vendredi 9 juillet 2010

• Ce que nous sommes ne pourra jamais être connu comme un objet de connaissance - Nicole Montineri


Question : Vous semblez me conseiller d'arrêter la pratique du « qui suis-je ?» pour m'inviter au Silence vivant. Ramana n'a cessé de dire que tant qu'il y a identification au « je », cet effort est nécessaire. Je suis le silence et la paix dès que je retourne en moi par cette question. Aujourd'hui, j'ai pu attendre des résultats médicaux importants de ma femme (qui sont bons) en toute quiétude et disponibilité pour mes enfants grâce à cet encrage dans cet amont de tout. Il y a dix ans, j'ai pu accompagner ma mère à la mort sans quasiment dormir pendant plusieurs jours en toute simplicité, avec grand courage et bonté grâce à cette dés- identification… Ramana dit que « rester tranquille, c'est détruire ce que vous croyez être ». Pour vous, la question (comme l'indique Ramana) s'est dissoute dans la Conscience. Cette dissolution n'est pas encore naturelle chez moi. A quelques reprises, baignant dans la simplicité du Vivant, j'ai abandonné cette question en ne faisant plus rien du tout mais le mental a vite repris les rênes. Je ne me sens pas dés-identifié. De plus, j'ai l'impression de faire beaucoup moins d'efforts dans ma vie quand je pratique cela.

Nicole Montineri : Tant qu'il y a pratique, tant qu'il y a mantra, il y a activité du mental, qui objective « Je ». Je ne vous conseille pas d'arrêter toute pratique, ni d'ailleurs de continuer. Je témoigne seulement de mon vécu. Je ne conseille rien, ni n'enseigne rien. 
Tel que vous êtes, là où vous êtes, est déjà la Réalité qui se manifeste dans la perfection renouvelée de l'instant présent. Chaque pas que vous faites en conscience est la réalisation. Dés que vous laissez votre conscience refléter, tel un miroir, la multiplicité de la vie, tous les évènements qui se présentent, vous êtes dans la tranquillité, dans la paix du Soi. 
Vous me dites que vous ne vous ressentez pas toujours dés-identifié. Riez dés que vous voyez ce mental cavaler et créer une distance.... la vie est légèreté ! Dans cet instant même de prise de conscience joyeuse, se trouve votre espace de liberté, votre véritable nature. 
Ce que vous me dites sur votre maman me touche. Il n'y a pas de plus beau geste d'amour que d'accompagner un être vers la mort. (voyez Ramana avec sa vache Lakshmi qu'il aida à mourir, son geste vaut tous les enseignements....). Ce qu'on appelle la mort peut être l'instant de notre plus haute réalisation, notre absorption totale dans la Conscience cosmique.
Lorsqu'on sait véritablement ce qu'est la mort, on sait ce qu'est la Vie.

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Q : Je suis consciente de ce silence qui occupe un espace. Encore un sujet-objet qui regarde ? Le vrai silence est donc la disparition totale du moi qui a encore une perception, qui s'accroche à un ressenti ?

NM : La perception est une manifestation, comme un reflet de la conscience, et n'est pas ce que nous sommes. Ce que nous sommes, conscience, silence, vide, ne pourra jamais être connu comme un objet de connaissance, car c'est le Sujet ultime. 
Le moi aussi est un objet pour la conscience qui se manifeste comme conscience de quelque chose. La conscience en repos, seulement conscience d'elle-même, se dévoile dans le renoncement total du moi, dans le vide de l'esprit. Elle ne peut être perçue, observée.

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Q : La quête du sens s'est révélée très tôt chez moi. J'ai toujours voulu comprendre, je me suis toujours posé des questions. Même si je sais qu'un processus est en cours, je l'ai bien compris, mais parfois, j'ai l'impression de "stagner". Y a t il quelque chose que je puisse "faire" pour accélérer ce processus comme me le suggère mon entourage (pratiques spirituelles diverses) ? Ma question n'est elle pas celle de mon impatience! ?

NM : Ecoutez votre propre voix, demeurez relié à cette joie sans cause que vous ressentiez adolescent lorsque vous contempliez l'univers. 
La société nous entraîne à « faire » sans cesse, à être toujours dans l'agir. Nous sommes tellement conditionnés que nous culpabilisons si nous sommes dans la contemplation, croyant alors que nous stagnons, dans une passivité synonyme de faiblesse. Or, il n'y a jamais stagnation. Comment serait-ce possible ? La vie n'est que mouvement. C'est toujours notre esprit qui juge et qui sépare, d'un côté ce qui est considéré comme bien, de l'autre comme mauvais, d'un côté l'action, de l'autre la contemplation… Toute la vie est regardée par notre esprit de cette façon duelle.
La question n'est pas de faire, même des méditations, des prières, des rituels, ce n'est pas non plus de rejeter quoi que ce soit. C'est de laisser la vie oeuvrer en soi. La vie n'a pas besoin de nous, n'a pas besoin qu'on l'aide à se mouvoir...  C'est l'ego, ce tas de pensées, qui, dans son orgueil, s'en persuade.
Vous pouvez méditer - sans pour autant vous immobiliser physiquement - si vous ressentez le besoin de calmer votre esprit. Un mental calme, stable, est indispensable pour permettre à l'énergie de la vie d'oeuvrer en nous, librement, dans cet espace laissé grand ouvert, sans entrave, qui est notre véritable nature.

L'intelligence de cette énergie sait ce qui est bon pour nous, et tout ce qu'elle nous propose - tout, même ce que nous considérons comme des épreuves - est une invitation à nous ouvrir, à élargir notre espace intérieur.
Le temps n'existe pas dans cette dimension-là. L'impatience est une création de notre mental, qui imagine une distance pour arriver à un but. Ne projetez rien, ne cherchez pas un but, vous êtes déjà ce que vous cherchez : un espace de paix et de silence, depuis toujours. C'est lorsque votre esprit aura définitivement compris qu'il ne peut trouver ce qui est plus vaste que lui, ce qui le contient, que le "saut" se fera... de lui-même.
Ayez confiance en la vie. Elle vous a mené avec amour jusqu'ici, et il n'y a pas d'autre réalité que celle que vous vivez, ici et maintenant.

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