mercredi 19 juin 2013

• Pathana Yoga - Patrick Vigneau

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Sagesse, vivance et méditation forment la trame de ces textes, qui nous entraînent au cœur de nous-même. Il s’agit d’inspirations où l’on peut sentir à la fois la richesse du silence et l’amour mystique.
L’ambiance du Sage recueilli y est présente et parfois il semble que la petite voix intérieure résonne dans le cœur-même du lecteur.
Ce livre éveille chacun à ses profondeurs sacrées. C’est la voie du Pathana yoga.
L'auteur
L’appel vers l’Inde, sans raison précise, en 1979. Découverte d’un autre monde, d’une autre planète. Un deuxième voyage en 1981, et la rencontre totalement inattendue avec Mère, dans un tout petit ashram traditionnel, en Orissa.
Une autre vie pour engendrer une nouvelle naissance.
Plusieurs séjours prolongés se succéderont.
La sadhana se poursuit.
La conscience subit une mutation.
Trente années de vie simple, ordinaire, discrète, jusqu’à comprendre que cela pouvait aider d’autres personnes à cheminer.
Les ateliers Vivance se mettent en place.
Ouvrage publié aux Éditions Antoni - L'Originel
Introdution
Non pas un livre sur la méditation, mais un livre de méditation, un livre pour méditer !
Cet ouvrage présente les données essentielles pour développer l’écoute intérieure... par la méditation. Et plus exactement, pour découvrir la Présence de la Paix primordiale, Adi Shanti, qui est... au plus profond de la conscience.

Il est basé sur une discipline oubliée : l’art de la lecture méditative, appelée « Lectio Divina » dans le christianisme ou « Pathana Yoga » en Inde.
La vie contemporaine, agitée, s’est détournée de la tradition ancienne qui envisageait la lecture comme un Art. C’est-à-dire comme un acte créatif qui élève la conscience !

Autrefois, peu de gens savaient lire, c’était un privilège. De plus, le livre était rare, donc précieux.
Le livre était porteur de sagesse, et l’acte de lire avait une dimension sacrée. Lire pouvait naturellement devenir une véritable méditation. Certains textes nous le font vivre encore. Mais l’état d’esprit est aussi important.

En ce sens, la lecture est alors vécue comme méthode, à la fois pour accéder au texte et à sa signification, mais aussi pour parfaire la connaissance du lecteur. Non seulement en tant que culture de soi, mais plus précisément en tant qu’élément essentiel d’une discipline d’éveil spirituel.
Le point central, est l’association lecture-méditation. En tant que pratiques, la lecture et la méditation sont toutes deux des exercices, des exercices de l’esprit tout comme il y a des exercices du corps.
A ce titre, elles peuvent être associées dans une séquence qui peut se présenter ainsi : lecture/méditation/prière/contemplation.

Pour un cœur aspirant au divin, la lecture et la méditation sont des pratiques contemplatives distinctes, mais que l’on peut associer facilement.

La lecture devient alors préparation à la méditation.
Car la lecture n’est pas sa fin propre. Elle est un commencement, elle introduit en quelque sorte à un état méditatif ou contemplatif.
D’autre part, la méditation ne se conçoit pas sans l’appui des écritures. Même l’ermite dans sa grotte ou sa cabane a un livre. Un livre qui va nourrir son esprit, un livre qui va nourrir son cœur.

Dans la tradition chrétienne comme dans la tradition rabbinique, hindouiste ou bouddhiste, on étudie, on s’imprègne des écrits de livres sacrés. On ne peut méditer sans l’appui de textes reconnus comme paroles de sagesse ou paroles divines. Le livre est porteur d’une expérience humaine, ou d’une sagesse reçue, révélée.

La lecture méditative est ainsi un exercice spirituel universel.
J’ai vu des yogis, assis droit sur un bout de tissu, passer des journées entières avec un petit livre sacré (la Bhagavad Gita) dans les mains, à réciter ou « psalmodier » les versets, à l’ombre d’un banian.
J’ai vu des moines chrétiens, concentrés, immobiles, recueillis devant leur Bible, dans le silence vibrant de paix d’un scriptorium.

