vendredi 31 août 2007

• La réalité de la Réalité - Joaquim

Sources

"Réalité de la Réalité" et "moi vivant"

Joaquim

L’éveil, c’est l’effondrement du château de cartes. C’est l’éclatement de la frontière, la subite réalisation qu’il n’y a jamais eu de frontière, que tout cela n’était qu’un rêve, qu’il n’y a rien d’Autre hors de mes frontières, pas plus qu’il n’y a de “moi”, ni non plus de frontières. Je suis Cela.

Pour ma part, la première fois que j’ai basculé dans le non-duel, c’est lorsque j’ai découvert ce que j’appelais la réalité de la réalité. C’était un soir d’hiver, en janvier je crois, je me trouvais à un carrefour éclairé par un lampadaire, et tout-à-coup, ce fut comme si un voile se déchirait, et je réalisai que ce qui était là, devant moi, existait. Ce lampadaire, cette place, cette lumière. J’en fus renversé. A partir de ce moment, tout ce sur quoi se posait mon regard, pourvu que je le fisse avec une certaine attention, me parlait de sa présence : aussi bien le radiateur (il m’a beaucoup parlé !) qu'un livre posé sur la table. Ces expériences me semblent correspondre aux Instants que décrit Jourdain. Deux mois plus tard environ, je me trouvais dans la chambre que j’avais encore chez mes parents, assis à mon bureau, réfléchissant à je ne sais plus quoi, quand brusquement, un autre rideau se déchira en moi. Non plus entre moi et la réalité extérieure, mais à l’intérieur de moi, entre un moi que j’étais convaincu de connaître à fond, pour la simple raison qu’il était moi et que j’étais lui, et un autre moi, que je découvrais avec stupéfaction, un moi vivant, qui se répandant dans l’être entier, qui en épousait parfaitement, et depuis toujours, l’intégralité des formes. Un moi qui n’était pas simplement ce petit miroir en qui la réalité venait se refléter, mais qui contenait en lui la totalité de l’être.

Ce sont ces ceux caractères qui seuls m’apparurent à l’époque comme saillant : la Réalité, et ce que Weil nomme le Sentiment de dissolution du moi. Je n’utilisais pour ma part pas ce terme, car je n’avais pas eu le sentiment de me dissoudre. Plutôt de naître. “Dissolution” me semble relever d’une perspective bouddhiste, à laquelle je peux toutefois adhérer après-coup, car effectivement, dans la mesure où le moi devient tout, l’enveloppe qui l’entourait (l'ego) se dissout. Les termes que j’utilisais à l’époque étaient: “la réalité de la Réalité”, et “moi vivant”. C’étaient les seuls.

Les autres caractères ne m’apparurent pas directement, et pourtant ils étaient implicitement présents :

le vécu non-duel : je ne connais ce terme que depuis ces toutes dernières années, et pourtant c’était bien cela : ce que je croyais être moi ne m’appartenait plus, et en même temps j’étais tout ce qui est ;

inneffabilité : j’étais effectivement incapable de mettre des mots sur ce que je vivais, de sorte que je n’en ai jamais parlé. J’ai essayé de me l’expliquer à moi-même dix ans plus tard, et je n’en parle vraiment que depuis que ce forum existe ;

atemporalité : j’ai recopié sans faute des trois dimensions du temps, et je ne comprends pas très bien non plus cette phrase. Par contre, je comprends bien l’atemporalité, comme étant se découvrir avoir toujours été ;

caractère paradoxal : en fait, c’est plutôt avant l’éveil que le rapport à la réalité m’apparaissait comme paradoxal... ;

aconceptualité : j’étais à l’époque trop indigent conceptuellement pour ne pas avoir soif encore d’explorer le monde des concepts. Mais j’essayais avec toute la force dont j’étais capable de les imprégner d’une présence qui leur donne vie ;

présence : c’est un mot qui n’entra dans mon vocabulaire que beaucoup plus tard ;

lucidité complète
: je n’aime pas trop ce terme, car il laisse trop à penser qu’on verrait plus clairement les choses, dans une lumière parfaite; or ce qui se passe, c’est plutôt comme si on devenait soi-même la lumière.


Je vous invite à venir visiter le blog de Joaquim : Regards sur l'éveil - Café philosophique, littéraire et scientifique

• La quête du Graal n’est que la quête du Soi

Sources

Le Bénédictin et le Grand Éveil


ll s’agit d’un livre retraçant la vie et plus précisément le cheminement spirituel d’un moine bénédictin français, Henri le Saux. Cet homme est entré à l’âge de 19 ans dans la vie monacale avec joie et souffrance. En effet, il sentait au fond de lui un appel de Dieu à rentrer au monastère, mais l’idée de fuir la société des hommes le faisait énormément souffrir. Cinq ans plus tard, il ressentit un nouvel appel divin : il fut poussé au désir d’une vie contemplative dans l’église indienne. Ainsi il passa 25 ans en Inde jusqu’à son départ terrestre. Il y reçu le nom de Swami Abhishiktânanda.

Grâce aux extraits de ses correspondances, cet ouvrage nous montre avec quels acharnement et passion ce Père Bénédictin essaya de créer un pont entre l’Orient et l’Occident. Jusqu'à la fin de sa vie, il explora les profondeurs qui séparent l’hindouisme du christianisme en vivant sa religion et la religion hindoue. Ce fut pour lui une succession d'épreuves, de déchirement et de tension... Profondément chrétien, il rêvait de voir une Inde acceptant le Christ comme Dieu et espérait, d'un autre côté, que les chrétiens aient une dimension mystique qui manque à leur tradition : la découverte de “l’advaita” ou la recherche intérieure du Soi Divin.

Sa foi, s’enrichissant et s’illimitant de plus en plus, à la fin de sa vie il réussit enfin à bâtir ce pont : il fit la découverte de “l’advaita”, la découverte du “JE SUIS”. Cet éveil déclencha chez lui d’intenses émotions au point que son corps n’y résista pas. Il eut une crise cardiaque. Cet infarctus le laissa au sol plusieurs heures inondé de joie, avec la sensation d’être à la limite de deux mondes. Il venait de découvrir le Grand Éveil, Dieu en lui et lui en Dieu, le Graal. Pour conclure j’ai choisi une phrase de ce grand mystique : « J’ai découvert le Graal. Et cela je le dis, l’écris, à quiconque peut saisir l’image. La quête du Graal n’est au fond que la quête du Soi. Quête unique signifiée sous tous les mythes et symboles (...) Et pour cette quête, on court partout, alors que le Graal est ici, tout près, il n’y a qu’à ouvrir les yeux. »

Le Bénédictin et le Grand Éveil
James Stuart
traduit en français par R.M.Salen

Editions J. Maisonneuve
11, rue Saint-Sulpice
75005 Paris

• Prajña : pénétrer la source de tout

Sources

Prajnâ

(Notes de lecture de Se connaître c’est s’oublier, d’Albert Low - maître zen contemporain) :

Prajnâ ("sagesse" en sanskrit) : c’est « voir au-dedans » (ou pénétrer) jnâ, la source de tout.
Ce « voir au-dedans » est kensho ou satori.
Prajnâ : éveiller l’esprit en ne l’appuyant sur rien.
Contemplation pure, sans objet.
Vivre au cœur de la prajnâ c’est vivre au cœur de la présence non-réléchie (jnâ, la source).
Pénétrer jnâ, la source, éveiller jnâ, n’est pas un accomplissement, ce n’est pas une voie, c’est une délivrance de tous les accomplissements, une libération de toute quête – la quête aussi est vide. C’est la véritable unité, sans frontière et donc vide (aucune forme ne limite cette unité).
Maître Eckhart : « Il n’y a pas de meilleure manière d’approcher cette parole que dans le silence, dans la tranquillité ; on ne l’entend bien que dans la non connaissance. A celui qui ne connaît pas, elle est clairement révélée. »
Mais ce « non-connaître » n’est pas une ignorance, c’est une connaissance transformée.

• Attention perceptive et illumination spontanée - Richard Moss

Attention perceptive et illumination spontanée

Richard Moss

Les anciens mystiques comparaient l’ego sujet-objet à une tasse d’eau plongée dans l’océan. L’océan figure la conscience universelle ou le Soi qui à la fois emplit et entoure la tasse. Mais l’ego ne reconnaît que cet aspect de l’eau qui se trouve dans la tasse,
et considère qu’elle est son soi.


Il y a une technique, une seule, et on ne peut pas vraiment appeler cela une technique, aussi paradoxal que cela puisse paraître. C'est le moi du fini qui parle de technique, de devenir. Le moi infini ne peut s'exprimer en ces termes. Lors de mon éveil, je me suis rendu compte que rien de tout ce que j'avais fait auparavant n'avait contribué à cet éveil. L'éveil est la Grâce. Cependant, tout ce que j'avais fait auparavant m'a aidé à survivre à cet éveil et à l'intégrer. Et cela aussi est la grâce.

La seule technique qui soit est l'attention, ou perception consciente. Nous pouvons dire que le processus de l'éveil est un mouvement - si l'on adopte le principe de la réincarnation ou vies multiples, l'on pourrait dire que l'on s'est préparé au cours des vies précédentes, et que cela s'éveille au moment voulu dans une vie particulière ; mais pour la personne en qui cela arrive, cela semble un acte de grâce spontanée. Aussi est-ce bien, à un certain niveau, un acte de grâce spontanée. Un maître zen, je crois, a dit un jour : "L'illumination est un accident, et la pratique ce qui le provoque !".

