dimanche 20 décembre 2009

• Il y avait un sens subtil de «moi» sans être là - Nathan Gill




L' histoire
Je suis né en 1960 dans une famille de la classe ouvrière du sud-est de l'Angleterre.
Enfant, j'étais très éveillé et curieux de tout. Je passais des heures à lire des livres traitant d'aventures et de mystère. J'avais des hobbies qui comprenaient la recherche de pièces de monnaie et d'autres objets antiques à l'aide d'un détecteur de métal, et aussi de longues marches dans la campagne environnante dès que l'occasion s'en présentait. L'esprit de recherche s'éveilla de bonne heure.
En grandissant, mon besoin de mouvement et mon incapacité à privilégier un domaine particulier posèrent problème lorsqu'il s'agit de choisir une carrière. Je quittai l'école aussitôt que possible, décidai de me former comme chef cuisinier et me retrouvai à travailler sur des chantiers de construction. J'en retirais beaucoup de plaisir. Cela absorbait une grande partie de mon excédent d'énergie et ne demandait aucun investissement de responsabilité. Je prenais mes ordres et abattais le travail... ce qui me laissait libre de m'adonner aux errances de l'histoire mentale brodée par la pensée.
Il y avait un intérêt constant pour les mystères du corps et de l'univers, l'expérimentation de divers régimes alimentaires et traitements naturels à base de plantes, la contemplation des étoiles, la consommation de champignons hallucinogènes et une inclination à pousser le corps à ses limites par la pratique des haltères et du body-building.
Peu après mes vingt ans, je fus contraint de ralentir un peu. Une blessure à l'épaule mit fin aux haltères, ma femme donna naissance à notre première fille lorsque j'avais vingt-deux ans et je passai du bâtiment à l'horticulture. Pendant plusieurs années, je cueillais des fruits dans les vergers du Kent du début de l'été à la fin de l'automne et jardinais pendant le reste du temps. C'est à cette époque, vers 1985, l'année de mes vingt-cinq ans, que mes pensées se tournèrent vers la chose ésotérique et spirituelle. Jusque-là, je n'avais jamais éprouvé d'intérêt pour la spiritualité et tout ce que je savais sur Dieu me venait de l'instruction religieuse à l'école.
Ce fut le moment où je m'engageai dans un ordre fraternel qui m'envoyait régulièrement des leçons mensuelles sur le mysticisme et la « loi universelle ».
Au bout de deux ou trois ans, je trouvais cela un peu indigeste et commençai à m'intéresser aux enseignements d'un maître indien disparu, toujours en leçons mensuelles, qui comportaient une relation gourou-disciple, bien que le type soit déjà mort depuis belle lurette ! Je m'y engageai sans réserves et me retrouvai en train de poursuivre l'illumination. C'était ma nouvelle obsession.
Quelques années et techniques spirituelles plus tard, cela commença à m'ennuyer et je tombai sur le livre d'un gourou occidental. Ce livre m'annonçait que j'étais déjà éveillé et n'avais pas besoin de libération. La vérité de ce qu'il disait était évidente. Cependant le vieux forban, en l'espace de quelques années et d'un nombre conséquent de publications, finit par se proclamer l'enseignant du inonde et par offrir une relation gourou-disciple à ceux qui étaient intéressés.
Cette fois, je ne voulais pas en entendre parler, bien qu'au cours des cinq années suivantes, je continuais encore à lire quelques-uns de ses livres et à peu près tous les autres livres spirituels sur lesquels je mettais la main. Mais rien d'aussi percutant pour moi que ne l'avaient été les premiers livres de ce gourou occidental. Quelque part, je savais que c'était vrai, que j'étais déjà éveillé et libre, mais j'étais encore désorienté car je semblais être un simple type ordinaire avec tous les genres de problèmes qu'ont les gens ordinaires.
