme réalité ultime devint alors évidente.
Ma pratique de psychiatre ne pouvait m'être d'aucune aide dans ma recherche de vérité. Naturellement, être en face de nombreuses personnes qui souffrent aide à affiner la vision intérieure, mais la perspective proposée par la psychiatrie est très fonctionnelle et n'explore ni la réalité de notre fonctionnement intérieur, ni notre désir de libération. La psychiatrie doit être repensée afin de considérer les êtres non comme des malades, mais comme des chercheurs de vérité.
Action, méditation et identification
SM - Etant donné le caractère inéluctable du processus d'éveil, quel est le rôle de l'action et de l'activisme ? Aident-ils le processus, voire même, d'une certaine façon, l'initient, ou bien renforcent-ils les structures défensives de l'ordre établi, retardant encore l'émergence d'un changement ? C'est la vieille question qui cache le débat entre le méditant et l'homme d'action, les approches masculine et féminine du monde de la souffrance.
JMM - Quand la sensibilité s'éveille, la compréhension de la nature de la guérison se transforme. Les symptômes ne sont pas là pour être effacés, mais pour être écoutés. En écoutant les symptômes, le message du corps et du mental peut se révéler. Ce qui doit se transformer n'est pas le corps-mental, mais la perspective qui maintient l'identification au corps-mental. Lorsque vous réalisez que vous n'êtes pas le corps-mental, la vie toute entière se transforme, non pas extérieurement, mais intérieurement. Les situations apparaissent alors comme des situations, et non comme des problèmes. Sans celui qui crée le problème, il n'y a pas besoin de solution. La situation contient à la fois le problème et sa solution. Lorsqu'il n'y a plus d'identification aux situations, la vie les organise de la manière la plus adéquate. Cela est passivité dans le faire, et activité dans le non-faire.
Une action qui est séparée de la globalité maintient un sentiment de séparation, et crée le désordre. A l'inverse, une action qui n'est pas séparée du tout pointe vers l'unité.
La souffrance est toujours liée au sentiment de séparation. En observant ce sentiment, vous vous expérimenterez comme non séparé de ce que vous cherchez. Vous êtes ce que vous cherchez. Le masculin et le féminin sont deux expressions de ce que vous êtes, mais ne sont pas ce que vous êtes. Vous êtes le connaisseur des deux. Le connaisseur contient à la fois la masculinité et la féminité, mais n'est ni l'un, ni l'autre.
SM - Je vais résumer les choses, afin d'être sûr d'avoir bien compris. Ce que vous dites est que la tendance à l'activisme social est enracinée dans la perception que quelque chose ne va pas dans le monde ; que, par exemple, la pollution ou la guerre doivent être arrêtées ; qu'il existe un problème qui nécessite une solution. Une telle perception serait le fruit d'une identification. Tout d'abord, une identification avec ceux qui souffrent, par exemple les animaux ou les enfants affamés. Ensuite une identification trouvant sa source dans la croyance que nous sommes notre corps et notre mental. Nous projetons alors notre propre souffrance sur les situations autour de nous. Cette manière de percevoir un problème serait le résultat d'une absence d'écoute de la souffrance intérieure. A un certain moment de la vie d'une personne, la capacité d'écoute devient sensibilité. En d'autres mots, il n'y a pas de volonté ou d'intention personnelle en jeu. Cela simplement se fait ou ne se fait pas.
Vous dites que la vie arrange les choses de la manière la plus appropriée. Que cela signifie-t-il sur un plan pratique ? On peut regarder le monde et voir de nombreuses situations qui pourraient être améliorées, par exemple la situation au Moyen Orient. Il est difficile d'envisager que l'environnement ne soit plus un problème, mais une situation. Comment verrait une telle situation quelqu'un qui n'est plus identifié à son corps-mental ? Comment serait-il possible, dans ce cas, de rester "passif dans l'action" et "actif dans la non-action" ?
