lundi 22 avril 2013

• Les mystères de la transmission - Krishnamurti



Avant-propos

Le présent ouvrage n’a pas pour but une quelconque remise en question de l’enseignement de Krishnamurti, mais tente de jeter un regard sur les répercussions, dans le temps et l’espace, qui ont pu se produire chez un fervent admirateur inconditionnel, en son temps, de cette nouvelle et puissante forme de pensée, émanant du personnage.

Il s’agit donc du cheminement d’un disciple de ce maître, bien que ce dernier réfutât ce terme, qui a fait l’objet de ce livre, dont les modalités d’exploration pourront surprendre.
           
Il n’a aucune prétention d’enseigner quoi que ce soit, mais simplement de décrire ce qui s’est passé à partir de l’écoute subjuguée d’un auditeur, interpellé par ses conférences, sous la grande tente  de Saanen, ainsi que par la lecture de ses livres.

L’auteur ne revendique nullement de détenir une quelconque vérité dans un domaine où la subjectivité et les contradictions foisonnent, d’autant que toutes ces supposées vérités ne sont faites que de concepts qui, en général, ne font qu’enrichir une mémoire déjà bien chargée de connaissances.

« Le mot n’est pas la chose », disait Krishnamurti, et la grande leçon qui apparaît dans une telle exploration réside dans le fait que cela pointe vers ce qui est, au-delà des mots et des paroles, plongeant directement dans le néant du non-savoir.

La grande facétie cosmique place les humains dans le statut paradoxal où il y a épuisement à comprendre ce qui ne peut jamais l’être, aboutissement très peu satisfaisant car cela annule chercheur et cherché.

C’est un saut dans l’inconnu où l’on arrive chez soi, avec la reconnaissance que nous y avons toujours été...


Chapitre I

Si Krishnamurti a été une étape marquante dans l’univers de l’exploration de l’humain, d’autres enseignements non-dualistes braquent la projection sur le fait que la personnalité autonome, disposant d’un libre arbitre présumé, n’est qu’une croyance illusoire, qu’il est très possible de vérifier directement et sans intermédiaire.

Très souvent, ce point essentiel est noyé dans le magma des interprétations de la pensée, et le siècle actuel génère des interrogations qui n’effleuraient pas les esprits des précédents habitants de la planète Terre.

En étendant l’observation à ce qui s’est passé dans le monde, d’après ce que nous pouvons en constater, le mammifère humain a toujours manifesté une forme d’intuition où il sentait que quelque chose devait exister, comme une puissance supérieure qui dirigeait et soutenait ce gigantesque 
déploiement cosmique.

Les noms donnés à cette intuition varient en fonction des pays et des races ; des groupes d’humains, subjugués par des précurseurs qui mettaient en forme cette intuition, ont créé des organisations appelées religions.

D’autres, en nombre plus réduit, ont suivi des enseignants éclairés à divers niveaux pour entreprendre une recherche plus spécifique.
Force nous est de constater que ces entreprises n’ont changé en rien l’état précaire et malheureux de la majorité des 
habitants de la Terre.

Qu’en est-il en réalité de cet élan vers l’inconnu, le sacré, le mysticisme, les croyances, si ce n’est pour remplir un vide abyssal et exorciser nos peurs les plus profondes avec le léger inconvénient de voir se traduire ces idéologies en divergences irréconciliables et tueries sans fin, qui perdurent jusqu’au troisième millénaire.

Le concept de « Dieu » a ainsi pris forme avec les multiples interprétations qui lui ont été attribuées, selon les pays et les races, avec le point commun de l’impérieuse nécessité, pour vivre dans l’épanouissement et la vérité, de suivre des enseignements, des pratiques, et toute une gamme de comportements dans un jeu magnifique où l’on s’intitule chercheur spirituel.

Cela peut se poursuivre la vie entière, et pour ceux qui n’abandonnent pas en cours de route, la tendance majeure qui permet à la pseudo personnalité de rester aux commandes sans grande difficulté, du fait que l’avènement de l’éveil signifie la fin de son règne. 

Si la voie dualiste propose un but à atteindre, la voie directe est jalonnée de prises de conscience qui permettent de détecter que les films qui défilent dans la pensée ne sont pas autre chose que les conditionnements et les formatages enregistrés à notre insu depuis la plus tendre enfance.

Ce recul nous amène à nous poser la question : ces programmes sont-ils réellement nous-même du fait qu’ils sont vus comme des réactions automatiques qui se projettent vers l’extérieur en toute inconscience ?

Si nous ne les saisissons pas, nous constatons que les pensées viennent d’une vacuité pour y retourner comme elles sont venues ; c’est ce genre de constat qui commence à nous rendre dubitatif sur le fait qu’il se pourrait que notre identification à la pensée ne soit qu’une croyance qui ne correspond pas à une réalité, jusqu’alors totalement occultée.

Ce genre de découverte, si elle bouleverse notre vision de nous-même, est en réalité une avancée considérable car elle pose les jalons vers la connaissance de notre nature véritable par expérimentation et non par des lectures ou discours faits par d’autres, inclus ceux de Krishnamurti.

C’est là où la notion de voie directe intervient, car il ne s’agit plus d’aller à la pêche aux savoirs mais d’intimement conscientiser que nous sommes  espace et temps, que ce qui s’élance à partir des sensations, émotions, pensées, jaillit de cette vacuité silencieuse et paisible.

Ainsi s’infiltre dans le corps-esprit une forme de maturité qui remet à sa juste place toutes les croyances, idéologies, opinions qui ne peuvent plus être prises au sérieux après de telles découvertes ; nous commençons à nous éveiller du rêve.

