Toute
la beauté de l’être humain réside dans la possibilité de
s’interroger sur sa véritable nature.
L’enjeu
de ce qu’il est convenu d’appeler la quête spirituelle est la
croyance en un moi séparé et auteur de ses actes, croyance qui est
à l’origine de la souffrance et de la nostalgie de l’unité
perdue.
Tout
notre malheur provient du fait que l’on s’identifie à une forme
autour de laquelle l’ego se cristallise. Mais la seule chose à
laquelle nous ne pouvons pas nous identifier, c’est justement notre
identité. « Être » n’est pas une identité.
En
amont de tout ce qui constitue le contenu d’une existence, il y a
être.
Pouvons-nous
nous libérer des constructions imaginaires du mental, de ce
parasitage permanent, pour accéder directement à « être »,
c’est-à-dire à ce que nous sommes déjà ?
Il
s’agit de revenir à quelque chose de très simple, mais qui n’est
pas facile pour autant : l’immédiateté d’être, en amont
de toute représentation de soi.
Sur le plan de l’être, il ne nous
manque rien. Ici, là, maintenant, vous pouvez apprécier la qualité
très particulière de cet espace vivant que vous êtes. Cet
espace permet un regard sans jugement, et donne accès directement à
chaque situation concrète, dans toute sa dimension et dans toute son
intensité.
Il
n’y a en réalité ni « ici », ni « maintenant »,
ni souffrance, ni éveil, sauf dans nos rêves. Le mental transforme
en concept et neutralise la moindre vérité, issue d’un
enseignement authentique, qui pourrait le remettre en question.
Rien
ne manque à cet instant dès lors que nous sommes présent.
L'ÉTERNITÉ EST TOUJOURS À L'HEURE
Tout à coup, ce matin, penché sur une églantine au bord du chemin, ce n'était plus un simple promeneur qui sentait le parfum d'une fleur mais bien plutôt l'univers entier qui respirait son propre parfum.
Une vache, longuement, m'avait regardé. Je plongeai mon regard dans le sien. Et puis, brusquement, il n'y eut plus qu'un seul regard entre nous.
Une légère brise souffla par-derrière et fit voler en éclats ce qui pouvait encore se prendre pour quelqu'un. Alors, un coucou chanta au coeur même de l'instant.
Le reste de la promenade, ce fut la routine habituelle du cosmos : le monde se déployait au feu de la conscience comme un chat qui s'étire dans un rayon de soleil pour exposer chaque millimètre de son corps.
Le promeneur de la vie se déplaçait dans le corps du monde, vibrant de conscience.
«Je» est une vitre inexistante que l'on ne connaît que par les baisers de sang de la vie, dont il est couvert de toutes parts.
C'était étrange, il y avait à la fois comme un air de deuil et d'ivresse dans l'air : une vie soumise à son image s'achevait ce matin-là. Elle avait effacé sa propre image. Quand toutes les deux se font face, il y en a toujours une de trop. Alors, il faut s'attendre au pire.
Et ce fut le chaos du monde dans toute sa splendeur. Sa beauté semblait faire signe. Mais ce qui faisait signe et ce à quoi il faisait signe étaient la même chose.
Et si, en se brûlant le corps au soleil du désir, en se brûlant le coeur au soleil de la passion, on ne cessait pas de se consumer au soleil de la conscience ?
Oui, c'est bien ça, cette incessante marée de l'oubli qui n'en finit pas d'aller et venir pour toujours, inlassablement, ramener le souvenir, non pas du passé qui n'existe pas, mais le souvenir du présent, la présence, tout simplement.
Dès le moment où l'on est dans le moment, cela s'appelle un événement. Alors, tout est à sa place. Personne ne peut faire cesser cet événement précisément parce qu'il n'y a personne dans ce moment.
Et si la vie de cet homme, qui était parti pour une simple promenade, et qui n'en reviendrait jamais, n'était que le sourire furtif que la vie se faisait à elle-même ?
C'est ainsi que, parfois, «je suis» se prend à répondre de la nécessaire futilité du monde. Dès cet instant, il est, à lui seul, la loi de gravitation universelle de l'amour.
L'éternité est toujours à l'heure. Ne la faisons pas attendre. Soyons exacts.
Blog de Malo Aguettant : Être n'est pas une identité
© Extraits publiés avec l'accord des Éditions Accarias-L'Originel :
Avant
de découvrir cet espace de liberté, ce que nous sommes ultimement,
en amont de nos sensations, de nos émotions, de nos pensées, il est
indispensable de commencer par reconnaître à quel point nous sommes
déterminés par nos conditionnements, conscients ou inconscients.
L’évidence s’impose alors de se donner les moyens, grâce à une
vigilance incarnée, de se surprendre en flagrant délit de
dépendance. Ce constat constitue un véritable choc. Tant qu’on ne
l’a pas vécu, on vit dans son rêve. Si nous gardons la moindre
illusion en ce qui concerne la force des déterminismes et leurs
conséquences dans tous les aspects de nos existences, nous resterons
prisonniers de notre mental, et aucun progrès vers la liberté
intérieure, ce qu’on appelle la libération, la réalisation, ne
sera possible.