Un autre élément entre en ligne de compte : il n'est pas en mon pouvoir de générer en autrui un profond degré d'éveil. Mais il existe un autre niveau d'éveil, ce que j'appellerai l'induction - la présence d'un être dont l'expansion, l'ouverture, induit cela chez autrui. Telle est la pratique courante, et la raison, la justification, pour rechercher la présence d'un éveillé. Vous entrez en résonance avec cet être, et cela vous entraîne vers une autre dimension. C'est une technique valable, qui a aussi ses limites, mais je n'en discuterais pas ici. En ce qui me concerne, ma propre filiation s'inscrit en partie dans la lignée de Franklin Merrell-Wolff, bien que je ne l'aie pas connu avant mon éveil. Mais j'ai réalisé dès notre première rencontre que j'étais en présence d'un être qui avait connu une illumination spontanée, et que cela existe. L'illumination spontanée survient et est ensuite intégrée à divers degrés par ceux qui l'ont vécue. Dans son livre Cosmic Consciousness, Richard Morris-Bucke parle d'individus ayant connu une illumination de ce type. Ces êtres deviennent alors une force inductrice capable de faire bouger les autres.

==> Site de Richard Moss

• La vie sans centre - Jeff Foster

Sources
La vie sans centre

Jeff Foster

L'éveil du rêve de la séparation
Lisez ce livre lentement. Laissez-le vous pénétrer, laissez-le vous imprégner. Si vous vous surprenez à vous précipiter pour le lire, demandez-vous pourquoi. Qu'espérez-vous en tirer ? Qu'essayez-vous d'atteindre ? Qu'attendez-vous ? Attendez-vous un « déclic » ? Espérez-vous que l'illumination descende sur vous dans un grand déchirement de lumière ? Espérez-vous « comprendre » ? Sentez-vous que vous avez « presque compris » (et n'est-ce pas la même chose qu'espérer comprendre) ? En fait, chaque phrase de ce livre pointe dans la même direction. Tant qu'existera cette croyance qu'il y a « quelque chose à saisir », l'apparence qu'il y a « quelque chose à saisir » continuera de se présenter. Vous comprenez ?

Jeff Foster suggère qu’il n’existe que l’apparence de la vie, sans individu en son centre, qui puisse jamais s’échapper même s’il le voulait.

Toute la recherche spirituelle ne serait rien d’autre qu’un jeu que nous jouons avec nous-mêmes, le jeu cosmique. Nos efforts pour trouver l’illumination spirituelle, dans le but d’échapper à la souffrance et de faire que ce monde ait un sens, tournent court le plus souvent. En fait, ces efforts ne font que renforcer le sentiment de séparation et de manque qui nous hante.

Ici, au beau milieu de notre vie, la liberté et l’illumination sont toujours présentes, toujours disponibles. Êtes-vous prêt à recevoir ce message ?



Q : Vous me semblez dire que tout est parfait. Eh bien, ici, tout n'est certainement pas parfait ! Comment est-ce pour vous ?

J.F. : Le mot « perfection » est, comme tout mot, mort au moment où il est émis, alors que la réalité, cela, est vivante, vivante, vivante, changeant toujours, se transformant en permanence, toujours fraîche, toujours excitante ! Peut-être c'est ce que signifie vraiment la « perfection », la perfection de toute cette sacrée pagaille telle qu'elle est ; une perfection qui embrasse toute imperfection. Ce ne serait pas vraiment une très bonne perfection, si elle ne le faisait pas, n'est-ce pas ?
Ce dont je me rends compte, actuellement, c'est que tout est si intéressant, la douleur est intéressante, la détresse est intéressante, le génocide est intéressant, les sociétés sont intéressantes, la situation en Irak est intéressante, mon collègue de travail qui hurle après moi, également ; alors qu'auparavant tout était si sérieux, si mortellement sérieux. La vie a pris la qualité du rêve, du jeu, du spectacle. Il en a toujours été ainsi, je l'avais apparemment oublié.
Il ne s'agit pas d'un détachement froid. Je pourrais sans doute encore encourager un protestataire anti-guerre, verser une larme sur un roman sentimental, ou rire devant un stupide film comique pour adolescents, c'est simplement que plus rien de tout cela ne me touche en profondeur dorénavant. Même la douleur intense semble être entourée d'un immense espace. Je ne peux simplement plus me convaincre de quoi que ce soit, et le passé semble si irréel…

Q : J'ai essayé d'en finir avec les pensées, depuis des années. Mais même si mes pensées ne sont pas présentes pendant un laps de temps, elles reviennent. Être dans un corps souffrant et malade est un problème. Ce monde est un problème. Je ne suis pas fait pour cela !

J.F. : Avec la « réalisation » (à défaut d'un autre mot !) les pensées ne s'arrêtent pas. C'est l'erreur principale que les gens font, semble-t-il. Les pensées continuent, mais peut-être il est vu que les pensées ne sont pas personnelles. Elles se présentent et disparaissent dans la conscience, comme des nuages qui passent dans le ciel.
L'erreur que les gens commettent est d'ESSAYER d'arrêter les pensées. C'est d'emblée condamné à l'échec et à la frustration, car l'effort pour arrêter les pensées n'est que davantage de pensées. Si nous essayons de stopper les pensées, nous ne faisons qu'ajouter plus de niveaux de pensées. Nous essayons d'arrêter les pensées avec des pensées. C'est sans espoir !
La raison pour laquelle je dis : vous êtes déjà libre,vous êtes déjà libéré, est que déjà la pensée n'est pas personnelle, déjà le soi est une illusion, dans le sens où ce n'est qu'une autre apparence dans la conscience.
Si vous êtes déjà ce que vous recherchez, pourquoi ressentez-vous que vous ne l'êtes pas ? Parce que vous continuez à chercher ! C'était l'ultime message de Ramana Maharshi. Toutefois, pour ceux qui « ne l'avaient pas bien compris », il a enseigné, également, de chercher la racine du « je ». Finalement, il sera vu que c'est une illusion, et donc, toute la recherche s'évanouira. C'est le paradoxe. Vous êtes déjà ce que vous recherchez, vous êtes la Conscience même, vous êtes l'Esprit, mais vous croyez que vous ne l'êtes pas, et donc, vous le recherchez dans le futur. Mais ce que vous Êtes doit être présent, maintenant, en cet instant.
Qui vous Êtes doit être à 100% présent, en cet instant. C'est pourquoi chercher dans le futur est la chose même qui vous empêche de le voir maintenant. La recherche EST l'ego même dont vous voulez vous débarrasser.
Pouvez-vous voir que seul un ego peut rechercher l'illumination en tant qu'événement futur ? C'est un ego qui désire être libéré de l'ego. Voilà, le paradoxe…
Et il n'y a personne qui ne soit « pas fait pour cela ». Ce n'est même pas possible.

Q : Ce message semble très complexe et très intellectuel…

J.F. : Eh bien, c'est le plus simple de tous les messages. C'est tout ce qui est. Mais le mental interprète et dit « Je dois faire quelque chose pour obtenir cela ». Non, tout ce que vous faites, c'est ajouter plus de pensées. Observez simplement le mouvement des pensées, vous entraînant dans un moment futur où vous serez « illuminé ».
Revenez au moment présent. Qui est celui qui veut l'illumination ? Cet ego doit être présent maintenant. Cet ego EST la pensée. Qui est conscient de la pensée, qui est conscient du petit soi individuel ? Quand vous « verrez » (et c'est déjà le cas, vous ne l'admettez simplement pas) tout paraîtra si évident, si naturel, si ordinaire que le mental dira « ce ne peut pas être cela ! » Vous vous en voudrez d'avoir cherché quelque chose de spectaculaire pendant toutes ces années. C'est le sentiment que « ce ne peut pas être cela ! » qui bloque. Car, c'est cela, maintenant ! L'illumination n'arrive pas avec un éclair de lumière fluorescente et des explosions de feux d'artifice. C'est simple, évident, absolument ordinaire. C'est la fin de toute recherche.
Mais ce n'est pas quelque chose à atteindre. C'est quelque chose qui est déjà là. Il n'y a rien que vous ne puissiez faire ou ne pas faire pour « l'obtenir ».
Aucune recherche n'est donc plus nécessaire. Vous êtes déjà illuminé. La Réponse à toutes les Questions doit être présente maintenant. Vous n'avez pas besoin du futur pour être qui vous êtes, ou devenir ce que vous êtes.

Parution aux Édtions Charles Antoni-l'Originel :


dimanche 26 août 2007

• J’étais ce silence, cette lumière consciente, cette paix indicible - Denis

Sources

Le texte ci-dessous a été écrit pour une association de témoins expérienceurs de NDE/EMI (Near Death Experience/Expérience de Mort Iminente en français) et n’engage que son auteur, qui y relate sa propre expérience vécue alors qu’il avait 21 ans, ainsi que quelques autres expériences, proches par leur nature.

