vendredi 24 février 2017

• L’éveil est la qualité première et fondamentale de l’esprit - Suyin Lamour



C'est avec une immense joie qu'Éveil Impersonnel vous annonce la parution du nouveau livre de Suyin Lamour : La grande paix du coeur !

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Pour Suyin Lamour, l’éveil n’est pas quelque chose que l’on atteint, mais que l’on reconnaît. C’est l'instant où notre nature véritable se révèle, où l’on réalise que l’on est infiniment libre. Libre, et Un avec tout ce qui est. Cette réalisation dévoile la nature impersonnelle de l'existence et l'illusion de l'identification à un individu séparé.
Cependant, cet événement va déclencher par la suite tout un processus, et l’auteur nous décrit ainsi ce qui se passe après l’éveil. Ce processus va entraîner à la fois une intégration et une désintégration progressives : intégration de cette vision absolue dans un psychisme conditionné, et simultanément, désintégration des conditionnements et de l’identification. Une inversion de perspective, une véritable mue psychique qui se produit par étapes.
Cet ouvrage, qui prolonge son précédent livre La joie d’être, relate comment cette réalisation s'intègre pour l'auteur dans le quotidien et décrit les modifications profondes qu'elle induit dans sa perspective de vie.
Il n'y a plus de préférence, plus de dualité entre éveil et non-éveil, unité et dualité, absolu et relatif. Suyin se sent libre d'aimer tous les aspects de l'existence et de l'expérience humaine, des plus spirituels aux plus matériels.
Un récit truffé de conseils pratiques pour aborder le processus d'éveil à travers quelques grands thèmes principaux : l'observation, le retournement de la conscience vers elle-même, l'accueil de ce qui est, le lâcher-prise...
Un livre enrichi par un recueil de méditations guidées qui permet au lecteur de mener des auto-investigations approfondies sur sa véritable nature.
Ce qu'écrit Suyin Lamour est d’une grande fraîcheur. Un livre très intimiste, proche, où chacun pourra se reconnaître.

« Il s'agit là d'un ouvrage fondamental. Dans tous les ouvrages traitant de l'éveil spirituel qu'il m'ait été donné de lire, je ne me souviens pas avoir trouvé de descriptions aussi précises et précieuses du processus que l'on peut être amené à traverser. » (Patrice Gros, extrait de la préface)

Suyin Lamour est thérapeute et écrivain. Suite à une illumination vécue à l'âge de 28 ans, elle a fait de la dimension de l'Être le centre de son existence. Elle a publié récemment La joie d'être chez le même éditeur.

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Préface de Patrice Gros, créateur du blog Éveil Impersonnel :

En tant que créateur et responsable du blog Éveil Impersonnel, dédié aux approches non duelles sans pour autant être rattaché à une tradition spirituelle spécifique, il m’est proposé certains ouvrages de référence de la part d’éditeurs, en vue de les annoncer. Lorsque j’ai reçu La Joie d’être, le premier livre écrit par Suyin Lamour, je n’y ai pas au début spécifiquement prêté attention, me disant qu’il s’agissait d’un livre de plus traitant d’éveil et de non-dualité, dont ma bibliothèque regorge. Mais lorsque je découvris l’extrait de présentation que m’envoya Jean-Louis Accarias, des Éditions Accarias-l’Originel, je fus non seulement surpris mais immédiatement conquis.
Je lus donc cet ouvrage d’une traite, comme un roman, sans pouvoir m’en détacher, dévorant chaque ligne, vibrant à chaque page, me délectant de chaque mot. Je me suis dit : «Ce qu’écrit Suyin Lamour est absolument délicieux. Quelle fraîcheur ! Voilà enfin une personne qui parle intimement de son expérience et du processus de l’éveil. »
Quelle ne fut pas ma joie lorsque Suyin Lamour me proposa de lire le manuscrit de ce qui deviendrait une suite à La Joie d’être ! Dans cet ouvrage, je retrouve la même sensation, le même plaisir et la même intensité. On sent, une fois de plus, le verbe de l’éveil couler naturellement. Quelle clarté, quelle poésie aussi ! On y découvre chez l’auteur une nouvelle phase d’intégration et un approfondissement du processus de l’éveil.
Tout comme le premier, c’est un livre très intimiste, proche, où chacun pourra se reconnaître. La Grande Paix du cœur pourrait lui aussi être considéré comme un manuel décrivant les différentes étapes par lesquelles chacun de nous serait amené à passer. Il déconstruit certaines de nos croyances et identifications les plus solides. Il laisse enfin entrevoir les clés de la libération pour tous, et nous reconnecte, en fait, à ce que nous sommes déjà.
Pour avoir participé à certaines rencontres et certains accompagnements que propose Suyin Lamour, pour y avoir apprécié sa chaleureuse présence et la clarté de sa guidance, j’apprécie de retrouver à la fin de cet ouvrage les méditations favorisant cet indispensable « retournement de la conscience vers elle-même», et nous ramenant ainsi à notre nature originelle, qui est paix et simplicité.
L’entretien qui clôture ce livre répond, de façon pertinente, mais toujours avec douceur et compassion, aux questions que beaucoup se posent sur le processus menant à la libération et la vision non duelle en tant que telle.
Je suis très heureux que les Éditions Accarias-L’Originel mettent à la disposition des nombreux chercheurs un tel livre. Je reste persuadé qu’il s’agit là d’un ouvrage fondamental, voire indispensable, à toute personne en quête d’éveil.
Et, bien que La Grande Paix du cœur soit indépendant du premier, j’invite tous ceux qui ne l’auraient déjà fait à découvrir La Joie d’être, tant ces deux livres sont complémentaires et intimement liés.
Dans tous les ouvrages traitant de l’éveil spirituel qu’il m’ait été donné de lire, je ne me souviens pas d’avoir trouvé de descriptions aussi précises et précieuses du processus que l’on peut être amené à traverser.

