mercredi 27 avril 2016

• La libération n'est pas un dîner de gala ! - Antoine Marcel



 Sous la forme de fragments ou de sentences, l’auteur va droit à la vérité centrale du bouddhisme zen tel qu'il était compris dans ce que l'on appelait, aux origines chinoises, l'École de l'Esprit – encore tout empreinte de pensée taoïste. Trois courants coexistaient alors, le monacal, l'érémitique, et celui des lettrés. Se référer à ces courants d'une sensibilité différente permet de comprendre l'enseignement profond du zen dans son contexte authentique, encore libre des rigidités qui deviendraient les siennes par la suite, après sa formalisation au Japon.
Cernant de près son sujet par divers abords successifs, la méditation assise, l'éveil, la connaissance, le naturel, et nombre d'autres thèmes spécifiques encore, de façon rigoureuse et conforme à la pensée chinoise du taoïsme philosophique et du bouddhisme zen des origines, l'auteur circonscrit entièrement son sujet qu'il permet ainsi de comprendre à fond : une liberté spirituelle sage et silencieuse, indépendante de tout enfermement dans les savoirs d'école.
Par là, ce texte intéressera nombre de lecteurs tout à la fois en quête d'une spiritualité authentique, et épris de liberté. Cet enseignement est dans le droit fil du taoïsme philosophique et du tch'an – proche par ailleurs du dzogchen du mahâmudrâ du bouddhisme tibétain, et même du non-dualisme de l'advaita-vedânta. Un livre d’une grande vigueur basé sur un travail d'érudition joyeuse et une considérable expérience. Un livre à la fois profond et léger.
D'une écriture concise, composé de textes courts, cet ouvrage – plaisant et érudit – se lit comme un livre de chevet, qu'on prend et qu'on repose, qu'on goûte et dont on se pénètre peu à peu. Du fait de son ouverture, du thème évoqué par le titre, le livre devrait par ailleurs susciter l'intérêt de nombre de chercheurs en spiritualité, comme de tous ceux qui, conscients de la situation critique de l'époque, sont en quête d'une nouvelle manière de penser le rapport de l'homme à lui-même, comme à la nature.

Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias-L'Originel :

Lorsque l'on réalise que l'esprit ne dépend de rien, on dépose sa propre cangue. Et bien souvent, c'est un moment douloureux. On s'était habitué au fardeau. Il était devenu nous-mêmes. 
La cage est ouverte, mais l'oiseau hésite à s'envoler.

Oui, c'est ça, la vérité. L'animal domestique s'est longuement imprégné des lois de la servitude. Libéré, il ne sait plus comment faire. Peut-être n'arrivera-t-il même pas survivre.
Et chez les hommes, peut-il en être autrement ?
La libération n'est pas un grand soir, elle n'est pas un dîner de gala !
C'est une catastrophe, a-t-on même dit.

On peut surmonter les obstacles d'une existence, un à un. C'est comme déterrer des ossements pour les inhumer ailleurs. Comme déplacer des montagnes et détourner les fleuves. À mesure qu'on se dégage, on s'ensevelit. 
Dans le zen, d'un seul geste, on tranche la causalité. Ce bourbier est notre demeure.

Quand les dix mille choses sont encore des obstacles, rien ne vaut le retrait, le silence – mais ce n'est encore là que pis-aller.
On ne devient vraiment libre que lorsque les phénomènes cessent de vous égarer, de vous emporter dans les tourbillons de leur sillage. On est alors, au beau milieu de la rumeur du monde, comme un roc que rien ne peut ébranler.

Nos misères humaines n'ont pas changé, comment le pourraient-elles ?
La grande roue du samsâra tourne, tourne.
Au loin, dans le ciel nocturne, le dessous des nuages est éclairé par les lumières de la ville. Comme c'est beau !

Les Immortels, entre ciel et terre, sur les montagnes, sur les rivages et jusque dans le monde des hommes, ici et là vont et viennent librement. Ils se manifestent comme ne se manifestant pas. Rien ne les attache – ni l'existence, ni la non-existence.

Au sommet des montagnes, au fond des océans,
dans le vaste désert, au fond d'une prison,
ce que vous découvrirez pareillement, c'est l'immense liberté spirituelle d'une conscience sans objet.
Dans l'habit du spationaute ou du scaphandrier, du prisonnier, du voyageur, loin de la mondanité, vous saurez que c'est en vous-même que la plus haute vérité s'exprime.

Une grande question, une grande souffrance  : rien ne vaut le retrait, le jeûne du cœur. Au lever d'un nouveau jour, on connaît le moyen juste – le moyen habile. Il s'impose de lui-même en son évidence.

L'eau d'un ruisseau suit son cours, mais nous, nous devons choisir notre chemin. Les opinions, les croyances, les controverses, voilà nos agitations, nos rebondissements, nos éclatements sur des rochers. Rien ne vaut le calme et le retrait – l'ombrage, dans la forêt, d'une résurgence aux ondes transparentes.

C'est parce qu'on réalise que l'esprit est absence d'esprit qu'on se libère de la roue des existences.
C'est parce que l'éveil est vacuité qu'on s'exempte de l'enfermement dans la noèse.
Le Bouddha n'a jamais rien dit.