JMM - L'activisme social, et, de manière plus générale, l'action, ne sont pas, par eux-mêmes, problématiques.
Ce que nous nommons un "problème" est la conséquence de l'intention. Une action venant d'un désir personnel, c'est à dire d'un désir de reconnaissance de soi, d'affirmation ou d'amour, crée une attente. Cette attente maintient un état de tension et d'insatisfaction.
Une action sans intention est légère et fluide. Une telle action n'est pas alourdie par le poids de l'ego. Nous pouvons parler ici d'une action sans intention. Il n'y a là personne, pas de 'je', qui attende quelque chose. Les événements et situations apparaissent alors comme la simple expression de l'intelligence de la vie.
En termes pratiques, observez une situation sans implication personnelle, à partir d'un regard frais, libre de jugement et d'a priori. De ce point de vue, la situation apparaît dans sa globalité. Les causes et effets émergent dans votre propre regard. Le passé, présent et futur sont en vous, maintenant.
Cette perspective permet l'émergence d'une réponse venant de votre être. Il ne s'agit pas là d'une réponse liée à vos besoins personnels, mais en relation à la situation elle-même.
Nous pouvons ainsi dire que la situation contient sa propre réponse. Cette présence au réel est "passivité dans le faire et activité dans le non-faire".
Vision et perception
Simon Macnab - Qu'est-ce que l'unité, et pourquoi est-ce une expérience si rare et occasionnelle ?
Jean-Marc Mantel - L'unité n'est pas une expérience. Elle est l'arrière-plan de toute expérience. C'est en elle que l'expérience apparaît et disparaît. Le mental sépare. De cette séparation naît le conflit. Le mental ne peut résoudre un conflit qu'il a lui-même créé. Le conflit meurt en même temps que la pensée qui l'a créé.
Le conflit
SM - A une époque où il y a tant de rivalités dans le monde, il serait utile de mieux comprendre cette fonction du conflit, ainsi que sa place dans le processus d'éveil.
JMM - Un conflit met en jeu deux opinions. Mais soyez conscient que vous n'êtes pas une opinion. Ne vous prenez pas pour une opinion. Dès que vous n'êtes plus identifié à votre propre opinion, vous pouvez l'exprimer sans autre intention que la joie de le faire, c'est-à-dire sans désir de convaincre, de persuader ou de dominer. Cela ne signifie pas que vous deviez abandonner votre opinion, mais simplement ne pas vous y identifier. De ce point de vue, il n'y a plus de conflit. Le conflit concerne les opinions, mais non vous.
SM - Oui, l'identification à une opinion est au cœur de la discussion. Ainsi, quand une opinion est opposée à une autre, c'est comme si la personne entière était soumise à une attaque, et nous voyons ainsi tous les mécanismes de défense qui entrent en jeu. Il semble que la tendance qu'a une personne à s'identifier à ses opinions dépend de son état de détente. Cela ne pourrait-il pas constituer un chemin vers le détachement ?
JMM - Exactement. La réaction est le signe que quelque chose en vous est réactif. C'est une opportunité de voir clairement les attachements et la peur de perdre. Cet état réactif dépend en fait de votre état intérieur. Lorsque vous êtes tendu, tous ces mécanismes sont stimulés. Lorsque vous êtes détendu, ces mécanismes sont en partie désactivés. Mais être libre de réaction signifie être libre de vous-même, c'est-à-dire libre de toutes les idées, croyances et pensées que vous avez sur vous-même. Au sein d'un esprit silencieux, il n'y a pas de 'je' qui choisit, préfère, agit ou réagit.
L'éveil
SM - J'aimerais vous interroger au sujet de l'éveil que vous avez expérimenté. Pourriez-vous parler un peu de ce processus que vous avez vécu, et nous dire en quoi votre formation de psychiatre et votre travail ont contribué à votre expérience du "silence de l'esprit" ?