Quoi qu'il en soit, j'en eus par-dessus la tête des enseignements de ce type et en fait, de toutes les autres approches plus traditionnelles. Et l'instant d'après, je me trouvai brutalement projeté sur la scène de l'advaita. Je lus tout de et sur Ramana Maharshi, Wei Wu Wei, Jean Klein et Nisargadatta Maharaj, et tout ce qu'avait publié Ramesh Balsekar. Je lus sur la non- dualité, la prédestination, et qu'il n'y avait ni libre arbitre ni liberté de choix. Il en fut instantanément évident qu'il en est ainsi.
Beaucoup de la confusion que je portais en moi s'évanouit alors. Mais bien que je comprisse que tout ce qui est est Conscience, des questions demeuraient : pourquoi avais-je encore l'impression d'être un « moi » séparé ? Quel était le chaînon manquant ? Si j'étais déjà éveillé et libre, pourquoi ma vie m'apparaissait-elle souvent comme un gros tas de crottes ? En 1997, j'ai lu un merveilleux petit livre intitulé « The Open Secret » de Tony Parsons. C'était son premier. Je l'ai contacté et il m'invita à me joindre à une réunion qui se tenait chez quelqu'un à Londres.
À son contact, le tricotage mystique dont j'avais profusément paré le « drame » de l'illumination devint très clair. Tony avait l'air d'un type tout à fait ordinaire. Il parlait doucement, avec humour et patience. j'écoutais ce qu'il répondait aux questions des gens et fus frappé par la simplicité de ses réponses. J'ai continué à participer à d'autres réunions au cours de l'année suivante et ai parlé à Tony au téléphone chaque fois que je le pouvais.
Je voulus en faire mon « maître », mais il m'expliqua clairement qu'il n'avait rien à enseigner et qu'il n'y avait rien à apprendre. Il souligna qu'il n'est que Conscience – ce que je suis déjà. Bien que je l'eusse déjà compris à un certain niveau, à présent cela commença à vraiment s'intégrer.
Tony soulignait qu'il n'y avait pas nécessairement besoin d'un « événement », quel qu'il soit, associé au fait de réaliser sa véritable nature et qu'il n'y avait pas de règles figées en la matière.
Or, il se trouva qu'en septembre 1998 il se produisit un évènement moins frappant mais similaire à l'évènement de la traversée du parc que Tony décrit dans son livre. J'étais en train de jardiner et il bruinait. Me redressant, je regardais aux alentours : il y avait une subtile impression de « moi » n'étant pas là. J'enfourchai mon vélo, parcourus les allées, et il semblait qu'un film se déroulait sans qu'aucun effort de ma part ne soit requis pour en faire partie.
Avec ce soudain évanouissement du « moi », tout besoin de compréhension disparut, pendant que se révélait un savoir profond. Quoi que Tony eût fait remarquer qu'aucun évènement n'est nécessairement associé à la reconnaissance de notre nature véritable en tant que Conscience, à l'évidence, j'en avais été dans l'attente de façon insidieuse, car à présent qu'il avait lieu, l'évènement prenait l'apparence d'une sorte de « permission d'être éveillé ». Sans m'en rendre compte, j'avais été tout ce temps dans l'attente d'une confirmation de ma nature véritable J'appelai Tony au téléphone, très excité, lui décrivis ce qui se passait, et avec cette nouvelle « permission d'être éveillé », ce que j'avais à dire jaillissait de la clarté plutôt que du point de vue du « je », et Tony fit : « Oui, c'est ça. »
Il se rendit compte que je n'entrais plus en relation avec lui en tant que personnage séparé cherchant à obtenir quelque chose.
Au fil de la journée, l'absorption en tant que « je » commença subtilement à réapparaître et à s'approprier cet événement – qui était précisément la disparition du « je » – comme « mon » illumination, « mon » éveil. L'attention se focalisa sur le sentiment d'un soudain soulagement – une félicité surgi en l'absence du « je » – comme étant l'illumination que j'avais attendue.
