mercredi 26 septembre 2012

• Se sentir à l’aise et léger est votre véritable nature.



Ce livre-témoignage raconte le parcours d'un journaliste indien de Gandhi à Svâmi Prajnânpad. Il retrace plus de 40 ans d'enseignement de Svâmiji avec le même disciple.
« Aussi longtemps que l’on ne voit pas une situation particulière comme elle est en réalité, quelque chose d’autre va apparaître à sa place. Quand vous n’acceptez pas ce qui est actuellement ici, vous avez besoin de créer quelque chose d’autre… Où que vous soyez, vous êtes en contact direct avec votre environnement. Chaque fois que vous sentez que ce contact direct manque, le mental a commencé ses mauvais coups. »
C’est en partant de l’expérience du disciple, de son ressenti, sans ajouter quoique ce soit d’autre, que Svâmi Prajnânpad avance pas à pas avec lui : « Pourquoi un tel choc ? Parce que vous avez cru que tout doit arriver selon vos désirs. Mais la vie existe dans les deux états de favorable et de défavorable : le plaisir et la peine, la bonne santé et la maladie, etc. Le positif et le négatif sont indissolublement liés. Vous avez reçu un choc, parce que votre esprit avait pris l’aspect positif comme la seule vérité et n’était pas préparé à recevoir l’aspect négatif. C’est inévitable quand on vit dans le mensonge. Il n’y a  alors que faiblesse, absence de joie et agitation. »
En ayant l’esprit préparé aux deux aspects de la vie, on développe force, joie et paix. La joie est l’essence de la vie. Une vie sans joie n’est pas une vie pour un être humain. Une vie humaine se reconnaît au flux d’énergie pure et spontanée qui apporte la béatitude. 
Se sentir à l’aise et léger est votre véritable nature. 


Sumangal Prakash a été d’abord disciple de Gandhi, il a lutté pour l’indépendance de son pays et fait de la prison. Gravement déprimé, il s’est souvenu avoir rencontré à l’université de Bénarès en 1923 un étrange professeur que l’on disait versé dans la psychanalyse. Entre temps ce professeur  était devenu Svâmi Prajnânpad. Profondément athée, Sumangal s’est néanmoins engagé auprès de cet homme d’exception. Il raconte ici son parcours qui l’a conduit au succès journalistique et littéraire et à des fonctions politiques de haut niveau. Il est l’auteur de L’expérience de l’Unité paru chez le même éditeur.

Extrait de l'ouvrage : 

Certaines des lettres de Svâmiji, pendant cette correspondance prolongée, valent la peine d’être mentionnées d’une manière plus complète. Et voici des extraits de la première, datée du 12 juillet 1943 :
« Votre esprit ne devrait pas être perturbé quand vous êtes confronté à une situation inévitable. Peu à peu votre réseau social s’élargit ; vous devez, par conséquent, garder toujours à l’esprit, avec une lucidité constante, quelle est la vérité de la situation, quelle est la réalité. La réalité mentale devait en fait être prise en considération avant. Maintenant vous devez en faire l’expérience dans sa totalité. Pourquoi la maladie de Shoban est arrivée comme un choc sévère ? Pourquoi ? Parce que vous avez cru que tout doit arriver selon vos désirs, que chacun devrait vivre en bonne santé et heureux, et qu’il ne devrait jamais y avoir ni misère ni souffrance. En d’autres termes, vous avez cru que la vie irait toujours dans la même direction qui vous est favorable. Mais la vie existe dans les deux états de favorable et de défavorable. Le plaisir et la peine, la bonne santé et la maladie, la prospérité et l’adversité, la naissance et la mort, le succès et la chute. Aucun aspect unique n’est vrai. La vérité a toujours deux faces. Le flot de la vie continue à travers le changement constant, le mouvement et la mutation de ces deux aspects. Là où il n’y en aurait qu’un seul, cela signifierait la mort.
Le positif et le négatif sont indissolublement liés ensemble. Il n’y a aucun positif sans négatif, et aucun négatif qui pourrait exclure le positif. La vie est faite des deux pris ensemble. La vie sans aucun de ces deux aspects n’est que mort. En ayant l’esprit préparé à ces deux aspects, on développe force, joie et paix, autrement il n’y a que faiblesse, absence de joie et agitation. Vous avez reçu un choc sévère, parce que votre esprit avait pris l’aspect positif comme la seule et unique vérité et n’était pas préparé à recevoir l’aspect négatif. C’est inévitable quand on vit dans le mensonge.
Alors, qui peut dire à l’avance si c’est “incurable” ou “fatal” ? Prenez la situation telle qu’elle est actuellement, efforcez-vous d’y remédier : c’est ce qui est en votre pouvoir… Votre esprit restera alors stable et non troublé, ce qui vous donnera la force d’agir en fonction de la situation. Sinon votre agitation rendra votre tête et votre cœur impuissants face à l’action.
Si vous êtes perturbé qu’arrivera-t-il à Minati ? Ne l’oubliez pas. Vous êtes un homme : puisse votre cœur être illuminé par la lumière de la connaissance. Restez ferme et serein pour consoler le cœur de la mère. »