JMM - La première fois que j'ai expérimenté consciemment la nature de l'esprit, c'était lors de la lecture d'un texte de Jean Klein. Il mentionnait l'arrière-plan silencieux qui gît derrière nos pensées. J'ai été immédiatement saisi par la vérité évoquée par ces mots, et sentais qu'ils exprimaient une réalité. À cette époque, j'étais animé d'un intense besoin de comprendre mon fonctionnement intérieur, et de quitter la confusion et la souffrance que je ressentais. Puis je rencontrai Jean Klein, et sa présence m'aida à approfondir cette expérience du silence intérieur. Quelles que soient les circonstances, cette présence silencieuse pouvait se manifester et devenir plus réelle que n'importe quoi d'autre. La signification de la conscience comme réalité ultime devint alors évidente.
Ma pratique de psychiatre ne pouvait m'être d'aucune aide dans ma recherche de vérité. Naturellement, être en face de nombreuses personnes qui souffrent aide à affiner la vision intérieure, mais la perspective proposée par la psychiatrie est très fonctionnelle et n'explore ni la réalité de notre fonctionnement intérieur, ni notre désir de libération. La psychiatrie doit être repensée afin de considérer les êtres non comme des malades, mais comme des chercheurs de vérité.
Action, méditation et identification
SM - Etant donné le caractère inéluctable du processus d'éveil, quel est le rôle de l'action et de l'activisme ? Aident-ils le processus, voire même, d'une certaine façon, l'initient, ou bien renforcent-ils les structures défensives de l'ordre établi, retardant encore l'émergence d'un changement ? C'est la vieille question qui cache le débat entre le méditant et l'homme d'action, les approches masculine et féminine du monde de la souffrance.
JMM - Quand la sensibilité s'éveille, la compréhension de la nature de la guérison se transforme. Les symptômes ne sont pas là pour être effacés, mais pour être écoutés. En écoutant les symptômes, le message du corps et du mental peut se révéler. Ce qui doit se transformer n'est pas le corps-mental, mais la perspective qui maintient l'identification au corps-mental. Lorsque vous réalisez que vous n'êtes pas le corps-mental, la vie toute entière se transforme, non pas extérieurement, mais intérieurement. Les situations apparaissent alors comme des situations, et non comme des problèmes. Sans celui qui crée le problème, il n'y a pas besoin de solution. La situation contient à la fois le problème et sa solution. Lorsqu'il n'y a plus d'identification aux situations, la vie les organise de la manière la plus adéquate. Cela est passivité dans le faire, et activité dans le non-faire.
Une action qui est séparée de la globalité maintient un sentiment de séparation, et crée le désordre. A l'inverse, une action qui n'est pas séparée du tout pointe vers l'unité.
La souffrance est toujours liée au sentiment de séparation. En observant ce sentiment, vous vous expérimenterez comme non séparé de ce que vous cherchez. Vous êtes ce que vous cherchez. Le masculin et le féminin sont deux expressions de ce que vous êtes, mais ne sont pas ce que vous êtes. Vous êtes le connaisseur des deux. Le connaisseur contient à la fois la masculinité et la féminité, mais n'est ni l'un, ni l'autre.
SM - Je vais résumer les choses, afin d'être sûr d'avoir bien compris. Ce que vous dites est que la tendance à l'activisme social est enracinée dans la perception que quelque chose ne va pas dans le monde ; que, par exemple, la pollution ou la guerre doivent être arrêtées ; qu'il existe un problème qui nécessite une solution. Une telle perception serait le fruit d'une identification. Tout d'abord, une identification avec ceux qui souffrent, par exemple les animaux ou les enfants affamés. Ensuite une identification trouvant sa source dans la croyance que nous sommes notre corps et notre mental. Nous projetons alors notre propre souffrance sur les situations autour de nous. Cette manière de percevoir un problème serait le résultat d'une absence d'écoute de la souffrance intérieure. A un certain moment de la vie d'une personne, la capacité d'écoute devient sensibilité. En d'autres mots, il n'y a pas de volonté ou d'intention personnelle en jeu. Cela simplement se fait ou ne se fait pas.