≈≈≈≈≈

Lorsqu’ un homme est ardent et sincère
n’importe quelle religion peut le conduire à Dieu

Ramakrishna



Tout, incluant le monde que tu vois, ainsi que toi-même, le témoin du monde, tout est Un…

Sache que le monde dans son ensemble constitue ton corps impérissable, et que tu es toi-même la vie perpétuelle du monde entier.

Ellam Onru, Tout est Un



L'incessante recherche du Soi, nous l'appelons Amour Suprême de Dieu, car Lui seul est établi comme Soi au-dedans du cœur de tous

Sri Ramana Maharshi
Il faisait nuit, il pleuvait, je suis sorti du restaurant en courant pour me mettre à l’abri dans la voiture au plus vite. J’ai traversé le parking, puis la route. Je n’ai rien vu venir. Soudain, un bruit sourd, semblant venir de l’intérieur, puis je me suis senti absorbé, aspiré d’un seul coup dans un silence immense et lumineux. J’ai entendu mes compagnons de voyage dire : « Il a été renversé… il est mort !.. ». Mais cela n’avait aucune importance, mon corps gisait là, au bord de la route, inanimé, mais je n’étais pas ce corps. J’étais ce silence, cette lumière consciente, cette paix indicible. Je le comprenais alors, ma vie venait de s’arrêter sur cette route. Comme le dormeur qui réalise, au matin, en un instant, que tout ce qu’il vient de vivre n’était qu’un rêve, déjà inconsistant, bientôt oublié, de même, ma vie entière m’apparut alors comme un songe fugitif. J’étais Cela. Cette lumière, cette conscience, éternelle, sans commencement ni fin. J’étais Cela et n’avais jamais été rien d’autre. Cela seul était.
Je ne pourrais dire combien de temps je suis resté dans cet état bienheureux. Je suis revenu dans mon corps brutalement. Il y avait un attroupement, des voix, des cris, une sirène d’ambulance. J’ai perdu connaissance de nouveau. Je n’ai réellement retrouvé mon état de conscience habituel que le lendemain matin, à l’hôpital.
Les années ont passé, cette expérience vit toujours en moi, bienfaisante, inspirante. Très peu de gens savent ce que j’ai vécu ce jour-là. J’ai lu, entendu, des récits d’expériences similaires, ils me touchent et éveillent toujours en moi un sentiment de complicité fraternelle, comme celui qui unit ceux qui ont vécu des moments intenses ensemble. Je connais la signification de l’expression NDE depuis longtemps, mais j’avoue que jusqu’à maintenant je n’ai jamais cherché à lire de livres sur le sujet ou à rencontrer des personnes ayant vécu ce type d’expérience.
Je voudrais raconter trois expériences qui ont précédé celle-ci, mais survenues, en quelque sorte, dans les conditions normales de la vie, mais dont le contenu et la signification profonde sont finalement très proches.
J’ai toujours eu un esprit profondément religieux. J’entends par là que je me suis toujours senti relié à quelque chose de plus grand que moi et qui justifie mon existence. J’ai eu à l’âge de 7 ans la révélation de ce que seraient le but, le sens, l’exigence de toute ma vie. Je ne l’ai pas compris sur le moment, mais l’évènement n’a cessé d’exercer son influence jusqu’à ce jour.
Nous étions en vacances à Arcachon cette année-là. Un jour, j’en ai oublié la raison, pour me punir, ma mère m’a envoyé dans ma chambre avec interdiction d’en sortir jusqu’à nouvel ordre. J’étais furieux, je n’avais pas mérité cette punition, je pleurais de rage sur le lit quand mon regard est tombé sur le crucifix accroché au mur, en face de moi. Je me suis mis à parler au Christ comme s’Il avait été là, dans la chambre, lui reprochant sans ménagement d’avoir laissé faire une telle injustice, de m’avoir abandonné ! Ma colère était à son comble quand, soudain, j’ai senti Sa Présence, à la fois en moi et autour de moi, Elle remplissait toute la pièce. Une Présence mystérieuse, lumineuse, imposante, presque écrasante, plus réelle que ma propre existence, qu’elle réduisait à néant. Ma colère s’évanouit d’un coup laissant place à un sentiment intense de dévotion, tout mon être rendait grâce.
Aujourd’hui, alors que j’écris ces lignes, cette Présence est là, en moi, m’emplissant d’une joie subtile. Mes yeux se ferment d’eux-mêmes et je me sens absorbé en Elle. Je sens comme une ouverture au sommet du crâne, une porte ouverte vers un autre Moi, plus vaste, plus lumineux. J’ouvre mes yeux de nouveau, Elle irradie autour de moi dans la pièce, ma conscience s’élargit, son siège n’est plus localisé dans le corps, identifié au corps, mais plutôt le corps et le monde semblent émaner d’ Elle. Je ne vois plus le monde avec mes yeux de chair, il semble comme projeté, de l’intérieur, sur l’écran immaculé de cette conscience. Je ressens comme une douce pression dans la poitrine alors qu’un sentiment d’amour universel, inconditionnel, s’empare de moi. Plutôt que d’un sentiment d’amour, parler d’un état d’amour serait plus juste.
Des années plus tard, une autre expérience a exercé sur ma vie intérieure une influence profonde. J’étais ce jour-là particulièrement déprimé, tout semblait décidément vouloir aller de travers. Je traversais le pont d’Austerlitz à pied, comme tous les jours à cette époque, c’était une belle journée d’été, le soleil, haut dans le ciel à cette heure du jour, faisait miroiter dans l’eau du fleuve ses reflets comme autant de diamants étincelants. J’observais ce phénomène, touché par la beauté simple du spectacle quand, tout d’un coup, une joie immense m’envahit, j’étais littéralement inondé de joie, de lumière, d’amour et de paix intérieure. J’étais absolument sidéré par la force et la soudaineté du changement opéré en moi. Je me sentais libre comme jamais je ne l’avais été, une joie profonde dansait en moi comme une flamme, dans ma poitrine. J’avais déposé mon fardeau, l’ego semblait s’être envolé, avait-il jamais existé ? Je continuais ma route, émerveillé, dans un état d’exaltation inouï. Le monde extérieur également était comme transfiguré, baignant dans une lumière dorée. Tout semblait alors si simple, si beau, si plein de grâce. Cet état s’est maintenu au moins une heure, s’estompant progressivement. Il s’est répété plusieurs fois les jours suivants, me prenant toujours par surprise, comme par jeu, cherchant à m’enseigner quelque chose.
Environ un an plus tard, une rencontre allait me mettre un peu plus sur la voie. Un grand maître tibétain, le Karmapa (pas le Karmapa actuel, mais son prédécesseur) venait à Paris pour une cérémonie. J’avais déjà lu le Livre des morts tibétain et d’autres ouvrages sur le bouddhisme, l’hindouisme, le yoga… Nous en discutions avec passion entre amis. J’étais très exalté, toutes ces lectures et ces expériences que j’avais vécues m’étaient quelque peu montées à la tête… Je ne réalisais pas à cette époque les risques d’une pratique spirituelle solitaire. L’ego ne lâche pas prise facilement et, insidieusement, récupère à son compte ces expériences et s’en glorifie. Il m’a fallu des années pour le voir clairement.
J’attendais donc la visite du Karmapa avec impatience. J’en étais certain quelque chose d’extraordinaire allait se produire, le Bouddha en personne, en lévitation, me donnerait sa bénédiction, personnellement, le ciel s’ouvrirait, une musique céleste se ferait entendre….
Le jour tant attendu arriva enfin. Il y avait beaucoup de monde. Le Karmapa arriva, soutenu par deux moines, il semblait dans un état second. La cérémonie commença. Je n’en comprenais pas bien le sens, mais il s’en dégageait une atmosphère indicible de recueillement, de sainteté. Subjugué, j’oubliais mes chimères, mes vaines attentes.
Et pourtant, le miracle s’est produit. Le ciel ne s’est pas ouvert, pas d’apparitions surnaturelles, pas de musique céleste, non, mais quelque chose de beaucoup plus simple, d’une simplicité déconcertante. Je m’aperçus que je voyais non plus avec mes yeux de chair, mais comme avec un œil intérieur qui, mystérieusement, n’appartenait pas au corps. Je regardais autour de moi, incrédule, je voyais tout d’une autre perspective, dans un état de détachement absolu, intensément conscient, présent. J’étais parfaitement calme et rien dans mon comportement n’attirait l’attention de mes voisins. Bien au contraire, je leur trouvais un air étrange…..
ILS DORMAIENT…. Oui, ils dormaient et moi j’étais éveillé. Mon esprit était d’une clarté et d’une lucidité extraordinaires. J’avais l’impression, saisissante, d’évoluer au milieu d’hommes et de femmes atteints d’un mal étrange les condamnant à un état quasi somnambulique. J’avais presque envie de les secouer, pour qu’ils se réveillent. Je regardais le Karmapa, son visage avait une expression extatique que je n’oublierai jamais. Cet éveil s’est produit naturellement, spontanément, comme on s’éveille, au matin, après une nuit de sommeil. Il a duré environ une heure.
Dans Fragments d’un enseignement inconnu, que je ne connaissais pas à l’époque, Ouspensky décrit comment il a vécu lui-même cette expérience : « … je suivais la rue Troitsky ; soudain je vis que l’homme qui venait dans ma direction était endormi. Il ne pouvait y avoir la moindre hésitation. Bien que ses yeux fussent ouverts, il marchait, manifestement plongé dans des rêves qui couraient comme des nuées sur son visage… Après lui vint un autre, tout aussi endormi. Un cocher endormi passa avec deux clients endormis. Et soudain, je me vis dans la situation du prince de la « Belle au Bois dormant ». Autour de moi tout le monde était endormi. C’était une situation précise, qui ne laissait de place à aucun doute...»
L’expérience de mort imminente décrite au début s’est produite quelques mois après cet évènement. Neuf mois plus tard je rencontrai le maître qui allait me mettre de façon décisive sur la voie d’une vraie recherche spirituelle. Il m’a fait comprendre que toutes ces expériences m’avaient été données, mais que je devrais, maintenant, pour aller plus loin, accomplir par moi-même un vrai travail intérieur. Le travail de toute une vie. On comprend en général la spiritualité comme une ascension vers des niveaux de conscience toujours plus élevés, plus subtils. Sans aucun doute, mais rien n’est possible, aucune réalisation spirituelle authentique ne peut advenir sans avoir préalablement fait les efforts longs, pénibles et douloureux qui consistent à descendre jour après jour au fond de soi, toujours plus profondément pour se connaître, se découvrir tel que l’on est réellement. Rien ne doit rester dans l’ombre, il faut, encore et encore, débusquer dragons et monstres qui se terrent dans les profondeurs. Tout doit être vu, connu, les mensonges, les peurs, les motivations secrètes, inavouables, le désir de briller, de plaire, l’égoïsme, la suffisance, l’orgueil spirituel… Il faut voir comment l’ego s’empare des expériences les plus sublimes et s’en attribue le mérite. Gurdjieff disait que l’homme qui ne s’est jamais vu avec horreur ne connaît rien de lui-même.
Je voudrais encore évoquer quelques expériences vécues au contact de malades et de mourants.
J’ai travaillé pendant 18 mois dans le service de réanimation respiratoire d’un grand hôpital parisien. Je ne faisais pas partie du personnel soignant, mais on m’a souvent proposé d’assister à des soins ou à des interventions. L’idée me séduisait, mais quelques expériences pénibles m’ont vite fait changer d’avis. Je me souviens avoir dû quitter la chambre d’un malade précipitamment au cours d’une ponction sternale. Par un curieux processus d’identification, je vivais l’examen en même temps que le patient, je ressentais la douleur au sternum en même temps que lui, comme si l’examen était pratiqué sur moi. Au cours d’une trachéotomie, également, l’infirmière m’a fait sortir de la chambre, j’étais livide, au bord de l’évanouissement, j’avais l’impression qu’on ouvrait ma propre trachée.
J’ai vu beaucoup d’hommes et de femmes mourir et parfois le principe conscient quitter le corps. Ramakrishna comparait le moment de la mort à une épée qu’on sort de son fourreau. Je ne trouve pas d’images plus juste.
Un matin, en prenant mon service, deux brancardiers m’ont demandé de les aider à transférer un malade, mort pendant la nuit, de son lit sur un brancard. Ils me faisaient signe de les rejoindre dans la chambre, mais je restai sur le seuil, paralysé, incapable d’entrer. Le malade était bien mort, il avait quitté son corps, mais il était là, dans la pièce, et il nous regardait ! Il voyait son cadavre sur le lit, entièrement enveloppé dans un drap blanc et qu’on allait emmener à la morgue ! Sa détresse était totale, je la vivais intensément avec lui, elle me glaçait le sang. C’était vraiment terrifiant.
Mon calme retrouvé, je repensais à ma propre expérience et à la sérénité merveilleuse qui m’habitait alors même que je m’étais vu mort au bord de la route. J’éprouvais une grande compassion pour cet homme et j’aurais aimé l’aider, mais il m’avait communiqué sa détresse à un point tel…
Pour finir, je raconterai une expérience d’éveil qui ressemble à celle vécue lors de la visite du Karmapa à Paris, mais alors que celle-ci s’était produite spontanément celle-là est le résultat d’un effort intense de ma part.
Je traversais une période très difficile. Malgré des conditions de vie des plus précaires, j’essayais de ne pas négliger ma recherche spirituelle, de maintenir coûte que coûte la flamme intérieure.
Un jour, alors que je pratiquais des exercices de concentration, que je m’efforçais de maintenir en moi un état de vigilance intense et que je m’y appliquais comme si ma vie en dépendait, je me suis senti transporté hors de mon corps dans cette conscience vaste et lumineuse, qui m’était maintenant familière. J’ai vu toute ma vie défiler devant mes yeux. Tout s’ordonnait de façon harmonieuse, mais inattendue. Des évènements que je considérais comme secondaires prenaient un relief particulier, d’autres, oubliés, s’avéraient déterminants.
Je ne saurais dire combien de temps a duré cette vision. Dans ces expériences, la notion de durée est sans rapport avec le temps objectif tel que nous le mesurons dans notre « état de veille » habituel.
Je me suis efforcé, dans ce récit, de rester sobre et concis, autant qu’il était possible. C’est intentionnellement que j’ai évité de mentionner certains phénomènes dits paranormaux. Je pense réellement que les visions, par exemple, de visages, de personnes, de lieux, de vies passées…sont un obstacle sur le chemin, même si parfois elles peuvent encourager le chercheur. Ces visions dépendent du contenu mental du sujet, de son conditionnement culturel, de son passé, de ses attentes. Les hindous, n’ont pas les mêmes visions que les chrétiens de culture occidentale. Certaines représentations cependant sont universelles, le tunnel par exemple, souvent cité dans les expériences de mort imminente.
Finalement, est-ce que toute expérience spirituelle authentique n’est pas une expérience de mort imminente ?
Denis

