samedi 29 mars 2014

• "Faux sentiment d’être auteur" - Wayne Liquorman



L'auteur traite de l'illumination, ultime dissolution en ce qui est. Il aborde et apporte un éclairage nouveau sur une question essentielle, celle de la souffrance. Selon lui, la certitude de pouvoir contrôler sa vie et d'être auteur de ses actes est un faux sentiment. C'est cette fausse certitude qui serait à l'origine de la souffrance humaine.
Wayne Liquorman partage avec le lecteur son approche éminemment pragmatique d'une question essentielle : celle de la souffrance humaine. Sa dialectique imparable met en lumière le mécanisme désastreux de la séparation.
Chez les humains, vers l'âge de deux ans et demi, survient une profonde transformation qui, d'êtres spontanés, nous change en créatures en lesquelles tout se met à graviter autour de «Moi !», du «à Moi !». C'est l'instant où s'active ce faux sentiment d'être auteur. C'est ce sentiment erroné d'être auteur qui crée la souffrance.
Avec une précision d'horloger il démonte les rouages de ce sentiment inébranlable d'être auteurs de nos actes et nous démontre sans ambigüité qu'il s'agit d'un FAUX sentiment.
Riche de métaphores et d'exemples concrets, ce texte nous prend à contre-pied de croyances ordinaires profondément ancrées au coeur du psychisme humain depuis la nuit des temps. Cette soudaine remise en question de l'un des fondements, à la fois de nos comportements et de la structure de la société, est vertigineuse. Mais au fur et à mesure que ce nouveau point de vue sur les choses se déploie en nous, le soulagement est manifeste, la souffrance s'estompe et cesse de torturer le corps et l'esprit.
La liberté qui s'en suit est irrévocable.
L'illumination est abordée ici d'une façon claire, directe, loin des illusions et des fantasmes habituels.

L'illumination est l'ultime et inimaginable dissolution en tout ce qui est.

Wayne Liquorman, né en 1951, était à la fois un chercheur spirituel et un père de famille lorsqu'il fit la rencontre de son premier et ultime gourou, Ramesh Balsekar, en septembre 1987. L'enseignement, tel qu'il se produit chez Wayne, est pur Advaita (non-dualité) singulièrement présenté sans compromis, mais non dénué d'humour, sans aucun dogme religieux et dépouillé de tout vernis new-age. Il est l'auteur de «L'Accueil de l'évidence».



Extraits de l'ouvrage

Q : Qu’entendez-vous par Illumination ?

Wayne : Lorsque je parle d’Illumination, j’en parle de façon très, très spécifique, et c’est extrêmement simple. Chez les humains, vers l’âge de deux ans et demi, survient une profonde transformation qui, d’êtres spontanés et voguant librement au gré des flots de la vie, nous change en créatures en lesquelles tout se met à graviter autour de « Moi ! », du « à Moi ! » et de la façon d’obtenir ce que « Je » veux et ce dont « Je » pense avoir besoin. C’est l’instant où s’active ce faux sentiment d’être auteur (FSA)1. Cela arrive à quasiment tous les êtres humains. C’est le sentiment erroné que « je », en tant que cet organisme corps-mental, suis la source qui fait arriver les choses.
C’est ce sentiment erroné d’être auteur qui crée la souffrance, parce que la nouvelle perception est que « je » suis aux commandes, que j’ai un contrôle sur les choses. Cependant, il se présente continuellement l’évidence du contraire — l’évidence que « je » ne suis pas en contrôle. Une puissante tension est donc établie.
Par la suite, en certains êtres, et pour je ne sais quelle raison, ce sentiment d’être personnellement auteur des choses s’éteint de façon définitive. On peut dire qu’il meurt. Cet événement est appelé Illumination. Au cours des millénaires, les gens en ont fait tout un plat. Or, en fin de compte, c’est tout simplement un événement qui survient dans l’histoire de certains organismes humains.
La raison pour laquelle cet événement est si intéressant pour certains est qu’après l’Illumination l’organisme humain ne souffre plus. Il y a une Acceptation Totale au sein de l’organisme. Une Acceptation Totale parce qu’il est « compris » que Ce qui Est, Est. Il n’est plus de « moi » séparé revendicateur pour s’impliquer dans Ce qui Est, le revendiquant comme « à moi ».

1« FSA » : Cet acronyme, forgé par l’auteur à partir du False Sens of Authorship anglais, revient souvent dans ces conversations. Concept axial de l’enseignement exprimé dans ces dialogues il exprimera en français le « faux sentiment d’être auteur » NdT.

