lundi 25 juin 2018

• Rencontre avec Ramesh Balsekar - Jean-Pierre Chometon


Itinéraire d’un chemin de vie et d’un parcours spirituel.
Le handicap, Gurdjieff, la Voie du Sentir de Luis Ansa, l’ouverture au vivant portée par les Indiens Kagabas, Amma…, autant de jalons et d’enseignements portés par cet ouvrage.
« C’est cela je crois, qui témoigne le plus de la force de ton itinéraire. On entend souvent ”Choisir, c’est renoncer“. Ta philosophie est beaucoup plus joyeuse et puissante et tu montres que ”choisir“, c’est s’engager. S’il est connu que les personnes privées de la vue ont pu développer un sens de l’ouïe plus fin, ce que tu démontres par tes aventures, c’est que le handicap qui te faisait ralentir sur le plan horizontal, t’a fait chausser les bottes de sept lieues sur le plan vertical, et c’était un choix : tu as laissé ton intuition te guider pour trouver les enseignements qui allaient nourrir la puissance de ton Être et le résultat est magnifique. Maintenant nourri, et “libéré” comme tu le dis si joliment, ton choix est le partage, la transmission… »
Victoria Pellé-Reimers

L’AUTEUR DE L’OUVRAGE : JEAN-PIERRE CHOMETON
Entrepreneur à Toulouse, Président de l’association Tchendukua Ici & Ailleurs durant 10 ans jusqu’en octobre 2016, Jean-Pierre Chometon consacre aujourd’hui le reste de son temps à mettre en valeur des textes qui participent à la curiosité du monde et des mondes de l’esprit pour un mieux-vivre. Cet homme curieux de tout, atteint d’un handicap dès sa naissance, a converti cette difficulté en force de vie joyeuse et communicative. De nombreuses rencontres et évènements l’ont convaincu définitivement de la puissance de l’amour et de la joie au-delà des épreuves.

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© Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Aluna :

Il n’y a jamais eu de chercheur, mais seulement une quête se déployant ; par conséquent, ne vous faites pas de souci, soyez heureux.
Ramesh Balsekar

Ce que je croyais être une fin… n’a été en fait qu’un nouveau départ.
La première rencontre avec Ramesh eut lieu dans un petit livre « Tout est Conscience » offert par mon ami Jean-Pierre. Cela m’avait profondément secoué. En réalité, cette aventure spirituelle fut initiée par le fils de Jean-Pierre, Gilles. Fin des années quatre-vingt-dix et début des années deux mille, Gilles, jeune homme d’une vingtaine d’années, s’intéresse à la spiritualité. Il sollicite son père, Jean-Pierre, pour l’orienter vers des ouvrages lui permettant d’approfondir ce domaine. La bibliothèque de mon ami est riche dans cette spécialité, et c’est ainsi que son fils repart chargé de nombreux et intéressants ouvrages. À la lecture de « Je Suis » de Sri Nisargadatta Maharaj, Gilles est totalement saisi. Il cherche alors davantage d’informations autour de ce Maître, fait le lien entre Maharaj et son disciple Ramesh Balsekar. Sur Internet, il trouve les coordonnées de Ramesh. Il l’appelle, Ramesh répond… et lui précise qu’il reçoit des visiteurs à Mumbai tous les jours, à son domicile.
Le père et le fils décident donc de faire le voyage ensemble. Dès leur arrivée devant Ramesh, les premières paroles de ce dernier, dans un éclat de rire, furent : « Qui est le père, qui est le fils ? »… À leur retour, dès les premiers instants de notre rencontre, je constate que mon ami Jean-Pierre a changé : il est beaucoup plus apaisé, détendu. Un dimanche de l’automne suivant, ce dernier vient déjeuner à la maison. Il a aporté une vidéo de son séjour à Mumbai et de ces rencontres auprès de Ramesh. Nous la visionnons ensemble en fin d’après-midi. De belles images de Mumbai défilent, je découvre le samadhi de Nisargadatta et un extrait de satsang chez Ramesh. Je parle mal l’anglais et Ramesh est peu compréhensible pour moi. Il parle du noumène et du phénomène. Toutefois, telle la piqûre d’un scorpion, quelque chose me pénètre profondément, dans le tréfonds de mon cœur et de mon être. Après le départ de Jean-Pierre une ouverture s’effectue en moi. Elle va durer plusieurs jours, apportant fluidité et légèreté à ma vie. Je me découvre très présent à l’instant, sans conflit intérieur et avec peu de frictions extérieures. Une expérience proche dans l’énergie de celle que j’avais eue à 12 ans. Puis, cela s’estompe. J’écris une lettre à Ramesh. Après plusieurs échanges avec Philippe de Henning, son traducteur, quelques mois plus tard, j’accueille Wayne Liquorman, le disciple américain de Ramesh, à Toulouse pour une conférence et une retraite. Je dépose ses bagages à l’hôtel et en voiture à un feu rouge, je ressens une vague d’énergie dans laquelle je suis à l’intérieur. Jusqu’à présent, lors de contacts avec des sages, j’avais senti une énergie ici (la mienne) percevoir une énergie là-bas (celle du sage). Or, pour la première fois, et dans ces circonstances étonnantes, je me percevais à l’intérieur de cette vague. C’était une sensation très nourrissante énergétiquement. J’étais dans le Tout et totalement accepté. a remplacer par J'étais dans le Tout, totalement accepté et baigné dans une vague d'amour inconditionnel À cette époque, des circonstances de la vie m’orientent vers un changement professionnel. Je quitte le monde bancaire après vingt-six ans (univers que Ramesh a lui-même fréquenté vingt-sept ans !!!). En janvier 2006, le Président de la nouvelle société qui m’emploie m’invite à un voyage en Inde avec les commerciaux, départ prévu début mars. 
Par un concours de circonstances étonnant, et quasiment sans frais, je parviens à libérer quelques jours pour rencontrer Ramesh à Mumbai. Lorsque j’arrive au pied de son immeuble, Murthi, son intendant, m’accueille et me propose de m’asseoir dans la « hot chair. » Je lui précise que mon anglais est hésitant. À cet instant, Christelle qui est française arrive et se propose de traduire nos échanges. Je prends l’ascenseur pour le quatrième étage et m’installe. Au bout de quelques minutes, Ramesh entre, s’assoit face à moi, et instantanément une reconnaissance, une résonance profonde émerge. Comme un coup de foudre, mais sans énergie sexuelle. Bien qu’épuisé par le voyage et l’absence de sommeil (la première impression de l’Inde avait été profonde. Dès le tarmac j’avais senti une évidente dimension spirituelle), nous échangeons pendant plus d’une heure et demie. J’ai réécouté quelquefois ce satsang ainsi que les propos tenus par une Indienne après nos échanges. Elle visitait Ramesh depuis déjà dix ans et énonça à voix haute : « Cela fait des années que je viens ici régulièrement. Ce que j’ai entendu ce matin est étonnant. Cet homme à côté de moi, à la simple projection d’un film, a été tellement touché que l’ineffable s’est ouvert en lui et il vient vous rencontrer. Je peux dire que dans l’Ashtâvakra Gita, le sage Ashtâvakra (qui était fortement handicapé !!) a eu beaucoup de chance d’avoir un disciple comme Janaka. Ramesh vous avez beaucoup de chance d’avoir un disciple comme cet homme. » (Quelques années plus tard, Aluna Éditions éditera « Le Duo de l’Un » qui est un commentaire de Ramesh sur l’Ashtâvakra Gita !!!). Ramesh répondit : Oui, Indira, souvent la communication a lieu sur le plan intellectuel. Avec Jean-Pierre, la communication a eu lieu de cœur à cœur. Indira lui rétorqua attristée : Pourquoi n’en est-il pas ainsi entre nous ? Nous allons faire le maximum pour entamer désormais cette communication de cœur à cœur, lui concéda Ramesh.

