dimanche 29 novembre 2009

• L'arrière-plan silencieux qui gît derrière nos pensées - Jean-Marc Mantel



L'unité
Simon Macnab - Qu'est-ce que l'unité, et pourquoi est-ce une expérience si rare et occasionnelle ?

Jean-Marc Mantel - L'unité n'est pas une expérience. Elle est l'arrière-plan de toute expérience. C'est en elle que l'expérience apparaît et disparaît. Le mental sépare. De cette séparation naît le conflit. Le mental ne peut résoudre un conflit qu'il a lui-même créé. Le conflit meurt en même temps que la pensée qui l'a créé.


Le conflit
SM - A une époque où il y a tant de rivalités dans le monde, il serait utile de mieux comprendre cette fonction du conflit, ainsi que sa place dans le processus d'éveil.

JMM - Un conflit met en jeu deux opinions. Mais soyez conscient que vous n'êtes pas une opinion. Ne vous prenez pas pour une opinion. Dès que vous n'êtes plus identifié à votre propre opinion, vous pouvez l'exprimer sans autre intention que la joie de le faire, c'est-à-dire sans désir de convaincre, de persuader ou de dominer. Cela ne signifie pas que vous deviez abandonner votre opinion, mais simplement ne pas vous y identifier. De ce point de vue, il n'y a plus de conflit. Le conflit concerne les opinions, mais non vous.

SM - Oui, l'identification à une opinion est au cœur de la discussion. Ainsi, quand une opinion est opposée à une autre, c'est comme si la personne entière était soumise à une attaque, et nous voyons ainsi tous les mécanismes de défense qui entrent en jeu. Il semble que la tendance qu'a une personne à s'identifier à ses opinions dépend de son état de détente. Cela ne pourrait-il pas constituer un chemin vers le détachement ?

JMM - Exactement. La réaction est le signe que quelque chose en vous est  réactif. C'est une opportunité de voir clairement les attachements et la peur de perdre. Cet état réactif dépend en fait de votre état intérieur. Lorsque vous êtes tendu, tous ces mécanismes sont stimulés. Lorsque vous êtes détendu, ces mécanismes sont en partie désactivés. Mais être libre de réaction signifie être libre de vous-même, c'est-à-dire libre de toutes les idées, croyances et pensées que vous avez sur vous-même. Au sein d'un esprit silencieux, il n'y a pas de 'je' qui choisit, préfère, agit ou réagit.


L'éveil
SM - J'aimerais vous interroger au sujet de l'éveil que vous avez expérimenté. Pourriez-vous parler un peu de ce processus que vous avez vécu, et nous dire en quoi votre formation de psychiatre et votre travail ont contribué à votre expérience du "silence de l'esprit" ?

JMM - La première fois que j'ai expérimenté consciemment la nature de l'esprit, c'était lors de la lecture d'un texte de Jean Klein. Il mentionnait l'arrière-plan silencieux qui gît derrière nos pensées. J'ai été immédiatement saisi par la vérité évoquée par ces mots, et sentais qu'ils exprimaient une réalité. À cette époque,  j'étais animé d'un intense besoin de comprendre mon fonctionnement intérieur, et de quitter la confusion et la souffrance que je ressentais. Puis je rencontrai Jean Klein, et sa présence m'aida à approfondir cette expérience du silence intérieur. Quelles que soient les circonstances, cette présence silencieuse pouvait se manifester et devenir plus réelle que n'importe quoi d'autre. La signification de la conscience comme réalité ultime devint alors évidente.

Ma pratique de psychiatre ne pouvait m'être d'aucune aide dans ma recherche de  vérité. Naturellement, être en face de nombreuses personnes qui souffrent aide à affiner la vision intérieure, mais la perspective proposée par la psychiatrie est très fonctionnelle et n'explore ni la réalité de notre fonctionnement intérieur, ni notre désir de libération. La psychiatrie doit être repensée afin de considérer les êtres non comme des malades, mais comme des chercheurs de vérité.


Action, méditation et identification
SM - Etant donné le caractère inéluctable du processus d'éveil, quel est le rôle de l'action et de l'activisme ? Aident-ils le processus, voire même, d'une certaine façon, l'initient, ou bien renforcent-ils les structures défensives de l'ordre établi, retardant encore l'émergence d'un changement ? C'est la vieille question qui cache le débat entre le méditant et l'homme d'action, les approches masculine et féminine du monde de la souffrance.

JMM - Quand la sensibilité s'éveille, la compréhension de la nature de la guérison se transforme. Les symptômes ne sont pas là pour être effacés, mais pour être écoutés. En écoutant les symptômes, le message du corps et du mental peut se révéler. Ce qui doit se transformer n'est pas le corps-mental, mais la perspective qui maintient l'identification au corps-mental. Lorsque vous réalisez que vous n'êtes pas le corps-mental, la vie toute entière se transforme, non pas extérieurement, mais intérieurement. Les situations apparaissent alors comme des situations, et non comme des problèmes. Sans celui qui crée le problème, il n'y a pas besoin de solution. La situation contient à la fois le problème et sa solution. Lorsqu'il n'y a plus d'identification aux situations, la vie les organise de la manière la plus adéquate. Cela est passivité dans le faire, et activité dans le non-faire.

Une action qui est séparée de la globalité maintient un sentiment de séparation, et crée le désordre. A l'inverse, une action qui n'est pas séparée du tout pointe vers l'unité.

La souffrance est toujours liée au sentiment de séparation. En observant ce sentiment, vous vous expérimenterez comme non séparé de ce que vous cherchez. Vous êtes ce que vous cherchez. Le masculin et le féminin sont deux expressions de ce que vous êtes, mais ne sont pas ce que vous êtes. Vous êtes le connaisseur des deux. Le connaisseur contient à la fois la masculinité et la féminité, mais n'est ni l'un, ni l'autre.

