jeudi 28 mai 2009

• On néglige la Source du regard... - José Leroy



Retrouvez d'autres vidéos de Douglas Harding sur le (très bon) site de José Leroy.

lundi 25 mai 2009

• Une tasse d'eau plongée dans l'océan - Richard Moss

Richard Moss

Il y a près de vingt-cinq ans, la Vie m'a donné le cadeau de m'éveiller
à mon Moi Vrai. Tout à coup, sans aucun effort de ma part,
j'ai su qui j'étais et la Présence est devenu un courant,
vivant de façon continu dans ma conscience.


Les anciens mystiques comparaient l'ego "sujet-objet" à une tasse d'eau plongée dans l'océan. L'océan figure la conscience universelle ou le Soi qui à la fois emplit et entoure la tasse.
Mais l'ego ne reconnaît que cet aspect de l'eau qui se trouve dans la tasse, et considère qu'elle est son soi.

lundi 18 mai 2009

• Ce que vous êtes est grand ouvert - Nisargadatta Maharaj

Nisargadatta Maharaj

Le point de vue ultime est qu’il n’y a rien à comprendre. Comprendre est une complaisance envers les acrobaties de la pensée. Tous ces éléments spirituels sont dans l’illusoire. Toutes vos activités matérielles et spirituelles appartiennent à cette illusion. La conscience doit connaître la conscience débarrassée du sensoriel. Vos concepts obstruent le chemin. Ce que vous êtes est sans forme, ne peut pas être observé, vous ne pouvez pas le savoir. Vous ne pourrez jamais “connaître” le Soi (connaître = objet). Vous devez “être ça” et en rester là, ne plus en bouger. Une fois jeté tous les concept, y compris “je suis”, ce que vous êtes est grand ouvert. Parce que vous êtes, l’univers est. Ce que vous êtes, vous l’êtes sans modifications. Vous êtes, vous savez que vous êtes.
Abandonnez vous et tout vous sera révélé. C’est au-delà de la compréhension parce que ce n'est pas conceptuel.

vendredi 15 mai 2009

• Voir Dieu c'est avoir la révélation de sa propre présence - Émile Gillabert


Entretien avec Emile Gillabert

Émile Gillabert a vécu une série d'expériences de transformation entre les âges de 8 et 10 ans. Ces expériences de "lumière intérieure" ont rempli son être pendant toute sa jeunesse et aussi à un âge plus avancé, alors qu'il était éditeur à Paris. À 55 ans, un ami lui fit connaître l'Évangile selon Thomas. Ceci fût, selon ses propres mots, "une révélation sans précédent". Émile continue: "J'y ai trouvé la claire confirmation de cette présence qui illumine et unit toutes choses. À partir de ce moment, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour approfondir ma compréhension de ce nouvel Évangile."
Émile a participé de près à l'une des traductions française de l'Évangile selon Thomas, et en 1975, il a créé l'Association Métanoïa pour aider à approfondir et investiguer le sens des logia de l'Évangile selon Thomas. Le mot métanoïa veut dire littéralement "changement de mentalité".
Dans ses discussions, Émile utilise les termes Gnose et gnostique avec le sens suivant: Gnose réfère à la Vérité ou Connaissance universelle et intemporelle. Un gnostique est quelqu'un qui comprend la pensée non-duelle et qui dédie sa vie à vivre la Gnose. Émile dit: "Les gnostiques sont rares."
Émile Gillabert fait beaucoup de similitudes entre l'Évangile selon Thomas et la spiritualité orientale. Il dit: "Alors que la Christianité émergeait du Judaïsme et se bâtissait à l'intérieur du contexte apocalytique, la Gnose, fondamentalement autonome, rejetait toute fuite vers un espace-temps "ailleurs". L'Ouest a ignoré la notion de "présent libérateur" qui est un thème essentiel des principaux enseignements orientaux, tel les Védas, le Bouddhisme, le Taoisme, le Tch'an, et le Soufisme. De plus, un autre fait très révélateur est que l'Évangile selon Thomas ressemble aux enseignements orientaux en ce sens qu'il met l'accent sur le "ici-maintenant". Chercher à l'extérieur, c'est se condamner à ne pas trouver. "Mais le Royaume du Père s'étend sur la terre et les hommes ne le voient pas." Logion 113.
"La Gnose transcende l'espace et le temps, ce qui est contraire à la conviction typiquement chrétienne du devenir dans le temps ainsi qu'à l'idéalisme grec qui prône la fuite. Cette notion, que l'Occident a ignoré, constitue un des thèmes fondamentaux des principaux textes orientaux. Et ce qui est très révélateur, c'est que cette même notion (transcendance de l'espace et du temps) se trouve être l'essence des paroles de Jésus dans l'Évangile selon Thomas. Il faut beaucoup de temps et de travail afin d'aiguiser la capacité de discernement qui nous rend apte à reconnaître les importantes altérations successives qu'ont subi les Évangiles Canoniques tout au long des années. Dans l'Évangile selon Thomas, Jésus ne se place pas dans la perspective apocalyptique. Il s'ensuit que tout ce qui est écrit dans les Évangiles Canoniques, et dans cette perspective apocalyptique, vient des altérations faites par les différents rédacteurs successifs.

