Roman initiatique. L’auteur retrace depuis son enfance en Suisse toutes les étapes de son parcours pour se connaître lui-même, les envolées enthousiastes comme les chutes douloureuses mais pleines d’enseignement, jusqu’à la rencontre avec Celui qui l’a enfin révélé à lui-même, qu’il nomme Le Béni, Le Bien-aimé.
Un ouvrage qui s’adresse aux personnes en quête de meilleur. Un témoignage qui parle du possible de la transformation de l’humain. Des souffrances silencieuses et mécaniques du quotidien vers la libération, vers une vie consciente et heureuse.
"Les gens me demandent où je vis, ici. Où je vais, nulle part. Quels sont mes projets, allez savoir. Vagabond insolent sur les routes d’un présent terrifiant, dénué de certitudes, muet devant l’ampleur de la tâche. Gnome ridicule et impuissant dans un plan d’univers, aspirant terrifié à l’innocence d’avant, petit, malhabile, involontairement si fier, agonisant dans un corps transitoire et bouleversé de reconnaissance, ravagé de gratitude. Poussière de vent, graine de simili poète chantant, le cœur baigné de prières puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. Il n’y a que la vie à attraper par les couilles et à embrasser pleinement, avant qu’il soit trop tard. Il n’y a que l’amour qui cherche désespérément à se donner maintenant, avant qu’il soit trop tard."
Thierry Gaillard
Extrait de l'ouvrage :
Je m’appelle Claude et je vais mourir. Désormais, je le sais, vraiment. Juste avant, je n’étais qu’un cadavre en sursis feignant de croire à plus tard. Je viens de comprendre que demain c’est trop tard. C’est ici et maintenant ou jamais. Dans une minute, deux jours, six mois peut-être ou trois ans, ces bras potelés, dont je fus si fier seront potée pour vers. Comment ai-je pu l’ignorer si longtemps ?
La mort. Une trace de gras indélébile sur le col blanc de mes projets. Une promesse, un perroquet tenace aux serres plantées dans mon épaule. Elle n’a pas dit quand, elle n’a pas dit où. Elle m’attend, simplement. La mort, qui est passée du statut d’épouvantail absolu à celui de fidèle compagne. C’est le plus précieux des cadeaux qu’il m’ait été donné. Vous pensez que je divague, que j’ai des hallucinations, que j’ai imaginé ce scénario abscons pour les besoins d’une prose hasardeuse ? Je m’en moque comme de ma première culotte. Je ne m’attends pas à ce que vous me croyiez.
Je m’appelle Claude et je vais mourir. Pas tout de suite. Avant j’ai un concert à donner. J’ai l’estomac noué, comme toujours avant un spectacle. Le trac, une énergie contenue, comme l’eau d’un barrage, qui se déverse en flots tumultueux une fois les vannes ouvertes. Généralement, c’est la première chanson qui fait office de détonateur, qui relâche la tension et permet à ce qui me dépasse de se manifester dans l’espace. Ça peut être plus long. J’ai déjà joué devant des publics glacés qui échangent des regards embarrassés. « Qu’est-ce qu’on fout là ?» est la question qui suinte. Quand une telle atmosphère est installée, ça peut être plus difficile de déjouer les pièges de la résistance.
La résistance, nommez-la mental ou menteur ou Satan, n’a qu’une seule vocation : Me crier de sa voix fielleuse de déguerpir, de mettre fin au plus vite à ce suicide musical. Me répéter que je suis bon à rien, qu’ils vont détester ma prestation, qu’il vaudrait mieux pour tout un chacun que je rampe dans ma grotte, que je m’y terre à jamais en suçant des clous rouillés et en flagellant ma chair pour expier ma médiocrité. Quant à moi je n’ai qu’une mission?: Battre en brèche cette vieille salope, lui faire mordre la poussière, lui piétiner les roubignolles en ouvrant les portes en grand, en osant lâcher tous les chiens et me livrer nu, à vif, sans rien garder dans les placards. Si je parviens à cultiver cette intention, j’ai une chance de sortir de mon rôle d’éternel enfant pleurnichard. Une possibilité m’est offerte de défier cet adversaire de taille, en ignorant les zones de confort trop molles pour leur préférer le goût du risque qui fait grandir. Le risque de dépasser mes limitations et ma vision réduite pour goûter pleinement à la majesté d’être en vie.
Comment un couard, immature, insécurisé et introverti de mon acabit, sans aucune formation musicale, en est-il arrivé à s’exposer de la sorte sous les feux de la rampe, en trouvant même un public réceptif à ses élucubrations ? Je pourrais arguer qu’un vieux rêve est devenu réalité, à la magie de la sueur de mon front. C’est vrai. Prétendre qu’il n’y a d’autre raison à l’existence que de tenter de décrocher la lune. Beaucoup moins vrai. Mentir encore, en soutenant que la réalisation de nos fantasmes d’enfants est source d’épanouissement. Si c’était le cas, Marylin Monroe, Kurt Cobain, Jimi Hendrix, Janis Joplin et tant d’autres suicidés mondains seraient encore parmi nous, les cliniques de désintoxication cinq étoiles feraient faillites, la chirurgie esthétique se contenterait de réparer les dégâts d’involontaires accidents et cette histoire s’arrêterait sur ce point final.
Un point qui est ailleurs. Moins évident, bien plus important, transpirant dans le parcours d’un fou arrogant qui s’est brûlé les ailes à vouloir voler trop près du soleil.