SM - Je vais résumer les choses, afin d'être sûr d'avoir bien compris. Ce que vous dites est que la tendance à l'activisme social est enracinée dans la perception que quelque chose ne va pas dans le monde ; que, par exemple, la pollution ou la guerre doivent être arrêtées ; qu'il existe un problème qui nécessite une solution. Une telle perception serait le fruit d'une identification. Tout d'abord, une identification avec ceux qui souffrent, par exemple les animaux ou les enfants affamés. Ensuite une identification trouvant sa source dans la croyance que nous sommes notre corps et notre mental. Nous projetons alors notre propre souffrance sur les situations autour de nous. Cette manière de percevoir un problème serait le résultat d'une absence d'écoute de la souffrance intérieure. A un certain moment de la vie d'une personne, la capacité d'écoute devient sensibilité. En d'autres mots, il n'y a pas de volonté ou d'intention personnelle en jeu. Cela simplement se fait ou ne se fait pas.

Vous dites que la vie arrange les choses de la manière la plus appropriée. Que cela signifie-t-il sur un plan pratique ? On peut regarder le monde et voir de nombreuses situations qui pourraient être améliorées, par exemple la situation au Moyen Orient. Il est difficile d'envisager que l'environnement ne soit plus un problème, mais une situation. Comment verrait une telle situation quelqu'un qui n'est plus identifié à son corps-mental ? Comment serait-il possible, dans ce cas, de rester "passif dans l'action" et  "actif dans la non-action" ?

JMM - L'activisme social, et, de manière plus générale, l'action, ne sont pas, par eux-mêmes, problématiques.

Ce que nous nommons un "problème" est la conséquence de l'intention. Une action venant d'un désir personnel, c'est à dire d'un désir de reconnaissance de soi, d'affirmation ou d'amour, crée une attente. Cette attente maintient un état de tension et d'insatisfaction.

Une action sans intention est légère et fluide. Une telle action n'est pas alourdie par le poids de l'ego. Nous pouvons parler ici d'une action sans intention. Il n'y a là personne, pas de 'je', qui attende quelque chose. Les événements et situations apparaissent alors comme la simple expression de l'intelligence de la vie.

En termes pratiques, observez une situation sans implication personnelle, à partir d'un regard frais, libre de jugement et d'a priori. De ce point de vue, la situation apparaît dans sa globalité. Les causes et effets émergent dans votre propre regard. Le passé, présent et futur sont en vous, maintenant.

Cette perspective permet l'émergence d'une réponse venant de votre être. Il ne s'agit pas là d'une réponse liée à vos besoins personnels, mais en relation à la situation elle-même.

Nous pouvons ainsi dire que la situation contient sa propre réponse. Cette présence au réel est "passivité dans le faire et activité dans le non-faire".


Vision et perception

SM - Il semble qu'il y ait des différences entre les choses qui se passent tout près de nous, et pour lesquelles notre réponse est immédiate, libre de la pensée - par exemple lorsque quelqu'un tombe par terre devant nous et que nous tendons le bras pour l'aider -, et les événements qui se passent au loin, dont nous n'entendons parler que par les médias. Dans ce dernier cas, il y a plus de temps pour l'élaboration d'une pensée réfléchie, même lorsque l'événement produit une réponse émotionnelle immédiate, par exemple de sympathie, basée sur l'identification aux victimes. Lorsque la pensée se met en route, comme cela se passe généralement, il semble alors plus difficile de regarder, d'un regard neuf, un événement ainsi médiatisé par la presse. D'une certaine façon, cela n'est pas la réalité. Ainsi oui, il est nécessaire de se souvenir que les événements sont l'expression de l'intelligence de la vie, même s'ils semblent particulièrement atroces au niveau humain. Je suppose que c'est cela que les gens religieux appellent la foi. Cette perspective aide à diminuer le jugement et la condamnation.

Ce que je comprends de votre réponse est que, si le mental n'est pas tranquille, il surimposera sur la situation tous les mécanismes du jugement, de recherche de causalité et autres conditionnements. Ainsi, jusqu'à ce qu'une situation puisse être vue avec un oeil neuf, il semble nécessaire de prêter attention aux filtres du mental, à l'instant où ils émergent. On pourrait presque parler de ramener la perspective depuis le regard jusqu'à son propre nez. Ces filtres s'éliminent dès qu'ils ont bien été vus et identifiés

JMM - Oui, il est nécessaire de différencier la perception d'une situation de son interprétation.

Une perception n'est ni bonne, ni mauvaise. Elle est une vision directe des choses telles qu'elles sont.

L'interprétation de la perception dépend du contenu de la mémoire. Notre mémoire agit comme une base de données, dont le contenu peut être éveillé par certaines stimulations. Quand cette mémoire émerge, elle se mêle à la perception première, et crée une nouvelle perception, différente de la précédente. Cette nouvelle perception est considérée comme étant réelle.

Et considérer comme réel ce qui ne l'est pas est ce qui est nommé "illusion".

SM - De votre point de vue, la perception du monde n'est-elle pas constamment basée sur la mémoire, car le cerveau construit sa réalité sur ce qu'il a vu auparavant. Ainsi le processus est quasiment continu, même lorsque nous voyons ou expérimentons quelque chose de neuf, comme un paysage par exemple.