samedi 25 août 2007

• La conscience cosmique - Ralph Maxwell Lewis

Sources

La conscience cosmique

Ralph Maxwell Lewis

(Extrait du chap. XXII du Sanctuaire intérieur )


L'état mystique normal est celui dans lequel un homme ressent l'impulsion, la stimulation et la détermination pour fortifier son caractère, suivre la voie de la droiture et développer les vertus couramment admises. De tels états de conscience mystique sont encouragés par la société. La civilisation et la société en général ont besoin de toutes les religions et de tous les systèmes philosophiques qui conduisent l'homme à vivre plus près de Dieu ou du Dieu qu'il conçoit, qui fortifient son caractère et l'amènent à suivre ce qui, selon lui, procède des aspects spirituels de son être intérieur.

L'une de ces expériences mystiques véritables est celle de l'inspiration, cette illumination soudaine et complète de l'homme qui surgit intuitivement plutôt que par les procédés laborieux de la raison ou de l’étude. Cependant, toute inspiration, résultat de l’état de conscience extatique ou mystique, n’est pas un influx soudain de connaissance ou de vérité nouvelle, ou une révélation de faits et de circonstances. Fréquemment, l'inspiration est une consécration, le stimulant qui pousse à consacrer sa vie à un certain idéal, à être loyal, véridique, ou à atteindre un noble but. Il existe certains tests pour déterminer les expériences mystiques véritables. Disons ici que les expériences mystiques n’échappent pas aux tests auxquels toute autre expérience éprouvée par un observateur rationnel serait soumise. C'est une sérieuse erreur que de croire que l'incohérence et l'obscurité sont des signes de Conscience Mystique, car l'expérience mystique doit être cohérente ; elle doit être rationnelle et compréhensible.

Quatre critères permettent de déterminer si on a vécu ou non une expérience mystique et si l'on a véritablement atteint l’état de Conscience Cosmique. Les mystiques et beaucoup de psychologues éminents sont d'accord sur ces quatre points.

Le premier est connu sous le nom d'ineffabilité. Le mystique découvre, lorsqu'il revient à son état normal de conscience, qu'il est incapable d'exprimer par des mots ce qu'il a éprouvé et qu'il ne peut expliquer aisément son expérience à une personne qui n'a pas connu d'expériences semblables. La conscience mystique, en effet, est plus un phénomène de sensation et d'émotion qu'une expérience intellectuelle. Nous savons tous combien il est difficile de décrire fidèlement la valeur ou le développement de certains sentiments que nous avons éprouvés. L'oreille du musicien peut déceler des sons délicats qu'il est seul à pouvoir percevoir et apprécier. Il ne peut faire comprendre ou ressentir sa perception aux autres, à moins qu'ils n'aient une oreille semblable à la sienne. Le grand artiste peut discerner certaines symétries de formes et certaines nuances de couleurs qui échappent à l'oeil de l'individu moyen, mais il ne peut les faire percevoir.

Le deuxième critère est connu sous le nom de qualité intellectuelle. Le mystique comprend que ce qui lui est transmis vient d'une Intelligence Suprême ou Supérieure, que c'est une connaissance ou une sagesse qui transcende tout ce qu'un être humain pourrait lui communiquer oralement ou par écrit. De plus, il fait l'expérience de l'aperception, c'est-à-dire d'une compréhension complète, d'une illumination. Il ne s'agit pas simplement de la réception de certaines sensations ou impressions, mais d'une compréhension complète et totale. L'homme découvre la nature de Dieu et les profondeurs de l’âme. De plus, la connaissance acquise fait toujours autorité. Ce que l'on éprouve n'est jamais obscurci ou amoindri par aucune question ni aucun doute quant à son authenticité. Il existe toujours une conviction intérieure.

Le troisième critère est connu sous le nom de nature passagère et concerne la durée de l’état de Conscience Cosmique. D'après les témoignages, on s'accorde généralement à dire que cet état ne peut pas durer plus d'une demi-heure à une heure. De plus, celui qui en fait l'expérience n'a qu'un souvenir imparfait des détails de cet état. Il conserve une appréciation complète du résultat de l'expérience, de l’état dans son ensemble, mais il ne peut se rappeler objectivement tous les détails qui y ont contribué. Nous pouvons comparer cela à une boisson absorbée par une personne assoiffée. Quand sa soif est étanchée, elle éprouve une grande satisfaction. Il lui serait pourtant extrêmement difficile de décrire cette boisson. Les termes fraîcheur et humidité ne suffisent pas pour exprimer en détail la satisfaction éprouvée. En outre, chaque fois que l'état de conscience mystique revient, cela se traduit toujours par un progrès. Autrement dit, chaque expérience commence là où la dernière s'est arrêtée. Il n'y a pas d'intervalles inexpliqués ; le développement est toujours progressif. Tout se passe comme si l'on regardait un film, et que, soudain, on coupait la lumière. Les images disparaîtraient alors. Des minutes, des heures ou des jours plus tard peut-être, si la lumière était remise, les impressions visuelles sur l'écran reprendraient exactement à l'endroit où l'histoire s'était arrêtée. Rien ne resterait inachevé ou inexpliqué. On ne retourne jamais en arrière, et il n'y a pas de régression dans l'état de Conscience Cosmique.

Le quatrième critère, dans le test et la détermination de ce qui constitue l'expérience mystique de la Conscience Cosmique, est la passivité. Indépendamment du moyen employé pour provoquer l’état de conscience mystique, qu'il s'agisse d'une concentration sur quelque idée, mot ou lieu ou de l'effet produit par quelque exercice physique, une fois que cet état de conscience est atteint, l'individu se sent en présence d'une Puissance supérieure, d'une omniscience. Un sentiment d'humilité l'envahit. L'ego, la vanité, l'arrogance, l'individualité, tout cela se détache de lui, et son âme se dresse dans sa pure nudité devant l'autorité suprême. Il n'y a aucune inclination à vouloir, à exiger, à commander. On aspire simplement à être réceptif, à recevoir une révélation, tel un spectateur, avec une grande espérance, mais toujours avec humilité.

• Cette Lumière contenait le Tout - Isabelle Nouvel

Cette Lumière contenait le Tout

Isabelle Nouvel

Au mois de décembre 2001, je me suis soudain trouvée confrontée à une évidence éblouissante. Je ne peux en parler aujourd'hui que sous le terme de Lumière (c'est la première fois que je tente une réelle mise en mots, et j'entrevois déjà que cela ne va pas être simple :-). Mais cette Lumière contenait le Tout, la Sagesse hors du temps, une tendresse infinie, une Intention pure… A vrai dire, elle ne 'contenait' pas, elle Était tout cela, et tout le reste, et tous les contraires, dans une parfaite sensation d'Unité absolue. Oui, ce ne sont que des mots, hélas… Tous ceux qui ont eu ce genre d'expérience (similaire à celle des NDE) disent l'impossibilité de transcrire la teneur unique de ce moment hors du temps. Réalité plus forte que toutes les réalités, sentiment que le monde devient soudain parfaitement clair, que son 'organisation' visible et invisible est limpide, car il est entièrement constitué de cette Energie vivante qui dépasse tout ce que l'intellect peut imaginer.
A l'époque, je n'avais pas de goût particulier pour la spiritualité. En y réfléchissant, néanmoins, en essayant de me souvenir de celle que j'étais 'avant', je me rends compte que j'éprouvais du plaisir, pour mon équilibre personnel, à respecter (depuis plusieurs années déjà) une sorte 'd'hygiène mentale' ressemblant fort à l'Octuple Sentier (que j'ai découvert depuis). Plaisir à peser tous mes mots, afin de demeurer dans l'expression juste. Plaisir à me comporter avec calme, douceur, compréhension, honnêteté… et à faire passer à l'arrière-plan les petites récriminations de mon ego, que je percevais déjà comme dangereusement réductrices.
Mais je ne croyais pas en 'Dieu', que mon éducation judéo-chrétienne stricte m'avait fait voir comme un 'personnage' contraignant, délimitant tout un monde d'interdits. Pour moi, l'idée d'aller vers le côté apaisé de la Vie ne pouvait être qu'un bien-être… Bref, nous n'avions pas grand chose à nous dire :-) !
Mais ce qui m'est tombé dessus (là, l'expression est juste ! :-) ce jour-là n'avait pas du tout l'air non plus d'un grand Vide (même si elle le contenait aussi, à l'évidence, puisqu'elle était à la source et au dénouement de tout)… Plutôt d'une Intention-Vibration originelle, pure et infiniment bienveillante… 'Le grand rire de l'Eveil', je comprends intimement ce que cette expression veut dire, même si dans mon souvenir, le rire était une sorte d'équivalent intérieur du sourire qui a envahi mon visage. Un rire dégagé de toute distance, un rire de bonheur… comme seul peut l'être un sourire d'accueil.
Revenue à moi, je me suis rendue compte que j'étais radicalement transformée. Incapable de me mettre encore en colère, par exemple. Totalement consciente de l'effet dévastateur des pensées négatives, que je savais reconnaître immédiatement (elles continuent parfois à se présenter, comme 'un vieux réflexe') et circonvenir rapidement, afin de les évacuer d'un souffle. Capable d'aimer inconditionnellement mes proches - et tous ceux que je croise… de ne pas les juger, même lorsque leurs actions pourraient me porter préjudice, dans une évaluation 'traditionnelle' des situations (en particulier dans le couple). La Paix s'est installée sur mon foyer - et ceux qui me connaissent bien trouvent que 'j'ai beaucoup changé', même si je ne leur ai jamais vraiment raconté l'histoire (je l'ai d'ailleurs peu expliqué comme j'essaye de le faire ici, car face à un interlocuteur non concerné par la spiritualité, c'est de l'ordre de l'impossible :-)
Cette sérénité quotidienne (le Sourire comme mouvement naturel) est un cadeau inouï, qui ne s'est jamais effacé depuis (au contraire, elle n'a cessé de se renforcer, à mesure que disparaissaient mes attaches à 'l'ancien monde').
A noter que j'en ai ramené aussi quelques possibilités qui pourraient être qualifiés par certains de magiques ou paranormales, même si j'ai la sensation qu'elles se mettent en mouvement de manière tout à fait naturelle, seulement au moment où c'est bénéfique (et c'est un domaine que je ressens comme tout à fait accessoire).
Après cela, j'ai cherché ce qui s'était passé, bien sûr. Je me suis entièrement tournée vers la spiritualité - et c'était la première fois. J'ai trouvé ce phénomène décrit dans de nombreux textes, de l'origine à nos jours, avec des mots toujours différents… le reconnaître, découvrir qu'il existait ailleurs… Eh bien, encore une fois, cela a été un un grand bonheur. Mais je savais aussi que je ne pourrais rien devenir de plus, ni Maître ni qui que ce soit d'autre, car la Lumière me l'avait clairement fait voir : celui qui se croit 'arrivé' stoppe dans l'instant son cheminement, en se reconstruisant un nouvel ego gratifiant, qu'il lui importe de consolider pour garder son statut. Il glisse donc immédiatement hors du chemin. Les vrais Maîtres humains existent, mais ils sont d'une totale 'discrétion' et humilité, lesquelles sont indispensables au maintien de leur pureté… et je pense que vous ne pouvez les rencontrer que s'ils vous appellent.
Reste qu'il s'agit d'un phénomène 'd'illumination sauvage', 'se présentant' comme accidentel… et je constate que je le 'gère' beaucoup moins bien que ceux qui s'y sont préparés depuis des années.
.../...
Et il y a autre chose : la nostalgie, l'envie de retrouver cet instant de pleine conscience, de 'rentrer à la maison'… même si je sais que cela se fera à coup sûr au moment de ma mort (comme pour tout le monde), même si ce que j'en ai retiré est un pur ravissement… je n'en ai, pour l'essentiel (c'est à dire ce sentiment de perfection et de parfaite connaissance) plus que des 'traces'. De cela, de ce regret de l'Eden, je voudrais me défaire. L'ici et maintenant est le seul enjeu valable, car l'Eden lui-même est y présent, dans tous les petits actes de la vie.
Je voudrais arriver à accepter que ce qui fut… Est toujours, sous une autre forme… et ne plus rêver de me sentir encore une fois bercée par cette profondeur immense et infiniment douce, car ce désir ne fait que m'éloigner de l'Unicité merveilleuse de toutes choses, à laquelle j'appartiens, comme tout le monde visible et invisible.
Impossibilité néanmoins de vivre 'comme avant', pas plus qu'une mère ne pourrait faire comme si son enfant n'était jamais né, ou un homme et une femme comme si leur coup de foudre n'était jamais advenu…
Voilà, mes amis de Soupir.org, il y a des lecteurs parmi vous qui doivent voir très clairement le sens de mon propos… Il sont sans doute parmi ceux qui parlent le moins d'eux-mêmes. Mais j'espère un geste de leur part pour m'aider à débrouiller tout ça :-)…
Paix et Sourire
Isabelle Nouvel

• Expérience de Conscience cosmique ou conscience du Tout - Nicole Montineri

Expérience de Conscience cosmique ou conscience du Tout

L’éveil, ce renversement de la conscience grâce auquel on perçoit l’unité du monde, peut se produire à tout instant de notre existence. Cependant, cette transformation ne se fait pas d’emblée.

J’ai fait l’expérience de la Conscience cosmique et de la non dualité lors d’une méningite. J’ai pu alors voir ce qu'enseignent tous les maîtres spirituels : derrière les apparences de l’univers, se trouve la réalité d’un Etre, d’une Conscience unique et éternelle.

Cette expérience vient après 30 années d’études spirituelles et d’harmonisation intérieure qui ont permis que je ne sois pas déconcertée, mais qu'au contraire je puisse vivre ce qui m’était proposé comme une véritable révélation spirituelle.

Dés que j’ai émis intensément le souhait de partir, de voir cette autre réalité dont nous parlent les mystiques depuis des siècles, je suis entrée instantanément dans l’énergie infinie. Pendant un moment que je ne peux évaluer, le temps n’existant plus dans cette autre réalité, je n’ai plus eu de pensée, plus de personnalité, tout en conservant le sentiment de mon identité, plus de corps que j’avais quitté car je ne souffrais plus du tout. Le silence avait tout englouti.

Restait la conscience, totalement lucide, reliée à ce flux lumineux au point de s’y dissoudre. Je n’étais plus que cette conscience affinée, sublime. Elle baignait dans l’énergie cosmique, et en même temps elle était grand ouverte, sans limite, comme si elle contenait l’espace de l’univers. Elle percevait, ressentait, avait toutes les propriétés de l’être vivant, mais évoluait dans une dimension qui se situait hors de la matière et hors du temps.

La sensation était douce, paisible. La lumière que je voyais par une perception autre que sensorielle, était intense, éclatante sans être aveuglante et permettait à ma conscience d’embrasser toute l’immensité, rendant l’univers visible de tous côtés. J’avais une impression de légèreté. Peu importait que le corps soit malade puisqu'il n’y avait plus personne pour souffrir...

Plénitude, liberté, moment d'atemporamité.

Ma conscience était passée sur un autre plan de réalité, s’étendant à l’infini, d’où cette impression d’ouverture sur l’univers, jusqu’à le contenir en son entier. La lumière la traversait librement, elle était sa substance même, la nourrissait, la plongeait dans la béatitude. J’avais la sensation d’être en présence d’une Intelligence, Elle m’enveloppait et je me sentais totalement en confiance. Elle communiqua immédiatement avec moi, sans ambiguïté. Tout était clair. J’étais investie de perceptions extraordinaires qui me dotaient d'une compréhension profonde et subtile de la vie. J’ai eu accès à la connaissance absolue, et ceci, de façon instantanée. J’ai compris la signification de l’univers, perçu comme un ensemble cohérent, un tout harmonieux qui me donna la certitude d’appartenir à une unité cosmique ayant un sens.

Je me suis sentie immédiatement aimée par cette Conscience suprême. J’ai compris que cette lumière était l’Amour absolu que je ressentais. « On » me tendait les bras. Cependant il n’y avait personne qui aimait et je n’avais personne à aimer. Il y avait seulement l’Amour, compréhensif, respectueux, ouvert sans restriction, sans intention... Cette vision de la lumière n’était pas extérieure, n’occupait pas un monde objectif qui m’aurait entouré. Elle était ma conscience elle-même. J’ai compris que ce que je voyais était le déploiement de ma propre conscience.

C’était bien une réalité non duelle ue j’expérimentais, il n’y avait plus de différence entre moi qui percevait et ce qui était perçu. Les perceptions et les visions étaient l’expression du rayonnement de ma conscience. La lumière vers laquelle je me suis sentie aspirée était l’essence de ma conscience et de la conscience de chaque être. La même énergie traverse chaque chose, vue comme un fragment infini du grand Tout cosmique.

Je sens intensément l’énergie qui coule à travers moi comme à travers nous tous sur cette terre. Tout est saturé d’essence cosmique. Tout émerge de cette source et y retourne. Cette énergie dans laquelle nous baignons, c’est l’Amour qui nous traverse continuellement, que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non. Notre tâche ici est de nous relier à cet Amour, de placer notre conscience dans cette perception de présence continue, dans cette vision de non-séparation avec l’absolu.

A partir de là, il n’y a plus ni dualité bon/mauvais, ni séparation intérieur/extérieur.

Ces distinctions sont seulement des vues de l’esprit qui cherche à différencier les choses. Tout est égal en essence. Rien ne nous différencie jamais, si ce n’est notre esprit habitué à distinguer les innombrables formes de l’existence. Touchée par une vérité qui ne pourra jamais être atteinte par la pensée, mais par l’expérience directe, je me suis libérée de la confusion et des oppositions produites par l’esprit.

Ma conscience, capable désormais d’intégrer toute la réalité de façon cohérente et harmonieuse, se meut de manière semblable. Elle reste liée à la Conscience suprême, au cœur même de l’existence quotidienne. Tout est Elle, et c’est avec cette communion constante que le monde est regardé. Une fois que nous avons été touchés par l’universalité de la conscience, il n’est plus possible de rester dans une perspective temporelle et duelle. La conscience naturelle de l’absolu se maintient chaque jour, au sein des occupations habituelles, sur un fond de sérénité et de silence intérieur. Je me sens plus légère, détendue, sans entrave, en harmonie avec mon être profond, sans besoin de me rattacher à une personnalité fabriquée et sans vrai réalité. Je prête moins attention aux pensées, aux sentiments, aux humeurs qui viennent et disparaissent sans laisser de traces. Cet éveil à l’unité de toutes choses m’a délivré de l’idée : ceci est ma pensée ou mon sentiment. Je sens que l’ego se distend peu à peu, que l’attachement à ce moi, avec sa mémoire, ses désirs, ses attentes, disparaît tout naturellement...

J’ai la sensation profonde d’être, sans besoin de me projeter vers un futur imaginé, ni de me rattacher à la nouvelle personne que je suis devenue, même si celle-ci est en paix.

En réalité, celle d'aujourd'hui, transformée par son expérience, n’existe pas plus que celle d’hier, avec ses erreurs et sa quête bien maladroite. Ce sont deux personnalités, deux enveloppes, qui recouvrent la conscience qui elle, existe de toute éternité. Ce que nous prenons pour notre identité n’est qu'un défilé de personnages dans le temps, sans substance propre. Dans cet état si proche de la mort que j’ai connu, nous ne pouvons plus nous identifier à notre corps, bien sûr, ni non plus à notre rôle social, notre culture, notre travail, nos passions, nos divertissements, notre sexe, notre tempérament, notre personnage sur la scène du monde, tout ce catalogue confus que nous prenons pour notre identité personnelle. La conscience ne dépend pas de ce moi empirique. Elle a un sens en soi. Nous assimilons habituellement notre conscience à l’univers objectif qui l’occupe et nous réduisons couramment notre conscience à tous les éléments dont nous voyons les effets sur notre personnalité et notre existence. L’absence d’objet est même considéré comme une « perte de conscience ». La conscience ordinaire se résume à être conscient de quelque chose.

Le temps psychologique exerce sa toute puissance grâce à la pensée omniprésente qui projette sans cesse et objective chaque état, chaque expérience. Or, ma conscience était silencieuse et inactive sur le plan phénoménal pendant cette expérience, et cependant bien présente. Tous les éléments qui d’ordinaire l’alimentent, la pensée, le sentiment, l’émotion, le désir d’action, étaient absents, laissant la lumière se déployer dans ce vide. C’était une conscience consciente d’elle-même, pure et de valeur universelle. Ce sentiment d’identité que j’ai conservé intact tout au long de mon expérience appartenait à cette conscience conscience-de-soi.

Je sais désormais que la conscience originelle est vide d’objet, seulement conscience-de-soi.

Elle n’est pas projetée dans le temps, dans l’action, elle n’est pas dispersée par l’attention et l’identification aux objets comme l’est notre conscience ordinaire dans la vie quotidienne. La conscience originelle ne peut se déployer que dans le vide qui existe entre deux pensées, deux sentiments. L’esprit y est suspendu, l’objet y est absent, le temps n’y est plus projeté. Cette ouverture sans intention est notre vraie nature, là où la conscience est laissée à elle-même. La conscience conscience-de-soi n’a rien à voir avec les allées et venues de l’ego, entièrement absorbé par les préoccupations et entraîné par les évènements. L’ego est créé par la pensée, qui lui donne une consistance et l’illusion de la permanence.

L’expérience empirique que l’ego connaît, ce sont toutes ces pensées et ces sensations qui passent continuellement. L’ego est le sujet de toutes les impressions, sujet sans cesse en devenir. Pourtant, demeure en nous le sentiment profond d’une identité permanente, malgré toute la diversité du vécu. C’est la conscience, qui possède en elle une unité transcendantale. La vie réside dans la conscience, et cette conscience existe de toute éternité, en dehors de notre personnalité avec ses convictions, ses aspirations, ses regrets, ses souvenirs. Je Suis conscience, c’est là ma véritable identité.