Je vous propose un extrait de la rencontre de 2008.
Janvier 2008. Nous sommes un groupe de huit Françaises et Français à nous rendre tout spécialement à Mumbai au 10 Sindhula building, Gamadia Road. C’est ici que réside Ramesh Balsekar. À plus de 90 ans, il reçoit des visiteurs du monde entier, tous les jours à son domicile, à partir de 9h00. Répondant inlassablement à toutes leurs questions, il transmet un enseignement de la non-dualité sans concession, et à l’impact dévastateur sur certains de ses auditeurs.

* * *
Questions/réponses
Visiteur : Tout d’abord, je voulais rendre hommage à cette recherche.
Ramesh : Rendre hommage à qui ?
— À cette rencontre, à vous, en tant que « personnage impersonnel ». C’est ce que j’ai ressenti il y a cinq ans, en venant ici avec mon fils. Depuis, quelque chose en moi s’est calmé, dans mon esprit. C’est tout ce que je voulais dire. Je voudrais ensuite poser une question pour tout le monde : Qu’est-ce que la recherche spirituelle ? Pourriez-vous développer ce concept ? Vous voulez vraiment savoir ? (Rires). Pour moi, la recherche spirituelle, c’est la recherche du bonheur. Dès la naissance, le petit enfant cherche instinctivement le sein de sa mère, et ce qu’il cherche, c’est le bonheur. C’est cela, mon concept de base, quoiqu’en disent les philosophes et autres interprètes. Pour le nouveau-né, le bonheur, c’est le lait maternel. Ensuite, l’enfant grandit, devient un écolier, et pour lui le bonheur consiste à être aimé à la maison par sa famille, à réussir en classe et sur les terrains de jeux. Ce sont ces trois points qui constituent le bonheur pour cet écolier. Trois points… pas un de plus ! Ensuite, lorsque cet écolier devient adulte, il se met à rechercher le plaisir, avec l’idée qu’en poursuivant celui-ci, il poursuit le bonheur. La plupart des gens continuent dans cette optique, poursuivant le plaisir en pensant poursuivre le bonheur. Ils vivent ainsi dans la frustration, et ils meurent dans la frustration. Mais quelques rares personnes – et nous ne choisissons pas d’être ou non ces personnes – échappent à ce jeu par leur destinée, par la volonté divine. Ce sont des personnes comme nous, à l’aise dans l’existence, ne vivant pas sous la ligne de pauvreté. Elles savent ce qu’est le plaisir. Pourtant, elles se sentent frustrées, parce qu’elles savent aussi qu’elles n’ont pas obtenu le véritable bonheur qu’elles recherchent. Pour prendre un exemple, je suis en train de jouir d’un plaisir dans l’instant, je le sais, j’en suis conscient. Mais quelque chose survient, et le plaisir que je prenais s’évanouit. Si j’ai suffisamment de bon sens pour savoir que la vie signifie également la douleur, j’accepte aussi la douleur. Je suis prêt pour la douleur, j’accueille et ressens cette douleur. Puis, de nouveau quelque chose survient et de même que tout à l’heure, lorsque j’étais en train de jouir d’un moment de plaisir, un autre événement survient et intensifie considérablement cette douleur. Réfléchissant à cela, je parviens à la conclusion que je ne suis pas heureux à cause de cette souffrance. Qu’est-ce que cette souffrance ? C’est l’impossibilité de jouir tranquillement de mon plaisir. Et de la même façon qu’il ne m’est pas donné de jouir de ce plaisir en paix, il ne m’est pas permis de contrôler l’intensification de cette douleur. C’est là le point central. Quelle est donc cette puissance qui fait que la douleur que j’étais en train d’endurer s’accentue ? Si je pouvais m’en débarrasser, je connaîtrais le bonheur. Je suis parvenu à la conclusion que je ne savais pas de quoi il s’agissait. Pourquoi tout ce processus ? Puis, continuant à y penser, j’en ai conclu que ce qui avait le pouvoir d’intensifier ma douleur était le souvenir de quelque chose que j’avais fait à quelqu’un pour le blesser. Par exemple, j’ai fait quelque chose sans avoir l’intention de blesser mes parents, mais le résultat de mes actions n’a jamais été réellement sous mon contrôle. J’ai fait quelque chose pour apporter du plaisir à mes parents, mais il en a résulté qu’ils ont souffert. Si bien qu’ils ont pensé que j’avais agi intentionnellement pour les blesser, et ils ne me l’ont jamais pardonné malgré mes explications. D’une façon similaire, j’ai ressenti un jour qu’un proche faisant quelque chose, m’avait blessé. Cette personne a essayé de m’expliquer qu’elle ne cherchait pas à me faire du mal. Mais je n’ai pas été capable d’accepter ses explications, et je ne lui ai jamais pardonné son acte. Ainsi, ce qui avait le pouvoir de faire disparaître mon plaisir ou d’augmenter ma douleur était un souvenir. Le souvenir de quelque chose que j’avais fait et qui avait fait du mal à quelqu’un ou quelque chose que quelqu’un de proche avait fait et qui m’avait causé du tort. J’avais donc cerné le problème. La question était maintenant : comment s’en débarrasser ? Pour faire court, la seule façon de ne pas risquer de voir mon plaisir menacé ou ma douleur accentuée était d’être capable d’accepter un seul concept fondamental : tout dans la manifestation survient par la volonté divine ou loi cosmique, et y survient au travers d’un corps-mental. Ce qui survient à travers ce corps-mental, la société va le considérer comme étant mon action, ou l’action de quelqu’un. Pas plus que l’être humain n’a de contrôle sur l’action qui provient de lui, il n’y a de contrôle sur le fait que la société considère cela comme étant son action. Cela aussi provient de la volonté divine ou loi cosmique. La façon dont chaque survenue affectera les uns ou les autres, cela aussi échappe à tout contrôle. La base de ce que nous appelons la vie, la manifestation, c’est la dualité. Cela commence par le mâle et la femelle, et de cette dualité toutes les dualités possibles et imaginables se déploient. Une action survient à travers moi, et la société va la considérer comme étant mon action. Quelle que soit cette action, elle sera soumise à cette