Et dans la lettre suivante du 10 août, il écrivit :
« Oui bien entendu, essayez le médicament de Madras. Essayez tout ce qui peut donner un espoir de guérison. Vérifiez seulement que votre attachement aveugle pour l’enfant ne vous fasse pas perdre toute discrimination, entre ce qui convient et ce qui ne convient pas, ce qui est juste et ce qui ne l’est pas.
Recevoir simplement un choc ne suffit pas : vous en avez reçu un certain nombre jusqu’à présent ; l’aveuglement émotionnel fait tout oublier. C’est là qu’apparaît la désillusion sentimentale telle qu’elle se produit pendant les funérailles, et par laquelle on est emporté. L’important est de sentir dans votre cœur les affres et les angoisses du coup douloureux, et ensuite d’enraciner cette expérience en profondeur.
[…] La fonction de l’intellect est de préparer l’homme pour n’importe quelle situation nouvelle en le gardant toujours alerte et attentif envers les circonstances. La vitalité se trouve seulement dans cette préparation. Un homme ignorant, dépourvu d’intelligence et aveuglé par ses émotions reste perplexe devant une situation nouvelle et n’essaye d’y faire face qu’après qu’elle s’est produite. Un homme intelligent anticipe toutes les éventualités. Pourquoi parler de mort, même si la maladie de Shoban vous a donné un choc sévère ?…
“Je ne deviens conscient de ce but que lorsque je suis confronté à une situation éprouvante, inconfortable et contraire à me désirs, et que je suis obligé d’y faire face.” (C’est ce que vous écrivez.) Ceci indique un stade débutant (de l’intellect). Mais dans le cas où l’intellect s’est développé un peu plus, ne cherchera-t-on pas toujours à essayer de trouver la loi ou la vérité par une étude consciente des événements qui arrivent dans la vie individuelle aussi bien qu’autour de soi ? Cela implique d’appliquer la loi et la vérité à sa vie. La majesté, l’excellence et la signification de l’intellect résident dans cette préparation anticipée. Voyez chaque chose dans sa totalité et non partiellement. »

Mais toute cette logique simple et globale ne réussit pas à pénétrer mon esprit accroché à son seul point de vue, et m’apparut comme une philosophie très abstraite. Ce qui me toucha en revanche et me fit presque enrager furent les mots de Svâmiji cités plus haut : Que c’était mon trait de caractère particulier d’oublier les leçons de mes expériences, que j’avais été insensible aux coups que j’avais si souvent reçus, et qu’étant moi-même un père je n’avais pas pris sur moi la responsabilité de mon propre fils, et que j’étais obligé de vivre sur les revenus de mon vieux père. Svâmiji ajouta : « C’est une chose d’avoir une véritable affection pour son fils, mais une autre d’avoir un attachement aveugle et une sollicitude excessive. Une affection vraie et véritable est pour le bien à la fois du père et du fils, alors que l’attachement émotionnel fait du mal à tous les deux. »

Naturellement, dans mon état d’esprit du moment, ma réaction à ce courrier fut malsaine. J’écrivis une lettre piquante à Svâmiji et je protestai contre son accusation et ses sarcasmes. Le 6 octobre 1943, Svâmiji envoya une courte lettre en réponse :
« Le but dans lequel cette lettre a été écrite a été atteint dans une grande mesure. Comme vous le savez, dans le type de relation qui existe avec vous il n’y a pas de place pour les accusations, les sarcasmes ou les incompréhensions. »
Plus d’un mois avait passé et, en fin de compte, l’état de notre enfant allait de mal en pis. Je sentais ma tête et mon cœur partir dans tous les sens. Ignorant la logique et le raisonnement que Svâmiji avait essayé de me faire comprendre, je n’étais pas du tout prêt à accepter l’inévitable. Dans mon désespoir, je suppliai Svâmiji de venir avec nous à Bénarès, à ce moment critique de ma vie, ou, si c’était totalement impossible pour lui de le faire, de me conseiller quel chemin je devais suivre. Il me répondit le 23 novembre 1943 :
« Il n’y a aucune raison de vous envoyer un avis à distance. Ce que Rabindranath m’a écrit une fois me vient à l’esprit : “En essayant d’éviter la mort, on est seulement attiré par elle ; tandis que ceux qui sont toujours préparés à recevoir la mort les bras ouverts jouissent pleinement de la vie.”
Dans le jeu ininterrompu de la vie et de la mort, tant que la vie persiste, on ne peut que vivre avec la croyance que cela va continuer… Tandis qu’il garde son esprit préparé à l’inévitable, le sage continue à agir dans le présent.

© Publié avec l'accord des Éditions Accarias-L'Originel