Inner Direction Journal: Pourriez-vous nous introduire à l'Évangile selon Thomas? Qu'elle en est la source et comment se compare-t-il aux autres évangiles?

Émile Gillabert: L'Évangile selon Thomas fait partie de manuscrits coptes découverts à Nag Hammadi (en Haute Égypte) en 1945. Il s'est fait connaître en France en 1959 suite à sa publication par Jean Doresse et Henri-Charles Puech. Plusieurs commentateurs comparent les logia de Thomas avec les paroles de Jésus telles que rapportées par les évangiles canoniques. Cette comparaison se fait parce que la moitié des 114 logia se retrouvent dans les Canoniques, quoiqu'avec certaines variantes. De là, la grande question: Est-ce que ce nouvel Évangile est plus vieux, ou contemporain, ou plus récent que les Évangiles Canoniques?
C'est par l'examen de cet Évangile d'un point de vue gnostique que nous sommes à même d'apprécier pleinement sa profondeur et son originalité lorsque comparé aux Évangiles Canoniques. De plus, beaucoup de choses doivent être révisés sur ce sujet car la Gnose a connu une mauvaise réputation parmi les Chrétiens durant les premiers siècles de la Chrétienté. Les Gnostiques étaient accusés d'être hérétiques par les hérésiologues (adversaires des Gnostiques dès le second et le troisième siècle), tel Épiphane, Hippolyte et St-Irénée. Ce dernier, qui était Évêque de Lyon, nous a laissé un important ouvrage intitulé Adversus Haereses (Contre les hérésies) dans lequel il réfute les croyances gnostiques et montre leur dualisme.
Avant la découverte de l'Évangile selon Thomas, le seul moyen par lequel il était possible de connaître les oeuvres des Gnostiques c'était par ceux-là mêmes qui les dénoncaient. La découverte de Nag Hammadi change radicalement l'image que les gens se font des Gnostiques et de la Gnose. La Gnose est davantage qu'une simple branche hérétique du Christianisme. C'est un arbre indépendant duquel le Christianisme est une branche.
Les premiers critiques qui ont parlé de l'Évangile selon Thomas l'ont accusé d'être gnostique, donnant à ce terme le sens dualiste utilisé par les hérésiologues pour décrire les écrits hérétiques. Ainsi, plus tard, nous parlons de connotation gnostique, parce que le nouvel Évangile accorde beaucoup d'importance au corps comme outil nécessaire de réalisation intemporelle; mais finalement la qualification de dualiste est impropre. En fait, c'est tout à fait le contraire. C'est à cette tâche que j'ai décidé de me dévouer dans toutes mes activités.

IGJ: Comment peut-on vivre l'enseignement de Jésus à partir de l'Évangile selon Thomas dans notre vie de tous les jours, à la maison, au travail, et plus spécialement dans la société actuelle?

