mardi 20 avril 2021

• Le "je suis" n'est pas de nature temporelle - Jean-Marc Mantel

Un enseignement de non-dualité moderne. Par sa précision et sa clarté, cet enseignement a la qualité des grands enseignements qu'il prolonge.

 L'enseignement de Jean-Marc Mantel invite continuellement le questionneur à tourner son regard du monde perçu vers ce qui le perçoit. Il invite à négliger la pensée objet et à habiter la conscience-témoin.

Vient alors naturellement la question du « comment faire ? ». Comment habiter la non-pensée qui ne connaît pas la souffrance ? Ce livre enseigne un chemin du "comment faire".

La pratique spirituelle présentée ici est une pratique de l'écoute silencieuse de ce qui se manifeste en nous.

Pour le personnage identifié à son histoire, la pratique est un chemin qui amène à un glissement d’identification. C'est un abandon de l’identification au monde objectivable et instable (pensées, émotions, sensations que l’on croit être soi), au profit de l'identité réelle et stable d’être l’ultime sujet qui écoute le monde changeant.

Cette "pratique" requiert-elle beaucoup d'efforts pour éviter l'éparpillement mental ? L'effort est-il contre-productif pour le lâcher-prise ? Faut-il accepter tout ce qui se manifeste en soi ? ... Toutes ces questions trouveront des réponses limpides et imagées.

Par sa précision et sa clarté, cet enseignement a la qualité des enseignements des grands maîtres spirituels, qu'il prolonge, la modernité en plus. Il ne peut pas manquer d'illuminer ses lecteurs.

© Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias-l'Originel : 

La réalisation

de l’intemporalité de l’être

Dans le livre La Crème de la libération de Tandavarya Swami, la phrase : « Celui qui a oublié sa vraie nature alterne naissance et mort » m’a interpellé. Comment trouver sa vraie nature? Dans le présent « je suis » ?

Ce n’est pas vous qui pouvez trouver votre vraie nature, ce n’est qu’elle qui peut vous trouver. Laissez-vous trouver.

Le « je suis » n’est, en effet, pas de nature temporelle. Il pointe vers l’intemporalité de l’être.

Peut-on se libérer du karma en vivant constamment dans l’instant présent ?

En réalité, vous ne pouvez vivre en dehors de l’instant présent, car toute pensée du passé ou du futur s’inscrit aussi dans la conscience présente. La conscience présente est la source du présent. Le présent est la source du passé-futur. Il les contient tous deux.

Le karma est le fruit de la pensée. Il est indissociable du personnage créé par la pensée. Dans l’absence du personnage, il y a présence. La présence est sans karma, car elle n’est jamais née, étant, de toute éternité. Seul ce qui naît subit la loi du karma. Ce qui ne naît pas, en est libre.

La forme, la non-forme, est-ce une voie possible vers la dissolution du moi, ou bien seul l’instant présent compte-t-il ?

La conscience est à la fois la forme et le sans-forme. Le sans-forme est sa nature pure. La forme est le revêtement qu’elle prend. Ce que vous êtes, dans la réalité de votre être, transcende les notions de passé, présent, futur. Celles-ci sont créées par la pensée. Elles n’existent pas dans la non-pensée, ni dans le silence mental du sommeil profond.

***

Hier soir, sur la route, j’écoutais une chanson et le chanteur dit : « What if there was no time? » (« Et si le temps n’existait pas ? »). J’ai eu comme un flash. Je me suis rendu compte que toutes les pensées étaient reliées en notre croyance au temps. Pas de temps = pas de peur = pas de projection = etc. Que conviendrait-il de faire maintenant ?

Rester tranquille et laisser les projections mentales s’éteindre d’elles-mêmes.

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En se libérant de la croyance que vous n’y habitez pas.

Comment éviter de nous laisser entraîner par notre imagination ?

En ramenant l’attention sur ce qui est immédiatement présent.

Doit-on porter notre attention sur les sensations, les perceptions du corps ?

C’est une manière de réintégrer le présent.

Accorder toute notre attention à nos activités quotidiennes ?

C’est ainsi que la méditation imprègne l’action.

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Y aura-t-il toujours des manifestations perçues ? Sommes-nous une permanente impermanence ?