JMM - La perception du monde, par elle-même, n'est pas basée sur la mémoire. Une perception est le fruit d'un impact vibratoire. Cet impact peut stimuler la mémoire, mais peut aussi ne pas la stimuler. Si la perception reste "pure", c'est à dire n'éveille rien en vous, vous, en tant que conscience, percevez d'instant en instant, sans aucune mémoire. C'est comme si votre mémoire ne fonctionnait plus, et que vous aviez la possibilité de percevoir les choses comme elles sont à l'instant présent, et non comme elles "devraient être".

L'interprétation qui suit une perception est une expression de la mémoire. Mais ce n'est pas ce que nous appelons la réalité. La réalité n'est pas une interprétation. La réalité est ce qui émerge dans l'immédiateté, avant que le cerveau ne commence à interpréter et à commenter. Elle pointe vers vous, en tant que ce qui perçoit. Mais si vous cherchez ce qui perçoit, vous ne le trouverez pas. Car ce qui perçoit n'est pas "quelque chose". C'est vous-même, vous en tant que sans-forme. Ce qui perçoit ne peut se percevoir, mais "se sait", de la même manière que la vision "se sait", mais ne se "voit" pas.

SM - De quelle manière la vision se sait-elle ?

JMM - Si je vous demande "existez-vous ?", vous répondrez spontanément "oui !". Remontez à la source de ce sens d'exister. Ce sens pointe vers la vie elle-même. Vous vous savez être la vie. Ce savoir n'est pas d'ordre intellectuel, mais est un savoir par identité, par similarité. Vous vous savez être, avant même de penser à ce que vous êtes, avant de 'vous penser'.

De la même manière, lorsque nous parlons de la vision, nous pouvons dire que la vision se sait, non pas d'une manière conceptuelle, mais en tant qu'expérience d'être. Et la vision et vous êtes un.

Dans une telle perspective, savoir signifie être.


La souffrance
SM - Je voudrais revenir à ce que vous avez dit précédemment, à savoir que les évènements et les situations venaient de l'intelligence de la vie. Ceci amène à la question de la souffrance. Comment la souffrance peut-elle être intelligente ? Il me semble que nous utilisons la souffrance que nous voyons autour de nous pour justifier le point de vue que la vie n'est faite que de hasard, et est chaotique et dénuée de sens. Pourrait-on dire que ces attributs ne sont en réalité que des projections du moi individuel ; que ce n'est pas le monde qui possède ces caractéristiques, mais la pensée du penseur qui expérimente ces pensées aléatoires et chaotiques ?

Une  fois que le penseur commence à expérimenter sa propre détente, la pensée s'apaise et la totalité peut être vécue. L'intelligence de la vie devient alors plus une expérience vécue qu'une croyance ou l'expression d'une foi.

JMM - La souffrance est une réaction. Elle n'est pas notre état naturel. A chaque fois que vous entrez dans le sommeil profond, le sommeil sans rêves, vous habitez la tranquillité, la plénitude et la joie. Vous pouvez le ressentir au moment où vous sortez du sommeil profond, et êtes encore imprégné par l'expérience de la non-pensée. Puis, lorsque le mental se réveille, il commence à vous définir en tant que quelqu'un, un corps-mental, à localiser l'environnement, et à séparer l'intérieur de l'extérieur. La guerre commence ! Le sens de séparation induit un besoin de défendre un territoire nommé "moi-même". Les pensées et les actes se préparent tels des armes avant un combat. Les attachements émergent comme une puissante symphonie : je veux cela, je ne veux pas cela, je ferai, je ne ferai pas... Après cela, le mental se demande lui-même : "comment pourrais-je me libérer de la souffrance ?" Mais comment ce qui crée la souffrance pourrait-il la détruire ? C'est l'histoire du chat qui se mord la queue.

Si le mental ne peut donc pas déconstruire ce qu'il a construit, que peut-on faire ? Qui est celui qui peut faire ou ne peut pas faire quoi que ce soit ? Qui pose la question ?

Cette exploration pousse le mental vers ses propres limites. Par épuisement, le mental ne peut qu'abandonner le combat. C'est la voie royale du lâcher-prise : lâcher-prise de ce que vous pensez être, lâcher-prise de ce que vous pensez posséder, lâcher-prise de celui qui essaie de lâcher-prise.

Lorsque le combat cesse, le silence jaillit. Le silence contient la question et sa réponse. Il les transcende tous deux, car le silence est libre de la question et du questionneur. Dans l'absence de questionneur, il n'y a ni question, ni réponse.

SM - Un acte peut-il se préparer lui-même ?

JMM - La formulation "les pensées et les actes" utilisée ici possède une signification particulière. Certaines actions trouvent leur origine dans le besoin du moi de défendre une idée, un territoire, une image de moi-même. De telles actions sont l'expression et la continuation du processus de la pensée. Elles ne peuvent être séparées des pensées. Nous pouvons parler ici d'actions-réactions.

Parfum de l'Un - un ouvrage sur la connaissance de soi
Dialogue entre Jean-Marc Mantel et Simon Macnab



samedi 28 novembre 2009

• La conscience sans objets - Francis Lucille


Vu sur le site de Francis Lucille

Réponse à un auditeur du 02/06/2009

tilidom.com

Voir la vidéo de Francis Lucille sur cette page

vendredi 27 novembre 2009

• Il n'y a rien à connaître pour être - Bernard




Bernard,
Nisargadatta a dit : "toute connaissance est conceptuelle et donc fausse. Ayez une aperception directe de la connaissance et abandonnez la quête de la connaissance." Il s'oppose à toi lorsque tu me dis de mettre toute mon ardeur dans ma recherche de vérité. A quoi bon chercher puisque toute connaissance est fausse ?