Puisse le témoignage de Suyin Lamour être une source d’inspiration à tous les aspirants souhaitant reconnaître en eux la «grande paix du cœur» !

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Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias-L'Originel :

Une vague d’éveil des consciences déferle sur l’humanité depuis quelques années, prenant diverses formes. De nombreux témoignages se succèdent, à travers des livres ou sur internet. De plus en plus d’êtres sont pris dans ce courant et partagent, transmettent ou enseignent. Nous sommes aux balbutiements d’une ère nouvelle, nous avançons en aveugles, poussés par une force dont au fond nous ignorons tout, et nous nous guidons, nous accompagnons et nous éclairons les uns les autres, miroitants visages d’une même Conscience qui se rencontre elle-même.

Qu’est-ce que l’éveil ? Est-ce un état, une révélation, une expérience, une compréhension, un processus, un aboutissement, un commencement ?... Différentes approches et écoles existent à ce sujet depuis la nuit des temps, et certaines sont en désaccord, ce qui génère une certaine confusion. Chaque témoignage d’éveil est unique, et chaque aperçu ou moment d’éveil, chez un même être, l’est également.
Au regard de ma propre expérience, l’éveil n’est pas quelque chose que l’on atteint, mais que l’on reconnaît. C’est l’instant où notre nature véritable se révèle, où nous réalisons que nous ne sommes pas le corps matériel et l’individu limité que nous avons cru être et que l’essence de ce que nous sommes est purement spirituelle.

L’éveil est également la qualité première et fondamentale de l’esprit, c’est-à-dire une conscience d’une clarté absolue, totalement présente à elle-même et à la réalité telle qu’elle est, sans filtre, sans conditionnement et sans séparation.
Nous sommes cette pure conscience, cette êtreté, et cette pure conscience est atemporelle, impersonnelle, globale, universelle. Elle n’a ni début ni fin et ne peut ni disparaître, ni être détruite. La matière en est le reflet à travers des formes aussi variées qu’infinies. Ces formes sont changeantes, limitées et impermanentes, mais ce qui les produit, ce qui en est la source, est éternel, inaltérable, illimité.

L’éveil est le moment où cesse l’identification à la forme limitée et mortelle, et où l’on réalise que l’on est fondamentalement immortel et infiniment libre. Libre de toute définition, de tout concept, de toute représentation, de toute histoire personnelle. Libre, et Un avec tout ce qui est. Une seule et même Conscience, un seul et même Esprit qui se manifeste dans une apparente multiplicité de formes et de perceptions.
Ce moment semble se produire en un point précis dans le temps, dans l’histoire d’un individu, mais il se situe totalement hors du temps. L’individu avec sa perception temporelle disparaît, le cerveau cesse d’interpréter, il ne reste que la prise de conscience de Ce qui Est de toute éternité et qui n’est pas assujetti au temps.
Cependant, cet événement va déclencher par la suite tout un processus dans le psychisme de celui qui le vit. Rares sont ceux qui restent instantanément et définitivement dans cette perception globale et impersonnelle. Pour la plupart, la perception habituelle, « ordinaire », avec l’impression d’être un individu séparé, revient ensuite, mais toute leur vie sera profondément imprégnée de cette connaissance. Cela va modifier leurs croyances, leurs valeurs, leurs aspirations, leur façon de se situer dans le monde, leur conscience de soi.
Ce processus va entraîner à la fois une intégration et une désintégration progressives. Intégration de cette vision absolue et spirituelle dans un psychisme conditionné à croire à une réalité relative et matérielle. Et simultanément, désintégration des conditionnements, de l’identification, des croyances acquises depuis la naissance du corps physique. Une inversion de perspective, une véritable mue psychique qui se produit par étapes, et parfois douloureusement.
Il y a des moments d’extase, de paix, de joie profonde, de liberté, de clarté d’esprit, de magie, de bonheur, de plénitude. Mais aussi des phases de doute, de découragement, de perte de repères, de stagnation, d’obscurité, de régression, d’impuissance, de désespoir. Il peut se produire pendant un temps des va-et-vient entre conscience pure et identification, éveil et sommeil, libération et absorption. Et cela peut être très perturbant et entraîner une violente lutte intérieure car cela recrée une nouvelle dualité. Mais il semble que cela fasse partie du processus, pour que s’établisse peu à peu ce que les Japonais de la tradition shinto appellent «la grande paix du cœur», c’est-à-dire la reconnaissance que Ce que nous sommes n’est pas affecté par les changements d’état et ne change jamais, que Ce qui est conscient de la dualité est au-delà de toute dualité et ne connaît que l’amour et l’accueil de toute expérience.

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jeudi 23 février 2017

• Le personnage n'a pas changé, mais il n'y a plus de moi dans le personnage - Marigal


Fondé sur la vision directe et des recherches scientifiques, cet ouvrage traite de l'origine et du déploiement de tous les phénomènes du monde, dont l'humain que nous sommes. De l'origine de la pensée et de la manière dont cette dernière invente le monde.

"A l'origine, il n'y a rien – aucune chose n'est"... Mais dans ce non-espace une vibration apparaît... "vibration-lumière qui se déploie et se reploie sans cesse". Lumière-vibration-énergie qui, par une accélération prodigieuse au point de paraître solide, devient l'univers, le monde animé ou inanimé, les êtres vivants.

Ce processus est vu par la vision directe – qui depuis l'origine voit le Vide, voit la mise en mouvement du Vide, voit l'interpénétration du Vide et des formes. Ainsi tout ce qui est, de quelque nature que ce soit, est le vide devenu forme, la vibration-lumière devenue matière... C'est "l'UN qui est – qui devient". C'est là "le secret du monde et de tous les phénomènes".

Ce tableau que dépeint Marigal essaie de donner forme à la vision, au sentiment profond et global de faire partie d'un même mouvement universel.

Dans cette magistrale histoire, au niveau humain, Marigal part de l'homme primitif parce qu'il n'est pas encore identifié à l'ego – et retrace le cheminement qui l'a amené à s'identifier à cette illusion. Autrement dit, il s'agit de comprendre comment l'homme qui avait tout pour être heureux s'arrange pour ne pas l'être.

Extraits choisis publiés avec l'aimable accord des Éditions Accarias-L'Originel

"Dès les premiers instants de ces «moments de grâce» il apparaît soudain que tout est changé, différent. Tout est net, clair, limpide, immédiat, comme si un voile avait été enlevé, comme si une vitre avait disparu... Le monde, l'univers, tous les phénomènes et les événements participent d'une même vie, d'une même substance, sans séparation, sans rupture, dans un mouvement fluide et harmonieux. L'apparence du monde n'a pas changé, mais le monde vit autrement, habité par un silence et un amour qui sont le coeur de toute chose et de toute vie. Le personnage (que nous sommes) n'a pas changé, mais il n'y a plus de moi dans le personnage, remplacé par un silence et un amour qui rayonne et chante à l'infini."

"Dans ce non-lieu de l'au-delà de toute forme «il n'y a Rien». Plus personne... plus de moi - plus d'êtres - plus de forme. L'origine du regard - la source de notre être et de Tout ce qui est - est Vide.
Dans ce néant matrice cosmique - où tout apparaît, disparait, renaît - seul CELA EST - qui EST. CELA vide de Réalité... cela vacuité porteuse de plénitude... sans référence, sans qualité, mais à la fois intrinsèquement potentiel, vivant, mouvant, créatif."

"Notre nature fondamentale - la Réalité ultime qui est en nous, qui nous habite et que nous sommes - qui est aussi l'essence intime de tous les êtres et de tous les événements - est Vide... Sans nom, elle peut être nommée l'Indicible... Sans racine, elle est l'origine de toute chose... Sans caractéristiques d'aucune sorte, c'est «Cela» - l'UN - le Tao... l'Absolu."

"D'une autre façon, cette vision de l'Un est apparue lors de certaines méditations lorsque le regard se dirigeait à la racine de lui-même, à l'origine de la vision, dans l'espace du fond sans fond de notre regard... C'est «la vision directe» de l'origine de tous les phénomènes... «la vision directe» de l'origine de «Tout ce qui Est»."

"En réitérant ces expériences avec une attention vigilante, la vision s'amplifie, s'approfondit. Mais c'est la même Réalité qui est dévoilée, toujours la même et chaque fois différente - et la même évidence qui se confirme, difficilement acceptable et pourtant indubitable."

Bienvenue sur le site de Marigal : ICI


mardi 14 février 2017

• Un espace paisible et silencieux - Thierry Janssen


La spiritualité hindoue désigne cette pure conscience d’être – le « Je suis » qui observe les agrégats de l’Ego sans s’identifier à eux – par le concept d’âtman (de atta, en pali : le souffle, le principe de vie, l’essence). Pour les hindouistes, l’âtman est le vrai Soi, le principe immortel et libre, le divin qui réside en chacun, l’âme individuelle dont la nature est, selon l’Advaita Vedanta (philosophie de la non-dualité), identique à celle du brahman – l’âme universelle, la base divine de toute existence, la Conscience infinie qui se connaît en tout ce qui existe, la Réalité ultime dont la manifestation (maya) n’est qu’une illusion, le Soi suprême qui ne peut se définir qu’en énonçant ce qu’il n’est pas (neti-neti : ni ceci, ni cela).

La spiritualité bouddhiste, de son côté, considère que l’existence d’un Soi individuel (âtman) ou d’un Soi universel et absolu (brahman) n’est pas compatible avec l’impermanence et la vacuité de tous les phénomènes. Pour les bouddhistes, tout est vacuité (synyata) ; les phénomènes sont vides de substance propre car ils ne sont jamais créés à partir de rien (ils sont toujours dépendants d’autres phénomènes ou agrégats et ils se transforment sans cesse) ; de ce fait, un phénomène, quel qu’il soit, ne peut être défini par une nature qui lui serait propre, il est défini par l’ensemble des rapports qu’il a avec les autres phénomènes (le karma – loi d’interdépendance et de causalité) ; il n’existe donc aucune âme ni aucune essence à trouver, mais la simple agrégation de phénomènes conditionnés (skandha). Dès lors, les bouddhistes parlent d’anâtman (le non-soi). Et, plutôt que d’identifier un Soi, il décrivent différents niveaux de conscience. Tout d’abord vijnana : la conscience discriminante (ou connaissance discriminante) qui fait partie des cinq agrégats (phénomènes éphémères) qui forment l’Ego, et qui se décline en six modes de connaissance : visuel, auditif, olfactif, gustatif, tactile, et intellectuel. Ensuite alayavijnana : véritable conscience intégrative (conscience réceptacle de toutes les autres), elle aussi changeante et transitoire, à la fois source et produit du karma, cause et manifestation de klistamanas (le mental souillé qui, du fait de sa croyance en l’existence d’un Ego séparé, construit un Moi à partir de la conscience intégrative). Enfin amalavijnana : la pure conscience, absolument non personnelle et non duelle, dans laquelle se fond la conscience intégrative lorsque l’Éveil se produit.

Ainsi, pour les bouddhistes, il ne peut donc y avoir d’Absolu à rechercher ou à trouver, mais simplement une conscience pure (amalavijnana) qui, au-delà du mental, s’éveille et constate la vacuité de toute chose. Pour un bon nombre de philosophes bouddhistes cette pure conscience est immuable et permanente, ni produite, ni détruite, inconditionnée, au-delà de la pensée ; totalement libre, elle observe et contient tous les phénomènes sans s’identifier à eux. La notion de brahman de l’hindouisme correspond à cette pure conscience – la conscience-source, infinie, que l’on pourrait qualifier (comme le font parfois les bouddhistes à propos d’amalavijnana) de Conscience cosmique tant elle est vaste et contient tout ce qui est créé.