force de la dualité. Elle sera bénéfique pour certains et mauvaise pour d’autres. Par exemple, une maladie survient, il y a beaucoup de gens qui en souffrent, et d’autres s’enrichiront grâce à elle. Lorsque les tours jumelles se sont effondrées, lors de cet événement infâme du 11 septembre, mon épouse et moi-même l’avons vu en direct à la télévision, et notre réaction a été l’horreur et la colère. Mais ce qui m’a frappé, c’est que pour ceux qui avaient planifié et fait cela, et qui le voyaient également à la télévision, c’était une joie. Ils devaient tomber à genoux en remerciant Allah. Même un événement aussi terrible en horrifiera certains, alors que d’autres y trouveront une grande joie. On peut ainsi observer la dualité à l’œuvre. Par conséquent, mon concept fondamental est que tout est une survenue dictée par la loi divine ou loi cosmique. Le fait que cette action survienne à travers mon corps où le corps de quelqu’un d’autre, ou que la société considère cette action comme ma propre action, correspond également à la loi divine. Le fait que cette action en aidera certains, et ira à l’encontre des intérêts des autres, cela aussi est dicté par cette loi. En conclusion, chaque être humain est une sorte de robot, à travers lequel Dieu fait survenir des événements, qui en aident certains et en blessent d’autres. Mais il faut bien voir que ceux qui sont aidés ou ceux qui sont blessés sont également des robots. Si ce robot particulier a la capacité d’accepter ce fait, cela signifie pour lui le bonheur. Voir que je ne suis responsable en aucune circonstance, c’est cela le bonheur. Mais la plupart des robots sont incapables d’accepter leur nature de robots. Ils considèrent les actions comme étant les leurs, et donc en aiment certaines et en détestent d’autres. Ceux d’entre ces robots qui sont capables, par la volonté divine, d’accepter qu’ils soient des robots, deviennent illuminés, deviennent heureux. Et qu’est-ce qu’être illuminé ? C’est être heureux. C’est là encore un point que je développe. Qu’est-ce que l’illumination ? Si quelqu’un est illuminé, qu’est-ce que cela lui apporte ? Cela lui apporte le bonheur. Qu’est-ce que le bonheur ? C’est la paix de l’esprit. Qu’est-ce que la paix de l’esprit ? C’est de ne jamais être inconfortable avec soi-même ni avec les autres. Un robot est un robot. Qu’est-ce qui fonctionne à travers celui-ci ? Qu’est-ce qui fonctionne à travers tous les robots au monde ? Dieu fonctionne à travers tous les robots à la surface de la planète. Il fait survenir ce qui est censé survenir à travers tel ou tel. Le robot ne peut faire l’expérience de quoi que ce soit, c’est Dieu ou la Source qui fait l’expérience. Quelqu’un qui voit ce mécanisme pour ce qu’il est n’est pas particulièrement joyeux du plaisir et n’est pas particulièrement malheureux de la douleur. Mais il y a très peu de robots à qui a été donné ce privilège. La plupart d’entre eux estiment qu’il leur est infligé une douleur pour quelque chose qu’ils n’ont jamais fait, ou qu’ils n’ont pas eu l’intention de faire. Et ils s’en plaignent, ils considèrent cela comme une sorte d’injustice. C’est cela la souffrance dans la vie de cet homme robot. La vérité est que Dieu ou la Source induit l’action qui entraînera plaisir ou douleur. Par conséquent, la conclusion la plus importante est qu’il est totalement stupide qu’un quelconque robot en blâme un autre, pour quelque chose qu’il ressent : pas quelque chose qu’il a fait advenir, mais quelque chose qui arrive à travers lui. C’est là tout le mécanisme de la vie ordinaire. L’illumination équivaut donc à la paix de l’esprit, et celle-ci dépend totalement de l’acceptation que je suis un robot à travers lequel Dieu ou la Source induit des actions ou ressent des actions, et que les autres sont également des robots. L’acceptation profonde, totale que l’être humain n’est qu’un robot à travers lequel des actions se produisent, le fait de voir que personne n’a le pouvoir de blesser quelqu’un d’autre, ni celui de se blesser soi-même, équivaut à la paix de l’esprit. Nous devons vraiment accepter ce qui arrive instant après instant, comme étant notre destinée et la volonté divine ou loi cosmique ; sans porter le blâme sur quelqu’un d’autre ou sur nous-mêmes. Malheureusement, le fait d’être à l’aise avec soi-même et avec les autres a été décrit comme une chose extraordinairement difficile à obtenir. Cette illumination est censée être une félicité, une béatitude particulière. De ma propre expérience, cette béatitude que je suis supposé attendre revient tout simplement à être dans la paix de l’esprit. Mais, en conclusion, si vous voulez mon avis : oubliez tout cela, oubliez l’illumination et laissez la vie être.
— Merci (rires).
— Ce que je veux dire par là, c’est que ce concept d’illumination, qui a été tellement surévalué, est tout simple. C’est la bonne blague à ce propos, mais elle est tragique parce que des gens en souffrent. Dans l’état d’éveil, Ramana Maharshi l’évoque dans un livre, la situation n’est pas différente que dans le rêve. C’est le même esprit qui projette le même rêve. Le rêve ou la vie éveillée sont la même chose. Mais c’est le même rêve, la même qualité de rêve, que ce soit la vie éveillée ou le rêve dans le sommeil. J’ai lu cela, et cette simplicité m’a fait venir des larmes aux yeux. La blague tragi-comique, personne ne le réalise, c’est que dans le sommeil profond, il n’y a ni rêve rêvé, ni rêve éveillé. Le matin quand nous nous éveillons, nous nous éveillons au rêve éveillé, nous nous endormons au rêve de la nuit. Lorsque nous sommes dans le sommeil profond aucun rêve n’existe. Donc, réellement, nous n’existons que dans le sommeil profond. Je précise que ce qui vient d’être dit ce matin est totalement spontané, n’a pas du tout été pensé ou répété à l’avance. Qui parle ? Est-ce Ramesh qui parle ? Ou bien est-ce quelque chose qui survient à travers le robot Ramesh ?