EG: Pour moi ce qui caractérise le mieux les paroles de Jésus dans l'Évangile selon Thomas, c'est leur sens d'imminence et de transcendance. En d'autres mots, ils établissent un lien intime entre le divin et l'humain. Dans le nouvel Évangile, le corps occupe une place très prévilégiée qu'il n'a pas dans d'autres textes, ni orientaux ni occidentaux. C'est seulement quand le corps est dé-lié du mental que l'Esprit ou le Soi peut se reconnaître lui-même. Aussi longtemps que l'on se croît différent de l'Esprit, on empêche cette révélation; aussi longtemps que l'on vit comme une entité séparée, on se prive soi-même de la vision.
Dans son invitation à prendre le "faible" en exemple, Jésus nous montre la simplicité requise pour la découverte de notre vraie nature. C'est une sorte d'innocence qui est à l'abri des concepts. La présence de cette simplicité et de cette innocence annulle, invalide, la fuite dans le temps, et elle est plus facilement saisie par les gens simples, qui vivent une vie quotidienne ordinaire, que par les intellectuels, plus doués à jouer avec les concepts.

IDJ: Pensez-vous qu'il y ait d'autres maîtres qui enseignent la vision non-duelle de la Gnose? Pourriez-vous nous dire quelques mots à leur sujet?

EG: En même temps qu'ils enseignent la simplicité de la vision non-duelle, les grands maîtres, comme Ramana Maharshi, Nisargadatta Maharaj et H.W.L. Poonja parlent de la rareté des êtres vraiment éveillés. Ils mettent bien en évidence le caractère illusoire de l'individu. Aussi longtemps qu'une différence existe entre l'individu et le Soi ou l'Esprit, l'éveil ne peut prendre place. Un être réalisé bénéficie de la vision unitaire.
Selon Ramana Maharshi, la clé de la Gnose consiste à se poser la question "Qui suis-je?". La réponse vient lorsque l'on découvre notre unité intérieure: "Je suis le Soi". Nisargadatta met l'emphase sur l'affirmation de notre vrai nature: "Nous devons développer la conviction: 'Je suis l'Absolu'; ceci est très important." Poonja ne se fatigue jamais de dire: "Je suis Cela, Je suis Cela" et il décrit ainsi l'attitude qui permet à la connaissance spontanée de se révéler elle-même à elle-même: "Être sans passé et sans devenir". En d'autres mots, être libre".

IDJ: Est-ce que l'enseignement de l'Évangile selon Thomas est non-duel ? Et si oui, de quelle manière?

EG: Ce que ces Maîtres disent peut être trouvé dans l'Évangile selon Thomas. L'invitation de Jésus à faire le deux Un est tout à fait dans la tradition de la non-dualité orientale: "Quand vous ferez le deux Un, vous serez Fils de l'homme, et si vous dites: montagne éloigne-toi, elle s'éloignera." Log.106. Il va sans dire que l'image de la montagne représente le mental que l'Esprit, notre vraie nature, peut déplacer. Ce qui est particulièrement mis en lumière c'est le processus d'éveil dans un contexte de non-dualité. En d'autres mots, l'Esprit se reconnaît lui-même, n'appellant nul autre que lui-même. Si quelqu'un comme Nisargadatta Maharaj dit et re-dit: "Je ne suis pas ce corps, je ne suis pas ce mental," il ne dit pas clairement comment cette prise de conscience s'est faite. Et comme lui, les Maîtres bouddhistes et hindous ne clarifient pas ce "mystère". Les Upanishads disent seulement: "Le non-né donne naissance au non-né." Et les maîtres Tch'an disent simplement: "Depuis le commencement aucune chose n'est".
Sur ce même sujet, l'Évangile selon Thomas est de manière surprenante très concis et ce qui est d'autant plus remarquable c'est que ce soit contraire à l'idéalisme grec et au judéo-christianisme.

IDJ: Pourriez-vouz commenter: "Le Gnostique est au monde sans être du monde." Que signifie cette phrase?

EG: On peut même spécifier que le Gnostique est le seul à être vraiment "au monde" parce que pour lui la réalisation ne peut pas survenir dans un "ailleurs", ni dans le futur. Situer la réalisation au moment de la résurrection du corps, c'est se condamner à ne jamais la trouver. On ne peut être au monde si on se tourne vers la passé ou le futur. C'est cette même fuite du monde qui nous empêche d'être dedans.
Le Gnostique n'est pas "du monde" parce que sa vraie nature n'est pas cette personne à laquelle il s'était illusoirement identifié. En fait, il est l'Être originel, le créateur de la manifestation. " Je suis l'Être de toutes choses, rien n'est mon être," dit Abd El Kader. Le principe ne peut pas être un élément du tout.

EDJ: Avez-vous vu Dieu?

EG: Si voir Dieu c'est avoir la révélation de sa propre présence, en d'autres mots, être conscient de notre vraie nature, alors je peux répondre dans l'affirmative. Mais, si Dieu est un être tout puissant, différent de moi, alors je suis étranger à cette vision. Seule la vision unitaire supprime la perception dualiste. Si l'individu est effacé, seul Dieu demeure.

(Émile Gillabert est décédé, le 6 juin 1995, quelques temps avant la publication de cet entretien.)

Sources : Les passants (hélas, à notre grand regret, ce site a fermé)

mercredi 13 mai 2009

• Parce que t'es con ! - Bernard


La recherche du bonheur - Un après-midi avec Bernard
Aussi loin qu'il s'en souvienne Bernard n'a jamais pu se satisfaire de l'éphémère. Catholique fervent par son éducation, ayant une grande dévotion pour la Sainte Vierge, édifié par Élisabeth de la Trinité, épris d'absolu, ce sont finalement son amour pour Ramana Maharshi et le discours tranchant de Nisargadatta Maharaj qui l'ont amené à réaliser bien plus qu'il n'osait espérer. Au cours d'un après-midi il a répondu à nos questions, non pas pour convaincre ou proclamer une vérité mais pour témoigner et partager ce qu'il a découvert et que désormais il vit. Parce qu'il se souvient des difficultés qu'il a lui même traversées, il veut dire à toux ceux qui cherchent qu'il est possible de trouver le Bonheur et que c'est bien plus simple que tout ce qu'on peut imaginer.

À écouter sur ce SITE.

mardi 12 mai 2009

• Pour qu'un jour il n'y ait plus de chemin connu - Yolande

Yolande

C'est "cette chose", Absolu, Réalité ultime, qui vous cherche. Et qui vous trouvera au moment où Elle l'aura décidé. Dans cet état au-delà de tout état, dans ce grand cœur qui bat éternellement, spontanément, vous découvrirez qui vous êtes vraiment...


Donc, suivre une voie spirituelle n'a aucun sens ?

Si, elle a son sens. Si ma vie m'amène à avancer sur une voie spirituelle, avec des techniques de méditation, avec une progression apparente vers des états de conscience de plus en plus subtils, il faut respecter ça. Il faut y aller, le vivre pleinement, intensément. C'est ça aussi accepter ma vie telle qu'elle est !
Accepter son chemin tel qu'il est... pour qu'un jour il n'y ait plus de chemin connu.

Que pensez-vous de l'assise, de la méditation, de toutes les "pratiques spirituelles" proposées par les voies progressives ?

C'est aussi bien que n'importe quoi... Mais il n'y a rien qui fait qu'on sera plus apte à être saisi. Certains, qui ne sont jamais passés par aucune pratique spirituelle, peuvent être saisi par "cette chose". L'inverse également.

La vraie déconnection, l'Éveil, c'est une fois pour toute ? On ne revient pas en arrière, c'est ça ?

On ne peut pas. C'est tellement fort qu'il n'y a pas de retour. Il peut y avoir des moments de doute, parce que la conscience est toujours là : simplement, elle n'a plus le pouvoir. Mais cette intensité, "cette chose" qui est avant tout être, ça ne lâche plus la conscience, qu'elle soit individuelle ou universelle. Les yeux fermés, les yeux ouverts, tu vois ; tu es toujours dans cette clarté, dans cette Réalité ultime ; et ce, même si ce monde se manifeste aussi : tu sais où il est, tu sais à quelle place il est... Donc, non, il n'y a pas de retour. "Cette chose" prend le pouvoir sur tout, et tu n'as plus en tant que corps, en tant que mental, en tant que soi-disant personne, le pouvoir de faire marche arrière. C'est une déconnection sans retour.

Extraits choisis tirés du numéro 91
de la revue Troisième Millénaire

Site web de Yolande

vendredi 8 mai 2009

• Car le moi n'existe même pas - Joanna Macy

Joanna Macy

Quand pour la première fois j’ai réellement rencontré le Bouddha Dharma, ce fut une expérience si particulière et si forte que je n’ai jamais eu aucun doute à son sujet. En fait l’expérience se situait, par son intensité, au même niveau que l’expérience du pardon dans la chrétienté. Elle revenait à voir mon non-moi. Je voyageais en train quand c’est arrivé, traversant le Pendjab pour aller à Pathankot, lisant un livre sur le bouddhisme. Et assise là dans ce train bondé, avec la chaleur et les odeurs, il fut soudain absolument clair comme le jour que je n’existais pas de la manière dont je pensais exister. Cette prise de conscience s’accompagne d’une expérience que je ne peux comparer qu’à l’éclatement d’un grain de pop-corn. C’était comme si l’intérieur se répandait sur l’extérieur, et je regardais avec une joie émerveillée. J’eus alors une sensation de soulagement inexprimable : « Je n’ai besoin de rien faire avec le moi, je n’ai pas besoin de l’améliorer ou de la rendre bon, de le sacrifier ou de la crucifier. Je n’ai besoin de rien faire, car il n’existe même pas. Tout ce que je dois faire, c’est reconnaître qu’il s’agit d’une convention, d’une fiction. »
J’éprouvais un immense sentiment de délivrance, et avec lui vint soudain, immédiatement, le sentiment que c’était une délivrance qui permettait d’agir. Immédiatement surgit cette pensée : « Désormais, cela nous permettra de risquer et d’agir au nom de tous les êtres. » Cela semblait en parfait accord avec l’immense besoin de justice sociale qui se faisait sentir.

Joanna Macy in Femme en quête d’absolu
Éditions Albin Michel
sources

jeudi 7 mai 2009

• Le Sûtra de l'Éveil parfait


Égaux sont les profanes, égaux les Entrés-dans-le-courant, égaux les Bouddhas; tous sont un dans l'Égalité, et il n'y a entre eux ni dualité ni différence... Si le Bouddha différait de l'Égalité, il pourrait pratiquer l'Égalité; mais comme le Bouddha n'est autre que l'Égalité même, il ne peut ni la pratiquer ni l'obtenir... Les différences n'existent qu'en Vérité vulgaire, et dans la Loi qui est à l'usage des profanes.

Qu'est-ce que l'ignorance? Fils de famille, depuis un temps sans commencement, tous les êtres ont toutes sortes de conceptions inversées. A la manière d'un homme égaré qui confond quatre les directions, ils considèrent à tort les quatre éléments comme leur corps et les six domaines des sens comme leur pensée. Ils sont comme une personne aux yeux malades qui voit des fleurs dans le ciel ou une deuxième lune.

Fils de famille, en vérité il n'y a pas de fleur dans le ciel, et le malade s'y attache faussement. Par suite de cet attachement, il se trompe non seulement sur la nature propre de l'espace, mais aussi sur le lieu réel de provenance de la fleur. A cause de cette erreur il y a transmigration à l'intérieur du devenir. C'est ce que l'on appelle l'ignorance.

Fils de famille, cette ignorance n'a pas de substance réelle : elle est comme les êtres vus en rêve, qui existent dans le rêve, mais non à l'état de veille. Ainsi on ne peut pas dire des fleurs dans le ciel, lorsqu'elles disparaissent dans l'espace, qu'il y a un lieu déterminé de disparition. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de lieu d'apparition. Au sein du non-produit, tous les êtres voient à tort apparition et disparition. C'est ce qu'on appelle transmigration à l'intérieur du devenir.