La non-dualité de la pure conscience dont il est question dans l’Advaita Vedanta hindouiste se retrouve donc dans le bouddhisme (particulièrement dans le bouddhisme Mahayana dont font partie le Chan chinois, le Zen japonais et le Dzogchen tibétain ; peut-être moins clairement dans le bouddhisme Theravada répandu en Asie du Sud-Est). Elle est présente dans le taoïsme (avec les concepts tao – la « mère du monde », principe qui engendre tout ce qui existe – et wu ji – la vacuité absolue, unité primordiale, réservoir de tous les potentiels, qui se manifeste à travers la dualité yin et yang du tai ji). On la retrouve dans la plupart des enseignements ésotériques des grandes religions ; par exemple dans l’expérience des grands mystiques chrétiens (comme les Pères du désert, Jean de la Croix, Maître Eckhart), dans le soufisme, ou encore dans la Kabbale juive. Ainsi que chez bon nombre de philosophes occidentaux (notamment chez les présocratiques Héraclite et Parménide, chez les stoïciens Sénèque et Marc-Aurèle, chez le néoplatonicien Plotin, ainsi que chez Baruch Spinoza, Arthur Schopenhauer, Edmund Husserl, Martin Heidegger et Karl Jaspers).

Sans forcément aller jusqu’à l’éveil mystique qui dissout complètement l’identité de l’Ego dans la pure conscience de l’unité de ce qui est, nous pouvons tous apprendre grâce à la méditation à nous désidentifier des agrégats qui constituent le Moi. Au-delà de la confusion de nos sensations, des perturbations de nos émotions et du bavardage de nos pensées, nous découvrons alors, en nous, un espace paisible et silencieux dans lequel l’Ego se désagrège en ses multiples constituants. Du coup, nous réalisons l’impermanence et la vacuité de ce que nous croyions être nous. Nous comprenons que le « je » qui réalise cela n’est encore qu’un des agrégats qui constitue le Moi (on pourrait assimiler ce « je » à la conscience alayavijnana). Ce « je » là s’écrit avec un « j » minuscule pour souligner son impermanence ; il sent, il perçoit, il éprouve, il pense, il dit, il fait, il possède ; son identité varie en fonction de ses actions (des actions qui sont en fait des réactions conditionnées) ; il est condamné à agir (disons même : à réagir) pour perpétuer son sentiment d’exister ; il ne connaît jamais la complète tranquillité. Plus notre méditation s’approfondit, plus notre « je » devient un « Je » que nous pourrions écrire avec un « J » majuscule pour en souligner le caractère non personnel et permanent. Ce « Je » là ne pense pas qu’il est. Il est. Il est hishiryo – « au-delà de la pensée » – disent les bouddhistes zen japonais. Il est wu wei – « non-agir » – disent les taoïstes chinois. Il est non-action (en tout cas non réaction), silence et paix, infinie sérénité, vacuité absolue, source de tous les possibles, pure conscience. Il ne peut dire que « Je suis ». Il est wu ji. Il est brahman ouamalavijnana. Il est Bouddha. Il est Allah. Il est Le Caché, Celui qui n’a pas de nom. Il est Dieu. Il est Soi. Peu importe comment nous l’appelons, ce qui compte ce ne sont ni les mots ni les représentations mais l’expérience que nous en faisons.

Faire l’expérience du Soi plonge notre Ego dans un espace paisible et silencieux où il se dissout. Cela ne veut pas dire que le Moi est détruit mais simplement qu’il ne dirige plus les mouvements de notre existence. L’espace du Soi est un lieu d’acceptation totale et entière de ce qui est – un lieu d’amour inconditionnel – qui permet de contempler le Moi tout en accueillant ses différents constituants dans la conscience, sans que celle-ci ne doive s’identifier à autre chose qu’elle-même en train de contempler le Moi. C’est un espace de liberté dans le sens où les réactions conditionnées du Moi, jusqu’alors non conscientisés, ne s’enchaînent plus de façon aussi automatique et chaotique. Des actions effectuées en pleine conscience peuvent alors être posées, inspirées par le Soi (sous la forme de véritables inspirations – intuitions), dans le but de perpétuer le silence et la paix du Soi.