Vous dites que la vie arrange les choses de la manière la plus appropriée. Que cela signifie-t-il sur un plan pratique ? On peut regarder le monde et voir de nombreuses situations qui pourraient être améliorées, par exemple la situation au Moyen Orient. Il est difficile d'envisager que l'environnement ne soit plus un problème, mais une situation. Comment verrait une telle situation quelqu'un qui n'est plus identifié à son corps-mental ? Comment serait-il possible, dans ce cas, de rester "passif dans l'action" et "actif dans la non-action" ?
JMM - L'activisme social, et, de manière plus générale, l'action, ne sont pas, par eux-mêmes, problématiques.
Ce que nous nommons un "problème" est la conséquence de l'intention. Une action venant d'un désir personnel, c'est à dire d'un désir de reconnaissance de soi, d'affirmation ou d'amour, crée une attente. Cette attente maintient un état de tension et d'insatisfaction.
Une action sans intention est légère et fluide. Une telle action n'est pas alourdie par le poids de l'ego. Nous pouvons parler ici d'une action sans intention. Il n'y a là personne, pas de 'je', qui attende quelque chose. Les événements et situations apparaissent alors comme la simple expression de l'intelligence de la vie.
En termes pratiques, observez une situation sans implication personnelle, à partir d'un regard frais, libre de jugement et d'a priori. De ce point de vue, la situation apparaît dans sa globalité. Les causes et effets émergent dans votre propre regard. Le passé, présent et futur sont en vous, maintenant.
Cette perspective permet l'émergence d'une réponse venant de votre être. Il ne s'agit pas là d'une réponse liée à vos besoins personnels, mais en relation à la situation elle-même.
Nous pouvons ainsi dire que la situation contient sa propre réponse. Cette présence au réel est "passivité dans le faire et activité dans le non-faire".
Vision et perception
SM - Il semble qu'il y ait des différences entre les choses qui se passent tout près de nous, et pour lesquelles notre réponse est immédiate, libre de la pensée - par exemple lorsque quelqu'un tombe par terre devant nous et que nous tendons le bras pour l'aider -, et les événements qui se passent au loin, dont nous n'entendons parler que par les médias. Dans ce dernier cas, il y a plus de temps pour l'élaboration d'une pensée réfléchie, même lorsque l'événement produit une réponse émotionnelle immédiate, par exemple de sympathie, basée sur l'identification aux victimes. Lorsque la pensée se met en route, comme cela se passe généralement, il semble alors plus difficile de regarder, d'un regard neuf, un événement ainsi médiatisé par la presse. D'une certaine façon, cela n'est pas la réalité. Ainsi oui, il est nécessaire de se souvenir que les événements sont l'expression de l'intelligence de la vie, même s'ils semblent particulièrement atroces au niveau humain. Je suppose que c'est cela que les gens religieux appellent la foi. Cette perspective aide à diminuer le jugement et la condamnation.
Ce que je comprends de votre réponse est que, si le mental n'est pas tranquille, il surimposera sur la situation tous les mécanismes du jugement, de recherche de causalité et autres conditionnements. Ainsi, jusqu'à ce qu'une situation puisse être vue avec un oeil neuf, il semble nécessaire de prêter attention aux filtres du mental, à l'instant où ils émergent. On pourrait presque parler de ramener la perspective depuis le regard jusqu'à son propre nez. Ces filtres s'éliminent dès qu'ils ont bien été vus et identifiés
JMM - Oui, il est nécessaire de différencier la perception d'une situation de son interprétation.
Une perception n'est ni bonne, ni mauvaise. Elle est une vision directe des choses telles qu'elles sont.
L'interprétation de la perception dépend du contenu de la mémoire. Notre mémoire agit comme une base de données, dont le contenu peut être éveillé par certaines stimulations. Quand cette mémoire émerge, elle se mêle à la perception première, et crée une nouvelle perception, différente de la précédente. Cette nouvelle perception est considérée comme étant réelle.