Q : Il vous arrive encore d’être triste ou en colère. Mais la différence est que cela ne vous fait pas souffrir ?

Wayne : Exactement ! Colère et tristesse sont simplement des fonctions de l’appareil humain. Les humains sont conçus pour faire l’expérience d’une variété d’émotions et de réactions. En elle-même, une expérience douloureuse ne crée pas la souffrance. Ce qui crée la souffrance, c’est l’entrée en jeu du sentiment erroné d’être auteur et l’implication du « moi » séparé dans l’expérience douloureuse. Quand ce faux sens d’être auteur, (FSA), se trouve impliqué dans la douleur du moment, la douleur est projetée dans le passé ou le futur, ce qui engendre la souffrance.

Q : Comment se produit l’Illumination ? Comment retournez-vous à cet état ? Cela se produit simplement ?

Wayne : Cela se produit. Cela se produit en tant que partie du fonctionnement de l’univers. L’indicateur de cet enseignement-ci — que je nomme L’Enseignement Vivant — est que tout se produit ainsi. Tout se produit en tant que partie du fonctionnement de la Totalité.

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Q : Je vous ai entendu dire que « la viande ne devient pas Illuminée. » Qu’entendez-vous par là ?

Wayne : Ce que je veux dire, c’est que l’Illumination transcende le corps-mental. Elle n’est pas limitée à l’organisme physique. L’organisme physique est né et mourra. Ils le font tous. Personne ne se sort vivant de cette histoire ! L’Illumination n’est pas un état relatif qui va et vient. Il est transcendant à cette forme physique et est éternel. C’est pourquoi il est souvent dit par les sages en tant qu’indicateur : « Je » — parlant à partir de la perspective de la transcendance — « ne suis jamais né, par conséquent « Je » — en tant que Transcendance — « ne mourrai jamais, je ne suis pas ce corps, je ne suis pas limité à cette forme. »

Q : Alors ainsi vous avez jeté comme un coup d’œil dans l’éternel ?

Wayne : Qui ? Voyez-vous, à présent vous pensez à nouveau en termes de corps-mental.

Q : Du fait que vous êtes dans votre corps.

Wayne : Non, non. Je ne suis pas dans mon corps. C’est toute l’histoire. Lorsque je parle du point de vue de la Transcendance, je ne suis pas dans le corps. Je parle à travers le corps. Le corps est un phénomène temporaire. Je suis l’éternel.

Q : Donc à ce point de votre vie vous avez les deux, en vérité.

Wayne : Qui « a » les deux ? Vous ne cessez de postuler un « moi » qui est Illuminé et qui fonctionne en tant que corps. Ce que je dis, c’est qu’il n’est pas de tel « moi ». Il y a simplement le corps qui fonctionne et le « Je » qui fonctionne à travers.

Q : Et ainsi le « Je » n’est pas le « moi » ?

Wayne : Le « Je » n’est pas limité au « moi ». Le « moi » est ce qui revendique à tort le « Je ». C’est le « moi » qui prétend faussement être la Source.

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Q : Pourquoi les définitions de l’Illumination diffèrent-elles d’un maître à l’autre ? Y a-t-il quoi que ce soit de commun parmi toutes ces définitions ?

Wayne : L’Illumination est essentiellement indescriptible. Les définitions variées ou les indicateurs pointant en direction de l’Illumination sont tous relatifs et ils sont tous limités. C’est ce qu’ils ont en commun. Si vous les comprenez comme de la poésie, plutôt que comme une science, vous avez pris une sacrée avance dans la partie, car vous ne cherchez pas à comparer des poèmes pour découvrir lequel est vrai. Et, avec la compréhension qu’aucune des descriptions de l’Illumination n’est intrinsèquement vraie, vous pouvez adopter celle qui vous plaît autant de temps que vous en avez envie. Puis, lorsque vous y êtes disposé, vous pouvez passer à une autre qui vous plaît mieux, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de besoin de descriptions du tout.

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Q : Qu’est-ce qui définit le mouvement de l’Illumination ?