En
amont de tout ce qui constitue le contenu d’une existence, il y a
être.
En
amont de notre apparente identité, de notre nom, de notre sexe, de
nos qualités et défauts, des sensations et des émotions que l’on
éprouve, des pensées que l’on a, il y a être.
Un
livre ne peut pas changer les événements de notre vie, mais il peut
changer le regard, la perspective, à partir de laquelle nous les
vivons. Si notre relation aux situations auxquelles nous sommes
confrontés est différente, ces situations ne nous affecteront pas
de la même manière. Nos pensées, nos émotions, ne seront plus les
mêmes.
La
substance même de la vie n’est que relation. Les sensations nous
mettent en relation avec notre corps qui lui-même est en relation
avec le monde. Nos émotions et nos pensées sont également des
ensembles de relations qui interagissent avec les sensations. Il
suffit donc de changer notre regard sur ces relations pour que notre
expérience de la vie change radicalement. Notre vie devient ainsi la
qualité d’attention que nous lui portons.
La vie, avant de se manifester dans le
monde apparent des phénomènes, est elle-même attention sans
attente, c’est-à-dire conscience.
Ce
livre ne prétend pas parler de ce que nous sommes, mais plutôt
examiner tout ce qui vient interférer avec cette conscience-être.
Il
s’agit d’une enquête sur les représentations que nous nous
faisons de nous-mêmes. Toutes ces images, toutes ces histoires que
nous produisons à longueur de vie forment autant de filtres,
d’écrans, entre ce que nous sommes essentiellement et ce à quoi
nous réduisons notre vie.
D’où
proviennent ces images, ces histoires ? Pourquoi
apparaissent-elles avec autant d’insis tance ?
Pouvons-nous
nous libérer de ce bruit de fond, de ce parasitage permanent, pour
accéder directement à « être », c’est-à-dire à ce
que nous sommes déjà ? Ou bien sommes-nous condamnés à
passer notre vie entière sous hypnose, esclaves de nos émotions et
de nos pensées ?
L’urgence
de cette question constitue le sujet de ce livre.
L'ÉTERNITÉ EST TOUJOURS À L'HEURE
Tout à coup, ce matin, penché sur une églantine au bord du chemin, ce n'était plus un simple promeneur qui sentait le parfum d'une fleur mais bien plutôt l'univers entier qui respirait son propre parfum.
Une vache, longuement, m'avait regardé. Je plongeai mon regard dans le sien. Et puis, brusquement, il n'y eut plus qu'un seul regard entre nous.
Une légère brise souffla par-derrière et fit voler en éclats ce qui pouvait encore se prendre pour quelqu'un. Alors, un coucou chanta au coeur même de l'instant.
Le reste de la promenade, ce fut la routine habituelle du cosmos : le monde se déployait au feu de la conscience comme un chat qui s'étire dans un rayon de soleil pour exposer chaque millimètre de son corps.
Le promeneur de la vie se déplaçait dans le corps du monde, vibrant de conscience.
«Je» est une vitre inexistante que l'on ne connaît que par les baisers de sang de la vie, dont il est couvert de toutes parts.
C'était étrange, il y avait à la fois comme un air de deuil et d'ivresse dans l'air : une vie soumise à son image s'achevait ce matin-là. Elle avait effacé sa propre image. Quand toutes les deux se font face, il y en a toujours une de trop. Alors, il faut s'attendre au pire.
Et ce fut le chaos du monde dans toute sa splendeur. Sa beauté semblait faire signe. Mais ce qui faisait signe et ce à quoi il faisait signe étaient la même chose.
Et si, en se brûlant le corps au soleil du désir, en se brûlant le coeur au soleil de la passion, on ne cessait pas de se consumer au soleil de la conscience ?
Oui, c'est bien ça, cette incessante marée de l'oubli qui n'en finit pas d'aller et venir pour toujours, inlassablement, ramener le souvenir, non pas du passé qui n'existe pas, mais le souvenir du présent, la présence, tout simplement.
Dès le moment où l'on est dans le moment, cela s'appelle un événement. Alors, tout est à sa place. Personne ne peut faire cesser cet événement précisément parce qu'il n'y a personne dans ce moment.
Et si la vie de cet homme, qui était parti pour une simple promenade, et qui n'en reviendrait jamais, n'était que le sourire furtif que la vie se faisait à elle-même ?
C'est ainsi que, parfois, «je suis» se prend à répondre de la nécessaire futilité du monde. Dès cet instant, il est, à lui seul, la loi de gravitation universelle de l'amour.
L'éternité est toujours à l'heure. Ne la faisons pas attendre. Soyons exacts.
Blog de Malo Aguettant : Être n'est pas une identité