Et considérer comme réel ce qui ne l'est pas est ce qui est nommé "illusion".
SM - De votre point de vue, la perception du monde n'est-elle pas constamment basée sur la mémoire, car le cerveau construit sa réalité sur ce qu'il a vu auparavant. Ainsi le processus est quasiment continu, même lorsque nous voyons ou expérimentons quelque chose de neuf, comme un paysage par exemple.
JMM - La perception du monde, par elle-même, n'est pas basée sur la mémoire. Une perception est le fruit d'un impact vibratoire. Cet impact peut stimuler la mémoire, mais peut aussi ne pas la stimuler. Si la perception reste "pure", c'est à dire n'éveille rien en vous, vous, en tant que conscience, percevez d'instant en instant, sans aucune mémoire. C'est comme si votre mémoire ne fonctionnait plus, et que vous aviez la possibilité de percevoir les choses comme elles sont à l'instant présent, et non comme elles "devraient être".
L'interprétation qui suit une perception est une expression de la mémoire. Mais ce n'est pas ce que nous appelons la réalité. La réalité n'est pas une interprétation. La réalité est ce qui émerge dans l'immédiateté, avant que le cerveau ne commence à interpréter et à commenter. Elle pointe vers vous, en tant que ce qui perçoit. Mais si vous cherchez ce qui perçoit, vous ne le trouverez pas. Car ce qui perçoit n'est pas "quelque chose". C'est vous-même, vous en tant que sans-forme. Ce qui perçoit ne peut se percevoir, mais "se sait", de la même manière que la vision "se sait", mais ne se "voit" pas.
SM - De quelle manière la vision se sait-elle ?
JMM - Si je vous demande "existez-vous ?", vous répondrez spontanément "oui !". Remontez à la source de ce sens d'exister. Ce sens pointe vers la vie elle-même. Vous vous savez être la vie. Ce savoir n'est pas d'ordre intellectuel, mais est un savoir par identité, par similarité. Vous vous savez être, avant même de penser à ce que vous êtes, avant de 'vous penser'.
De la même manière, lorsque nous parlons de la vision, nous pouvons dire que la vision se sait, non pas d'une manière conceptuelle, mais en tant qu'expérience d'être. Et la vision et vous êtes un.
Dans une telle perspective, savoir signifie être.
La souffrance
Ce que je comprends de votre réponse est que, si le mental n'est pas tranquille, il surimposera sur la situation tous les mécanismes du jugement, de recherche de causalité et autres conditionnements. Ainsi, jusqu'à ce qu'une situation puisse être vue avec un oeil neuf, il semble nécessaire de prêter attention aux filtres du mental, à l'instant où ils émergent. On pourrait presque parler de ramener la perspective depuis le regard jusqu'à son propre nez. Ces filtres s'éliminent dès qu'ils ont bien été vus et identifiés
JMM - Oui, il est nécessaire de différencier la perception d'une situation de son interprétation.
Une perception n'est ni bonne, ni mauvaise. Elle est une vision directe des choses telles qu'elles sont.
L'interprétation de la perception dépend du contenu de la mémoire. Notre mémoire agit comme une base de données, dont le contenu peut être éveillé par certaines stimulations. Quand cette mémoire émerge, elle se mêle à la perception première, et crée une nouvelle perception, différente de la précédente. Cette nouvelle perception est considérée comme étant réelle.
Et considérer comme réel ce qui ne l'est pas est ce qui est nommé "illusion".
SM - De votre point de vue, la perception du monde n'est-elle pas constamment basée sur la mémoire, car le cerveau construit sa réalité sur ce qu'il a vu auparavant. Ainsi le processus est quasiment continu, même lorsque nous voyons ou expérimentons quelque chose de neuf, comme un paysage par exemple.