Les métamorphoses illusoires de tous les êtres s'élèvent de la merveilleuse conscience d'Éveil parfait du Tathagata. Il en est comme des fleurs dans le ciel, qui proviennent de la vacuité : à la disparition de ces fleurs illusoires, la nature de la vacuité reste inaltérée. De même, la conscience illusoire des êtres disparaît en prenant appui sur l'illusion. A la disparition des illusions, la conscience d'Éveil demeure, immuable. Parler d'Éveil en prenant appui sur l'illusion est encore une illusion. Dire qu'il y a Éveil, c'est n'être pas encore dégagé de l'illusion, de même si l'on dit qu'il n'y a pas d'Éveil. C'est pourquoi on parle d'immutabilité quand l'illusion s'est évanouie.

Cette connaissance de l'Éveil est comme la vacuité, et la connaissance de la vacuité est la marque de la fleur dans le ciel. On peut pas dire non plus que connaissance et Éveil n'existent pas. Abandonner les notions d'existence et de non-existence, c'est être accord avec l'Éveil pur. Pourquoi? Parce que l'Éveil est de la nature de la vacuité, éternellement immuable, et dans le réceptacle de Tathagata [tathagatagarbha] il est au-delà de l'apparition et de la disparition ainsi que de la connaissance. Il est identique à la nature du domaine absolu, ultime, parfaite, omniprésente.

Ce bodhisattva et les êtres qui vivront au temps du déclin de la Doctrine, ayant compris ce que sont les illusions et par là éliminé les apparences, obtiennent au même instant la pureté infinie, la vacuité illimitée révélée par l'Éveil. L'Éveil étant parfait et irradiant, la conscience apparaît dans sa pureté. La conscience étant purifiée, la vue est purifiée. Celle-ci une fois purifiée, l'organe de la vue est purifié. Celui-ci étant purifié, la perception visuelle est purifiée [Et ainsi de suite pour les autres organes des sens et toutes les choses perçues].

Sachez qu'un bodhisattva ayant accompli l'Éveil ne s'attache pas à la Doctrine, ne cherche pas à s'en délivrer, ne déteste pas le devenir, n'a pas d'attirance envers le nirvana. Il ne vénère pas ceux qui respectent les préceptes, ne hait pas ceux qui les enfreignent, ne respecte pas les adeptes expérimentés, ne méprise pas les débutants. Pourquoi cela ? Parce que tout est Éveil. Ainsi, la lumière des yeux qui illumine le paysage extérieur étant parfaite, elle est dénuée d'amour et de haine. Pourquoi? Parce que cette lumière est non-dualité et il n'y a par conséquent ni haine ni amour.

Puisqu'ils sont comme un rêve de la veille, sachez que devenir et extinction n'apparaissent ni ne disparaissent, ne vont ni ne viennent. Ce qui est réalisé n'est ni obtenu ni perdu, ni saisi ni lâché. Celui qui a réalisé [I'Éveil] ne fait rien, n'arrête rien, ne suit rien, n'anéantit rien. Car au sein de cette réalisation, il n'y a ni sujet, ni objet et finalement ni réalisation, ni personne ayant réalisé ; l'essence de toutes choses est alors égalité et inaltérabilité.

Les bodhisattva qui ont compris l'Éveil parfait et pur pratiquent la quiétude à l'aide de cette conscience d'Eveil pur. Ayant ainsi purifié leurs pensées, la connaissance d'Éveil s'élève. Dès lors la sapience engendrée par la quiétude apparaît et les poussières adventices telles que le corps et la pensée disparaissent pour toujours. Quiétude absolue et détente peuvent alors croître en soi.

Les bodhisattva qui ont compris l'Éveil parfait et pur savent, grâce à cette conscience d'Éveil pur, que la nature de la conscience d'Éveil, les organes des sens et les domaines des sens sont des métamorphoses illusoires. Ils produisent des illusions pour éliminer les illusions (1). Ils transforment ces illusions et convertissent les êtres illusoires. Mais dans cette production d'illusions, ils sont capables de faire croître une grande compassion et une grande détente. Tous les bodhisattva commencent leur pratique et progressent graduellement à partir de là. Comme celui qui contemple l'illusion n'est pas identifié à l'illusion ni à la contemplation illusoire dans laquelle tout est illusion, il est dégagé pour toujours de la marque de l'illusion. Cette pratique merveilleuse que parachèvent les bodhisattva est semblable aux pousses qui naissent de terre. On appelle ce genre d'expédient salvifique : samapatti.