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Visiteur : J’ai une question qui me préoccupe à propos de la simplicité. Je peux la traduire en prenant un exemple parce que j’ai été élevée dans la religion catholique. Cela concerne la parabole des talents. Lorsque je viens au monde, je suis un robot mais je viens avec une certaine somme de capacités. La parabole des talents évoque ce que je fais de ce qui m’est donné.
Ramesh : Quoi que fasse un robot, ce qu’il fait est fonction du script divin. Aucun acteur ne peut dire quelque chose sur scène qui ne figurerait pas auparavant dans le script. Chacun d’entre nous joue un rôle écrit par Dieu. Tout ce qui se dit et tout ce qui se fait est déjà dans le script.
— J’ai du mal à accepter cela.
— Je vais vous dire, la difficulté, c’est que vous pensez que c’est vous qui faites l’action. Mais c’est Dieu qui joue tous les rôles.
Une fois j’ai vu un acteur vraiment brillant, il jouait cinq rôles dans la pièce. Il faisait quelque chose, puis s’éloignait, se changeait un peu et reprenait un autre rôle, et il parlait. Il y avait cinq endroits sur scène où il allait alternativement en prenant cinq rôles différents. C’était formidable. Avec un tout petit changement, il est arrivé à jouer le rôle d’un homme ou le rôle une femme. Croyez-moi, en 10 minutes, j’avais complètement oublié qu’il n’y avait qu’un seul acteur. Un seul acteur brillant qui joue cinq rôles en même temps. Il jouait de façon si parfaite qu’il tirait les larmes du public. Il était capable de déclencher les pleurs ou les rires. Dans ces cinq rôles différents, il était tellement réel ! J’ai réalisé que si un seul acteur était capable de jouer cinq rôles différents, Dieu était bien capable de jouer six milliards de rôles.
— Combien de rôles ai-je à jouer ?
— Si vous êtes Dieu vous jouerez six milliards de rôles. (Rires). Le point c’est que vous n’existez pas. Vous n’existez qu’en tant qu’objet tridimensionnel, à travers lequel Dieu fonctionne. Vous êtes l’acteur d’un rôle. 
— En parlant je comprends mes contradictions, dans le moment.
— La difficulté que vous mentionnez, il ne faut pas oublier que c’est celle voulue et éprouvée par Dieu en cet instant même. N’oubliez pas que ce n’est pas vous qui éprouvez les difficultés. C’est Dieu qui éprouve une difficulté à travers vous. C’est le rôle que vous jouez en ce moment. D’après le script, cet acteur n’est pas censé avoir une compréhension tellement rapide. C’est la raison pour laquelle chaque fois qu’une illumination spontanée est arrivée, la personne est tellement humble parce qu’elle sait cela. Si vous voulez savoir si l’illumination a réellement eu lieu chez quelqu’un, s’il est un sage authentique, c’est très simple, la moindre once d’absence d’humilité, la moindre once d’orgueil, vous indiquera que l’illumination n’est pas là. Qui est illuminé, je ne peux pas le savoir, mais qui n’est pas illuminé, je peux le savoir très facilement. La moindre touche d’orgueil, et ce n’est pas cela. 
— On n’a pas de devoir. C’est cela par rapport à la religion catholique où il y a la question de devoir.
 — Il y a un petit livre qui est sorti à ce propos. Ce petit livre dit : ayez votre propre religion. Il faut que vous ayez votre propre religion. Que vous puissiez intégrer complètement le fait que vous êtes un robot n’est pas en votre pouvoir, pour la simple raison que vous êtes un robot et que vous n’avez aucun pouvoir. Le robot se plaint d’être un robot (rires).