JMM - La perception du monde, par elle-même, n'est pas basée sur la mémoire. Une perception est le fruit d'un impact vibratoire. Cet impact peut stimuler la mémoire, mais peut aussi ne pas la stimuler. Si la perception reste "pure", c'est à dire n'éveille rien en vous, vous, en tant que conscience, percevez d'instant en instant, sans aucune mémoire. C'est comme si votre mémoire ne fonctionnait plus, et que vous aviez la possibilité de percevoir les choses comme elles sont à l'instant présent, et non comme elles "devraient être".
L'interprétation qui suit une perception est une expression de la mémoire. Mais ce n'est pas ce que nous appelons la réalité. La réalité n'est pas une interprétation. La réalité est ce qui émerge dans l'immédiateté, avant que le cerveau ne commence à interpréter et à commenter. Elle pointe vers vous, en tant que ce qui perçoit. Mais si vous cherchez ce qui perçoit, vous ne le trouverez pas. Car ce qui perçoit n'est pas "quelque chose". C'est vous-même, vous en tant que sans-forme. Ce qui perçoit ne peut se percevoir, mais "se sait", de la même manière que la vision "se sait", mais ne se "voit" pas.
SM - De quelle manière la vision se sait-elle ?
JMM - Si je vous demande "existez-vous ?", vous répondrez spontanément "oui !". Remontez à la source de ce sens d'exister. Ce sens pointe vers la vie elle-même. Vous vous savez être la vie. Ce savoir n'est pas d'ordre intellectuel, mais est un savoir par identité, par similarité. Vous vous savez être, avant même de penser à ce que vous êtes, avant de 'vous penser'.
De la même manière, lorsque nous parlons de la vision, nous pouvons dire que la vision se sait, non pas d'une manière conceptuelle, mais en tant qu'expérience d'être. Et la vision et vous êtes un.
Dans une telle perspective, savoir signifie être.
La souffrance
SM - Je voudrais revenir à ce que vous avez dit précédemment, à savoir que les évènements et les situations venaient de l'intelligence de la vie. Ceci amène à la question de la souffrance. Comment la souffrance peut-elle être intelligente ? Il me semble que nous utilisons la souffrance que nous voyons autour de nous pour justifier le point de vue que la vie n'est faite que de hasard, et est chaotique et dénuée de sens. Pourrait-on dire que ces attributs ne sont en réalité que des projections du moi individuel ; que ce n'est pas le monde qui possède ces caractéristiques, mais la pensée du penseur qui expérimente ces pensées aléatoires et chaotiques ?
Une fois que le penseur commence à expérimenter sa propre détente, la pensée s'apaise et la totalité peut être vécue. L'intelligence de la vie devient alors plus une expérience vécue qu'une croyance ou l'expression d'une foi.
JMM - La souffrance est une réaction. Elle n'est pas notre état naturel. A chaque fois que vous entrez dans le sommeil profond, le sommeil sans rêves, vous habitez la tranquillité, la plénitude et la joie. Vous pouvez le ressentir au moment où vous sortez du sommeil profond, et êtes encore imprégné par l'expérience de la non-pensée. Puis, lorsque le mental se réveille, il commence à vous définir en tant que quelqu'un, un corps-mental, à localiser l'environnement, et à séparer l'intérieur de l'extérieur. La guerre commence ! Le sens de séparation induit un besoin de défendre un territoire nommé "moi-même". Les pensées et les actes se préparent tels des armes avant un combat. Les attachements émergent comme une puissante symphonie : je veux cela, je ne veux pas cela, je ferai, je ne ferai pas... Après cela, le mental se demande lui-même : "comment pourrais-je me libérer de la souffrance ?" Mais comment ce qui crée la souffrance pourrait-il la détruire ? C'est l'histoire du chat qui se mord la queue.
Si le mental ne peut donc pas déconstruire ce qu'il a construit, que peut-on faire ? Qui est celui qui peut faire ou ne peut pas faire quoi que ce soit ? Qui pose la question ?