Bernard : Lorsque Nisargadatta a donné la réponse que tu cites il s'adressait à une personne capable d'entendre cela tel que c'est dit. A une autre personne, il aurait pu donner une réponse totalement différente dans la forme... Il en est toujours ainsi.
Alors oui, et encore oui et toujours oui, il n'y a aucune connaissance à acquérir pour être le Soi ou être tout court ou encore pour être ce que l'on est déjà. On ne peut pas devenir ce que l'on est déjà ; ce qui est, est depuis toujours ; connaître, c'est simplement être.
Tout cela pour te dire qu'on peut énumérer des paroles, des citations pendant des heures voire des jours, des années et alors ?
A mon tour, je te dis également d'abandonner la quête de la connaissance, mais que veut dire abandon, que signifie connaissance ?
Où est l'idée de l'abandon, où est l'idée d'une connaissance quelconque dans le sommeil profond ? Qui abandonne quoi et qui connaît ?
Ce que je te dis en ce moment sont également des concepts, mais comment le dire autrement ?
Il faut bien, tant qu'il y a un individu qui pour le moment est identifié à cette vie particulière, utiliser un langage qui est malgré tout adapté pour cela.
Oui, tout est concept, mais cela n'est vrai qu'une fois vécu.
Oui, il n'y a rien à connaître pour être, mais cependant il faut passer par un cheminement dans lequel un individu cherche, doute, comprend, apprend et tous les verbes qui vont avec cette recherche pour qu'un jour il se rende compte enfin que tout cela n'est peut-être pas très important, puis... plus du tout.
Mais c'est le résultat d'un vécu sans lequel aucune prise de conscience n'aurait été possible.

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Cher Bernard,
Pourquoi donc ces grands Maîtres comme Ramana, Ramakrishna, Nisargadatta et d'autres meurent-ils de cancer ? Est-ce à cause du karma d'autres dévots qu'ils prennent sur eux ?... Des Êtres aussi admirables ne devraient pas mourir de la sorte. Et ne me dites pas que ce corps n'est rien ! Qu'a-t-on à gagner à souffrir et finir aussi tragiquement ? La guérison miraculeuse existe bel et bien. Pourquoi ne pas donner comme exemple l'harmonie du corps ?
Bien à vous.


Bernard : Ce n'est pas que le corps n'est rien, tant que l'on est convaincu d'être ce corps il est même très important, et il est vrai que de tout façon il vaut mieux le garder en bonne santé.
Mais, et Ramana l'a dit à de nombreuses reprises aux dévots qui, comme vous, refuseraient de le voir souffrir, que pour lui il n'avait pas d'importance car il savait être bien au-delà. Il a même répété souvent qu'il ne fallait pas prendre ce corps pour Ramama. Que peut-on dire de plus ? En quoi l'harmonie du corps serait-elle un exemple pour la recherche du Soi ? Car j'espère que la motivation de votre courrier est bien la recherche de votre véritable nature. Quelle guérison faut-il souhaiter ? Celle d'un corps qui de toute façon finira par mourir, ou la guérison de cette terrible maladie qui est l'identification au corps ?
Le vrai miracle serait de réaliser pleinement cela. Vous dites : "des Êtres aussi admirables ne devraient pas mourir de la sorte"... Qui prétend que Ramana est mort ? Pensez-vous que Ramana ait été perturbé un seul instant par le départ naturel de son corps ? Alors que le corps meure d'un cancer ou d'un arrêt cardiaque ou autre motif, quelle importance ? Ramana certes n'a pas donné comme exemple "l'harmonie du corps", mais n'est-ce pas normal puisque son magnifique message est justement : Vous n'êtes pas ce corps !
Cordialement.

Extraits tirés de Tout est parce que vous êtes - Correspondance et témoignages en quête du Soi
Éditions les Deux Océans


mardi 24 novembre 2009

• Trouver la paix sans la chercher - Gérard Pilet




    Vous connaissez sans doute ce mondo célèbre entre Bodhidharma et son disciple Eka. Celui-ci demande :

 - Maître, mon esprit n’est pas en paix, veuillez le pacifier.
 - Montre-moi ton esprit et je le pacifierai, répond Bodhidharma.
 - Je ne peux pas le saisir, lui répond Eka.
 - Alors, dit Bodhidharma, si tu ne peux le saisir c’est qu’il est pacifié.

 La plupart des gens conçoivent leur esprit comme quelque chose de substantiel alors qu’il n’est rien d’autre que les pensées. Il n’existe pas en amont des pensées, comme quelque chose qui produirait les pensées et pourrait de ce fait s’en distinguer.

 Si beaucoup de gens souffrent dans leur esprit, c’est parce qu’ils s’attachent aux pensées ou aux émotions, collent à elles ou veulent les fuir. Si on cesse de s’y attacher, elles ne peuvent plus nous déranger, preuve que l’esprit n’a pas de substance. Quand on réalise cela, on cesse d’être dupe du jeu des pensées.

 Ce mondo est important parce qu’il est au coeur de notre pratique et de notre condition d’homme. Pourquoi tellement d’hommes sont-ils troublés, agités, déchirés intérieurement, tracassés en permanence, inquiets, angoissés ? Parce qu’ils ne voient pas que leur esprit est à la fois existant et non existant. Ce que Bodhidharma cherche à faire comprendre à Eka, c’est qu’il n’y a pas d’esprit à pacifier ; il y a seulement des pensées à laisser passer, et alors cette paix sans commencement ni fin propre à la nature de bouddha se manifeste.
 Si le Bouddha Sakyamuni était connu pour être toujours serein et en paix, ce n’est certes pas parce que la vie lui épargnait son lot de vicissitudes - il en eut beaucoup en effet - mais parce qu’il ne collait jamais à ses pensées, il les voyait comme elles sont : existantes mais non existantes.