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Visiteur : Je voudrais poser une question concernant le conditionnement et la rivalité dans la vie. L’impact de ce travail produit également des choses. Je ne dis pas qu’il n’y a plus de rivalité, mais il y a un phénomène de rapprochement plus fort.
Ramesh : Combien de fois lit-on dans le journal qu’un frère a tué son frère, qu’il y a eu des disputes d’héritage, des rivalités, etc. Vous savez à quel point cette chose est devenue importante. On trouve cela même dans les ashrams, et dans un ashram qui est supposé valoir 300 millions de dollars. Celui qui était à la tête de l’ashram est mort, son frère et sa sœur étaient présents. La lutte pour le pouvoir sur l’ashram s’est exercée jusqu’à la violence. Cela se produisait dans un lieu où l’on pouvait pourtant supposer que survenait l’illumination. Mon propos était de dire que chercher l’illumination dans la vie ordinaire était stupide. J’en étais venu à conclure que le but de la vie était de souffrir (rires), que le but de la vie n’était pas d’être heureux. Je me suis abandonné à ce sentiment, et j’ai arrêté de chercher l’illumination. À chaque fois qu’il me venait une pensée de cet ordre, je la rejetais. Lorsque spontanément, et de façon totalement innocente, j’ai abandonné mon intellect, une réponse est venue de l’extérieur. Je me suis rappelé ce que j’avais lu au sujet d’Einstein des dizaines d’années auparavant. 
Avec une grande humilité, ce scientifique confesse qu’il n’avait pas découvert la théorie de la relativité. Einstein a toujours dit que c’était quelque chose qui lui était venu de l’extérieur. Je me rappelle m’être demandé à ce sujet : mais de quel extérieur parle-t-il ? Je savais quel était cet extérieur dont parlait Einstein, ce ne pouvait être que Dieu ou la Source. La réponse qui m’est alors venue est : « Tu as tort. Le but de la vie n’est pas d’être malheureux, d’être dans la misère, mais d’être heureux ». Le bonheur est un droit de naissance de chaque être humain. Mais il se trouve que l’être humain ne trouve pas le bonheur, car il a rejeté la seule voie qui l’y conduirait. J’en suis arrivé à penser que cela n’était pas commun à toutes les religions, parce que sinon il n’y aurait pas eu toutes les guerres de religion. Cela va bien au-delà des guerres d’une religion à l’autre, car il y a des luttes constantes au sein d’une même religion, entre des courants différents. Il y a-t-il un fondement commun à toutes les religions ? C’est ce fondement qui est censé m’apporter le bonheur. Ma recherche a porté sur le fondement de toutes les religions. En accord avec ma destinée et la grâce de Dieu, bien que je n’aie pas été un étudiant de la Bible, je suis tombé, presque accidentellement, sur ces mots de la Bible : « Que Ta volonté soit faite ». C’est si simple. Pour moi, cela voulait bien dire que rien ne pouvait arriver sans la volonté de Dieu. Cela signifie simplement : rien ne peut se faire sans la volonté de Dieu. Ce qui veut dire que l’état passé, présent et futur du monde ne dépend que de la volonté de Dieu. L’Islam dit exactement la même chose. Quelqu’un m’a dit que le sens du mot Islam est l’abandon. Ma question est : « Qu’est-ce qu’un être humain doit abandonner à Dieu ? ». La réponse est très claire : la seule chose qu’un être humain puisse abandonner à Dieu, c’est le sens d’un agir personnel. Et cela, c’est l’illumination. Cette acceptation totale de : « que Ta volonté soit faite ». La religion hindoue dit la même chose, mais d’une façon encore plus puissante. Elle dit : « Tu es celui qui fait, tu es celui qui fait l’expérience des choses. Tu es celui qui parle, tu es celui qui écoute ». Il semblerait donc que Ramesh parle et que Jean-Pierre écoute, ou que Jean-Pierre parle et que Ramesh écoute. Mais personne ne serait capable de parler, d’écouter ou de faire quoi que ce soit, si nous étions dans le sommeil profond ou bien inconscient suite à la prise d’un sédatif. Donc, qui fait cette écoute ? C’est la Conscience qui parle à travers un instrument corps-mental et qui écoute à travers un autre instrument corps-mental. L’acceptation totale de ce que je viens de décrire, équivaut, d’après mes concepts, à l’illumination. Tout dans le monde est une survenue en accord avec la volonté cosmique ou loi divine. Et la façon dont chaque survenue affecte les autres, en bien ou en mal, se produit en accord avec la volonté de Dieu et non pas en accord avec la volonté de l’individu. Quelle que soit l’action qui se produira à travers un corps-mental et la façon dont la société réagira vis-à-vis de cette action, c’est encore la volonté de Dieu. Car le corps humain est incapable de générer quelque action de façon autonome. Voilà le concept auquel je suis arrivé. Quelle réaction ai-je eu par rapport à mes anciens concepts ? Jusque-là, je m’étais dit : c’est ma volonté qui prévaut. Quel en a été le résultat ? Beaucoup d’orgueil pour les actions qui avaient du succès, un bagage plus lourd pour les actions considérées comme négatives et une charge encore plus importante envers ceux qui m’avaient fait du mal. Auparavant, si j’étais blessé, ma réaction était : il m’a blessé, je le hais. Maintenant si je suis blessé, ma réaction est aussi simple que celle d’avant mais totalement à l’opposé. Ce qui m’a blessé est une survenue en accord avec la volonté divine ou loi cosmique. Cette survenue s’est produite à travers A par exemple. Manifestée à travers B, C, D ou Z, cette blessure eût été la même. Selon ce point de vue, la question de qui m’a blessé pendant les vingt dernières années n’a plus aucun sens. D’un seul coup, une charge immense, toute cette haine, s’est dissoute. J’étais totalement étonné, émerveillé que mon bonheur, ce droit de naissance, soit là. Quel était le fondement de ce bonheur qui était là depuis toujours ? C’était l’absence de cette charge de haine pour moi-même d’avoir blessé, et de haine pour les autres qui m’avaient blessé. Il y avait là l’acceptation totale que je ne peux blesser personne et que personne ne peut me blesser, à moins que ce ne soit la volonté de Dieu. Une fois ceci accepté, mon droit de naissance au bonheur était là. J’ai découvert que c’était effectivement cela qui me donnait le bonheur que je recherchais. C’est alors que « j’ai décidé » de donner ce concept à qui voulait bien l’entendre. Demeuraient deux questions auxquelles personne ne pouvait répondre. Qu’était l’illumination ? Et plus important encore, qu’est-ce que l’illumination apporterait au restant de ma vie que je n’avais pas auparavant ? J’ai demandé cela à mon premier gourou. Il s’est fâché. Mais comme il ne voulait pas montrer aux autres qu’il était fâché, il m’a répondu la chose suivante : « Tu veux savoir ce qui se passe