Wayne : L’absence totale de mouvement. L’Illumination est l’absence du mouvement entre l’expérience d’être Un et l’expérience d’être séparé. Les mystiques avancent souvent que ce qui demeure, lorsque vous mettez de côté cette expérience de l’unité et du séparé, c’est Unicité car c’est tout ce qui est et est à jamais. Cela se trouve simplement masqué par le mouvement dualiste. La tentation est d’imaginer — et elle est renforcée par des milliers d’années de description de cet état par des sages — que ceux-ci font de façon continue l’expérience de cette unité dont le chercheur fait temporairement l’expérience. Ce n’est pas le cas.
Essentiellement, ce que cherche le chercheur spirituel, c’est d’avoir une pièce à une seule face. Ce fantasme est d’avoir uniquement la face de l’expérience non duelle, unitive, sans sa contre-partie qui est l’expérience de séparation. C’est une idée très attrayante. Il est très attrayant d’imaginer avoir le bon sans le mauvais, ce qui est sain sans ce qui est corrompu, la joie sans la peine, mais jusqu’ici cela n’a pas été la nature de l’univers manifesté.
Tant que nous sommes dans cet univers manifesté, il n’est pas d’échappatoire à sa structure dualiste. Ce vers quoi pointe le sage est une Transcendance qui embrasse l’univers manifesté dualiste mais qui est elle-même sans forme ni caractéristique. Quand le sage parle du sans qualité il ne peut le décrire qu’en termes qui correspondent à l’expérience qu’a le chercheur de l’état unitif. Le chercheur se dit alors : « Ah ah, je sais ce qu’est cet état, j’y ai été, je l’ai ressenti et j’adore ça. Et en plus, je le veux pour toujours 

Q : Exactement !

Wayne : Eh bien, vous avez de la chance ! Il ne manque pas de gens disposés à vous fournir une variété de méthodes pour parvenir finalement à ce que vous voulez. Qu’il s’agisse de méditations, d’exercices tantriques, de yoga ou autres, les pratiques disponibles sont infinies, et beaucoup sont mises sur le marché assorties de la promesse que vous allez être à la fin dans un état de félicité permanent.
Ce que j’ai tendance à recueillir dans cette pièce, ce sont les cas désespérés, ceux qui sont passés à travers ce processus un nombre incalculable de fois. Je ne reçois pas beaucoup de jeunes gens. Pour la plupart, ceux qui trouvent leur chemin jusqu’ici sont des vieux routiers de la spiritualité. Ils se sont tenus sur des coussins dans toutes les postures les plus inconfortables qu’on puisse imaginer, ils ont eu la dysenterie, ont séjourné dans les ashrams et ont enduré tout ce qui doit être enduré pour « atteindre ce qui est cherché. » Après s’être livré à cela pendant quinze, vingt, trente ans, certains commencent à s’ouvrir aux notions introduites par cet Enseignement Vivant.
Dans la plupart des cas, le « moi » aura dû subir une réelle commotion. Il faudra qu’il ait proclamé avoir vraiment essayé, avoir sincèrement fourni tous les efforts requis, suivi à la lettre toutes les instructions, avoir fait tout ce qui devait être fait. À un certain point, les gens qui se retrouvent ici prennent du recul et se disent : « Eh bien, j’ai fait tout ce qu’ils m’ont dit de faire. J’ai été vraiment sincère. J’ai fait ce que demandait le premier et cela n’a pas marché, alors j’ai fait ce que le suivant a dit et cela n’a pas marché, alors j’ai fait ce que le suivant demandait et cela n’a pas marché non plus ; il y a peut-être une embrouille dans tout ça ! » (rires)

Q : Et je suis furieux parce que j’y ai passé tout ce temps !

Wayne : Vous pouvez bien être furieux, mais vous pouvez aussi commencer à voir maintenant que tout ce qui s’est produit faisait partie d’un processus inévitable. Toutes ces heures sur ces coussins, tous les inconforts, toutes les épreuves, tous ces gourous, toutes ces choses que vous avez faites, étaient toutes des préparations à l’étape suivante. Elles ne furent pas «vaines», mais ont fait partie du déroulement, du processus.

Q : Quel est le processus précisément ?

Wayne : Ceci est le processus ! Vous n’avez pas besoin d’une histoire à son sujet. Lorsque vous dites : « Le processus, c’est… » vous avez raté le coche. Nous sommes en plein dans le processus. Il se déroule en ce moment même. Vous en faites l’expérience, l’éprouvez, vous êtes engagés dedans. Le processus n’est pas en train de se produire hors de vous, il est vous. Quand vous le nommez et l’insérez dans un contexte, vous vous en sentez distinct.

© Publié avec l'aimable accord des Éditions Accarias L'Originel

vendredi 21 mars 2014

• La quête spirituelle de Bernard Harmand


Bernard Harmand, dont déjà deux ouvrages d’entretiens ainsi qu’un CD audio ont été publiés aux Éditions Les Deux Océans, est un de ces êtres, qui, comme il le dit, sont arrivés au bout du chemin. 