Nous sommes la permanence au sein de laquelle se déroule l’impermanence. Pour la permanence que vous êtes, la temporalité est inexistante. La permanence est, par nature, intemporelle. L’idée de la temporalité naît avec la pensée, et meurt avec elle. Dans le vécu qui est présent en vous, dans la non-pensée, les questions d’ordre temporel sont absentes, car le mental est absent. La mer, dont la profondeur est toujours silencieuse, ne s’inquiète pas du bruit des vagues en surface, qui font partie d’elle-même. De même, la conscience est à la fois immuabilité et mouvement. C’est à partir de l’immuabilité qu’est perçu le mouvement. Le mouvement ne peut, lui, percevoir l’immuabilité, car le contenu ne peut percevoir le contenant. Seul le contenant peut percevoir le contenu.

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Pourquoi faisons-nous tous semblant d’ignorer que chaque instant passé jamais n’est comme un autre, jamais ne reviendra, jamais ne ressemblera au prochain. Dans l’instant qui est une feuille voltigeant, il n’est pas de séparation entre la feuille et l’instant, il n’y a alors que la danse joyeuse. Qu’est-ce qu’il manque à ma compréhension pour que le fait de goûter à la magie d’une seule seconde ne suffise pas ?

Tant que l’intemporel est cherché dans le temporel, il y a manque et frustration. Bien que votre nature se réfléchisse dans le monde objectif, elle ne peut se réduire à lui. « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » Il en est de même pour la conscience et ses reflets, qui doivent être artificiellement séparés, afin que le temporel soit vécu à partir de l’intemporel, et non à partir de lui-même. L’eau, aussi, doit être séparée du vin, afin qu’elle apparaisse dans sa pureté originelle, et puisse ensuite être reconnue dans le vin. Bien que le temporel soit tout autant conscience que l’intemporel, il n’en est qu’un de ses aspects. Et c’est à la lumière de l’intemporel que le monde prend toute sa beauté et majesté. Il apparaît alors comme sa directe émanation, brisant ainsi la frontière entre manifesté et non-manifesté. Ultimement, tout est un.

Je ne comprends pas que l’intemporel ne puisse pas être cherché dans le temporel, de même que le mental ne puisse pas objectiver sa source.

Si vous êtes sur une piste de ski, et que votre regard est porté vers l’aval, il vous est impossible de voir ce qui est en amont. Votre regard doit se détourner de l’aval pour se tourner vers l’amont, s’il veut pouvoir le voir. Maintenant, si votre regard veut se regarder lui-même, il réalise que cela n’est pas possible, car pour se regarder, il devrait se diviser en deux, un témoin et un objet. Comment séparer l’eau du vin? Ne pas comprendre et chercher induisent une sorte de vide intérieur !

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Peut-on dire qu’il y a un flux d’énergie universelle qui me traverse, ainsi que toute existence ou toute action, et n’est pas réellement mené par une entité séparée ? Cette entité étant une illusion, une erreur de compréhension ? 

Ce flux d’énergie est la source de l’action. Il n’y en a pas d’autre. Le moi qui prétend en être la source n’est qu’un imposteur qui cherche à s’approprier ce qui ne lui appartient pas.

Il semble de plus en plus facile de faire confiance... Faire confiance à la vérité et l’amour, qui est l’essence de la vie. Une de vos paroles m’a particulièrement aidée. Elle parlait du ressenti d’un saisissement : « C’est une brèche ouverte dans la digue... C’est sans retour... La digue sera emportée. » Merci pour la bonne nouvelle ! Elle peut prendre du temps avant d’être emportée, mais là où le temps n’est pas, cela ne fait alors aucune différence !

En effet.

De toute évidence, je suis l’intemporel, qui n’a ni attente, ni besoin, ni existence... Il semble que la clarté de l’instant brûle du feu de cette connaissance qui se réalise sans effort, mais nécessite une attention tournée vers soi ?

Oui, une attention tournée vers le Soi, vers ce qui précède tout mouvement manifesté. On peut dire qu’il s’agit du der- nier effort, celui nécessaire pour briser les résidus d’identification à la mouvance des phénomènes, et permettre l’établisse- ment dans l’immuabilité du Soi.

L’affirmation « je suis l’intemporel qui n’a ni attente, ni besoin, ni existence... », est sans retour. Elle sonne juste et elle peut être gardée comme cela.

Oui, le « je suis » pointe vers la pure intemporalité de l’être. Dire : « Je suis l’intemporel » est donc une réalité plus vivante et absolue, que de dire « je suis M. ou Mme Untel ». La première affirmation désigne la nature véritable de l’être, la seconde, son expression transitoire phénoménale.