Ce que m’a apporté cette expérience, c’est la capacité de comprendre en profondeur qu'il existe une part de la conscience qui ne peut être assimilée à notre mental, à notre capacité d’action ou à l’univers objectivé qui l’occupe ordinairement. Elle se situe sur un autre plan, que la matérialité de notre existence terrestre, la dimension espace-temps dans laquelle nous pensons et agissons et notre esprit souvent distrait, superficiel, rarement intensément recueilli, nous voilent. Toutefois, chaque être est libre de placer sa conscience sur le plan strictement humain ou de l’ouvrir sur l’espace immense, afin qu'elle réintègre sa nature essentielle.
Elle s’organise différemment en chacun de nous, selon la place que notre ego lui laisse.
Elle apporte toujours réalité au lieu où elle se place.
Elle est la Vie même, se tenant en elle-même, unie à la lumière significatrice d’Amour.

Nicole Montineri

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Je souhaite témoigner de ce que j’ai vécu il y a peu et qui pourrait rassurer ceux qui ont peur de la mort. Je ressens en effet le besoin de partager l’offrande que m’a faite la vie. Et qu’est-ce que le don, si ce n’est l’ouverture aux autres ? Je n’ai jamais eu peur de la mort, mais depuis cette expérience, je me sens encore plus sereine vis-à-vis d’elle. En fait, la mort telle qu’on l’entend couramment n’existe pas. Seule la mort physique est réelle.


J’ai eu une méningite à la mi-mai 2006. J’ai refusé d’être transférée à l’hôpital car je ressentais le besoin de rester en silence, intériorisée, et la plus consciente possible, sans perfusion de morphine. J’ai pris cette décision sachant le risque qu’elle comportait et la douleur que j’allais endurer.

Durant la première nuit, en proie à une très forte fièvre et à des douleurs insupportables à la tête, je suis partie comme aspirée par une énergie très lumineuse et suis restée sur le seuil, à la frontière de la mort, pendant un moment que je ne peux évaluer. Durant tout ce temps, je sais que je n’ai plus eu de pensée, plus d’identité, plus de corps que j’avais quitté puisque je ne souffrais plus du tout. Le silence avait tout englouti. Restait la conscience, reliée totalement à ce flux lumineux au point de s’y dissoudre. Je n’étais plus que cette conscience. Elle baignait dans l’énergie cosmique, et en même temps elle était grand ouverte, sans limite, comme si elle contenait l’espace de l’univers. La sensation était douce, paisible, la lumière était éclatante sans être aveuglante. J’avais une impression de légèreté. Peu importait que le corps soit malade puisqu’il n’y avait plus personne pour souffrir... Plénitude, liberté, moment d’atemporalité. Cette entrée dans l’énergie infinie m’a apporté instantanément la compréhension de l’ultime vérité. J’ai « vu » la Réalité dont nous parlent les mystiques depuis des siècles. Et je me suis sentie immédiatement aimée par cette Conscience suprême. C’était très beau. J’ai ressenti un amour pur, une acceptation sans condition. « On » me tendait les bras. Cependant il n’y avait personne qui aimait et je n’avais personne à aimer. Il y avait seulement l’Amour, compatissant, compréhensif, respectueux, ouvert sans restriction, sans intention...

Toutes les personnes ayant eu une expérience de mort imminente ne peuvent plus oublier cette sensation d’amour total qui apporte une joie infinie, une immense gratitude d’être aimée, et inonde de paix. Cette sensation est difficile à décrire car elle se situe au-delà des pensées, des émotions, et des sentiments. Je reposais au sein de cette réalité lumineuse et je souhaitais alors que cet état de béatitude dure toujours. La Vie qui nous traverse est belle...

Durant cette expérience, je n’ai pas vu le tunnel dont parlent certaines personnes, avec des êtres qui les accueillent au bout, ni même le défilement rapide de mon existence passée. Simplement, je baignais, de façon très consciente, je dirais « les yeux grands ouverts » dans l’énergie lumineuse qui m’enveloppait de son amour.

Puis, je me suis entendu me dire à moi-même qu’il fallait que je revienne sur la terre. Je me souviens (par quel processus ?) avoir hésité... j’étais si bien ! Revenir signifiait souffrir, et en effet le retour fut terrible, brutal, douloureux. J’ai l’impression que j’avais le choix de la décision. C’est l’amour d’êtres chers qui m’a fait revenir... Cette perception directe et spontanée de la lumière m’a donnée la faculté de comprendre en profondeur ce qu’est la Vie qui nous traverse. Elle m’a permis de connaître (car cette expérience est une forme de connaissance, même si elle ne passe pas par l’esprit) la source unique qui nous engendre tous, êtres humains, animaux, plantes. Pendant ma convalescence, assise devant mon jardin, je sentais la vie qui agissait chez les merles qui se répondaient joyeusement, chez les guêpes qui venaient boire dans les soucoupes d’eau, chez l’euphorbia dont les petites fleurs gracieuses croissaient dans un moyen de spirale... C’est la même énergie qui soutient tout, la même Conscience qui englobe tout. C’est une illusion de se croire séparé. Cette compréhension me donne depuis une sensation intense de vie. Elle vient après 30 années de quête, parfois angoissante, du sens de l’existence, 30 années pendant lesquelles en proie en de fortes tensions intérieures, hypersensible, j’ai cherché des réponses dans la lecture de mystiques chrétiens, hindouistes, bouddhistes, taoïstes. Tous ces livres m’ont accompagnée sur le chemin. J’écrivis aussi deux livres, sur la reine Sainte Radegonde, et sur Marie l’égyptienne, qui m’aidèrent à entrer plus profondément en moi-même. Durant cette quête, je rencontrai une personne éclairée que je considère comme ma mère spirituelle. Née en 1913, possédant une vaste culture et un haut degré de spiritualité, médium, elle m’enseigna l’essentiel, ensemença en quelque sorte le terreau qui commençait à devenir fertile grâce à mes lectures. Tout ce long travail d’épuration, d’harmonisation intérieure, fit que, depuis quelques années, je me sentais mieux préparée aux échéances de mon existence, avec une compréhension plus vaste de la vie. Juste avant ma maladie, j’avais la sensation d’être à la fin d’un cycle, commencé il y a 30 ans, lorsque je me suis mise en marche.

Ce que j’ai ramené de là-bas, c’est une grande paix, une sensation continue d’amour total, enveloppant comme un manteau chaud. Il me reste un sentiment d’émerveillement, d’immense gratitude envers la vie. Fini les concentrations mentales pour comprendre, les méditations et introspections, les multiples lectures pour trouver la voie. Il n’y a pas de voie pour aller vers ce que nous sommes de toute éternité. Il n’y a rien vers quoi tendre. Tous les tâtonnements ont été balayés par cette lumière qui irradie l’Amour. Que d’erreurs, que de souffrances auraient pu être évitées depuis si longtemps...

Dans mon existence quotidienne, tout est comme avant. Simplement, je prête moins attention aux pensées qui viennent et disparaissent sans laisser de traces. Je me sens plus légère, détendue, en harmonie avec mon être profond, sans besoin de me rattacher à une identité fabriquée et sans vrai réalité. Je me sens libre, sans entrave. La conscience naturelle de l’Absolu se maintient chaque jour de la vie quotidienne, au sein des occupations habituelles, sur un fond de sérénité. La vie me semblait simple auparavant et inutilement compliquée par les êtres humains ; elle me semble encore plus simple maintenant. Bien sûr, je vois les injustices de la société mais je ne vois pas que cela. C’est une vue rétrécie, qui, dans cette conception est confondue avec la société dans laquelle nous vivons. La vie est bien au-delà !

Je ne me sens pas éloignée des autres depuis mon expérience, au contraire, ce que la vie m’a donné de voir m’a relié plus consciemment à tout ce qui existe. Je sens intensément l’énergie qui coule à travers moi comme à travers nous tous sur cette terre. Cette énergie dans laquelle nous baignons, c’est l’amour qui nous traverse continuellement, que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non. Notre tâche ici est de nous relier à cet amour, de placer notre conscience dans cette perception de présence continue, dans cette vision de non-séparation avec l’absolu.

A partir de là, il n’y a plus ni bon, ni mauvais, ni intérieur, ni extérieur. Ces dualités sont seulement des vues de l’esprit qui cherche à différencier les choses. Tout est égal en essence. L’expérience mystique qui a provoqué cet éveil spontané échappe au temps. Car la source est à cet instant même. L’éveil a toujours existé... J’ai enfin compris, après 30 années de quête, qu’il n’y a rien à chercher, rien à obtenir. Tout est déjà là, car tout est cette énergie vibrante. La lumière Est de toute éternité, emplie de compassion. Aucune technique n’est indispensable pour la connaître : on baigne déjà en son sein, on est cette réalité, depuis l’origine. Rien ne nous sépare jamais de notre Essence, si ce n’est notre esprit habitué à distinguer les innombrables formes de l’existence et à faire des différences !