J’ai participé avec les pères Jésuites à ces retraites spécifiques sur les exercices de Saint Ignace où l’on se plonge dans les Évangiles, texte collé à la main, et où l’on s’identifie aux divers personnages des récits pour vivre et ressentir ce qu’ils ont pu éprouver.

J’ai connu des périodes de solitude joyeuse où la lecture méditative nourrissait mes journées de marche et de silence d’une douce plénitude.

Pour le chrétien, la Lectio Divina est en fait un vrai dialogue : « Si tu pries, tu parles avec l’époux, si tu lis, c’est l’époux qui te parle » écrivait Saint Jérôme à une jeune fille.

« La « Lectio Divina », cette paisible «rumination» de l’Ecriture ou des textes religieux, est le meilleur aliment de la méditation, dont en fait elle se distingue à peine. Cette lecture est nécessaire, c’est une erreur de croire qu’on peut négliger l’étude de la parole de Dieu, ou l’abandonner, et malgré cela, atteindre l’union intime à Dieu.» (un moine Chartreux)

Pathana est un mot sanskrit signifiant à la fois étude et lecture, employé à propos de la récitation des Vedas (écritures sacrées). En Inde, les livres saints sont très respectés, ils ne doivent pas être posés par terre par exemple, et ils sont toujours touchés avec vénération.
Le Pathana Yoga est la lecture et l’étude des textes sacrés qui accompagne la vie du yogi dans cette démarche appelée Svâdhyâya.

Svâdhyâya est l’étude de soi dans le sens également d’éducation de soi. Cela se situe à trois niveaux.
D’abord, l’étude de l’être vivant que nous sommes. Nous écrivons notre vie. Observant notre comportement, nous comprenons les causes et motivations de nos actes qui façonnent notre vie.
Ensuite, l’étude et le respect du livre vivant de la nature : l’Univers parle à l’être humain à travers tous les éléments naturels, mais aujourd’hui nous ne comprenons plus le langage du vent, des rivières ou des arbres. Or, leur énergie est identique à la nôtre et on ne peut vivre en harmonie avec soi-même que si l’on vit en harmonie avec eux. D’où le bien-être ressourçant que l’on ressent au contact étroit, intime, charnel avec l’herbe de la campagne, les odeurs de la mer, le calme d’un lac, la majesté de la montagne, la plénitude du ciel.

Et enfin, l’étude et le respect de tous les livres sacrés. Leur lecture, Pathana, permet de mieux comprendre le sens de la vie humaine et le pourquoi de telle ou telle religion.


Naturellement, en tout livre est la vie concentrée, c’est le fruit de milliers d’expériences ! Il nous fait participer à une sorte d’éternité.
La lecture peut être sans nul doute, une véritable expérience de vie, quand elle touche au fond du cœur.

Voyons précisément quel est le principe de cette méthode qu’est la lecture méditative ?
Pratique spirituelle par excellence, il s’agit bien d’une voie d’intériorisation.
Car c’est véritablement en se retournant vers l’intérieur que la vie spirituelle se déploie. Chemin de prière contemplative ou de méditation, tous les grands mystiques, tous les sages s’y sont adonnés.
Le but est de se nourrir d’une parole, de s’en imprégner, de la faire vivre en nous.
La lecture devient le support et l’outil de la méditation. Comme peuvent le faire aussi une image, une musique, un mantra, une sensation.
Il s’agit donc de lire et relire plusieurs fois une phrase, un paragraphe, une page. Et de le faire lentement. Car même si la tête a déjà l’information, il est nécessaire de l’intégrer dans les « tripes ». C’est à dire de sentir la résonance dans le corps physique et dans le cœur, sinon, cela reste de l’information pour l’intellect uniquement.

Alors, quelque chose de nouveau peut germer, une vision nouvelle peut apparaître.

*

Dans toutes les traditions spirituelles se pratique une lecture méditée des textes sacrés. Cet exercice est nécessaire pour faire pénétrer dans les profondeurs de la conscience une parole porteuse de vie.

Nous savons que la lecture est constructive du moi. Elle peut aussi être dépassement du moi.
Il y a quatre façons d’aborder un texte : la lecture distractive avec un roman, la lecture informative avec un journal, la lecture réflexive avec un essai culturel ou philosophique et la lecture méditative.