 La plupart des gens attendent que les événements leur soient favorables pour trouver la paix. C’est une grande illusion. À supposer que leur voeu soit exaucé, il s’agirait d’une paix superficielle et fragile, à la merci du vent capricieux des événements. La paix véritable, profonde et indestructible, c’est en tournant son regard vers l’intérieur et en laissant l’oeil de zazen éclairer la nature réelle des pensées qu’on peut la trouver.

Gérard PILET (Octobre 2009) 

samedi 21 novembre 2009

• La fin de la recherche spirituelle - Barry Long



S’adonner à une recherche spirituelle est une perte de temps. Mais alors, toute l’existence, telle que nous avons à la vivre, est une perte de temps — jusqu’à ce que nous revenions à nos sens.

Plus nous continuons à faire des recherches, moins nous découvrirons la vérité. La vérité est dans le moment présent; et le moment présent est ce qui est. C’est-à-dire tout est dans la sensation, ce moment-ci, maintenant, dans la propre expérience de l’observateur. C’est la voie de l’ignorance que de chercher quelque chose d’autre.

Pendant que vous serez engagé dans la recherche spirituelle, vous serez détourné de ce qui est et vous entrerez dans ce que les maîtres spirituels, les bouddhistes et toutes les autres religions ont apporté. Vous entrerez dans l’espace intérieur et vous commencerez à imaginer ce qu’est Dieu, ce qu’est Jésus, ce qu’est Mahomet, ce dont a parlé Bouddha. Vous entrerez dans toutes sortes de cérémonies, de mantras et choses semblables — qui sont toutes du toc comparées à la vérité. La seule vérité est ce qui est tel que c’est, dans le moment présent : le phénomène tel qu’il est devant vous. Tout le reste vous éloigne de la vérité. Et alors, inévitablement, vous devrez souffrir et connaître la confusion et la contradiction.

Il vous a été donné de vivre pour que vous puissiez souffrir assez et traverser la perte et tous les succès et échecs, les dépressions et les confusions temporaires ; et les moments temporaires dans lesquels vous êtes dans l’état d’esprit de sentir qu’il y a un Dieu ou une vérité. Temporaires, parce que tenir la vérité comme un état ininterrompu exige que vous soyez absolument et complètement dans vos sens, dans le moment présent et à tous les instants. Vous ne pouvez accomplir cela tant que vous n’avez pas vécu et souffert suffisamment ; de sorte que finalement vous vous débarrassez de votre imagination de la vérité et vous percevez sa réalité.

Vous vous attendriez à ce qu’un maître spirituel dise qu’« il n’y a qu’une seule vérité et c’est le moment présent ». Mais je vous dis ceci : la seule vérité est d’être dans le moment présent, dans vos sens ; ce que vous voyez et que vous entendez est la vérité ; et s’il y a quoi que ce soit qui survient dans votre espace intérieur, ce n’est pas la vérité.

L’espace intérieur est le lieu où vous pensez, voulez, imaginez, souhaitez et rêvez ; où vous avez des réalisations spirituelles ; où vous réalisez Dieu, la vérité et l’amour. Tout cela arrive dans l’espace intérieur — de manière démontrable, dans votre propre expérience. Mais tout que vous êtes en train d’imaginer, que vous construisez comme une opinion, une position, n’est pas la vérité. Il n’y a pas de vérité dans l’imagination Et il n’y a pas de vérité dans les réflexions.

A l’intérieur de vous se trouve la clameur de vos émotions et l’embrouillamini de votre mental. S’il se trouvait que vous éliminiez un peu de cette confusion et de cette clameur, alors il est vrai qu’un reflet de la vérité pourrait se faire entrevoir ; et vous seriez exalté dans cet instant et vous penseriez que vous avez réalisé Dieu. Mais ce n’est qu’un reflet de Dieu. Ce n’est là qu’un éclaircissement d’une petite partie de l’intellect, qui est le reflet de Dieu dans l’existence. Un reflet de Dieu est comme un reflet dans le miroir. Est-ce vous dans le miroir ? Non, c’est votre reflet. Ainsi, un reflet de Dieu dans l’intellect n’est pas Dieu… Dieu est maintenant, en ce moment-ci, à chaque moment.

L’intellect est tout barbouillé de tout le toc que la croyance et la religion, et les espoirs et les faussetés que les maîtres ont répandus. Vous ne pouvez pas trouver la vérité tant que vous n’avez expulsé tout cela de l’intérieur de vous. Vous ne trouverez jamais l’absence, qui est l’état de vérité, tant que vous n’êtes pas capable d’être dans le moment présent — sans rien qui survienne à l’intérieur.

Dois-je rappeler aux bouddhistes ce qu’a dit le Bouddha ? « Je n’ai rien qui survienne ». Cela signifie : aucune opinion, aucune croyance, aucun mantra, aucun vouloir, aucune tentative, aucun effort, aucune clameur, aucune confusion — en tant que mode de vie.

Que pouvez-vous faire pour éliminer la clameur et la confusion ? Vous devez cesser de réfléchir à partir de vos émotions, de vos pensées, de votre mémoire. Vous devez cesser de penser, de souhaiter, de rêver alors que vous êtes éveillé. Pendant que je fais tout cela, j’existe. J’existe seulement dans le passé — en tant que réflexion à partir de ma mémoire, mes émotions ou ce que je sais. Lorsqu’il n’y a que la perception, dans le moment présent, dans les sens, je disparais. Alors, il y a l’état d’absence — aucune personne, aucun individu. Seulement ce qui est.