Le témoignage de cette réalisation rapporté ici par Alain Jacquemart est particulièrement significatif pour les chercheurs occidentaux, car si son chemin passe par Élisabeth de la Trinité, Philippe de Lyon et une grande dévotion à la Vierge Marie, il s’inscrit également dans la lignée de ces grands sages indiens du védanta non-dualiste que sont Ramana Maharshi et Nisargadatta Maharaj, et comme le montre ce témoignage il n’en a pour autant jamais adopté un langage ou un comportement teinté d’un caractère « exotique » souvent trompeur.

« Homme ordinaire » il s’exprime avec simplicité dans une langue et un langage qui sont nôtres facilitant ainsi une compréhension profonde et directe au-delà des mots.

La première partie de ce livre est consacrée à la biographie de Bernard jusqu’à sa réalisation, la seconde est constituée d’entretiens avec des chercheurs.

L’auteur, Alain Jacquemart, né en 1948 est en recherche depuis plus de quarante ans. Ayant eu de nombreuses rencontres notamment avec Lanza del Vasto en 1969 qui fut son premier Maître puis avec Ma Ananda Mayi qui influença sa vie à jamais, il fut ensuite pendant plus de 20 ans moine zen, conférencier, enseignant et responsable du dojo zen d’Alès. En 2008 sa rencontre avec Bernard Harmand bouleversa si profondément sa vie, qu’il quitta définitivement l’école du zen en refusant d’y devenir maître, pour poursuivre sa recherche solitaire…

Une visite incontournable : Tout par amour.

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Extraits de l'ouvrage :

Dans un de mes mails je lui dis notamment que j’allais devenir maître. Sa réponse instantanée fut la suivante : « Le mot maître revient souvent dans vos dires mais un maître comme son nom l’indique est une personne qui maîtrise, alors qu’un être réalisé n’a plus rien à maîtriser puisqu’il a définitivement perdu le sentiment d’être quelqu’un. Qui reste-t-il pour exercer une quelconque maîtrise ? »
Cette réponse me fit l’effet d’un koan zen dont le sens jusque là caché éclate soudainement au disciple. Pour enfoncer le clou Bernard me joignit un extrait sonore où je pus entendre ceci : 

« Ramana n’a jamais appréhendé personne comme séparé de lui. Il n’avait pas de disciple dans le sens conventionnel du terme. En Novembre 1936, il dit à un visiteur : «Quelqu’un peut se nommer mon disciple ou mon adepte, je ne considère personne comme étant un disciple. Si des gens se nomment mes disciples, je n’approuve ni ne désapprouve. De mon point de vue ils sont tous semblables. Que puis-je leur dire ?»


Après avoir tenté de me dissuader de le rencontrer, Bernard céda finalement devant mon insistance et me reçut chez lui le 14 avril 2008. Comme pour tous les rares visiteurs que Bernard reçut, la rencontre eut lieu dans la fameuse « pièce du bas », ainsi nommée car elle se trouve au sous-sol de la maison. Cette pièce était à l'époque sa chambre mais était surtout le lieu où il avait lui-même pratiqué sa sadhana. À l'entrée de cette pièce à gauche se trouvaient de nombreux livres, une assez grande photo de Ramana Maharshi et quelques petites photos sous cadre de ceux qui ont compté sur son chemin. Bernard était assis sur un fauteuil et alors que je me trouvais face à lui je sus à ce moment-là et avec la force de l'évidence et l'intuition du cœur que je me trouvais face à un être réalisé. Je restai là quelques heures, émerveillé d'être en présence d'un amour si grand, si gratuit et si simplement vrai que mon cœur s'ouvrit et me fit ressentir un sentiment de liberté immense que je n'avais jamais vécu.