lorsque l’illumination se produit ? Eh bien tu le sauras lorsque tu seras illuminé. » J’avais maintenant la réponse à mes deux questions. Qu’est-ce que l’illumination ? C’est l’acceptation totale du concept que tout ce qui survient arrive en accord avec la loi cosmique. La conclusion majeure étant que l’être humain est incapable de générer quoi que ce soit. Pour moi, la totale acceptation de ce concept est l’illumination. Mais peutêtre que quelqu’un doute et n’acceptera pas ce concept. Lorsqu’on me demande : est-ce que vous ressentez encore la douleur ? Je réponds oui. Lorsque l’on me demande : est-ce que vous faites encore des erreurs ? Je réponds oui. Est-ce que vous demeurez encore un être imparfait ? Je réponds oui. Est-ce que vous avez des pouvoirs particuliers ? Je réponds non. Le questionneur peut conclure : vous n’êtes pas illuminé. C’est son concept. Ce que l’illumination m’a apporté c’est ce que j’appelle la paix de l’esprit. Je dois ajouter une chose cependant. Intellectuellement, un pauvre idiot peut accepter ce stupide concept, parce que cela lui apportera le bonheur. Mais ce qui est clair, c’est que le concept ne peut pas être opérant si mon acceptation n’est pas totale, pas seulement intellectuelle. La question demeure donc : qu’est-ce que Jean-Pierre doit faire pour que son acceptation intellectuelle qu’il n’est pas l’agissant devienne totale ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Il y a une seule bonne réponse, c’est une question piège.
— J’aurais tendance à dire « rien. »
— C’est exactement la bonne réponse (rires). Car en fait cela n’arrivera que si c’est supposé advenir.
— En ce qui me concerne, si je regarde en arrière, j’ai eu enfant des aperçus d’un état autre que l’état ordinaire. C’est probablement cela qui a mis en route dans ce corps-mental la recherche spirituelle. En fait, j’ai couru pendant des années après ces moments, ou cherché à les rendre plus permanents. Avant de vous rencontrer, quelque chose s’est produit, de totalement non intellectuel, qui a désamorcé ce processus de recherche. C’est à ce moment que votre enseignement est arrivé.
— Est-ce que vous êtes sûr maintenant que l’acceptation est totale ?
— Totalement.
— Que vous n’êtes pas l’auteur de vos actions ?
— Totalement.
— Êtes-vous prêt à passer au détecteur de mensonges ? (Rires).
— Où vous voulez ! (Rire général).
— Donc, mon cher Jean-Pierre, suivant mon concept vous êtes illuminé.
— Tant pis. (Rires)
— C’est vous qui le saurez profondément, si vous avez ce bonheur absolu, cette paix de l’esprit totale. Comment saurez-vous que vous avez la paix d’esprit ? Lorsque vous ne serez plus inconfortable avec vousmême, ni avec les autres ; quelles que soient les circonstances, que vous soyez dans la souffrance ou dans la joie. Pour moi, tant que je poursuivais l’illumination, j’étais dans la tristesse. Lorsque j’ai cessé cette recherche, en m’axant simplement sur la paix de l’esprit, l’illumination est survenue. Quelle est l’essence de l’illumination ? La Source impersonnelle s’est identifiée à ce corps-mental pour créer l’ego Ramesh. De ce fait, chaque ego est connecté à la Source. En ce qui me concerne, l’illumination signifie que la connexion avec la Source n’est jamais interrompue. Ramesh est ce qui est connecté à la Source. Lorsque je me blâme pour quelque chose que j’ai fait, que je blâme quelqu’un pour quelque chose qu’il a commis, à ce moment-là, la connexion est interrompue. Cette interruption de la connexion signifie la misère. C’est une souffrance très différente de la douleur dans l’instant. Maintenant, ne rejetant la faute ni sur moi ni sur les autres, totalement conscient que quoi qu’il survienne, cela est en accord avec la loi cosmique, ma connexion avec la Source n’est jamais interrompue. Une autre question : en attendant que Dieu prenne sa décision, n’y a-t-il pas quelque chose que je puisse faire sous forme d’une pratique spirituelle ? Auparavant, j’accomplissais ces pratiques avec une attente. Maintenant, les pratiques se font, sans attente. Y a-t-il encore quelque chose à faire ? Il y a quelque chose de très simple que vous pouvez pratiquer, pour voir que réellement vous n’êtes pas l’agissant. J’appelle cela l’investigation personnelle. C’est très simple. Si vous avez du temps dans la journée, vous pouvez pratiquer cela à n’importe quel moment. Si vous êtes trop occupé pendant la journée, à la fin de celle-ci prenez dix minutes. Asseyez-vous tranquillement dans le siège le plus confortable possible : parcourez les événements de votre journée, vous réaliserez très vite que la plupart sont des survenues sur lesquelles vous n’aviez aucun contrôle. Parmi ces événements, choisissez-en un, une action dont vous êtes vraiment sûr que c’est la vôtre, et examinez-la. C’est extraordinairement simple. Si c’est mon action, est-ce que j’ai décidé de l’accomplir à un moment particulier ? Vous vous apercevrez peut-être que vous n’avez vraiment pas décidé. Vous investiguez cette action et vous découvrez qu’une pensée est advenue. C’est cette pensée qui vous a conduit à l’action. Vous n’avez aucun pouvoir sur la survenue d’une pensée, pour la simple raison qu’aucun être humain n’a de contrôle sur la pensée qui va venir dans l’instant. À la lumière de cet examen quotidien, vous arrivez à la conclusion que même l’action dont vous étiez sûr qu’elle était votre action, ce n’est pas vous qu’il l’avez produite. Alors, la compréhension est obligée de s’ancrer de plus en plus profondément. Je vous garantis que vous pouvez porter votre investigation sur autant d’actions que vous voulez, à chaque fois, sans aucune exception, vous en viendrez à la conclusion : ce n’est pas mon action. Cette compréhension s’approfondit donc de plus en plus, jusqu’à un moment particulier, qui dépend de votre destinée et de la volonté de Dieu, où un éclair de compréhension survient : je ne suis pas l’agissant autonome. Cette conviction peut survenir à n’importe quel moment, dans n’importe quelle circonstance. Cette compréhension soudaine ne se restreint pas à l’illumination. Un scientifique, je crois que c’est Niels Bohr, était à Paris, participant à une conférence. Il devait parler d’un sujet particulier, et à un moment donné il a été bloqué. Dans son exposé, il ne pouvait pas trouver de réponse. Selon ce qu’il en a dit lui-même, alors qu’il était en train de traverser une avenue pleine de voitures, il eut la réponse en un flash. Après cela, revenant de son dîner, il s’est assis à une table, et en une demi-heure il a écrit la réponse qu’il cherchait depuis très longtemps. Maintenant je n’ai plus de questions pour vous, c’est à vous de les poser.
— Je n’en ai plus.
— S’il vous vient d’autres questions, vous pourrez les poser demain.
— Merci.