La lecture méditative est plus personnelle, plus intime, plus agissante. Elle emporte l’esprit dans d’autres dimensions, au-delà du moi. Elle peut conduire à une intense paix, mais aussi à une sublime extase.

Cette lecture méditative nous introduit à l’expérience immédiate et à la perception directe de la vie profonde, dans l’acte même de lire.


Parfois, recherchant la paix, nous pouvons nous couper de nos émotions. Or l’émotion, sensorielle, esthétique ou intellectuelle, constitue une expérience paradoxale pouvant induire des sensations sublimes, où la sensation de soi subit une dilatation, une expansion sans limite.
J’ai vécu cette expérience avec un livre il y a bien longtemps.
J’étais fort jeune à l’époque, vivant dans une petite communauté. Assoiffé de connaissance spirituelle, je lisais avec beaucoup de plaisir tout ouvrage que je trouvais, et qui me faisait découvrir des mondes différents, nouveaux.
Ma quête était sincère, j’aspirais à une vie spirituelle mais sans savoir vraiment ce que cela signifiait.
Et je voulais tout connaître, tout comprendre.

Un soir, je m’en souviens parfaitement, je me couchai avec un livre mêlant romantisme moyenâgeux et spiritualité.

J’entrai facilement dans l’histoire qui réveillait mon ardeur chevaleresque de jeune homme. Quand soudain, pris par le mystère et le suspens du récit, quelque chose de surprenant se passa.

Je fus soudainement saisi, réellement emporté dans un état de conscience totalement nouveau et puissant.
L’irruption d’une joie extraordinaire me saisit avec une telle intensité que tout disparut autour de moi.
Je n’avais jamais connu une telle chose, ni ressenti autant d’énergie.
Ça m’emportait réellement. Je me sentais happé par l’Univers. Ce n’est pas une image littéraire, il y avait vraiment dans ma conscience la sensation d’un déplacement extrêmement vertigineux dans l’espace étoilé.
Et une joie vibrante qui s’amplifiait continuellement.
C’était merveilleux, sublime, extatique...
Puis cela commença à devenir douloureux. Je veux dire la joie était si intense que cela me fit peur, c’était trop fort, je ne pouvais rien maîtriser. Ça continuait, s’amplifiait, et ne me laissait aucun répit.

J’ai donc eu peur car j’avais l’impression que j’allais exploser de joie. Réellement exploser.
J’avais véritablement la sensation que le corps ne pouvait supporter autant d’énergie. Ça allait trop vite, c’était trop intense. Le corps allait éclater, j’allais mourir.
Alors, je me suis mis à prier pour que ça s’arrête. Je suppliais que cela cesse, tout en jouissant simultanément de cette extase de joie que je ne pouvais plus contenir.

Je crois que cela dura plusieurs heures, une bonne moitié de la nuit.
Finalement, j’ai dû m’endormir car je ne me souviens pas du tout comment ça s’est arrêté.

Mais au matin, le souvenir de cette expérience était pleinement vivant. Mon corps était bien entier, il n’y avait plus de peur, et je regrettais un peu d’avoir prié pour que ça s’arrête. Mais la présence de cette joie s’était imprimée dans ma conscience.

Et j’avais une certitude à laquelle je n’avais jamais prêté attention : le corps doit être préparé pour accueillir une telle chose.

Cette énergie si puissante ne peut pas vraiment se ressentir tant que nous sommes sur terre... le corps n’est pas prêt à la supporter.
Et si justement le but de notre passage sur cette terre était de préparer le corps et ses énergies subtiles à cette transformation ou plutôt à cette transmutation.

Car il me semble aujourd’hui que l’humanité n’est pas encore prête. Même si il y a une évolution certaine, notre façon de vivre ne nous prépare pas à une telle descente de la Grâce, ou une montée de la Kundalini ou je ne sais quoi. Mais ce que je sais maintenant c’est que notre conscience peut avoir accès à une dimension qui transcende complètement tout ce que l’on peut imaginer.
Nous nous percevons en tant que conscience enfermée dans un corps tel un scaphandre dans lequel nous nous sentons à l’étroit. Et pourtant ceci n’est pas figé. Dans ces moments d’extase, il m’a semblé comprendre tant de choses que le mental ne pouvait gérer. Mais c’est inscrit là, au plus profond de moi- même, au plus profond de chacun de nous-mêmes.