Cette exploration pousse le mental vers ses propres limites. Par épuisement, le mental ne peut qu'abandonner le combat. C'est la voie royale du lâcher-prise : lâcher-prise de ce que vous pensez être, lâcher-prise de ce que vous pensez posséder, lâcher-prise de celui qui essaie de lâcher-prise.
Lorsque le combat cesse, le silence jaillit. Le silence contient la question et sa réponse. Il les transcende tous deux, car le silence est libre de la question et du questionneur. Dans l'absence de questionneur, il n'y a ni question, ni réponse.
SM - Un acte peut-il se préparer lui-même ?
JMM - La formulation "les pensées et les actes" utilisée ici possède une signification particulière. Certaines actions trouvent leur origine dans le besoin du moi de défendre une idée, un territoire, une image de moi-même. De telles actions sont l'expression et la continuation du processus de la pensée. Elles ne peuvent être séparées des pensées. Nous pouvons parler ici d'actions-réactions.
Une fois que le penseur commence à expérimenter sa propre détente, la pensée s'apaise et la totalité peut être vécue. L'intelligence de la vie devient alors plus une expérience vécue qu'une croyance ou l'expression d'une foi.
JMM - La souffrance est une réaction. Elle n'est pas notre état naturel. A chaque fois que vous entrez dans le sommeil profond, le sommeil sans rêves, vous habitez la tranquillité, la plénitude et la joie. Vous pouvez le ressentir au moment où vous sortez du sommeil profond, et êtes encore imprégné par l'expérience de la non-pensée. Puis, lorsque le mental se réveille, il commence à vous définir en tant que quelqu'un, un corps-mental, à localiser l'environnement, et à séparer l'intérieur de l'extérieur. La guerre commence ! Le sens de séparation induit un besoin de défendre un territoire nommé "moi-même". Les pensées et les actes se préparent tels des armes avant un combat. Les attachements émergent comme une puissante symphonie : je veux cela, je ne veux pas cela, je ferai, je ne ferai pas... Après cela, le mental se demande lui-même : "comment pourrais-je me libérer de la souffrance ?" Mais comment ce qui crée la souffrance pourrait-il la détruire ? C'est l'histoire du chat qui se mord la queue.
Si le mental ne peut donc pas déconstruire ce qu'il a construit, que peut-on faire ? Qui est celui qui peut faire ou ne peut pas faire quoi que ce soit ? Qui pose la question ?
Cette exploration pousse le mental vers ses propres limites. Par épuisement, le mental ne peut qu'abandonner le combat. C'est la voie royale du lâcher-prise : lâcher-prise de ce que vous pensez être, lâcher-prise de ce que vous pensez posséder, lâcher-prise de celui qui essaie de lâcher-prise.
Lorsque le combat cesse, le silence jaillit. Le silence contient la question et sa réponse. Il les transcende tous deux, car le silence est libre de la question et du questionneur. Dans l'absence de questionneur, il n'y a ni question, ni réponse.
SM - Un acte peut-il se préparer lui-même ?
JMM - La formulation "les pensées et les actes" utilisée ici possède une signification particulière. Certaines actions trouvent leur origine dans le besoin du moi de défendre une idée, un territoire, une image de moi-même. De telles actions sont l'expression et la continuation du processus de la pensée. Elles ne peuvent être séparées des pensées. Nous pouvons parler ici d'actions-réactions.
Dialogue entre Jean-Marc Mantel et Simon Macnab
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JMM: "Puis je rencontrai Jean Klein, et sa présence m'aida à approfondir cette expérience du silence intérieur. Quelles que soient les circonstances, cette présence silencieuse pouvait se manifester et devenir plus réelle que n'importe quoi d'autre. La signification de la conscience comme réalité ultime devint alors évidente."
Le plus grand cadeau que nous pouvons nous offrir : "la rencontre avec soi-même, la vie se reconnaît dans le vivant et l'énergie"!
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