mardi 24 octobre 2017

• En un instant, le sentiment d’être quelqu’un de séparé s’évanouit - Sam Harris


Dans cet essai percutant et provocant, Sam Harris nous montre que le chemin spirituel, l′expérience que la conscience peut transcender l′ego, correspond bien à une possibilité de l′esprit humain, confirmée par les neurosciences. Mais pour découvrir cette dimension ouverte de l′esprit, encore faut-il se dégager des superstitions religieuses qui sont venues le voiler et c′est ce que Harris cherche à faire : Séparer la spiritualité de la religion.
A la fois recueil de souvenirs, enquête sur la nature de la conscience, réflexion philosophique sur l′énigme du moi, qui de pleine conscience, cet essai est riche d′intelligence et de profondeur.
Voici peut-être le livre de spiritualité que le XXème siècle appelait de ses voeux, car il montre comment accomplir les plus profondes vérités des mystiques d′Orient comme d′Occident tout en gardant l′approche rationnelle la plus rigoureuse. Aucun autre livre ne marie avec autant de force et de clarté la sagesse contemplative et la science moderne; et aucun autre auteur que Sam Harris, à la fois philosophe, scientifique et sceptique, ne pouvait l′écrire.
© Extrait publié avec l'aimable accord des Éditions Almora.

J’ai passé une fois un après-midi sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade, au sommet de la montagne où l’on croit que Jésus a donné son plus fameux sermon. Il faisait une chaleur infernale, et le sanctuaire où j’étais assis était rempli de pèlerins chrétiens venus de nombreux continents. Certains étaient réunis en silence dans l’ombre, tandis que d’autres chancelaient au soleil, en prenant des photographies.
Alors que je regardais les collines environnantes, un sentiment de paix m’envahit. Il se transforma rapidement en une tranquillité bienheureuse qui réduisit mes pensées au silence. En un instant, le sentiment d’être quelqu’un de séparé – un «je» ou un «moi» – s’évanouit. Rien n’avait changé – le ciel sans nuage, les collines brunes descendant vers une mer intérieure, les pèlerins qui serraient leurs bouteilles d’eau – mais je ne me sentais plus séparé du spectacle, en train de le regarder de derrière mes yeux. Seul le monde demeurait.
L’expérience dura juste quelques secondes, mais elle se reproduisit de nombreuses fois alors que je regardais la terre où Jésus est supposé avoir marché, où il est supposé avoir réuni ses apôtres, et accompli de nombreux miracles. Si j’avais été chrétien, j’aurais sans nul doute interprété cette expérience en termes chrétiens. J’aurais pu croire que j’avais aperçu l’unité de Dieu ou que j’avais été touché par le Saint Esprit. Si j'avais été hindouiste, j'aurais pensé en termes de Brahman, le Soi éternel, dont on pense que le monde et tous les esprits individuels sont une simple modification. Si j'avais été bouddhiste, j'aurais pu parler du « dharmakaya du vide», en quoi toutes les choses apparentes se manifestent comme dans un rêve.
Mais je suis juste quelqu’un qui fait de son mieux pour devenir un être humain rationnel. C’est pourquoi je suis très lent à tirer des conclusions métaphysiques à partir des expériences de cette sorte. Et cependant, j’aperçois ce que j’appelle l’absence du moi intrinsèque de la conscience tous les jours, que ce soit dans un site sacré traditionnel, ou à mon bureau, ou lorsque je me brosse les dents. Ce n’est pas un hasard. J’ai passé de nombreuses années à pratiquer la méditation, dont l’objectif est de supprimer l’illusion du moi.