Mon approche est d’une simplicité confondante,
elle se résume simplement à ceci :
là, en cet instant même, ne faites rien, aucun effort, pas même méditer.
Franck Terreaux a vécu un jour une expérience perceptive – comme il aime à l'appeler – qui a remis sa vie au sein de la vie. Après un parcours effréné de chercheur spirituel, cet événement majeur, qui fut en vérité un non-événement, mit un terme définitif à sa recherche. Depuis lors, après l'écriture de deux livres, Franck partage sa découverte avec les nombreuses personnes venues le rencontrer. Les entretiens retranscrits ici sont inspirés de rencontres avec des chercheurs sincères, aspirant à vivre ce " juste avant de toute chose " qu'il cite inlassablement dans ses livres. Ces dialogues rebondissent sur des sujets tels que la non-dualité, la méditation, l'effort, la pratique spirituelle, l'éveil, l'illumination, la conscience...
On retrouve ici Franck Terreaux avec son approche et son ton si particuliers. Tout au long de ces dialogues, il nous invite, non seulement à lire, mais à véritablement ressentir ce qu'il a partagé au travers d'expériences simples et directes. C'est toujours avec beaucoup d'humour et de dérision qu'il nous conte pas à pas l'intégralité de son parcours. L'essentiel étant de voir que ce que nous cherchons est déjà là, avant même l'idée de le chercher...
Franck Terreaux est accordeur de pianos et vit à Paris. Ses rencontres avec Jean Klein et Marigal furent déterminantes. Il est l’auteur de deux livres : L’art de ne pas faire, Charles Antoni L’Originel, 2011, et L’éveil pour les paresseux, Charles Antoni L’Originel, 2010.
"Voir, sans faire, seulement voir… que si toi tu ne fais
aucun effort c’est là et que si c’est là c’est parce que
toi tu ne fais aucun effort."
© Extraits publiés avec l'aimable accord des Éditions Almora :
– Franck, à l’heure où je vous parle, le mot d’ordre
est méditation, conscience de soi ou encore pleine
conscience, au milieu de tout ça où se situe votre art
de ne rien faire et comment définiriez-vous votre
approche ?
– Séverine, vous au moins, vous avez l’art de mettre
directement les pieds dans le plat et je vous en remercie
car votre question contient à elle seule le cœur même
de mon approche. En effet, il semblerait aujourd’hui
qu’au sein de la non-dualité, il y ait deux consciences,
une qui serait pleine et une autre qui serait vide mais
rassurez-vous, ce n’est pas bien grave. (Éclat de rire).
Mon approche est d’une simplicité confondante, elle
se résume simplement à ceci : là, en cet instant même ne faites rien, aucun effort pas même méditer … Voyez
ce que c’est que de ne céder à aucune pratique quelle
qu’elle soit, pas même celle qui consisterait à ne rien
faire … Si ceci n’est pas seulement lu mais véritablement ressenti, alors il ne vous reste plus qu’à retourner
chez vous car sans avoir rien fait tout est parfaitement
compris.
– Mais qu’est-ce qui est compris ?
– Il est compris que ce que vous cherchez au travers
de la méditation, la conscience de soi, la vigilance, etc.,
c’est tout simplement de vivre à l’état de veille sans
rêves. Encore une fois, si ce n’est pas seulement lu mais
véritablement ressenti, il est immédiatement compris
que vous n’avez rien à faire pour ça, puisque c’est là
quand vous, vous ne faites ni effort ni pratique, rien.
– Franck je dois vous avouer que ce rien à faire me
laisse quelque peu perplexe.
– Je vais tenter d’y apporter une réponse extrêmement claire et précise, mais avant d’entrer dans le vif
du sujet, j’ai besoin d’en savoir un peu plus sur ce qui
motive votre question.
– Si je réclame vos conseils c’est afin de m’aider à
refréner cette activité mentale qui pollue ma vie. Pratiquant la méditation depuis plusieurs années, par
moments, cette suractivité mentale est absente, c’est
alors qu’un retour chez soi s’opère, mais ces moments
si précieux sont rares. Ce qui fait votre particularité, c’est que contrairement à d’autres, vous ne proposez
aucune méditation. Bien que votre approche semble
très séduisante, je dois bien admettre que je ne me
retrouve pas plus avancée.