 Témoignages

Tout d’abord, voici un premier texte écrit il y a quelques années par mon ami Jean-Pierre, suite à une première visite.
La grande pale du ventilateur brasse l’air chargé d’eau. Dehors, les choucas croassent à qui mieux mieux. Je suis en pleine forme.
Le taxi cherche et recherche l’adresse comme prévu. Il y a une quinzaine de personnes dans la rue et un Indien au nom de Murthy nous prie de monter. Laissez vos chaussures à l’entrée SVP L’appartement est luxueux pour l’Inde, nous l’apprendrons plus tard ! Ramesh arrive à 9 heures précises, simplement habillé de blanc. Il est aérien malgré son grand âge. Il dévisage l’assemblée, nous repère comme nouveaux arrivants et s’adresse à nous après les présentations. (Je suis avec mon fils de 21 ans). « Qui est le père, qui est le fils ? » (éclats de rires).
À cet instant précis je comprends que ma recherche est à son terme. Ramesh développe « ses concepts » comme il dit. 
Sobre mais parlant tout le temps. La conversation est enregistrée. Un flûtiste s’installe et joue un merveilleux morceau,  puis une chanteuse entame des bhajans. Ramesh bat la mesure. Il est présent et absent. Intemporel et impersonnel. Mais tellement humain. Tout semble irréel et réel à la fois.
La Conscience parle à la Conscience. La magie opère. Quelques-uns des habitués s’agenouillent à ses pieds pour le saluer. Tout s’accomplit normalement. Ramesh se lève, nous salue et s’en va. Nous discutons, nous désaltérons et repartons. Nous marchons dans les rues ; la foule est dense et colorée. Nous sautons dans un autobus.
La vie continue tranquille, il n’y a aucune question en moi.
Le sage prend ce qui est dans la vie, et comme la vie c’est la dualité, il doit accepter les bons et les mauvais moments à l’extérieur et à l’intérieur de lui-même. Tout le dépasse, il doit accepter cela sans combattre quoi que ce soit.
L’homme a la possibilité, si celle-ci lui est donnée, de sublimer cette dualité et de rester en paix devant n’importe quelle situation. Il transcende ainsi la dualité, acceptant l’instant présent et tout  ce qui s’y présente.
Et cet homme à un rôle à jouer qui lui est dévoilé d’instant en instant.
Jean-Pierre écrit une lettre à sa fille de 8 ans :

Ma chérie,
Dieu est la totalité de tout l’univers qui t’entoure. Il t’a créée telle que. Tu es à travers tes parents, qu’il a aussi créés tels qu’ils sont. Il n’y a rien à changer de tout cela et c’est très bien ainsi. Il nous a donné aussi les joies et les chagrins qu’il nous faut accepter comme la vie et la mort à chaque instant. Dieu t’aime et à travers toi il s’aime aussi. Tu n’as rien à lui demander car il te donne la vie à chaque instant. Tu n’as même pas à le remercier car il ne demande rien en retour. Il n’y a rien à changer, il se charge de tout. 
Cette rencontre, je l’ai appelée de toutes mes forces et je sais intimement que le jour est venu. Je l’ai appelée celle du dernier rempart. La seule différence entre l’homme ordinaire et le sage ce n’est pas dans la montée du désir (les désirs arrivent chez l’un comme chez l’autre), mais c’est dans l’identification et la poursuite du désir. Le sage voit monter le désir il ne s’y accroche pas, c’est une pensée parmi tant d’autres, c’est la conscience en mouvement. Il répond aux désirs nécessaires ; il a faim il mange, il a envie de fumer il fume, 
 de dormir il dort. Tout va dépendre de son individualité restante. L’homme ordinaire est emporté par le moindre désir et asservi par lui.
Je mesure combien nous avons de la chance d’être ici et je remercie Dieu de ce qu’il me donne simplement chaque jour, chaque instant. Je m’en remets à lui, je m’abandonne. Que sa volonté soit faite. C’est la vie, c’est « ma vie ». Elle n’est pareille à aucune autre et pourtant ce n’est pas ma volonté. Je l’accepte, je ne suis coupable de rien, ni moi ni les autres. Ne rien combattre de tout cela. Garder ce savoir précieux bien au fond de mon cœur. Ne plus rien demander ni pour moi ni pour les autres. Un ami me parlait un jour du plus grand défi qu’il soit. Serait-il la base de rien ?
Neti Neti je ne suis ni ceci ni cela, disait Nisargadatta.
Que suis-je ?
Qui pose la question ? 
Puis, je vous livre un deuxième texte que j’ai écrit moi-même 
 à l’issue de ma visite de 2008. 
Un poids énorme s’est envolé.
Après plus de vingt ans de recherche spirituelle de quelqu’un (moi) voulant obtenir quelque chose (l’éveil, l’illumination), une soudaine (a)perception au contact d’événements forts de la vie et de certains Maîtres (dont Ramesh) est survenue. Cette libération n’est pas quelque chose à acquérir, mais la disparition du sens d’un agir personnel. 
Le cadre qui était le mien précédemment se fissure, se fragmente, pour laisser place à une vie simple dans le présent, ou ce qui se présente est perçu, dans l’instant, pour ce que c’est, avec moins d’emprise, l’absence d’une projection et d’une classification immédiates. Mon conditionnement, ma personnalité sont toujours là. Mais c’est comme si prisonnier, j’étais toujours assis dans la cellule, et que les barreaux et les murs s’étaient dissous. La vie est vécue dans l’instant, sans commentaire mécanique coupant la perception de ce moment. La vie s’écoule. Ce qui doit être fait se réalise avec moins d’efforts, de résistance, de pression, de contradictions. Les situations difficiles, douloureuses, sont pleinement perçues, mais rien ne s’accroche à elles. 
Tout a changé. Disparus ces moments à ressasser de façon incessante ce qui était là et n’y est plus, ou à anticiper, projeter, s’angoisser pour ce qui n’est pas là mais qui pourrait survenir. Ou encore dans l’instant, cette funeste propension de l’ego à vouloir autre chose que ce qui est là.
Cette aperception momentanée, progressive ou foudroyante d’une vie UNE et non séparée, émanation et reflets indissociés et indissociables de la Source, est libération.
La rencontre avec Ramesh et son enseignement, qui est une voie parmi toutes celles créées par la Source, a été fracassante. Ceci est une survenue, le retour à quelque chose de simple et de naturel. Et je n’y suis pour rien. 
La vérité est indicible et indescriptible. Toute parole, toute représentation de ce qui est, est purement conceptuelle.
L’appréhension, la compréhension de ce qui est, est grâce absolue.

