dimanche 1 novembre 2009

• C'est un Nagarjuna !

 Krishnamurti et Pupul Jayakar


Krishnaji eut la visite d'Anandmai Ma, qui était à ce moment-là la plus célèbre des « Mères » déifiées (ce sont des femmes qui, de leur vivant, ont transcendé le soi et sont devenues l'incarnation de Shakti, la Mère primordiale, qui est l'énergie divine). Ils se rencontrèrent dans le jardin, car la Mère ne pénétrait jamais dans une maison particulière. Elle ne parlait pas anglais, et elle s'exprima avec un interprète. Sa présence était souriante et rayonnante. Elle dit à Krishnamurti que, bien des années auparavant, elle avait vu une photographie de lui et s'était dit qu'il était un être exceptionnel. « Pourquoi ne voulez-vous pas qu'il y ait des gurus ? demanda-t-elle, vous qui êtes le Guru des Gurus... »
« On se sert des gurus comme d'une béquille », répondit-il.
« Les gens viennent par milliers pour vous écouter, insista-t-elle. Cela signifie que vous en êtes un. » Il lui tint doucement la main et ne répondit pas.

De nombreux visiteurs survinrent et se prosternèrent aux pieds de Krishnamurti et d'Anandmai Ma. Celle-ci accepta leur salut, mais Krishnaji était gêné. Comme toujours, il ne permettait pas que l'on s'incline devant lui, mais, se levant d'un bond, il touchait les pieds de celui qui demandait sa bénédiction.
Après le départ d'Anandmai Ma, Krishnaji parla d'elle avec chaleur et affection. Il y avait eu communication entre eux, même si celle-ci avait été en partie muette. Toutefois, il avait été horrifié par les femmes qui l'entouraient, qu'il avait trouvées idolâtres et hystériques.

≈≈≈≈≈≈≈

 L'année 1956 fut celle du Bouddha Jayanti*, et, à cette occasion, le gouvernement indien invita Sa Sainteté le Dalaï Lama à venir visiter les sites sacrés du Bouddhisme. On avait demandé à Apa Sahib Pant, haut fonctionnaire des Affaires étrangères, qui était alors représentant de l'Inde au Sikkim, de l'accompagner pendant son pèlerinage. Ils voyagèrent dans un train climatisé, avec une nombreuse suite.

Chef religieux et temporel du Tibet, le Dalaï Lama, âgé alors de vingt ans, était une figure mystérieuse. C'était la première fois qu'il quittait son pays, où seuls quelques lamas l'approchaient et où sa vie était soumise à un strict protocole.

Quand il arriva à Madras en décembre, Apa Sahib Pant avait proposé à cette incarnation vivante du divin de rencontrer Krishnamurti, qui se trouvait à ce moment-là à Vasant Vihar. Apa Sahib lui avait parlé de sa vie et de son enseignement extraordinaire. Le jeune moine s'était écrié : « c'est un Nagarjuna**! » et avait exprimé le vif désir de le connaître. Dans l'entourage du Dalaï Lama, on considérait que cette visite était contraire au protocole, mais comme celui-ci avait insisté, la rencontre eut finalement lieu.

Selon les mots d'Apa Sahib, « Krishnaji reçut le Dalaï Lama avec une grande simplicité. Nous fûmes stupéfaits de voir une sympathie magnétique s'établir aussitôt entre eux. Le Dataï Lama demanda: "En quoi croyez-vous?" et une conversation presque par monosyllabes s'engagea ; il y avait une communication entre eux qui se passait de discours. Le jeune Lama se sentait en terrain familier. En rentrant à la résidence du gouverneur, il confiait : "C'est une grande âme, une grande expérience pour moi." Il souhaitait avoir l'occasion de revoir Krishnamurti.

* Commémoration du 2500e anniversaire de la naissance du Bouddha.
** Sage bouddhiste du IIe siécle, qui avait enseigné la "Voie du Milieu".

Extraits de Krishnamurti, sa vie, son oeuvre, de Pupul Jayakar, Éditions L'âge du verseau

Aucun commentaire: