vendredi 3 juillet 2009

• Histoires Zen


Un moine zen vivait avec son frère borgne et idiot. Un jour, alors qu'il devait s'entretenir avec un théologien fameux, venu de loin pour le rencontrer, il se trouva dans l'obligation de s'absenter. Il dit alors à son frère :
"Reçois et traite bien cet érudit ! Surtout ne lui dit pas un mot et tout ira bien !"
Le moine quitta alors le monastère. Dès son retour, il alla promptement retrouver son visiteur
"Mon frère vous a-t-il bien reçu ?" s'enquit-il. Plein d'enthousiasme, le théologien s'exclama :
"Votre frère est absolument remarquable. C'est un grand théologien."
Le moine surpris bégaya :
"Comment ?... mon frère... un théologien ?...

- Nous avons eu une conversation passionnante, reprit l'érudit, uniquement en nous exprimant par geste. je lui ai montré un doigt, il a répliqué en m'en montrant deux. je lui ai alors répondu, comme c'est logique, en lui montrant trois doigts, et lui m'a stupéfait en arborant un poing fermé qui concluait le débat...
Avec un doigt, je professais l'unité de Bouddha. De deux doigts il a élargit mon point de vue en me rappelant que Bouddha était inséparable de sa doctrine. Enchanté par la réplique, avec trois doigts je lui signifiait : Bouddha et sa doctrine dans le monde. Il eut alors cette sublime réplique, en me montrant son poing : Bouddha, sa doctrine, le monde, tout cela fait un. La boucle était bouclée."

Quelque temps plus tard, le moine alla retrouver son borgne de frère :
"Raconte moi ce qui c'est passé avec le théologien !
- C'est très simple, dit le frère. Il m'a nargué en me montrant un doigt pour me faire remarquer que je n'avais qu'un oeil. Ne voulant pas céder à la provocation, je lui retournai qu'il avait la chance, lui, d'en avoir deux. Il s'obstina, sarcastique : "de toute façon, à nous deux cela fait trois yeux." Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. En lui montrant mon poing fermé, je le menaçais de l'étendre sur-le-champ, s'il ne cessait ses insinuations malveillantes."

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Le maître se promène dans le potager en compagnie de trois disciples après une longue séance de méditation, quand tout à coup, le plus jeune se dirige vers les salades, et écrase sous sa semelle une limace. Le deuxième disciple, sourcils froncés lui dit :

"Tu as eu tord d'écraser cette limace, car quand bien même il s'agit d'un animal trés primaire, c'est néanmoins une forme de vie, et la vie est sacrée et doit donc être respectée. "

et se tournant vers le maître : " N'est-ce pas maître ? "

et le maître lui répond : " Oui, tu as raison. "

Le premier disciple, réagissant avec verdeur, lui rétorque :

" Sans doute cette limace est respectable, mais elle mange nos salades, et ces salades sont notre seule source d'alimentation en cette saison. J'ai donc bien agit en défendant une vie plus évoluée que celle de cette limace : la notre. "

et se tournant vers le maître : " N'est-ce pas maître ? "

et le maître lui répond : " Oui, tu as raison. "

Intervient alors le troisième disciple, plus mûr et plus avancé dans l'étude des processus mentaux :

"Mais maître, le deuxième disciple vous a dit une chose, et vous lui avez répondu qu'il avait raison. Puis le premier disciple vous a dit le contraire, et vous lui avez aussi dit qu'il avait raison. Or on ne peut pas donner raison à une chose et en même temps à son contraire !?"

et le maître lui répondit : " Oui, tu as raison. "

7 commentaires:

vincent a dit…

On voit bien ce que l'on veut bien voir..en fait on est toujours seul avec son discours ou chacun se parle à soi-même! Mieux vaut en rire à défaut de des taire!

L'abbé a dit…

J'adore la chute de la deuxième. ;)

M.B. a dit…

Exact, Vincent.

Mouloud

bruno a dit…

mon préféré :

Japon. Première moitié du quatorzième siècle. Un temple perdu dans la montagne. Quatre moines zen ont décidé de faire un sesshin (sorte de retraite) dans un silence absolu. La nuit est venue. Le froid est vif.

"La bougie s’est éteinte !" dit le plus jeune des moines.

"Tu ne dois pas parler. C’est un sesshin de silence total" fait observer sévèrement un moine plus âgé.

"Pourquoi parlez-vous, au lieu de vous taire, comme nous en étions convenus !" remarque le troisième moine.

"Je suis le seul qui n’ait pas parlé !" dit avec satisfaction le quatrième moine.

Source : "Contes Zen" de Henri Brunel

sunyata a dit…

vincent a dit...

""On voit bien ce que l'on veut bien voir..en fait on est toujours seul avec son discours ou chacun se parle à soi-même! Mieux vaut en rire à défaut de des taire!""


oui,tu as raison ^^

Anonyme a dit…

Excellente fable que l'on retrouve aussi en Turquie dans les contes de Nasredin Hodja !

Anonyme a dit…

NB :
"Tu as eu tort ... "
(...)
un animal très primaire
(...)
celle de cette limace : la nôtre. "