La pratique méditative permet de découvrir que le silence et la paix du Soi sont toujours là, accessibles à l’arrière-fond (au-delà des sensations, des émotions et des pensées), comme un noyau profond recouvert par la personnalité (bavarde et agitée) de l’individu. Nous pourrions donc parler de l’Essence de l’être dans le sens où le silence et la paix du Soi (le silence et la paix de la pure conscience non personnelle) constituent la nature première et ultime de l’être – ce qui est présent depuis le commencement et qui sera présent jusqu’à la fin mais qui ne peut être perçu que dans l’instant présent. Le mot « essence » vient de essentia en latin, qui veut dire « la nature d’une chose », un mot qui vient deessere : « être ».

Postuler que notre nature véritable est pure conscience paisible, silencieuse et non personnelle implique que cette conscience est partagée par tous les êtres humains, devenant ainsi non pas la conscience de chaque individu mais la Conscience qui se manifeste en chaque individu. Cela pourrait laisser penser que cette Conscience existe de toute éternité. En d’autres mots : parler d’essence pourrait nous obliger à soutenir la thèse de l’existence d’un monde des idées distinct du monde des sens (comme le faisait Platon) ou d’un dieu transcendant et immortel dont la substance se trouverait en chaque individu. Opter pour ce genre de thèse obligerait alors à considérer la pure conscience du Soi comme un état absolument non conditionné par le mental et totalement indépendant du fonctionnement cérébral. Quelques chercheurs qui étudient les cas de NDE (expériences proches de la mort) envisagent cette possibilité. Néanmoins, la plupart des scientifiques considèrent que le phénomène que l’on appelle « conscience » est étroitement lié au fonctionnement du cerveau.

Pour eux, l’activité cérébrale engendre plusieurs types de consciences (nous avons vu que les bouddhistes parlent de plusieurs vijnana) : une conscience perceptive et discriminante (visuelle, auditive, olfactive, gustative, tactile, intellctuelle) qui dit « je vois, j’entends, je sens, je goûte, je perçois, je comprends » ; une conscience intégrative des précédentes (alayavijnana) qui procure une identité à l’individu en lui permettant de se percevoir comme un Moi qui dit « je perçois, je comprends et je pense donc je suis une personne », du fait de sa croyance en l’existence d’un monde formé d’objets séparés les uns des autres (klistamanas) ; et, enfin, une conscience capable de suffisamment de recul (amalavijnana) pour, dans un premier temps, observer la conscience intégrative en train de créer le sentiment personnel d’être un Moi et, dans un second temps, générer le sentiment non personnel de l’existence d’un Soi originel et universel qui dit simplement et sereinement « Je suis conscient » et même plus simplement encore « Je suis ». Cette conscience pure n’émergerait que dans certaines conditions, soit spontanément (comme cela se produit lors d’une fulgurance de conscience ou lors de ce que l’on appelle un Éveil spontané), soit au cours d’une quête spirituelle (durant laquelle l’entraînement au calme mental et à l’amour inconditionnel prépare à un Éveil qui se produit sans que l’on cherche à l’obtenir). La pure conscience jaillirait alors au-delà du mental, totalement déconditionnée des automatismes mentaux, sans qu’il n’y ait plus d’identification à une conscience qui dirait « je suis conscient d’être ceci ou cela », pouvant seulement constater que « Je suis » (« Je suis indépendamment de ceci ou de cela). Cette pure conscience (que nous appelons aussi le Soi) ne pense pas, elle n’interprète pas, elle n’explique pas ; elle ne sait rien à propos des êtres et des choses, elle les connaît ; elle perçoit l’essence calme et paisible qui est en tout ; elle communique de Soi à Soi, dans un plan de transcendance où les notions de temps et d’espace n’ont plus lieu ; elle contemple la vacuité de tout ce qui se manifeste (elle voit que rien n’existe en dehors de l’interdépendance des phénomènes) ; elle est la vacuité absolue (l’espace paisible et silencieux qui n’est pas vide mais tongpa nyi, comme disent les Tibétains – tongpa : le vide inconcevable, nyi : la possibilité que tout peut advenir ; cette vacuité qui est un vide plein, un espace de tous les possibles, le lieu où, grâce à l’interdépendance des phénomènes, tout peut apparaître, se transformer et disparaître). Cette pure conscience non personnelle embrasse l’unité du monde, elle est « tournée vers le tout », tant à l’intérieur de l’individu qu’à l’extérieur ; elle englobe l’univers (unus en latin : un ; versus : tourné vers), elle devient universelle. Telle une lumière, elle diffuse sa sagesse à travers un bon sens relié à l’essentiel, dans le respect de l’équilibre et de l’harmonie qui permettent à la vie de se perpétuer.

Voir la totalité de ce texte sur le site de Thierry Janssen : L'école de la présence thérapeutique