(1) on fait naître Eveil et Sapience (eux-mêmes illusoires) afin de se débarrasser des illusions antérieures

Les bodhisattva qui ont compris l'Éveil parfait et pur, grâce à cette conscience d'Éveil pur, ne s'attachent ni aux métamorphoses illusoires ni à la marque de la quiétude. Ils savent que le corps comme la pensée sont des obstacles, que la lumière de l'Éveil sans conscience ne repose pas sur les obstacles, et ils obtiennent pour toujours l'état transcendant obstruction non-obstruction. Ils vivent dans le monde avec les marques du corps et de la pensée et sont dans ce monde phénoménal pareils au son d'une cloche qui se propage au loin. Passions et extinction ne s'obstruent plus réciproquement. Détente et extinction se développent. L'Éveil merveilleux en accord avec le domaine de l'extinction ne peut être atteint ni par soi, ni par autrui, ni par le corps, ni par la pensée. Les notions d'existence et de longévité ne sont que des pensées fluctuantes. On appelle ce genre d'expédient : dhyana.

Sources : Traduit par Catherine Despreux -
Aux sources du Bouddhisme - Fayard.


Une interview de Catherine Despeux

PS : Un clin d'oeil chaleureux avec le site Éveil Sauvage...

mardi 5 mai 2009

• Quand la roue de l'esprit cesse de tourner - Nagarjuna


Mahayanavimsaka
Les Vingt Versets du Mahayana

par Nagarjuna


Hommage à Manjusrikumarabhuta !

1. Je m'incline devant le Bouddha tout puissant
Dont l'esprit est dénué d'attachement
Et qui dans sa compassion et sagesse
A enseigné l'inexprimable.

2. En vérité, il n'y a pas de naissance
Et donc pas de cessation ni de libération ;
Le Bouddha est comme le ciel
Et tous les êtres sont de même nature.

3. Ni le Samsara ni le Nirvana n'existent,
Mais tout est un enchevêtrement complexe
A l'aspect intrinsèque de la vacuité,
L'objet de la conscience ultime.

4. La nature de toutes les choses
Apparaît comme un reflet,
Pur et naturellement calme,
Avec une nature non-duelle identique.

5. L'esprit commun imagine
Un soi là où il n'y a rien,
Et conçoit des états émotionnels -
Felicité, souffrance, et équanimité.

6. Les six états du samsara,
La félicité céleste,
Les souffrances infernales,
Sont toutes de fausses créations, des inventions de l'esprit.

7. De même, les idées de l'action mauvaise qui causent la souffrance
Vieillesse maladie et mort,
Et l'idée que la vertu mène à la félicité,
Sont de pures idées, des notions irréelles.

8. Comme un artiste épouvanté
Par le démon qu'il peint,
Celui qui souffre dans le samsara
Est épouvanté par sa propre imagination.

9. Comme un homme tombé dans les sables mouvants
Se démène et lutte
Ainsi les êtres [pensants] se noient
Dans le chaos de leurs propres pensées.

10. Prendre la fantaisie pour la réalité
Cause l'expérience de la souffrance;
L'esprit est empoisonné par l'interprétation
De la conscience de la forme.

11. Dissolvant l'illusion et la fantaisie
D'un esprit compassionné et pénétrant,
Demeure dans la parfaite conscience
Pour aider tous les êtres.

12. Ayant ainsi acquis la vertu conventionnelle
Libérée du filet de la pensée interprétative
On obtient une compréhension insurpassable
Comme celle du Bouddha, ami du monde.

13. Connaissant la relativité de toute chose,
La vérité définitive est toujours visible;
Laissant tomber l'idée de commencement, de milieu et de fin
Le flux [cosmique] est vu comme Vacuité.

14. Ainsi tout le samsara et le nirvana est vu tel quel :
Vide et insubstanciel,
Nu immuable
Éternellement tranquille et lumineux.

15. Comme les images d'un rêve
S'évanouissent au réveil,
De même la confusion du Samsara
S'évanouit dans l'Eveil.

16. Concevoir des choses dépourvues de substance
Comme éternelles, substantielles et satisfaisantes,
En les enrobant du brouillard du désir
Fait surgir le cycle des existences.