C’est là une négation de tout — sauf du faire. Personne sur terre ne peut cesser de faire. Le problème est seulement que je produis un « Je » pour réfléchir sur ce que je suis en train de faire. Il n’y a rien qui survienne. Mais je suis néanmoins encore en train de « faire »… L’oiseau chante et il y a les arbres, le ciel, les nuages, et tout ce dont m’informent mes sens de l’ouïe et de la vue ; c’est la seule réalité dans le moment présent.

Je ne sais pas à quelle profondeur est cette réalité à l’intérieur des sens. C’est un grand X ou autre chose que je ne puis nommer. Est-ce là tout ce que c’est ? Personne ne peut le dire. Tout ce qui en est dit est une interprétation. C’est ce qui est ici et maintenant. C’est le mystère; c’est le secret.

mercredi 18 novembre 2009

• Il n'y a personne ici - Ajahn Chah


 Un jour, quelqu’un qui venait pour la première fois au monastère Wat Nong Pah Pong, le monastère d’Ajahn Chah en Thaïlande, a demandé à Ajahn Chah qui était Ajahn Chah.

 Prenant conscience du niveau de développement spirituel de la personne, Ajahn Chah s’est lui-même montré du doigt et a répondu : « C’est moi. Je suis Ajahn Chah. »

 A une autre occasion, quelqu’un d’autre lui a posé la même question. Par contre, cette fois, voyant la capacité de son interlocuteur à comprendre le Dhamma, Ajahn Chah répondit : « Ajahn Chah ? Il n’y a pas d’Ajahn Chah. »

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Une vieille dame très pieuse arriva un jour en pèlerinage à Wat Pah Pong depuis sa province voisine. Elle dit à Ajahn Chah qu’elle ne pourrait pas rester longtemps car elle devait rentrer s’occuper de ses petits-enfants et, comme elle était âgée, elle demanda s’il pouvait lui donner un bref enseignement sur le Dhamma. Ajahn Chah lui répondit avec virulence : « Écoutez donc ! Il n’y a personne ici — que ça ! Pas de propriétaire : personne qui soit vieux, qui soit jeune, qui soit bon ou mauvais, faible ou fort. Juste ça et c’est tout — différents éléments de la nature qui suivent leur cours, tous vides. Personne qui est né et personne pour mourir ! Ceux qui parlent de naissance et de mort parlent le langage des enfants ignorants. Dans le langage du coeur, du Dhamma, il n’existe rien de tel que la naissance ou la mort ! »

 Le véritable fondement de l’enseignement est de voir le soi comme étant vide. Mais les gens viennent étudier le Dhamma pour faire grandir leur image d’eux-mêmes, ils ne veulent donc pas faire l’expérience de la souffrance ou de la difficulté. Ils veulent que tout soit agréable. Peut être veulent-ils transcender la souffrance, mais, tant qu’il y a un soi, comment peuvent-ils s’y prendre ?

 C’est tellement facile une fois que l’on a compris. Si simple et si direct ! Quand des choses agréables se présentent, comprenez qu’elles sont vides. Quand des choses désagréables se présentent, voyez qu’elles ne vous appartiennent pas ; elles passent. Ne vous liez pas à elles comme si elles étaient vous, ne vous voyez pas comme les possédant. Si vous pensez que ce papayer est à vous, pourquoi n’êtes-vous pas blessé quand on le coupe !? Si vous pouvez comprendre cela, vous êtes sur la bonne voie, la voie de l’enseignement du Bouddha, de l’enseignement qui mène à la Libération.

 Les gens n’étudient pas ce qui est au-delà du bien et du mal. C’est pourtant cela qu’il faudrait étudier. Ils disent : « Je vais être comme ceci, je vais être comme cela. » Mais jamais ils ne disent : « Je ne vais rien être du tout parce qu’en réalité il n’y a pas de ‘je’. » Cela, ils ne l’étudient pas.

 Une fois que vous comprenez le non-soi, le fardeau de la vie disparaît. Vous êtes en paix avec le monde. Quand on voit au-delà du soi, on n’est plus attaché au bonheur et on peut être vraiment heureux. Apprenez à lâcher prise sans lutter, simplement lâcher prise, pour être exactement comme vous êtes — sans saisie, sans attachement, libre.

Tous les corps se composent des quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu. Quand ces éléments sont réunis pour former un corps, nous disons que c’est un corps masculin ou féminin ; nous lui attribuons un nom pour l’identifier plus facilement. Mais en réalité il n’y a personne : seulement de la terre, de l’eau, de l’air et du feu. Ne vous enthousiasmez pas pour un corps, ne soyez pas orgueilleux d’un corps. Si vous y regardez de près, vous n’y trouverez personne.

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L’un des disciples d’Ajahn Chah
essayait de débrancher un magnétophone
 quand il toucha malencontreusement un fil électrique.
 Il reçut une décharge de courant et lâcha aussitôt le fil.
 Ajahn Chah le remarqua et lui dit :
 « Oh ! Comment se fait-il que tu aies lâché si facilement ? Qui te l’a demandé ? »

Voir aussi ce lien.

Biographie d'Ajahn Chah

vendredi 13 novembre 2009

• La réalisation de notre véritable nature dépend de notre véritable nature - Monko


La réalisation de la Conscience est la seule, véritable et durable révolution. Et la seule réellement bénéfique. Mais il faut d'abord comprendre et accepter qu'aucun de nos fonctionnements habituels ,ou non-habituels, ne peuvent nous y conduire. Parce que nos fonctionnements, liés à nos conditionnements, sont l'émanation, le songe de la Conscience; et la difficulté est que nous avons la puissante habitude de prendre ces fonctionnements pour une réalité séparée: c'est par eux que nous nous définissons. Mais le songe ne peut atteindre le Réel par lui-même.