Bernard n'était pas en effet un de ces maîtres ou conférenciers qui cherchent à être connus mais au contraire un être de cœur sans attente, libre et uniquement porté pour l'amour de l'autre à témoigner de toutes ses forces de son expérience.
Au moment de partir je dis à Bernard de façon un peu familière mais très spontanée : «Un énorme merci du fond du cœur cher Bernard, pour tout. Mais tu m'as bien mis dans le pétrin !»
- Pourquoi dis-tu cela ? » répondit-il avec un doux sourire.
Je lui dis alors :
« Le zen c'est fini. Je ne conçois plus de pouvoir continuer à l'enseigner »
Bernard répliqua alors par ces quelques mots et avec un sourire malicieux :
« Mais non, ce n'est pas si mal d'apprendre aux gens à méditer. »
En quittant Bernard j’étais encore tout imprégné de ce sentiment vertigineux de liberté. Je venais de rencontrer « le Ma » ou le Ramana d'Occident.
Je réalisai alors pleinement que je ne désirais pas devenir maître, que seule la relation d’amour et non de maîtrise m’attirait. Dans un état second et après six joyeuses heures de route j'arrivai à la maison où m’attendait mon épouse. Quand elle me vit, elle sut immédiatement qu’il s’était passé quelque chose d’essentiel. La regardant fixement dans les yeux je lui dis calmement mais avec une force de conviction sans appel : « Le zen, c’est fini. »
Sentant de toute évidence que cette décision était irrévocable elle me demanda un peu craintive : « Oui d’accord, le zen c’est fini, mais pas le dojo tout de même ? »
- Le dojo c’est aussi fini en ce qui me concerne », lui répondis-je.
Au moment où je prononçais ces mots je sentis le poids de leur implication : j’allais devoir m’expliquer avec mon maître, avec tous les gens qui m’entouraient depuis des années et dont certains d’ailleurs étaient devenus des disciples qui attendaient que je sois intronisé maître pour que je puisse ensuite les ordonner.
Bien sûr je ne dormis guère cette nuit là et vu la place que j’occupais dans la «hiérarchie zen», les jours qui suivirent ne furent pas sans remous. 
Les semaines qui succédèrent à cette décision furent consacrées à rompre tous mes engagements tout en faisant ce qu’il fallait pour que le dojo puisse perdurer après mon départ. Malgré les remous je n’eus aucun moment d’hésitation ni le sentiment d’avoir fait une erreur.

.../...


Question : Mais c’est extrêmement dur pour les gens d’accepter que tout est pour rien.
B : Oui, je comprends que ça ne doit pas être facile.

Question : Parce que les gens voudraient au moins que le but soit d’aller vers la lumière comme ils disent souvent.
B : Oui je comprends bien qu’en parlant comme je le fais, on a l’impression qu’il n’y a pas de but. Mais pourquoi y en aurait-il un ? Pour quoi faire ? On veut toujours faire dans le but de devenir, mais fort heureusement que tout cela est pour rien, comme le véritable Amour. Si tu aimes pour quelque chose ce n’est pas encore de l’Amour, mais c’est normal, c’est humain.
On est habitué dans notre société, dans le monde, chez l’être humain, à toujours faire quelque chose en vue de ; c'est normal, c'est une habitude. Alors tu demandes pourquoi le monde et quel est le but du monde ? Il n’y en a pas. Ça c’est moi qui le dis, tu en penseras ce que tu veux après. C'est mon expérience et comme je le dis souvent je ne te demande pas d'y adhérer. Je parle de mon expérience, de ce que j’ai vécu, de mon chemin par exemple. Je ne dis pas cela pour que l’on me croie. Il faut le rappeler parce que les gens sont tellement habitués à parler pour convaincre. Donc pour que le monde ait un but il faudrait qu’il ait conscience d’être, or ce n’est pas le cas. Il n’y a que toi  qui peut dire « j’existe ».  À aucun moment le monde ne peut dire «j’existe».
Comme le disait Ramana : « Si Dieu et le monde sont réels, ils doivent être présents dans le sommeil profond ». Ce n’est pas le cas. Dans le sommeil profond il n’y a rien, même pas la conscience d’être et pourtant on n’est pas mort. Tout ça pour dire que le monde ne peut pas avoir un but parce qu’il ne sait même pas qu’il existe. La conscience d’être ne concerne que toi, simplement. C’est parce que tu es que le reste peut apparaître dans le champ de ta conscience, au réveil, le matin.
Heureusement qu'il n'y a pas de but car cela signifierait que le monde a conscience d’être, comme si il y avait un grand intellect qui gère tout, qu’on appelle Dieu ou autrement, évidemment …
Quelle est ton expérience de ça ? Elle n'existe pas !"