La lumière vers laquelle je me suis sentie aspirée est l’essence de ma conscience et de la conscience de chaque être. En réalité, nous sommes en toutes choses, et chaque chose est en nous. Cette compréhension libère de toute angoisse, de toute peur, notamment de la mort. L’ego se distend, l’attachement à soi-même disparaît tout naturellement... En conséquence, à quoi bon rompre avec le monde, quitter son travail, ou même sa famille, ses amis ? Il n’y a rien à abandonner, à fuir, ni à saisir pour s’identifier encore à quelque chose, une image de soi, ou atteindre une situation que l’esprit pense agréable. Il n’y a aucune réponse au-dehors. Les événements ont perdu leur pouvoir de fascination. Eveillée à notre origine commune, je me suis seulement libérée de la confusion et des oppositions produites par l’esprit. Cet éveil à l’unité de toutes choses m’a délivré de l’idée : je suis cette pensée, cette émotion, ce sentiment, ce moi. Et surtout m’a délivré de ce corps auquel je ne m’identifie plus et dont la souffrance (les nerfs de ma jambe droite restent enflammés suite à la méningite) n’affecte pas ma joie. J’accepte ce qui est, sans peur ou désir de rejet. J’ai la sensation profonde d’être, sans besoin de me projeter vers un futur imaginé, ni de me rattacher à la nouvelle Nicole, même si celle-ci est en paix. En réalité, la Nicole d’aujourd’hui, transformée par son expérience, n’existe pas plus que la Nicole d’hier, avec ses erreurs et sa quête bien maladroite. Ce sont deux personnalités, deux enveloppes, qui recouvrent la conscience qui elle, existe de toute éternité.

Source du texte

vendredi 24 août 2007

• Satori - Roland Yuno Rech

Vu sur : http://zen-nice.org/lexique/satori.htm

Le Satori

Roland Yuno Rech

Nous avons un corps, mais le corps n'est pas l'ego. Nous avons un esprit, mais l'esprit n'est pas l'ego. L'ego n'est rien, il n'est qu'interdépendance avec le milieu, sans substance. Si on se considère comme une entité autonome, douée de volonté propre, on ne peut qu'aller d'erreur en erreur, se heurtant à tout l'univers qui nous entoure.

L'illusion, l'aveuglement, c'est être prisonnier de ce qu'on croit être la vérité. A travers nos sens nous percevons des formes, des événements, des circonstances. Nous classifions ces perceptions, en tirons des conclusions et croyons que ce que notre cerveau combine est la vérité. Persuadés de ce que nous croyons être juste, nous sommes même prêts à nous battre pour nos convictions.

Le satori, c'est s'éveiller d'un rêve et saisir le Soi qui pénètre l'univers entier. C'est le lieu où il n'y a ni haut ni bas, ni gauche ni droite, ni envers ni endroit. Il est transparent, des cieux jusqu'à la terre, il est l'achèvement de la Voie. La peur, l'anxiété et le mensonge en sont absents ; lorsque le mensonge disparaît, l'univers devient aussi pur que le cristal.

Un poème japonais dit : "Il n'y a pas de goutte de rosée sur l'herbe sur laquelle ne se reflète le clair de lune". Sur chaque brin d'herbe brille le clair de lune : phénomène universel, nature de Bouddha. Zazen lui même est satori. En zazen on peut respirer, observer, entendre tous les sons, sentir et savourer les parfums de la nature, toucher le cosmos tout entier.

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L’éveil juste

Maître Deshimaru raillait les Occidentaux, et les Français en particulier, dans leur façon de considérer le « satori », l’éveil cher à la philosophie du zen. « Vous cherchez l’illumination, façon feu d’artifice ou son et lumière au château de Versailles. Vous rêvez au nirvana béat et absolu. Vous ne parlez que d’atteindre le satori comme si c’était une porte à franchir pour que tous les problèmes soient réglés à jamais. Mais si vous y prenez garde, vous pourrez vous rendre compte que l’on a des satoris quotidiens : de petits satoris [mimés avec un espace entre le pouce et l’index], de grands satoris [il écarte les bras grands ouverts] ; en effet, tous les jours, à la suite d’une phrase entendue, d’une chose vue, d’un sourire, d’un événement particulier, vous passez par des prises de conscience : ce sont là des satoris. » « Et, concluait-il, la pratique du zen est satori »

• Chaque chose était à sa place

Source : Nouvelles Clés

Il y a quelques jours, pas très longtemps, nous étions au mois de juillet, une journée de vacances comme les autres s’achève.
Assise sur le perron de la maison, mon petit garçon dans les bras, je regarde la campagne devant nous et dans le ciel jouant avec quelques gros nuages d’été des dizaines d’hirondelles qui valsent. En fond sonore, du Mozart je crois. Dans ce décor, mon mental comme il se doit, s’est mis à divaguer "bucolique", style beauté de la nature, écologie, harmonie des mondes... Et soudain tout a basculé. Difficile à décrire mais j’ai cessé de penser, j’étais, à la fois la musique, les nuages, l’hirondelle. Le petit dans les bras, tout était à sa place, parfait, harmonieux, serein. Je ne le pensais plus je le vivais et pendant ces quelques instants j’ai su ce que pouvais être le bonheur, comme un sourire fait de paix et de joie. Puis le téléphone a sonné, et le tableau s’est déchiré, petits morceaux se séparant les uns des autres.
Le vieux monde était de retour. Est-ce cela l’illumination, je ne crois pas, tout juste un petit flash, un cadeau que je n’attendais pas.

Martine Castello


Très vite, à la lecture, chaque phrase devint un onguent et je sentis mon cœur revenir au repos. Une heure passa et je n’avais toujours pas relâché l’attention une seconde. Arrivé à destination, je m’assis dans le hall de la gare en attendant que l’on vienne me chercher.
Soudain, un vide intérieur se produisit et un souffle paisible et léger m’envahit qui semblait s’étendre alentour. Il régnait un ordre parfait, chaque chose était à sa place rien à ajouter ou à enlever. Il n’y avait plus de séparation entre ce que j’étais, l’horloge au-dessus de la tête, les mains qui tenaient le livre et les gens dont je croisais le regard. Il n’y avait rien ! Juste une paix indescriptible, une communion absolue avec l’environnement et un calme ineffable. Mais très vite cet état se dissipa, pour réapparaître quelques jours plus tard.
Entre temps cette expérience m’avait redonné l’espoir de ne jamais désespérer et de ne rien rechercher car tout est là dans la saveur de l’instant où s’accordent le silence et l’immobilité.

Bruno Solt

jeudi 23 août 2007

• Une grande énergie qui baigne toute chose - Yamada Mumon Rôshi


Une grande énergie qui baigne toute chose



Yamada Mumon Rôshi
(1900-1988)

Mumon Rôshi nait en 1900 dans un petit village de montagne du Japon.
Enfant sensible doué d’un précoce talent littéraire il compte devenir homme de loi afin de répondre aux espoirs de ses parents et à sa propre soif de justice.
Mais, profondément travaillé par des interrogations sur le sens de la vie, il délaisse ses études. C’est alors qu’Ekai Kawaguchi Rôshi, premier maître zen a être entré au Tibet, donne une conférence sur le thème du bodhisattva qui impressionne fortement Mumon Rôshi.
Il décide de se consacrer à la pratique sous la férule d’Ekai Kawaguchi Rôshi, mais sa constitution fragile supporte mal la frugalité de la nourriture et l’extrême rigueur de la discipline. Aussi contracte-t-il la tuberculose. Décrété incurable par les médecins de l’époque, il vit reclus pendant deux ans, attendant la mort. Il arrive qu’un matin il se sent suffisamment bien pour ouvrir la fenêtre de sa chambre afin de laisser entrer la fraîcheur de la brise. Il prend soudainement conscience de la présence d’une grande énergie qui baigne toute chose et qui ne l’a jamais laissé seul. Il traduit cette expérience bouleversante dans un poème :

Toutes choses sont embrassées
Par l'Esprit Universel
Ceci raconté par le vent frais ce matin

Cette expérience marque le début de sa guérison puisque peu de temps après il rencontre un prêtre qui le guérit en trois mois en lui prescrivant l'utilisation de feuilles de néflier. Ayant recouvré la santé il se consacre à nouveau à la pratique du Zen au monastère de Myôshin-ji et de Tenryu-ji sous la direction de Seisetsu Genjo Rôshi, ceci jusqu’à l’âge de cinquante ans. Il dirige ensuite le monastère de Shôfuku-ji à Kobé puis assume la fonction de Supérieur de quelque trois mille temples et monastères. Consacrant chaque parcelle de son énergie, délivré de la maladie, à son enseignement intransigeant, à l’aide d’autrui, aux conférences et aux livres qu’il écrit, il consume sa vie dans la réalisation de sa vocation avec la simplicité et l’intensité d’un saint et est surnommé le Hakuin des temps modernes. Les dernières années de sa vie sont assombries par une maladie qui le diminue gravement, bien qu’il continue à dispenser son enseignement à travers ses calligraphies. C’est ainsi qu’il s’éteint à l’âge de quatre vingt huit ans, après avoir calligraphié son "poème d’avant la mort" :

Pour la libération des êtres,
Au bout du compte, il ne reste rien à dire.
Pas de mots (jap. Mu-Mon), pas de forme.
Il n'y a que l'abandon de toutes choses qui emplit ciel et terre