* * *

Voici quelques points clés de ma compréhension de l’Advaita Vedanta de Ramesh tel que je l’ai rencontré :
  Ramesh insistait beaucoup sur le fait que tous ses propos étaient des concepts et que la vérité est indicible. Il disait fréquemment : « Tout cela est un concept, ne vous y trompez pas. C’est mon concept. » –  Tout est Conscience. Conscience est Tout ce qui Est. « C’est Dieu qui joue tous les rôles. » La seule phrase sur laquelle est fondé tout son enseignement est : « Que ta Volonté soit faite ». Ou comme le disent les Musulmans, « Inch Allah » ; « S’il plaît à Dieu ». Ou bien, en paroles du Bouddha : « Les événements arrivent, les actions sont faites, il n’y a pas d’agissant individuel/d’individu qui agit. » –  Une perception soudaine et répétée que je ne suis pas un « individu séparé » peut survenir. La compréhension pouvant s’énoncer comme la fin de la séparation. Tout cela est une vraie grâce. Lorsque cela survient, il y a dans le corps (j’aurais tendance à dire de façon quasi cellulaire) une évidence (une certitude ?) de ce qui est. –  La « compréhension » n’est pas la disparition de l’ego, mais la « disparition de certaines caractéristiques. » Chez Ramesh, deux expressions peuvent définir cela : le sens de l’agir personnel (je suis un individu qui fait et qui décide) ; et, il existe deux formes de mental le pragmatique et le ratiocinant. Dans la compréhension, le deuxième s’efface totalement. Mais tout cela n’est pas « MA » décision. L’obstacle vient du fait d’une appropriation des expériences qui se présentent ; je me les accapare, mais cela fait partie du chemin. –  L’homme ordinaire pense : « cette action est mienne », alors que le sage sait que l’action n’appartient à personne. Le sage sait que « les actes se font, les événements arrivent, mais il n’y a pas d’agissant individuel. » C’est l’unique différence. À la différence du sage, la personne ordinaire croit que les actes qui se font à travers cet organisme sont le fait de l’individu. Donc comme le sage sait qu’aucune action n’est de son fait, s’il arrive qu’une action blesse quelqu’un, il fera tout ce qu’il peut pour aider la personne blessée mais il n’y aura aucun sentiment de culpabilité. Seul un sentiment de regret et de compassion peut émerger.
  La vie est constituée de contraires interconnectés. Pour que Mère Teresa existe, Hitler doit exister (de ce point de vue, ce dernier n’était qu’un instrument à travers lequel les événements horribles qui devaient arriver sont survenus). Chaque corps-mental est le fruit d’une programmation constituée par les gènes plus le conditionnement par l’environnement (en constante évolution). –  Je souhaite citer la parabole des joyaux qui est un des concepts les plus beaux de Ramesh : « L’univers est sans cause comme un filet de joyaux dans lequel chaque pierre n’est que la réflexion de toutes les autres dans une fantastique harmonie reliée et sans fin. Rien n’a d’existence indépendante, chaque existence est dépendante de la réflexion des autres. »

* * *

Voici ma dernière lettre à Ramesh écrite après son départ (au petit matin de la soirée caritative pour les Kagabas à Paris).

Le 22 mars 2010
Très Cher Ramesh,
La vie est faite de rencontres, la nôtre m’a particulièrement marqué et restera ancrée profondément en moi. Dès que je t’ai vu sur une vidéo, une résonance profonde s’est fait jour. La vision d’un film, réalisé par mon ami Jean-Pierre, a eu un très profond impact sur moi et a ouvert une brèche jusqu’à mon cœur. La première rencontre physique, en mars 2005, approfondit cette évidence, cette résonance… Je te reconnus instantanément comme mon Maître, mon Guru.J’ai eu la joie, immense, de te rencontrer une deuxième fois, en janvier 2008, à une dizaine de reprises. 
Chaque rencontre est présente en moi, vivante, vibrante, gravée dans mon cœur. L’impact de nos rencontres (et celles avec Wayne), des expériences de la vie et de ton Enseignement amena (ce que je pensais être) « la compréhension ultime » le 2 octobre 2008. Décrire ce qui se passa est impossible, les mots ne peuvent décrire cela. Cela fut douloureux dans l’instant, mais magnifiquement simple ensuite. Une évidence émergea simplement : il n’y a que l’Amour, la Source, c’est tout, cela est si simple. Je t’ai appelé quelques fois après cela. Tes paroles furent une aide. Puis, tu es parti le 27 septembre de l’année dernière. Ton départ fut naturel, même si l’absence de ta présence physique se fit ressentir. Ta présence vivante est toujours présente. Tes paroles lors de notre premier satsang, « notre rencontre est une rencontre de cœur à cœur », résonnent toujours.
Merci Ramesh. Merci la Vie. Tout est. 
Jean-Pierre

* * *

Ce vers quoi pointe cet Enseignement de non-dualité est que la vie et la mort, la santé et la maladie sont des choses qui arrivent. Elles vont et viennent en tant que partie de ce miraculeux mouvement de l’univers, elles font part du tissu de l’existence manifestée. Des corps sont créés à travers lesquels (ce que nous nommons) la santé et la maladie surviennent. Dans l’acceptation de la réalité sous-jacente que tout cela fait partie d’un fonctionnement parfait, votre résistance à ce qui est s’amenuise et la souffrance relative à ce qui se produit diminue. Vous avez toujours les mêmes choses à affronter. Vous devez toujours résoudre les problèmes de votre vie. Cependant, en l’absence de ce sentiment que ce qui arrive est un vice de l’Univers, il y a plus de force, plus d’énergie, plus de ressources intérieures pour faire face à ce qu’apporte la vie. C’est parfois déplaisant, il arrive même que ce soit terrible, mais ce que nous appelons « souffrance », qui résulte de la conviction que ce qui arrive ne devrait pas arriver, est absente. 
Wayne Liquorman


Présentation de l'ouvrage par Jean-Pierre Cjometon :