© Reproduit pour Éveil Impersonnel avec l'aimable autorisation des Éditions Les Deux Océans

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LETTRE OUVERTE AUX CHERCHEURS DE LEUR VRAIE NATURE
AU SUJET DE LA PARUTION DU LIVRE D’ALAIN JACQUEMART :
TOUT PAR AMOUR
La quête spirituelle de Bernard Harmand
L'histoire d’un amour fervent et passionné
Éditions : Les Deux Océans

À l'occasion de la sortie du livre que je viens d'écrire sur la biographie et le témoignage de Bernard(Harmand) qui est devenu depuis 2008 mon « guru d’Amour » : mon cœur ayant reconnu de suite sa profonde Réalisation, je désirerais m'adresser aux chercheurs de LA VOIE, amis invisibles qui comme moi depuis des années sont mus par le profond désir de retrouver au delà des confusions en tous genres , leur Vraie Nature.

J'ai longtemps hésité car l'expérience m'a appris qu'en ces domaines la voie de chacun est unique et qu'il peut être fort indécent et prétentieux de se mêler de ce jardin intime.
J'y ai cependant consenti pour deux raisons

-la première est que je suis moi même un chercheur fou depuis 45 ans et que ma modeste expérience en la matière même si elle est spécifique peut tout de même comporter quelques points plus généraux qui peuvent être utiles à d'autres.

-la seconde raison est que m'est revenue à l'esprit cette magnifique histoire traditionnelle destinée à balayer en quelques mots simples toutes les sottises que l'on peut dire sur le karma et le libre arbitre et à remettre en question nos tergiversations à agir !
Je vous la livre, car même si vous la connaissez, elle est toujours aussi savoureuse et utile à écouter.

C'est un disciple qui suit l'enseignement d'un grand maître et qui est très fier de tout ce qu'il a appris notamment sur le fait que « tout ce qui arrive est Dieu et qu'il n'y a donc à rien faire et à s'inquiéter de rien ».
Nimbé de sa supériorité « spirituelle » il sort dans la rue et voit débouler un éléphant porteur d'un cornac qui ne pouvant maîtriser l’éléphant hurle à notre homme de se garer sur le côté : sûr de lui et de l'enseignement de son maître il ne se déplace pas car il se dit que l’éléphant aussi étant Dieu, ne pourra lui faire aucun mal : évidemment notre homme se retrouve à l'hôpital cassé de partout et ayant frôlé la mort.
Dès qu'il va un peu mieux il fonce chez son maître quelque peu excédé et lui dit : « Maître vous m'aviez dit que tout était Dieu, je vous ai cru et regardez maintenant dans quel état je suis » et le maître lui répond calmement «  je persiste et signe : tout est Dieu mais espèce d'imbécile : le cornac qui t'a dit de te circuler était aussi Dieu ! »

Alors ami lecteur disons que j endosse humblement pour un instant la fonction du cornac et que je te confie quelques mises en garde et réflexions concernant la recherche.

La Voie spirituelle n'est pas de tout repos et nécessite un discernement et une détermination de chaque instant et ceci jusqu'au but final.

Le discernement doit à mon sens s'appliquer dans deux domaines :
- à notre guide, ami spirituel, guru, mettez-lui le nom qui vous convient ! Mais c'est quelqu'un qui a lui même fait le chemin et qui l'incarne.
- à notre recherche afin d'y mettre toute la ferveur nécessaire pour la fusion dans ce que l’on pressent.

Nous vivons une époque sensible ni bonne, ni mauvaise mais qui se caractérise par une dégénérescence et une usure des religions établies d'un côté, et de l'autre par une prolifération d'enseignements en tous genres (des plus sérieux aux plus délétères et farfelus)
Chaque jour internet regorge de « nouveaux éveillés » qui ouvrent des sites, font des « satsangs » et inondent You tube de vidéos.
Le chercheur sincère se trouve face à un dilemme auquel moi même j'ai été confronté et dont je peux parler par expérience.

-Pressentant la difficulté énorme qu'il y a à séparer le bon grain de l'ivraie il peut pour se sécuriser : se réfugier dans une voie dite « traditionnelle » qui même si elle comporte des imperfections lui garantit la « continuation d'une lignée »
C'est en gros le choix des religions soit occidentales, soit orientales car même dans le soit disant iconoclasme du zen, est revendiquée la lignée ininterrompue des patriarches depuis le Bouddha (que l'on récite d'ailleurs chaque jour dans les temples zen!)
C'est cette voie que j'ai choisie pendant plus de 20 ans, et plus spécifiquement le zen dans laquelle je me suis investi à fond, jusqu'au point de pouvoir devenir maître à mon tour, chose que j'ai refusée après ma rencontre avec Bernard Harmand en 2008
(Je consacre le premier chapitre du livre à ce parcours et ce choc salutaire de la RENCONTRE AVEC UN ÊTRE VERITABLEMENT REALISE !)