Quand le bruit mental permanent est vu pour ce qu’il est, un simple déploiement d’énergie auquel nous nous sommes identifiés, la bonne farce mise en place par le grand architecte est déjouée ; cela peut nous amener à une joie où nous commençons à comprendre ce que le terme libération veut dire.
Le fait de commencer à prendre conscience que nous ne sommes pas propriétaire de nos pensées mais qu’il s’agit du jeu d’une totalité impersonnelle qui anime les moindres détails des milliards de formes qui s’incarnent dans l’univers d’instant en instant.

Quand il est vu que ce surgissement de pensées apparaît et disparaît, ceux qui ont pu être suffisamment attentifs ont pu réaliser qu’il y avait souvent un silence entre deux pensées.

Lorsque cette vacuité silencieuse s’élargit, « le vide que nous sommes apparaît dans le néant absolu de notre nature intemporelle ». 

Cette audacieuse affirmation se révèle porteuse d’une simplicité peu admissible par le mental. La vie est tout ce qui est et ce qui peut être, elle joue simplement le rôle d’un individu qui se croit autonome et indépendant.

En fait, la source de vie habite le corps à sa conception et le quittera à la mort.

« Cette force de vie n’est pas autre chose que notre véritable nature ».

Découverte étonnante, nous sommes force de vie mais aussi une manifestation de cette force de vie dans le temps et l’espace.

Quelques phrases-clefs définissent très bien ce mystère :
La forme est vide, le vide est forme
La conscience manifestée est la même que la conscience non manifestée

Le physicien peut dire :
De l’énergie indifférenciée émane l’atome et ses composants, base de tout ce qui existe.

En somme, l’énergie qui anime le vivant est la vie à l’état pur ; elle manifeste l’univers ainsi que ce grain de poussière qui s’intitule être humain et s’oublie dans sa manifestation.

Quand elle se retire d’un corps, celui-ci redevient poussière ; ce qui, en final, n’a pas grande importance, cette manifestation particulière n’a aucune existence propre ; la supercherie de la vie favorise la croyance d’être une entité autonome, disposant d’un libre arbitre et séparée de la totalité, ce qui dramatise le problème d’une pseudo personnalité, grugée par son apparence et ses ressentis.

Une fois déjoué le grand malentendu de se croire séparé, l’identification à une identité fictive cesse, seul subsiste le grand vide ; il est vu alors que nous sommes un flot d’énergie qui se produit dans rien.

A la fin du corps, nous retrouvons l’unité d’avant la naissance, la pseudo identité ayant fusionné avec son origine, il n’y a plus personne pour mourir.
Si le rien que nous sommes n’est pas reconnu nous partons avec la croyance  qu’il y a quelqu’un qui meurt.
D’une façon comme d’une autre, la manière dont nous allons quitter le Monde n’est pas de notre fait et ne représente pas un but à atteindre, surtout lorsque la présomption d’être quelqu’un qui possède la vie est tombée.

La compréhension est tout, quoi qu’il se passe, c’est l’affaire d’une conscience qui s’est fractionnée en deux ; la seule alternative, pour l’humain, réside dans l’intégration de cette compréhension, là où explose tous les concepts dans le grand silence de l’unité retrouvée.

Du fait que nos décisions apparentes font partie d’une programmation qui nous échappe, pour la bonne raison que le parcours de chacun est déjà joué dans le grand ordinateur central, alors que nous croyons dur comme fer que nous avons choix et libre arbitre.

Cela peut être très frustrant, mais le contraire peut se produire ; les choses sont ce qu’elles sont et il ne peut en être autrement ; tout se passe dans le silence qui connaît tout ce qui arrive dans le théâtre des apparences.

Quels sont les signaux qui peuvent nous faire réaliser que nous sommes prisonniers d’un déterminisme aussi radical ?
Certaines modalités de nos existences courantes pourront peut-être nous aider à décrypter le mystère.

Tout au long de ce parcours de vie, il nous est possible de constater que nous fréquentons trois états bien définis : l’état de veille, l’état de rêve et le sommeil profond.
Successivement, ces trois états apparaissent et disparaissent mais la conscience impersonnelle sous-tend ces états dont elle est le substrat permanent.

Qui suis-je alors ? Ces trois états permanents qui se succèdent tout au long de la vie, ou l’énergie impersonnelle d’où surgissent ces trois états ?

L’aperçu le plus significatif qu’il nous est possible de vivre réside dans le sommeil profond ; cette phase est comme une plongée dans sa propre Source ; la pseudo personnalité disparaît. Nous la retrouvons à chaque réveil, en quelque sorte, on pourrait dire : le Monde existe parce qu’il y a quelqu’un pour le voir.

Lorsque l’état de veille est recouvré, l’individu reprend ses films et scénarios à l’endroit où ils en étaient. C’est comme l’histoire d’une vie où l’humain devient l’intermittent du grand spectacle de l’univers en mouvement pour quelques fractions de secondes par rapport à l’éternité.

Les découvertes qui peuvent nous apporter une vision objective des trois états, c’est que le déroulement dans le temps et l’espace obéit à une loi subtile, très révolutionnaire pour le mental contemporain.

La source de vie et ses innombrables manifestations, inclus l’humain, sont unifiées dans l’énergie intemporelle qui anime, d’instant en instant, toutes les situations que vivent les habitants de la planète, humains, animaux, monde végétal et minéral.
Cela mérite un approfondissement réaliste.