…Cette
dernière prise de conscience met un terme au questionnement. La recherche, le
désir d'universalité n'était rien qu'une ultime tentative pour trouver,
toujours "plus loin", "ailleurs", une place pour
"moi".
Où
est "moi" ? L'abandon de cette quête met un terme à tout questionnement. Plus précisément, le
questionnement va se prolonger pendant quelques jours encore, aller et venir
dans mon esprit, puis il disparaîtra, il s'éteindra de lui-même.
Je
vais devoir partir en famille, pour des vacances programmées depuis plusieurs
mois. Et ces vacances seront prétexte à... vacance.
Notre
séjour, pourtant, est loin de s'être passé comme nous l'aurions souhaité. La
maison réservée s'est avérée ressembler plus à une porcherie qu'au confortable
lieu de villégiature annoncé, et nous avons dû prendre des décisions
désagréables. Mais, quoi que j'aie eu à faire, quelle que soit la manière avec
laquelle cet individu s'est comporté, aucune critique ne s'est plus élevée en
moi au sujet de ces comportements. L'agitation a semblé se dérouler au sein
d'un espace non affecté par les aléas de l'existence et par les propres
comportements de cet individu.
"Je"
était vacant, n'était du moins pas intensément présent, pourtant des réflexions
se développaient, des décisions se prenaient, des actes étaient posés qui
semblaient nécessiter, au contraire, une grande concentration. "Je"
était bien là, mais pourtant pas là. Pas là, mais pourtant là.
Et
si tout se passait constamment ainsi ? Si tout arrivait de soi-même,
spontanément ? Non seulement en chacun des instants déjà vécus ou à venir,
mais également – et avant tout – en l'instant présent, cet instant en lequel la
présence de "Je" semble évidente ?
C'est
alors que le "flash" "s'est produit" – si je puis dire, car
rien ne s'est effectivement produit, même pas une pensée ou une réflexion. Un
sursaut, pas même une perception : la réalité fut "aperçue" un
bref instant – ou bien n'était-ce pas même en un instant, ni en un ailleurs, et
là, les mots manquent ou sont superflus -, suffisant pour que tout bascule. Un
simple "aperçu" qui n'a rien apporté de plus à la compréhension mais
sans lequel celle-ci serait demeurée purement intellectuelle, aurait généré –
comme les compréhensions partielles précédentes - une réactivation de la quête,
un nouveau questionnement. Même quand "Je" est là, il n'est pas
là. Il n'y a pas lieu de désirer la disparition de "Je" : il
n'existe tout simplement pas !
Après
ce "flash, tout a continué exactement comme ça se serait passé avant, mais
sans séparation, sans recul, sans observation, sans "moi", dans un
complet "laisser-faire". La quête était terminée – et la vie se
poursuivait. Tout
était à ce qui se passait – rien n'était ailleurs –, mais "je" n'y étais pas. Il y avait
simultanément présence absolue et absence totale de "moi".
Le
rôle nécessaire s'est joué sans aucune réserve, sans résistance ni aucun
questionnement. Rien ne s'est opposé à ce que cet individu joue ce rôle
particulier, rien ne s'est opposé à la manipulation dont il était l'objet et
aucune question ne s'est posée quant à l'origine de cette manipulation. Pas de
résistance à l'apparence que prend temporairement cet individu, pas de
"moi" pour dire : "J'existe bel et bien, mais je ne suis pas
celui-ci !". Aucune résistance pour sous-entendre l'existence d'un
"moi" qui résiste.
Lorsque
nous sommes rentrés, je n'ai pas même songé à contacter Samuel,
vraisemblablement parce que je n'aurais su quoi lui dire. Ce n'est qu'après un
certain temps que nous avons échangé quelques mots, au détour d'une conversation
des plus banales, qui ont suffi pour que chacun sache qu'un cap avait été
franchi en
l'un comme en
l'autre – et non par l'un et par l'autre. Je ne connais toujours pas aujourd'hui
les détails de ce qui a été vécu en Samuel, et il n'en sait pas plus sur ce qui
a été vécu en moi, à cette période.
Aujourd'hui
encore, il m'est difficile, vous le constatez, de m'exprimer très clairement au
sujet de cette transformation qui n'en est pas une. Peut-être, justement, parce
qu'elle n'en est pas une. L'individu n'a pas changé, il est même "plus
individu qu'avant", si je puis dire, parce qu'il n'y a plus de question au
sujet de ce qu'il est, plus de "surveillance" de ce qu'il fait,
seulement un constat instantané.
Il
y a bien vision de ce qui se passe en lui, mais vision instantanée. Ce qui ne
signifie pas que la vision différée, l'idée d'un "moi" a disparu.
Cette pensée est parfois présente, comme avant, mais elle-même est
"vue", instantanément, comme un élément de l'instant, sans plus. La
vision instantanée englobe la pseudo vision différée, pourrais-je dire. Ce
qui a disparu, ce n'est pas l'idée d'un "moi", qui va et vient, mais
la croyance en le fait que "moi" est plus qu'une pensée, cette pensée
qui permet de témoigner.
Pour contacter Michel : michelanvers@aol.fr
Pour contacter Michel : michelanvers@aol.fr