-la deuxième possibilité qui se présente au chercheur qui pour différentes raisons n'a pas envie de faire ce choix c'est de se fier à son intuition et de partir en électron libre dans le dédale des enseignements en tous genres et là : la moisson est ardue.
De plus la notion fort opportune de «  guru intérieur » camoufle bien des faiblesses ! Le « guru intérieur » n'étant alors qu'une autre forme de l'ego.

Sur la multitude actuelle des êtres qui se prétendent éveillés ou Réalisés (Bernard préfère ce terme et je l'ai d'ailleurs adopté) peu sont réellement arrivés au bout du chemin.

-Certains sont manifestement malhonnêtes et leurs actions ne reposent que sur des buts vénaux : financiers, sexuels ou plus simplement d'expansion narcissique.

-D'autres de ces nouveaux éveillés de manière évidente relèvent plus du domaine psychiatrique que spirituel et un chercheur intuitif peut le remarquer ne serait ce qu'à première vision d'une vidéo (bien que dans ces domaines on soit toujours étonné de voir à quel point même des gens déséquilibrés peuvent entraîner dans leur sillage des chercheurs pourtant sérieux, cultivés et sincères. Les scandales de plusieurs gurus récents en témoignent !

-D'autres sont manifestement sincères et plusieurs de leurs assertions sont justes, mais beaucoup ne sont pas allés jusqu'au au bout du chemin et prennent pour la Réalisation finale une ou des expériences d'unité qu'ils ont vécues. A ce compte beaucoup de personnes qui ont une pratique sérieuse de travail sur soi et de méditation ont probablement tous à un moment ou l'autre traversés ces états et ne s'en érigent pas pour autant en enseignants réalisés avec cette énorme responsabilité d'entraîner des autres !

-d'autres enfin laissent planer l'ambiguïté sur leur Réalisation se réfugiant confortablement dans le principe qu'un être éveillé ne doit pas le dire sous peine de ne pas y être(la tautologie est imparable!)

Il semble que la Voie soit étroite dans les deux cas de recherche car la tradition soit disant « éprouvée » ne met nullement à l'abri des abus et en plus ne donne aucune garantie de Réalisation : je dis toujours avec pragmatisme : combien y a t'il d'Êtres Réalisés sur les milliers de moines que comporte et a comporté l'humanité ?
De plus et malheureusement, la tradition aussi sérieuse soit- elle ne préserve pas des déviations et des abus en tous genres : les derniers scandales sexuels de maîtres tibétains reconnus ont récemment défrayé la chronique et ont été même stigmatisés par une mise en garde du dalaï-lama .Il n'est pas utile de s'étendre sur les centaines de plaintes déposées pour pédophilie dans le clergé.

L'être Réalisé qu'il appartienne ou pas à une église est toujours quelque part un outsider, un être différent. Maître Eckart qui est à mon sens un Être Réalisé de l’Église catholique a été condamné pour hérésie et combien d'autres !

LA RÉALISATION DÉRANGE car elle ne suit aucune loi, aucune lignée

Là aussi pour avoir approché de près le problème je me suis rendu compte avec quelle duplicité on « trafiquait » les lignées de patriarche. Chaque école l'arrangeant à sa manière pour la faire remonter au Bouddha mais tout le monde sachant bien que ce processus est artificiel et n’est mis en place que pour garantir la croyance des fidèles et les rassurer.Dans l’église catholique on dit de même que le pape actuel est le successeur en ligne directe de Saint Pierre , ce qui exclut d'emblée la légitimité des orthodoxes ou autres chrétiens.

LA VOIE N'EST PAS RASSURANTE ET ELLE NÉCESSITÉ DE REMETTRE EN QUESTION TOUTES LES CROYANCES !

Bernard me disait d’ailleurs :
« Si l’on agit dans sa recherche et sa pratique parce que l’on « doit » ou parce que l’on a peur : ce n’est pas possible.
 Le plus important quand on cherche, c’est l’envie que l’on a.
Si on enlève l’envie et qu’on la remplace par une obligation de devoir faire ceci ou cela, comme le proposent souvent les religions, alors ça ne va plus.
Notre recherche qui concerne notre Vraie nature n’a rien de raisonnable.»

Oui la voie est étroite et la limite est très ténue entre une position contraignante et irrespectueuse de soi même d’un côté et de l’autre une complaisance molle où l’on pense se tirer de la cage dorée du monde par quelques lectures « spirituelles », quelques stages, quelques satsangs et quelques méditations bien proprettes.
Le Christ ne disait-il pas qu’il était venu apporter le feu ?