17. La nature des êtres est non-née
Et pourtant on croit communément qu'ils existent ;
Mais autant les êtres que leurs représentations mentales
Sont de fausses croyances.

18. C'est n'est rien qu'un artifice de l'esprit
Cette naissance dans un illusoire devenir,
Dans un monde de bonnes et mauvaises actions
Avec une bonne ou mauvaise renaissance future.

19. Quand la roue de l'esprit cesse de tourner
Tout arrive à sa fin.
Ainsi, rien n'est intrinsèquement substantiel
Et toutes choses sont complètement pures.

20. Ce grand océan du Samsara,
Plein de pensées trompeuses,
Peut être traversé sur la barque de l'Approche Universelle.
Qui peut atteindre l'autre rive sans elle ?

Sources du texte

dimanche 3 mai 2009

• Détendez-vous dans le tel quel - Longchenpa


Dans l'espace de la présence spontanée est la base pour tout ce qui émerge.
Vide dans son essence, non interrompue par nature,
elle n'a jamais existé d'aucune manière, mais toute chose émerge d'elle.

N'altérez, n'altérez pas,

N'altérez pas cet esprit qui est le vôtre.
Ne saisissez pas, ne saisissez pas,
Ne saisissez pas cet esprit qui est le vôtre.
Si vous altérez encore et encore votre esprit,
vous en agiterez les profondeurs obscurcies,
Et un esprit altéré masque sa véritable nature.

Longchenpa

A présent, lorsque tout émerge sans que vous l’acceptiez ni le rejetiez,
Votre rigpa passe au-delà, en cet espace de limpidité.
Au moment d’embrasser la dimension de la félicité dans l’Un sans dualité,
Vous vous libèrerez dans la Grande Perfection d’égalité,
où expression et immobilité ne sont pas distinctes.
C’est l’état, c’est l’origine, c’est la Grande Perfection :
Inutiles, le rejet et l’adoption, c’est la grande pureté de l’esprit.

La nature de l’esprit étant toujours dépourvue de discursivité,
Si vous ne brimez pas ce qui s’y élève à présent,
Apparences et esprit se libèreront dans le champ du Corps absolu non discursif.
Au moment suivant, il n’y aura rien à accomplir dans une telle perfection d’égalité.
Quand s’élèvent les six objets des sens dans l’unique spontanéité,
Il est inutile d’en analyser les détails, demeurez détendu tel quel.
Tout comme la clarté non duelle du miroir et des reflets,
Espace et Sagesse, indistincts, sont spontanément présents ;
Et bien qu’ils émergent comme des objets, ils ne jaillissent pas à l’extérieur
Et ne sont que le déploiement des reflets de la clarté de l’esprit même.

Parce que toutes choses sont reconnues depuis toujours en un espace unique,
Le sens de la Sagesse spontanée sans corrections ni altérations
Est enseigné comme étant l’essence qui transcende causes et fruits.
Ainsi, les phénomènes agencés par l’intellect
Sont des propensions karmiques, et à cause d’elles vous errez dans le samsara des causes et des effets.
Ce qui apparaît sous les aspects variés du bonheur et de la souffrance, du bien et du mal,
Est semblable aux fruits produits par différentes graines.

La luminosité de l’esprit, telle quelle sans fabrications,
Est l’indistinction de la cause et du fruit et n’a jamais nécessité aucun effort.
Puisque à l’instar de l’espace elle n’est pas produite ni blocable ni statique,
Elle est immobile et immuable dans les trois temps, inexprimable et inconcevable.
Spontanément présente sans qu’on la recherche, on n’y voit ni défauts ni qualités.
Comme rien n’arrête son déploiement ludique, c’est l’espace absolu ;
N’altérez pas artificiellement cette nature unique !
Progressez et vous ne l’atteindrez pas, purifiez-la et il n’y aura point de pureté.
Cherchez-la et vous ne la trouverez pas... détendez-vous donc dans le tel quel !

La liberté naturelle de l’esprit
Éditions du Seuil