Ayant associé cet évènement au Fait d'être éveillé, je commençai à en Faire quelque chose de précieux. Je me réveillai le lendemain. Était-ce toujours là ? Oui Puis après quelques jours, je remarquai que le sentiment de détente s'émoussait un peu, mais peu de temps après, il était là dans toute sa Force. Après plusieurs semaines écoulées dans ce va-et-vient et les réapparitions d'un « je » s'obstinant dans des tentatives visant à retenir sa propre absence, j'allai à l'une des discussions de Tony et l'expérience de félicité sembla reprendre toute sa vigueur par le simple fait d'être là. Je vis que Tony et tous les gens dans la pièce et la pièce elle-même surgissaient dans ma propre conscience, que j'étais eux et qu'ils étaient moi. Après m'avoir demandé si je n'y voyais pas d'inconvénient, Tony évoqua ce qui s'était produit et plusieurs personnes m'en parlèrent.
Quelques jours après, cette expérience disparut complètement, et je me retrouvai au trente-sixième dessous. Je dis rien à Tony et je n'allais plus aux réunions pendant un moment car je me sentais à nouveau désorienté et confus.
C'est alors que je lus Collision With the Infinité d'une femme appelée Suzanne Segal qui décrit une absence du « je » pendant de nombreuses années. Au bout d'un certain temps, il Lui fut confirmé par certains « enseignants » spirituels que c'était « l'illumination ». Puis elle tomba malade et mourut. Et, dans la postface de son livre, écrite par un thérapeute de ses amis, je lus que, près de la fin, elle était devenue confuse et frustrée car l'expérience l'avait désertée et que le « je » avait réapparu.
Soudain, il devint clair que ces évènements où le « je » disparaît subitement peuvent être très déroutants sur le plan de la clarté. Un tel événement peut durer quelques secondes, dix ans, voire même le reste de la vie, mais à moins que le « je » ne soit vu pour ce qu'il est – comme une simple pensée – quand il réapparaît, il y a un sentiment de perte, le sentiment réducteur d'une absorption dans l'histoire « moi ».
À présent, il était évident que la vie entière est une grande pièce de théâtre. Il n'y a jamais que savoir, mais ce savoir semble voilé par ['absorption dans la pensée « je » et toutes les autres qui apparaissent en tant que « mon » histoire. Le « je » est simplement un élément du paysage, comme le sont toutes les autres images, et lorsqu'il est percé à jour vu pour ce qu'il est – La tension et la recherche tombent naturellement d'elles-mêmes.
Il était également clair que cette vision au travers du « je » n'est pas nécessairement soudaine, mais qu'elle peut paraître intervenir graduellement, comme faisant partie du scénario de la vie. Et plutôt qu'un jaillissement de félicité, l'aisance naturelle d'être se révèle graduellement, en douceur.
La confusion m'avait quitté. Je n'exigeais plus aucun évènement ou disparition soudaine du « je » comme preuve de ma nature en tant que Conscience. Il était clair que la totalité de ma vie et ma quête spirituelle survenaient en tant que scénario au sein de la Conscience, et je compris la confusion qui régnait autour de toute cette question. Je compris pourquoi « spiritualité » et « illumination » sont confondues avec la simple clarté. Cette reconnaissance de ma nature véritable n'était associée à aucune sorte d'évènement. Il était clair qu'un évènement, quel qu'il soit, peut aisément plonger dans la confusion s'il survient en l'absence de clarté – qui est de voir au travers du « je » et de l'histoire mentale.
De toute évidence, l'évènement qui s'était produit dans le jardin n'avait aucune importance particulière, pas plus qu'aucun autre. Sa survenue a seulement mis un terme à ma confusion, me permettant de me rendre compte comment j'avais subtilement attendu un évènement en guise de « permission » d'être ce que je suis déjà. Cette clarté ne dépend pas de l'absence ou de la présence du « je ». Si le « je » apparaît, il est simplement vu pour ce qu'il est.
Et pour amener cette petite histoire à son terme, au cours des années de recherche spirituelle, je divorçai, me remariai et divorçai à nouveau, m'occupant seul de mes deux, filles pendant la plupart de leurs années d'études. Je me suis établi dans un petit village du Kent, avec une santé délicate et jusqu'à peu travaillais localement comme jardinier. La vie à présent est simple et tranquille.
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1 commentaire:

Jérôme a dit…
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