La réalisation de notre véritable nature, de notre impersonnelle Présence, est indépendante, libre des capacités de notre intellect ou de nos aptitudes mentales, de l'état du corps, des conditions "extérieures" (l'espace-et le temps- et la qualité de ce qu'il contient et dans lequel se trouve le corps mental) ou "intérieures"(le nombre ou la qualité des pensées, des émotions, des sensations corporelles, etc...). La réalisation de notre véritable nature dépend de notre véritable nature. Aucune religion, aucune voie spirituelle, aucun enseignement ne peuvent fondamentalement réaliser pour nous ce que nous sommes déjà (réaliser n'est pas inventer). La tradition est juste là pour nous aider parfois à décrypter certaines expériences et nous donner certaines clés. Mais rien ni personne ne peut ouvrir la porte de la Conscience sinon la Conscience Elle-même. Néanmoins, il nous faut être très conscients de ce qu'est la personne en nous, de ses capacités; et son accord est essentiel. La seule chose que la personne n'ait jamais à faire sur la voie est de dire oui, oui à notre profond intérêt pour ces questions, oui à la possibilité de vivre selon la Conscience et de se laisser prendre en charge...

En ce qui concerne les traditions et les pratiques: comme on l'a dit, rien de cela ne nous apportera sur un plateau le trésor dans lequel nous ne cessons de baigner. Certains s'asseoient en silence sur un coussin de méditation car c'est leur histoire de le faire; certains prient car c'est leur histoire de le faire; certains ne font rien de spécial car c'est leur histoire de le faire. (Néanmoins, méditation, prière, etc, ne sont rien de spécial!). Simplement, c'est notre trésor qui s'exprime à travers nous dans une forme particulière. Si cette expression est totalement consciente, nous pénétrons la dimension de la célébration. A la fin, la vie même est célébration, la fête de notre Liberté infinie.

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Eveillez-vous à la Vie impersonnelle ! A l'impersonnalité de la Vie. Voyez que les "mes, ma ,mon" ou les "je ceci " et "je cela" sont de trop. Ils ne sont qu'une infime partie de la vie: ne leur donnez aucune exclusivité. Laissez-vous prendre en charge, laissez-vous vous éveiller à cette dimension impersonnelle, intemporelle et totale de l'existence. En fait, la Vie ne cesse de vous inviter à cette (SA) dimension à chaque instant. La Vie s'invite à la Vie sans cesse en vous. Alors il n'y a plus de règles, plus de restrictions. La Joie est infinie. Il n'y a plus de "moi", plus de "vous". Il n'y a que la Totalité sans cesse vivante, insaisissable. Voyez-le; Soyez-la. Ne vous refusez pas l'ultime beauté de l'existence. Le sens ultime de la Vie est de l'ÊTRE, sciemment. Quittez-vous dans la confiance et la joie; et profitez sans restrictions de la Vie.

Extraits tirés du blog Propos sur la non-dualité, de Monko.

jeudi 12 novembre 2009

• L’infini ne peut se décrire dans la langue du fini - Râmakrishna



Il y avait une fois une poupée de sel qui voulut mesurer les abimes de l’océan.
Elle emporta pour cela une ligne de sonde et un plomb. Elle arriva au bord de l’eau et contempla le puissant océan qui s’étendait devant elle. Jusqu’à ce moment, elle restait toujours la même poupée de sel, et conservait son individualité propre. Mais à peine eut-elle fait un pas de plus, à peine eut-elle posé le pied dans l’eau, qu’elle ne fit plus qu’un avec l’océan.
Elle était perdue, il était impossible de la voir!

Toutes les particules de sel qui la composait s’étaient dissoutes dans l’eau de mer. Le sel dont elle était faite provenait de l’océan, et voila qu’il avait fait retour à l’océan pour s’unir de nouveau à lui.
Le « différencié » était redevenu un avec l’ « indifférencié ».
L’âme humaine est comme cette poupée de sel, l’ego est le différencié. L’absolu, le non-conditionné est l’océan salé infini, l’indifférencié.
La poupée de sel ne pouvait pas revenir expliquer la profondeur du grand océan.
Tel est le cas de celui qui a le bonheur de réaliser le Dieu absolu dans les profondeurs de l’océan qui efface toute individualité. Indifférencié comme il est, il ne peut pas ressortir des abimes pour expliquer au monde la nature du Dieu absolu et non-conditionné.

Et si jamais, par la volonté de ma Mère, il était possible à la poupée de sel de redevenir à l’état différencié, elle devrait s’exprimer en fonction du limité, dans le langage de la différenciation ; elle devrait se comporter comme un habitant du monde relatif et phénoménal. C’est pourquoi le grand mystère défie toutes les tentatives faites pour l’expliquer. L’absolu, le non-conditionné, ne peut pas être exprimé en fonction du relatif et du conditionné. L’infini ne peut se décrire dans la langue du fini.

jeudi 5 novembre 2009

• Il n’y a jamais eu “quelqu’un" - Denis Marie


Denis Marie

Il est important de toujours se rappeler ceci : le principe du non-ego ne signifie pas qu'un ego existait en premier lieu, et que les bouddhistes l'ont supprimé. Cela veut dire, au contraire, qu'il n'a jamais eu d’ego à l’origine, que cet ego n'a jamais existé. Cette réalisation est appelée le «non-ego».