La recherche n’est pas tiède, il est nécessaire de brûler entièrement pour pouvoir fusionner !

Ceci est douloureux parfois et je me suis rendu compte à quel point les êtres humains vont si vite pour se réassurer dans de nouvelles croyances sitôt après s'être flattés d’en avoir rejeté de plus anciennes.
L’exotisme des traditions étrangères est le plus souvent le miroir aux alouettes qui séduit en tout premier lieu car comme dit le proverbe :
« L'herbe est toujours plus verte dans la vallée d'en face. »
De plus une tradition nouvelle semble toujours plus attrayante face à celle de la naissance, qui bien souvent s'est dévitalisée au cours des années et a montré ses signes de faiblesse.
Malheureusement la bigoterie et la superstition n'appartiennent pas uniquement à la tradition occidentale et l'on se rend compte peu à peu que réapparaissent ces choses somme toute bien humaines, prêtes à ressurgir face à l’angoisse de la solitude du chemin. 
Ainsi tel ou tel qui raillait en son temps la dévotion à la vierge Marie se retrouve à vénérer une divinité secondaire asiatique ou se met à participer à des cérémonies qui en d'autres temps l'eussent fait pouffer de rire.

Ce constat étant fait vous allez me dire : mais alors que faire ?
Comment trouver son guide, le mettre à l’épreuve ? Et d’ailleurs est-il nécessaire d’en avoir un ? Certains réalisés très rares il est vrai n’ont pas eu de guru !

D’aucuns disent que seul un Être Réalisé peut reconnaître un autre Être Réalisé : c’est une réponse un peu facile que personnellement je n’aime guère car elle nous dédouane du discernement à exercer. Il est évident que l’on peut tout de même avoir quelque ressenti et intuition de la Réalisation d’un être humain !
-La question primordiale, essentielle, à mon avis et la première à se poser c’est :

-EST-CE QU’IL INCARNE VRAIMENT CE QU’IL ME DIT ?
-EST-CE QU’IL Y A UN FOSSE ENTRE SES DIRES ET CE QU’IL EST OU FAIT ?

De nombreux enseignants ont de magnifiques discours, et comme je le dis souvent c’est tellement simple de s’improviser « guru de la non dualité » : il suffit d’un vocabulaire minimum, de quelques pirouettes de rhétorique, d’une estrade et de quelques fleurs avec éventuellement la photo de son guru car c’est tendance !
Certains universitaires bouddhistes en connaissent beaucoup plus sur la doctrine que d’obscurs Réalisés qui n’ont probablement jamais fait parler d’eux !
Ramana n’a jamais fait de « RAMANA SPIRITUAL TOUR », il n’a fait aucune conférence, n’a pas bougé de l’endroit où on l’avait posé, n’a jamais recherché aucun disciple et même se défendait d’en avoir

-Oui car le deuxième point important : c’est est ce que mon guide a besoin de moi ?

Voilà déjà deux critères simples qui éliminent déjà pas mal de monde !

Que l’on ait un guide ou pas en dernier ressort ne nous appartient guère car :
LA RENCONTRE s’il y en a une échappe à notre mental et nos prévisions : j’ai moi-même rencontré celui que je considère comme mon guru à 60 ans après 40 années de recherche diverses et d’investissement dans une voie traditionnelle. Ce qui compte au fond c’est notre passion, notre détermination car comme le dit mon guru : 
« si le chercheur est passionné tous les événements se mettront à son service pour l’aider dans sa recherche ! »On ne doit donc à mon sens rien regretter de tout ce que l’on a pu faire si on l’a accompli avec cœur et au bout du compte on se rend compte que tout nous a servi.
Ami lecteur j'ai écrit en partie ce livre pour répondre aux multiples interrogations des chercheurs sérieux car le témoignage et les réponses d’un Être Réalisé parmi d’autres sont toujours un ferment, un catalyseur pour la recherche.
Ce témoignage m’a foudroyé personnellement mais laissera peut être d’autres indifférents : chacun peut y prendre ce dont il a besoin pour s’édifier et même si tu ne ressens pas le besoin de lire ce livre je tenais tout de même à te transmettre ces quelques éléments de mon expérience et te dire que la recherche de ta Vraie Nature est vraiment le plus beau des voyages et je t’invite à faire confiance à ton cœur et à ton discernement.

De tout cœur,
Alain Jacquemart