Ne plus avoir à maintenir la cohérence d'une identité fictive, voilà qui épargne beaucoup de fatigue.
La véritable liberté spirituelle n'est pas celle d'un prétendu libre arbitre, mais d'une libération du moi.




mardi 12 avril 2016

• Explorations non duelles - Didier Weiss


Didier Weiss ramène le chercheur spirituel, égaré dans son labyrinthe, à redécouvrir l’inimitable et indescriptible « Paradis » retrouvé.
La non-dualité pointe le doigt vers la compréhension de notre véritable nature par l’expérience directe, vers ce lieu que nous n’avons jamais quitté. Avec le temps, ce lieu est devenu méconnaissable, enseveli sous les couches et les couches de la construction de notre identité personnelle, perçu à travers le filtre mental des noms, étiquettes, interprétations et histoires.
Les propos de l'auteur, parfois abrupts de simplicité et de légèreté, invitent le lecteur à dissiper cette fausse identité, mais ne se veulent ni simplistes ni moroses. Didier Weiss démasque les idées reçues et les concepts qui voilent le regard : des explorations à raz du sol, les pieds nus bien ancrés dans la vie de tous les jours
Didier fait et refait avec humour parfois, la démonstration que notre mental et ses histoires se résument bien... à de simples histoires.
Un échange spirituel rafraîchissant et passionné au travers d’un vocabulaire clair et évocateur à la portée de tous qui démystifie la plupart des poncifs spirituels en ramenant sans cesse le lecteur/chercheur à son expérience personnelle, intime et immédiate.

« Je sais par expérience que ce dont nous parlons est la Réalité de tous. Il suffit “juste” de laisser tomber le sens commun, le fameux “bon sens”, les lois supposées de l’univers, les points de vue établis ; de te laisser tout doucement guider, main dans la main, et enfin “Voir” pour la toute première fois. »

Didier Weiss, né en 1962, est diplômé en électronique, physique et informatique. Après une carrière de 12 ans en temps qu’ingénieur du son à Paris, il part s’installer en 1994 dans le sud de l’Inde à Auroville pour y poursuivre sa passion de chercheur spirituel. Une résolution apparut en 1998, grâce à l’aide de son guide Ramesh Balsekar de Bombay.

Extraits publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias-L'Originel :

Pierre : Il y a donc bien un événement dans le temps. Mais il me paraît paradoxal d’être dans l’attente de cet événement pour celui qui ne l’a pas vécu. Ce n’est peut-être que lorsque nous ne cherchons plus rien qu’il peut se produire quelque chose. Ceci étant, je sens suinter un stratagème, une spéculation de lâcher pour mieux obtenir...

Didier : « Un stratagème mental de lâcher pour mieux obtenir... » Oui, c’est effectivement une autre forme plus subtile de recherche. De nombreuses personnes ont « laissé tomber » leur recherche dans l’espoir plus ou moins conscient que ce lâcher-prise amène « le » résultat escompté.
Au royaume des paradoxes, voici peut-être le roi :
le côtoiement de deux aspects : la recherche la plus ardente d’une part et l’honnêteté la plus totale quant au résultat de cette recherche d’autre part, peuvent ensemble dissoudre l’état hallucinatoire.
l’Éveil n’a besoin de rien pour exister si telle est la destinée... Laisse-moi t’expliquer.
La « recherche la plus ardente » :
Tous les témoignages parlent d’une question existentielle brûlante qui, même quand elle n’est pas pensée, est présente en filigrane à chaque instant.
Cette question est générée par la réponse qui se cherche elle-même.

« L’honnêteté la plus totale  » :
Souvent citée dans le Zen et par Nisargadatta Maharaj, elle est le vrai aspect du lâcher-prise qui autorise le chercheur à « trouver », mais attention !... quelles que soient les conclusions finales de cette recherche.
Toute pensée de notre vie ordinaire est une pensée de survie, de protection, de justification, d’intérêt, de progrès.
L’honnêteté, « l’impeccabilité du guerrier », pour reprendre l’expression de Carlos Castaneda, consiste à arrêter de soulever les pierres qui nous arrangent, ou celles qui ne nous font pas peur ; et à soulever toutes les pierres, ou tout au moins à soulever toutes celles cachant potentiellement un serpent mortel.
Cette honnêteté ne prend pas en compte notre pensée ordinaire. Elle est prête à n’importe quelle conclusion, même la plus dévastatrice pour notre identité. Elle se moque bien de notre position par rapport à Elle, elle n’a que faire de la survie ou non du petit bonhomme...
La recherche n’est pas sincère tant qu’elle n’inclut pas totalement ces deux aspects. Au mieux, c’est un passe-temps. Au pire, c’est une entrave.

Donc « l’attente sans attente » de Jean Klein pourrait se développer ainsi : « l’attente sans attente d’un résultat spécial et plus particulièrement d’un résultat m’étant favorable ».

Et ceci n’exclut pas, bien au contraire, l’apparence d’une vraie recherche qui sera ainsi le signe avant-coureur de l’Éveil et non sa cause.
Stephen Jourdain a écrit : « On ne peut l’atteindre qu’en traversant à reculons toutes nos intentions, toutes nos motivations, y compris celle d’atteindre l’Éveil. Il faut extirper de soi-même toutes ses intentions, toutes ses volontés, même les plus élevées. On ne va pas vers l’Éveil pour...
Si l’on peut invoquer la moindre raison pour aller vers l’Éveil, on lui tourne le dos. De fait, la valeur infinie, encore une fois, n’apporte rien. »
En ce qui concerne « mon » cas, les détails sont sans importance. Je ne m’aventurerai pas avec toi sur ce terrain là. Ils ne t’offriraient que de fausses pistes, la pente savonneuse assurée !
Il ne s’agit pas d’avoir un mode d’emploi pour acquérir quelque chose mais de se promener tout nu, les pieds dans l’eau, à proximité de fils électriques, eux aussi dénudés ! métaphoriquement parlant bien sûr...
Prudence également que cette simple promenade d’exploration la plus ardente et honnête ne devienne pas pour autant le combat du « guerrier de la Lumière Divine... ! »
Bonne promenade métaphysique !


vendredi 8 avril 2016