Sogyal Rinpoché


Comment trouver le contraire d’une chose qui n’existe pas ?
 Ce n’est pas de se convaincre que “il n’y a personne”, qui nous le rendra effectif. C’est le fait de ne pas se raconter encore “une histoire”. Il n’y a jamais eu “quelqu’un”, puisque nous parlons d’un rôle. C’est le “jeu”, c’est le fait de “se raconter” qui nous donne l’illusion d’un personnage. Ne vous racontez pas “il n’y a personne”, sinon, vous continuerez de faire exister “personne”. À l’ego, nous opposons l’idée de “non-ego”. Nous parlons également de non-esprit, de non-dualité, etc. À un premier concept, nous y associons un second. Généralement, il s’agit de son opposé, qui, paradoxalement, confirme le premier. Si la vérité est libre de la dualité, elle l’est aussi de la “non-dualité”. Elle est libre de toute catégorie. Il n’y a pas à mettre en scène une quelconque opposition, un quelconque enjeu entre une notion et son contraire.
 Le mieux, c’est de laisser tomber toute notre habitude des histoires. Ne plus les alimenter fera s’écrouler les croyances ainsi que le rôle, évitant que cette attitude ne devienne une “nouvelle histoire”.

Vu sur le site de Denis Marie, toujours aussi inspirant

Maintenant !

 

Bien que l’approche de Denis Marie ait des similitudes avec la philosophie de la non-dualité que l’on retrouve dans certaines écoles bouddhistes et dans la tradition indienne de l’Advaïta, il ne s’appuie sur aucune de ces doctrines. Pour lui, il n’y a aucune théorie à laquelle s’en remettre étant donné que toutes font appel à l’esprit. En effet, si nous ne sommes pas celui-ci, quelle nécessité y a-t-il d’y avoir recours et de les adopter. Paradoxalement, n’est-ce pas là une nouvelle façon “spirituelle” de nous maintenir en retrait du but ? Plus directement, c’est à travers le don du cœur, le fait de Voir, que nous réalisons, que nous “tombons” dans l’évidence de cette vérité. 

dimanche 1 novembre 2009

• C'est un Nagarjuna !

 Krishnamurti et Pupul Jayakar


Krishnaji eut la visite d'Anandmai Ma, qui était à ce moment-là la plus célèbre des « Mères » déifiées (ce sont des femmes qui, de leur vivant, ont transcendé le soi et sont devenues l'incarnation de Shakti, la Mère primordiale, qui est l'énergie divine). Ils se rencontrèrent dans le jardin, car la Mère ne pénétrait jamais dans une maison particulière. Elle ne parlait pas anglais, et elle s'exprima avec un interprète. Sa présence était souriante et rayonnante. Elle dit à Krishnamurti que, bien des années auparavant, elle avait vu une photographie de lui et s'était dit qu'il était un être exceptionnel. « Pourquoi ne voulez-vous pas qu'il y ait des gurus ? demanda-t-elle, vous qui êtes le Guru des Gurus... »
« On se sert des gurus comme d'une béquille », répondit-il.
« Les gens viennent par milliers pour vous écouter, insista-t-elle. Cela signifie que vous en êtes un. » Il lui tint doucement la main et ne répondit pas.

De nombreux visiteurs survinrent et se prosternèrent aux pieds de Krishnamurti et d'Anandmai Ma. Celle-ci accepta leur salut, mais Krishnaji était gêné. Comme toujours, il ne permettait pas que l'on s'incline devant lui, mais, se levant d'un bond, il touchait les pieds de celui qui demandait sa bénédiction.
Après le départ d'Anandmai Ma, Krishnaji parla d'elle avec chaleur et affection. Il y avait eu communication entre eux, même si celle-ci avait été en partie muette. Toutefois, il avait été horrifié par les femmes qui l'entouraient, qu'il avait trouvées idolâtres et hystériques.

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 L'année 1956 fut celle du Bouddha Jayanti*, et, à cette occasion, le gouvernement indien invita Sa Sainteté le Dalaï Lama à venir visiter les sites sacrés du Bouddhisme. On avait demandé à Apa Sahib Pant, haut fonctionnaire des Affaires étrangères, qui était alors représentant de l'Inde au Sikkim, de l'accompagner pendant son pèlerinage. Ils voyagèrent dans un train climatisé, avec une nombreuse suite.

Chef religieux et temporel du Tibet, le Dalaï Lama, âgé alors de vingt ans, était une figure mystérieuse. C'était la première fois qu'il quittait son pays, où seuls quelques lamas l'approchaient et où sa vie était soumise à un strict protocole.

Quand il arriva à Madras en décembre, Apa Sahib Pant avait proposé à cette incarnation vivante du divin de rencontrer Krishnamurti, qui se trouvait à ce moment-là à Vasant Vihar. Apa Sahib lui avait parlé de sa vie et de son enseignement extraordinaire. Le jeune moine s'était écrié : « c'est un Nagarjuna**! » et avait exprimé le vif désir de le connaître. Dans l'entourage du Dalaï Lama, on considérait que cette visite était contraire au protocole, mais comme celui-ci avait insisté, la rencontre eut finalement lieu.

Selon les mots d'Apa Sahib, « Krishnaji reçut le Dalaï Lama avec une grande simplicité. Nous fûmes stupéfaits de voir une sympathie magnétique s'établir aussitôt entre eux. Le Dataï Lama demanda: "En quoi croyez-vous?" et une conversation presque par monosyllabes s'engagea ; il y avait une communication entre eux qui se passait de discours. Le jeune Lama se sentait en terrain familier. En rentrant à la résidence du gouverneur, il confiait : "C'est une grande âme, une grande expérience pour moi." Il souhaitait avoir l'occasion de revoir Krishnamurti.

* Commémoration du 2500e anniversaire de la naissance du Bouddha.
** Sage bouddhiste du IIe siécle, qui avait enseigné la "Voie du Milieu".

Extraits de Krishnamurti, sa vie, son oeuvre, de Pupul Jayakar, Éditions L'âge du verseau