– Je vous l’accorde à 100 %, mais avant toute chose
ce qui m’intéresse c’est ce retour chez soi, pourriez-vous m’en dire un peu plus ?
– Comment dire … Si je m’interroge, je m’aperçois
que je ne peux pas véritablement en parler mis à part
dire qu’il n’y a rien à en dire … C’est simplement être
là et c’est tout. C’est être, sans éprouver le besoin de
rajouter quoi que ce soit. Aucune pensée, aucun mot
n’est là pour le qualifier, pour en faire un quelque
chose.
Ce retour peut se produire lors de séances de méditations ou survenir de façon totalement imprévisible et
ceci sans raison particulière, car je vous avouerais que
ce que l’on nomme généralement spiritualité n’a rien
à voir là-dedans. Vous me demandez d’en parler ? Que
pourrais-je vous répondre sinon de vous dire que c’est
totalement simple, totalement immédiat et totalement
évident.
– C’est absolument parfait ; dans ce cas qu’y aurait-il
à rajouter?
– Je suis entièrement d’accord avec vous, seulement
ces moments ne durent pas, j’ai l’impression de passer
tout mon temps à rêvasser, de vivre en permanence dans l’imaginaire et de passer ainsi à côté du bonheur
que la vie nous apporte. On vit avec l’impression d’être
constamment dans l’expectative alors que ce qui est là
dans l’instant nous tend irrésistiblement les bras.
– Avez-vous effectué certaines démarches afin de
vous libérer de ce mental si envahissant ?
– J’ai beaucoup pratiqué les enseignements de
Nisargadatta Maharaj et Ramana Maharshi et ceux
d’Eckhart Tolle avec beaucoup d’application je dois
dire … Ce qui est paradoxal c’est que même si l’un et
l’autre préconisent une démarche méditative particulière, il semblerait que les deux premiers soient d’accord pour dire, eux aussi, qu’il n’y a rien à faire, sinon
rester tranquille.
– Tout à fait, mais vous me parlez de pratiques, ces
pratiques en quoi consistaient-elles ?
– Concernant l’enseignement de Maharaj, il consistait à rester vigilant en portant son attention sur le
sentiment « je suis » et faire en sorte de s’en souvenir
constamment. Concernant Maharshi, je m’exerçais à
parvenir à un état sans pensées, quant à Tolle, c’était
tenter de vivre dans le moment présent.
– Si je comprends bien, vous avez rassemblé trois
approches en une : savoir que vous êtes, la suppression
des pensées et le ici et maintenant. Et alors, y êtes-vous
parvenue ?
– Évidemment non, sinon je ne serais pas ici.
– Cependant à vous écouter, il y avait chez vous, me
semble-t-il, une très forte détermination.
– Tout porte à croire que cela ne suffise pas. Essayez
de garder à l’esprit le sentiment « je suis » ; cela tient
une minute ou deux, puis les pensées reviennent à la
charge. Quant à les supprimer, c’est une sacrée autre
paire de manches.
– Ce sentiment « je suis », Maharaj préconisait de
le ressentir et non pas d’y penser. Si je ne fais que
d’y penser, j’ouvre la porte au mental qui va aussitôt
remplacer la pensée « je suis » par une autre pensée.
Et bien entendu, tout ça étant évidemment perpétré
par un moi, c’est pour cette unique raison que vous
échouez dans chacune de vos tentatives.
– Si je vous ai bien comprise, tant que le moi chercheur s’en mêle, aucune issue n’est possible, surtout
pas une issue visant l’annihilation de ce moi chercheur.
– En effet, votre pratique le renforce chaque jour
d’avantage. C’est quelque chose que je remarque très
souvent parmi les gens que je rencontre. Dès que j’entends dire : je l’oublie tout le temps, là je sais qu’ils ont
pratiqué ce que j’appelle le « j’y pense donc j’y suis ».
Autrement dit, c’est uniquement là quand ils y pensent.
Voir aussi ce lien sur le blog Éveil et Philosophie de José le Roy.